Militaire - France : l'équipement militaire français - États-Unis : M. Nixon et la politique de défense - URSS : préparation militaire obligatoire - Italie : le budget de défense en 1969 - Belgique : plan de restructuration des forces - Pays-Bas : achat de chars Leopard - Yougoslavie : modernisation de la défense nationale - Australie : réorganisation de la défense - Inde : inquiétude en Assam - Tunisie : coopération américano-tunisienne - Moyen-Orient : Ligue arabe, Syrie, Irak
France : l’équipement militaire français
Le Gouvernement français vient, comme chaque année, de déposer sur le bureau de l’Assemblée un compte rendu faisant, en particulier, ressortir l’état d’exécution de la loi de programme du 28 décembre 1964. Pour ce qui concerne l’Armée de terre, les précisions suivantes ont été apportées.
Matériels terrestres
L’étude du système d’armes Pluton, vecteur et charges, se poursuit. Un premier tir de maquette a eu lieu avec succès au Centre d’essais des Landes, tandis que l’adaptation du châssis AMX-30 se développe. La cadence de production des chars AMX-30 permettra la réalisation d’environ 200 chars en fin d’année 1968. La commande des canons de 155 mm automouvants sur châssis AMX-13 sera livrée au début de 1971 et celle des 200 VTT (Véhicules de transport de troupe) dans les prochains mois. La fabrication des véhicules de combat du Génie sera aussitôt entamée pour s’achever fin 1970. La production des camions tactiques Berliet se maintient à 100 véhicules par mois.
Au 1er août 1968, près de 4 000 véhicules de servitude Simca-Marmon ont été livrés. La fabrication des matériels amphibies Gillois se poursuit régulièrement (29 engins travures en 1968), celle des pelles et excavateurs moyens est achevée. Alors que la production des missiles antichars prévus se termine, une nouvelle roquette antichar légère a fait l’objet d’une première commande de série. La réalisation de matériels de détection et de protection nucléaire : radiamètres, dosiraètres, calculateurs radiologiques, appareils de décontamination et de détection chimiques, se poursuit normalement.
Matériels aériens
Les dernières commandes d’Alouette II et d’Alouette III ont été passées en 1968. L’expérimentation en vol des prototypes de SA330 Puma se poursuit. L’étude de l’hélicoptère léger d’observation à rotor rigide SA340 Gazelle destiné à remplacer l’Alouette II est en cours dans le cadre d’une coproduction franco-britannique, ainsi que celle de l’hélicoptère WG.13 Lynx bimoteur.
Matériels de transmissions
Les équipements radio et infrarouges destinés aux matériels mis en service ont été livrés ainsi que les faisceaux hertziens et les postes radio des transmissions du corps de bataille. La deuxième tranche de radars de surveillance du champ de bataille est en cours de réalisation.
Études et recherches
Le programme d’avion expérimental à deux hélices carénées en bout d’ailes se poursuit ainsi que les études concernant l’adaptation des engins Acra (Anti-char rapide autopropulsé) et Hot (Haut subsonique optiquement téléguidé) sur engins blindés, les matériels de franchissement futurs, le Missile d’infanterie léger antichar NATO ou Milan (en coopération franco-allemande), le prototype fonctionnel du système sol-air de défense rapprochée Roland, temps clair, et sa version tous temps (en coopération franco-allemande également).
Aspect financier
L’examen des variations par rapport aux prévisions de la loi de programme fait apparaître, en ce qui concerne les forces classiques, une augmentation de la rubrique matériels aéronautiques, due en partie à la hausse du prix de l’hélicoptère de manœuvre, et une réduction de la rubrique matériels terrestres appliquée principalement au blindé léger, qui doit remplacer la famille de l’AMX-13, aux véhicules non blindés, aux missiles et aux munitions.
