Militaire - La situation des personnels civils des Armées - Étude du char AMX-30 poseur de pont - Au Vietnam - Le Livre blanc britannique sur la Défense - Commémoration du 50e anniversaire des Forces armées soviétiques
La situation des personnels civils des armées
Le 18 mars 1968, M. Messmer (ministre de la Défense) a exposé à la Commission de défense nationale de l’Assemblée nationale, la situation des personnels civils des Armées.
De 1957 à 1967, les effectifs globaux des personnels civils des Armées sont passés de 181 700 à 149 150.
Par catégories :
– de 117 000 à 87 000 pour les ouvriers à statut ;
– de 28 000 à 27 000 pour les fonctionnaires ;
– de 4 300 à 4 000 pour les ouvriers en régie directe.
Cette évolution des ouvriers sous statut s’explique en grande partie :
– par les suppressions d’emplois intervenues en Afrique du Nord et outre-mer : 23 600 sur 32 500 emplois supprimés concernent les ouvriers sous statut ;
– par le transfert d’arsenaux au secteur nationalisé ou au secteur privé (arsenaux de Châtellerault, Limoges, Le Havre, Irigny, Valence, Mulhouse) ;
– enfin, par la contraction des effectifs des Armées et la réorganisation territoriale qui sont à l’origine de la suppression de plusieurs milliers d’emplois. Pendant cette même période, le nombre des personnels militaires a diminué de 500 000 unités.
Étude du char AMX-30 poseur de pont
Cette étude est conduite, dans le cadre de la Direction technique des armements terrestres, d’une part par l’Atelier de construction d’Issy-les-Moulineaux (AMX) pour le châssis, d’autre part par l’Établissement d’expérimentations techniques d’Angers (ETAS) pour la partie travure.
Trois prototypes de la travure sont prévus : deux réalisés par l’Arsenal de Tarbes (ATS), un réalisé par la société CODER.
Le premier prototype de travure réalisé par l’ATS vient d’être livré. Cette travure est destinée au franchissement d’assaut des rivières, coupures de terrains, etc., qui s’opposent à la progression d’unités blindées ou motorisées. Son originalité est d’être transportée, mise en place sur les coupures et reprise à partir d’un véhicule porteur adapté dont elle se sépare sans intervention humaine directe.
Constituée par deux éléments symétriques et repliables l’un sur l’autre pour en permettre le transport, elle offre une portée utile de 21 m et une voie utile de 8,60 m pour le passage de véhicules pesant jusqu’à 45 tonnes. Malgré cette performance de charge utile, le poids de la travure avait été impérativement fixé à moins de 8 000 kg.
Cet impératif a été tenu puisque le poids de l’ensemble n’est que de 7 800 kg, alors que le poids des matériels analogues existants se situe généralement aux environs de 11 000 kg. Ce gain de poids représente donc une véritable prouesse technique qui n’a été possible que par l’utilisation de techniques aéronautiques. La Société Latécoère a été, du reste, étroitement associée à cette réalisation.
Pour obtenir une structure à hautes performances, il a été fait appel à des alliages légers à haute résistance, du type « Duralium soudable », qui ont donné lieu à de nombreux essais de soudage, avant leur choix définitif.
Tous les éléments ont été soigneusement calculés ; le centre de calcul ATS « Bigorre » et l’ordinateur « Pallas » furent de ce fait largement mis à contribution.
Le circuit hydraulique de commande d’ouverture utilise la technique « 350 bars » qui a été longuement éprouvée par l’ATS, avant son application aux matériels du Génie. Le fluotournage a permis l’obtention d’éléments cylindriques particulièrement allégés.
La conjonction de toutes ces techniques modernes et parfois de pointe ont donné à la travure ATS des performances de charge et de portée qui lui permettent de surclasser les matériels de même type construits à l’étranger.
Le matériel complet sera expérimenté dans les prochains mois.
Au Vietnam
Dans ce même numéro, M. Jacques Vernant expose la décision du président Johnson concernant sa politique au Vietnam et le retrait de sa candidature aux prochaines élections présidentielles.
Cette décision traduit à la fois les déceptions éprouvées sur le plan militaire et l’évolution des esprits aux États-Unis mêmes. Un groupe de travail avait d’ailleurs été constitué pour étudier une révision de la politique américaine au Vietnam, du fait qu’il semble généralement admis :
– qu’à la suite de l’offensive du Têt, le programme de pacification aurait subi un retard d’environ 6 mois, selon les estimations les plus optimistes ;
– que les forces américaines auraient perdu l’initiative des opérations et seraient dans l’incapacité de reprendre la stratégie offensive préconisée par le général Westmoreland, de nombreux effectifs étant fixés sur leurs positions actuelles.
Un doute se manifeste dans les milieux politiques et militaires compétents américains sur la possibilité de reprendre avant longtemps cette initiative par une simple escalade dans les bombardements ou dans les effectifs, car les Nord-Vietnamiens disposeraient encore de forces importantes non engagées, capables de pratiquer une contre-escalade.
Actuellement, les effectifs américains s’élèvent à 510 000 hommes, y compris les 10 500 h envoyés à titre temporaire en février. Le général Westmoreland aurait demandé, selon la presse, 206 000 h mais on pense qu’il n’obtiendra que de 30 000 à 50 000 h au maximum. L’envoi de renforts, même réduits, va poser des problèmes importants au gouvernement car déjà le Pentagone, pour rassembler 10 500 h, avait dû prélever une brigade sur la 82e DAP (division aéroportée) – la seule division complète et opérationnelle stationnée aux États-Unis – et abandonner la règle suivant laquelle il doit s’écouler au moins deux années entre deux séjours au Vietnam.
