L'importance que revêtent pour tous les Français les problèmes économiques et monétaires actuels nous incite à publier en tête de ce numéro un intéressant article du Professeur Paul Coulbois, notre collaborateur de longue date. Cette analyse approfondie et objective de la genèse de la crise et des mesures de redressement en cours est exprimée très librement et d'un point de vue spécifiquement technique ; elle ne représente naturellement que l'opinion de son auteur.
La crise monétaire
La crise monétaire qui a frappé la France en novembre 1968 a été d’une ampleur et d’une gravité rares dans notre histoire, pourtant fertile en accidents de ce genre. Il faut remonter à 1936, voire au mois de juillet 1926 pour trouver une spéculation aussi intense, et encore le franc mis en péril par le « gouvernement de la panique » qui avait précédé Poincaré était-il une monnaie flottante. C’est en outre la première fois que des déclarations de personnalités étrangères ont donné pour certaine, pendant deux jours au moins, la dévaluation d’une monnaie, qui finalement n’a pas eu lieu.
Durant cette période de suspense, la presse mondiale a ouvertement discuté, non point du principe — qui semblait à tous d’ores et déjà acquis — mais du taux de l’ajustement. Jamais peut-être exemple plus significatif n’a été apporté de la médiocrité générale des commentaires, tant dans les journaux qu’à la radiodiffusion. Le vendredi 22 au matin, un « spécialiste » énonçait avec le plus grand sérieux que le taux « logique » de la dévaluation était de 12,5 % ; quelques heures plus tard, on nous expliquait doctement que la dévaluation était inévitable parce que, si le « moteur économique » était bon, « l’essence utilisée contenait des impuretés », ce qui rendait nécessaire un « nouveau réglage du carburateur », entendez une dévaluation. Le lendemain soir, c’était à qui démontrerait son indéfectible et permanente confiance dans le taux de change… Un monumental sottisier serait aisément rempli de ces déclarations et palinodies, où la suffisance des auteurs le disputait à leur ignorance. En reconnaissant même combien il est difficile de rester objectif dans des jours aussi troublés force est bien de constater le niveau affligeant de la culture économique dans notre pays, même si, par respect pour les institutions parlementaires, on préfère ne pas évoquer certaines interventions faites au Palais Bourbon ou au Luxembourg.
Pour tenter d’y voir un peu clair, il faut examiner la genèse de la crise, son déroulement, les mesures de redressement, sans d’ailleurs se dissimuler les risques d’erreurs d’une telle tâche, s’appliquant à des événements récents, sur lesquels les informations sont encore à la fois rares et contradictoires.
Il reste 95 % de l'article à lire
Plan de l'article