États-Unis : M. Nixon et la politique de défense
L’analyse des nombreuses déclarations qu’a faites M. Nixon au cours de la campagne électorale permet de dégager les principales idées du futur président des États-Unis en matière de défense.
C’est, bien entendu, la prise de position de M. Nixon à l’égard du Vietnam qui était la plus attendue. Il semble que, dans ce domaine, la politique du président élu ne doive guère différer de celle de son prédécesseur. Il s’est, en effet, déclaré opposé à la reprise des bombardements sur le Nord-Vietnam tout en soulignant d’ailleurs que ces raids constituaient un atout dans le jeu des États-Unis. De même, il s’est montré opposé à l’emploi des armes nucléaires et favorable à une plus large participation des Sud-Vietnamiens aux opérations militaires. Tout au long de sa campagne électorale, M. Nixon n’a en fait cessé de soutenir la politique vietnamienne du président Johnson et nul ne doute aux États-Unis qu’il adoptera une ligne de conduite au moins aussi ferme que celle du président sortant.
En revanche, son attitude à l’égard des autres grands problèmes mondiaux : Otan, Moyen-Orient, désarmement, semble devoir différer sensiblement de celle de M. Johnson.
Pour le président élu, en effet, un renforcement de l’Alliance Atlantique est la condition préalable à toute tentative de poursuite d’une politique de détente avec le monde communiste. M. Nixon projette d’ailleurs d’effectuer un voyage en Europe afin de procéder à une réévaluation de la politique suivie par l’administration Johnson et de préparer des réformes pour l’avenir. Les Nations alliées de l’Otan ne devront plus être considérées comme des associés mineurs, mais devront participer plus activement à la planification de la défense atlantique et à la mise sur pied des moyens nécessaires pour atteindre cet objectif.
En ce qui concerne le Moyen-Orient auquel il attache une grande importance, M. Nixon considère que c’est dans cette partie du monde que le risque de guerre mondiale est le plus élevé. Il estime par ailleurs que les États-Unis doivent faire comprendre à l’URSS l’intérêt profond qu’ils portent au maintien de l’existence d’Israël. Il est certain, en particulier, que M. Nixon, tout en préférant un règlement pacifique direct entre ce pays et ses voisins arabes, se montrera favorable à un accroissement de l’aide américaine. Il en a d’ailleurs récemment donné la preuve en approuvant le principe d’une vente de 58 chasseurs à réaction McDonnell Douglas F-4 Phantom II à Israël.
À propos du désarmement, M. Nixon a l’intention de poursuivre la politique de détente entre l’Est et l’Ouest adoptée par le président Johnson. Son approche du problème est cependant assez différente, la négociation avec Moscou ne devant, à son avis, être abordée qu’à partir d’une position de force. C’est ainsi qu’au cours de sa campagne électorale il a accusé l’administration démocrate d’avoir laissé les États-Unis prendre du retard dans la course qui les oppose à l’URSS en matière d’armements nucléaires. Aussi, dans la mesure où il restera fidèle aux idées qu’il a exprimées, l’ouverture de négociations avec I’URSS sur la limitation des armements nucléaires offensifs et défensifs n’est sans doute pas à prévoir dans un proche avenir.
La mise en œuvre de cette politique de défense implique un renforcement du potentiel militaire des États-Unis. Il ne fait aucun doute que M. Nixon essayera de rattraper le retard pris, selon lui, par les forces armées américaines et voudra accroître le nombre et la qualité des missiles, des avions et des sous-marins nucléaires de façon à replacer les États-Unis dans la position de supériorité qu’ils occupaient précédemment face à l’Union soviétique. Il est également permis de penser que le nouveau président renforcera l’influence du Haut Commandement militaire. L’ère des jeunes technocrates et fonctionnaires civils de la Défense, mis en place par M. McNamara (secrétaire à la défense de 1961 à 1968), paraît révolue et il est à prévoir qu’une collaboration plus directe et plus étroite s’établira entre le président et les chefs militaires du Pentagone.
