Se reporter à notre livraison précédente dans laquelle nous avons annoncé le présent article sous forme de questions posées à l’auteur.
L’art de la guerre à l’âge nucléaire (fin)
Réponse. — En voici un exemple. On a parlé d’une théorie militaire du point culminant de l’offensive, du point limite. C’est là l’exemple magistral d’une réflexion abstraite visant à reconnaître l’aspect le plus général d’un phénomène, d’un modèle comme on dit aujourd’hui en sciences politiques ou économiques, d’un modèle militaire donc, dont l’usage peut d’ailleurs par exemple éclairer différents aspects de l’action politique. Au fur et à mesure que le chef militaire s’avance, il étire ses lignes de communication, il s’essouffle, il essouffle ses troupes ; les choses deviennent de plus en plus difficiles pour lui cependant qu’elles deviennent de plus en plus faciles pour son adversaire rapproché de ses bases d’opérations, de ses bases de ravitaillement ; ainsi son armée va se concentrer, etc… etc… Les Israéliens pouvaient arriver au Caire ; mais après ? Ils n’étaient pas arrivés pour autant à Khartoum, et ils ne seraient arrivés à Khartoum qu’en s’essoufflant et en exposant leurs unités à des guérillas, des contre-attaques, des coups, etc…
Il y a donc un point au-delà duquel le vainqueur s’affaiblit. C’est la loi qu’énonce la théorie du point limite.
Encore faut-il observer que cette loi comme toutes les lois édictées en matière d’actions humaines n’est vraie que s’il ne se produit pas autre chose. Lorsque Hitler arrive en 1940 avec ses armées dans le centre de la France, il a peut-être atteint « le point limite » au regard des données militaires normales, mais rien ne l’empêche de le dépasser parce que la résistance française s’effondre. Si ses troupes éprouvent le besoin de reprendre souffle, il se trouve que ceux avec lesquels il est confronté ont perdu leur résistance propre. Hitler peut donc dépasser ce qui eût été normalement le point limite. De la même manière, si Napoléon entrant à Moscou avait vu se disloquer l’Empire des Tsars ou s’abaisser la volonté de résistance d’Alexandre (ce que Napoléon avait escompté), le point limite de son effort militaire aurait été l’apogée de sa victoire.
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