Pour assurer la relève et renforcer le corps expéditionnaire, citons parmi les mesures possibles :
– l’augmentation du nombre des appelés ;
– l’augmentation de la durée du service militaire et de celle du séjour au Vietnam ;
– le prélèvement d’effectifs sur les unités stationnées en Allemagne et sur les forces stratégiques ;
– l’appel de réservistes soit à titre individuel, soit en mobilisant des unités de la Selected Reserve.
Le président Johnson vient d’annoncer l’envoi prochain de 18 500 h et en même temps la nécessité de mobiliser des réservistes.
Quant au coût du conflit vietnamien, il a déjà dépassé les crédits inscrits au budget 1967-1968 : le président Johnson vient de donner le chiffre de 2,5 milliards de dollars. Aussi le gouvernement semble-t-il pressé d’obtenir du Congrès le vote d’une surtaxe fiscale de 10 %.
Le Livre blanc britannique sur la défense
Comme chaque année, le gouvernement britannique a publié, en février, son Livre blanc pour l’exercice 1968-1969 ; il est consacré aux mesures décidées pour réduire les dépenses de défense. Il sera complété par un Livre blanc supplémentaire dont la parution aura lieu en juillet et qui donnera des précisions sur les modalités d’application de ces mesures.
Ce premier Livre blanc confirme la politique d’austérité définie par le gouvernement au lendemain de la dévaluation de la Livre.
Les crédits alloués pour l’exercice 1968-1969 se montent à 2 271 millions de Livres contre 2 205 pour le budget précédent ; mais ils ne représentent plus que 6 %, au lieu de 6,50 %, du produit national brut (au coût des factures).
D’autre part, cet accroissement relatif des dépenses s’explique par l’augmentation des prix en Grande-Bretagne et des frais d’entretien des troupes stationnées outre-mer dus aux effets de la dévaluation ainsi que par la nécessité d’indemniser certains fournisseurs dont les marchés ont été annulés.
Les grandes options de la politique de défense sont les suivantes :
– concentration des forces de défense sur l’Europe et sur la zone de l’Atlantique Nord ;
– évacuation des forces stationnées à l’Est de Suez pour fin 1971 au plus tard ;
– regroupement, en métropole, des réserves stratégiques susceptibles d’intervenir outre-mer, aucun élément stratégique ne devant plus être stationné hors d’Europe à partir de 1972 ;
– réduction du volume des forces armées d’au moins 75 000 hommes ;
– maintien de la Grande-Bretagne comme membre du CENTO (Central Treaty Organisation) et de l’Otase (Organisation du Traité de l’Asie du Sud-Est), tout en réduisant cependant la contribution britannique à ce dernier organisme ;
– intégration de services appartenant aux trois armées, notamment les contrôles financiers ;
– réduction progressive des effectifs des Conseils supérieurs des trois armées et de l’État-major de Défense.
Cette politique d’économie entraîne la réorganisation des grands commandements :
Armée de terre : fusion des Southern et Eastern Command (Commandements Sud et Est) ;
Armée de l’Air : fusion des Bomber et Fighter Commands pour constituer le Strike Command qui, ultérieurement, absorbera le Signals Command et le Coastal Command.
Marine : unification territoriale maritime sous l’autorité d’un préfet maritime unique à Portsmouth de qui dépendront les quatre arrondissements maritimes : Portsmouth, Plymouth, « Scotland and Northern Ireland » et Medway.
En ce qui concerne les armements, le Livre blanc indique qu’il sera procédé :
– au développement de la flotte sous-marine pour atteindre 4 sous-marins Polaris et 7 sous-marins nucléaires de chasse ;
– au désarmement des porte-avions en 1972, après l’évacuation de la Malaisie ;
– au ralentissement des constructions navales ;
– à une réduction de 50 % des crédits destinés à l’Alat (aviation légère de l’armée de terre) ;
– à la construction de 180 chars Chieftain en 1967-1968 ;
– à l’annulation de la commande des 50 avions F-111 aux États-Unis ;
– à la dissolution prochaine de 2 escadrons de Victor B armés de Blue Steel ;
– à une réduction des moyens de la force de transport.
Ce budget ne semble pas satisfaire certains ministres travaillistes. Aussi le Cabinet étudierait-il des mesures supplémentaires pour diminuer encore les dépenses de défense.
Commémoration du 50e anniversaire des Forces armées soviétiques
Cette commémoration a été marquée par une cérémonie solennelle, le 23 février 1968, au Kremlin, en présence de toutes les personnalités civiles et militaires soviétiques ainsi que de nombreuses délégations étrangères.
Trois personnalités ont réaffirmé avec vigueur le rôle du parti en tant qu’inspirateur et organisateur des forces armées. Le parti considère, en effet, que l’armée est un moule dans lequel tous les citoyens apprennent la discipline à appliquer au sein du parti.
Ces discours prononcés par M. Brejnev, le maréchal Gretchko et le général Kolesnikov doivent servir ultérieurement pour l’instruction politico-idéologique des cadres et de la troupe.
Le maréchal Gretchko a affirmé que : « l’impérialisme n’est pas un tigre de papier », qu’il ne faut pas le sous-estimer et que la vigilance reste nécessaire. Mais les forces armées soviétiques, grâce à leur polyvalence, sont capables de conduire avec succès et dans n’importe quelles conditions – sur terre, dans les mers et dans les airs ; de jour comme de nuit – des opérations tactiques avec ou sans emploi des armes nucléaires. La direction du Parti est la source principale de l’unité et de la force des armées.