En conclusion, si l’arrivée au pouvoir de M. Nixon ne paraît pas devoir apporter de changements notables à la politique vietnamienne actuellement suivie par l’administration démocrate, le futur président des États-Unis semble, en revanche, vouloir affronter le règlement des autres problèmes intéressant la défense des États-Unis à partir d’une position plus forte que son prédécesseur. Il reste à savoir si le Congrès, dont la majorité est restée démocrate à la suite des dernières élections, voudra bien lui accorder les moyens financiers nécessaires pour mener cette politique.
URSS : préparation militaire obligatoire
La presse militaire a annoncé le début officiel de l’instruction prémilitaire. Prévue par la loi sur le service universel d’octobre 1967 la préparation militaire obligatoire a commencé le 1er octobre sous la responsabilité du Commandant en chef des Forces terrestres. Elle semble correspondre au double but de compenser la réduction du service actif et de stimuler le patriotisme de la jeunesse. La préparation militaire intéresse en Union soviétique tous les jeunes hommes de 16 à 18 ans.
Italie : le budget de défense en 1969
Le projet de budget de défense italien pour 1969 fait apparaître qu’en dépit de la crise tchécoslovaque et du renforcement soviétique en Méditerranée, l’Italie continue de donner la priorité au développement économique et social, au détriment notamment du plan d’équipement quinquennal de ses forces armées.
Ce projet prévoit 1408,4 milliards de lires de dépenses, soit 7,4 % de plus qu’en 1968 alors que le budget de l’État augmente de 16,4 %. Le ministre de la Défense, M. Gui, a souligné, devant la Commission de la chambre que la part du Produit national brut (PNB) consacrée par l’Italie à la défense (2,9 %) était la plus faible de tous les pays de l’Est et de l’Ouest, y compris la Suède et la Suisse.
Belgique : plan de restructuration des forces
M. Segers, ministre de la Défense, a exposé, le 29 octobre 1968, les grandes lignes de la politique militaire belge et confirmé dans son ensemble le « plan de restructuration » élaboré par son prédécesseur M. Poswick.
Les mesures adoptées ont pour objet de diminuer les dépenses de personnel afin de faire face aux dépenses d’équipement entraînées par la modernisation des armements (programme Leopard, Mirage et escorteurs).
La Force d’intervention stationnée en Allemagne sera ramenée de 6 à 4 brigades. Cependant, à la suite des événements de Tchécoslovaquie et des pressions exercées par l’Otan, cette décision est momentanément reportée. Aucune unité stationnée en RFA ne sera rapatriée en 1968. Le pourcentage des militaires de carrière dans les 4 brigades destinées à rester sera augmenté. L’armement sera valorisé par la mise en place des chars Leopard et la rénovation des chars Patton qui pourront éventuellement doter une 5e brigade appartenant à la force de défense de l’intérieur.
Les effectifs de la gendarmerie seront augmentés progressivement de 12 500 à 15 000 hommes et leur équipement modernisé par l’achat d’automitrailleuses Herstal.
Pays-Bas : achat de chars Leopard
Les Pays-Bas viennent de fixer leur choix sur l’achat de 415 chars Leopard de fabrication allemande, avec option sur 150 autres. Le marché, dont le montant s’élèvera à 500 millions de florins (soit 675 M de francs), comprendra des livraisons échelonnées de la fin de 1969 au milieu de 1971.
L’AMX-30, le Chieftain britannique et le MBT 700 germano-américain ont été écartés pour des raisons financières et techniques. Les compensations qui couvrent 50 % du marché intéresseront en particulier les usines néerlandaises DAF et Signal Apparenten, auprès desquelles les Allemands commanderont du matériel automobile et des équipements électroniques.
Le souci de rendre homogène l’armement en Europe de l’Ouest a aussi joué en faveur du char allemand : en 1971, sur 11 divisions du Groupe d’armées Nord, 9 seront équipées de Leopard.
Quant aux Centurion actuellement en service dans l’Armée néerlandaise, ils seront soit mis en dépôt pour être transférés aux Forces territoriales, soit dotés de nouveaux moteurs aux performances très améliorées.
Les Anglais se montrent déçus de la commande de Leopard. Ils vendront néanmoins aux Néerlandais des munitions pour le canon de 105 britannique qui arme ce char.
Yougoslavie : modernisation de la défense nationale
Le projet de refonte de la législation de Défense nationale a été adopté le 7 octobre 1968 par le Conseil exécutif fédéral et sera soumis à l’Assemblée fédérale. Les nouvelles lois de défense, destinées à remplacer la loi unique actuelle, sont au nombre de trois :
– Loi sur les obligations militaires,
– Loi sur la défense nationale,
– Loi sur la défense civile (concernant aussi les unités territoriales).
Aucun projet n’a encore été publié. Ces textes pourraient être rendus publics au début de 1969.
Parlant le 17 novembre 1968 devant les commissions parlementaires pour le budget et la défense, de la situation politique et militaire dans le monde, le Secrétaire d’État à la Défense, le général Ljubicic, a traité de la modernisation de l’Armée yougoslave, principal objectif du plan de développement des Forces armées jusqu’en 1978. Il a annoncé que la Yougoslavie dépenserait, en 1969, 1 900 M de dinars (environ 800 M de francs) pour l’achat d’équipement et d’armement, soit 26 % du budget total de la Défense (pourcentage approximatif).
Australie : réorganisation de la défense
L’Australie, dont l’organisation militaire n’avait pas évolué depuis 25 ans, commence une importante modification de ses structures de défense. Le dispositif actuel, pour des forces armées pourtant modestes, est extrêmement complexe : 5 ministres, 5 secrétaires généraux, 38 sous-secrétaires, etc. La réorganisation en cours tend à donner au ministre de la Défense un rôle dominant en lui confiant l’élaboration de la politique militaire et des plans. C’est ainsi qu’un sous-chef d’état-major Plans a été mis en place au ministère de la Défense. Il regroupe sous son autorité les bureaux plans qui appartenaient autrefois à chaque état-major. Le secrétaire d’État du département de la Défense vient de se rendre aux États-Unis et au Canada pour étudier sur place l’organisation de la Défense et les résultats des mesures d’intégration prises dans l’armée canadienne.
Inde : inquiétude en Assam
La situation en Assam redevient préoccupante avec la perspective de nouvelles infiltrations, à travers la Haute Birmanie, d’éléments rebelles entraînés et armés en Chine. 600 hommes environ auraient déjà pénétré depuis le début de 1968 au Nagaland et près de 1 000 autres seraient sur le point d’y entrer.
Tunisie : coopération américano-tunisienne
Le resserrement des liens de coopération et d’amitié entre les États-Unis et la Tunisie s’est matérialisé fin août par des exercices de débarquement sur la côte septentrionale de la Tunisie avec la participation d’unités de l’armée tunisienne et de la VIe Flotte américaine. Ces exercices, de portée très limitée, ont donné lieu à des réceptions officielles à bord du porte-avions Independance, et à une visite du commandant de la VIe Flotte au président Bourguiba.
Moyen-Orient
Ligue Arabe : efforts pour un commandement oriental
Lors de sa réunion de septembre 1968 au Caire, le Conseil de la Ligue arabe, devant les obstacles opposés par la Syrie à la mise sur pied d’organismes communs de défense, s’est borné à inviter ses membres à traiter bilatéralement avec la Jordanie du soutien qu’ils pourraient lui accorder pour assurer sa sécurité contre Israël. La création prochaine d’un commandement du front oriental sous commandement irakien a été étudiée peu après entre l’Irak, la Syrie et la Jordanie, mais il reste bien des étapes à franchir avant que les mesures envisagées puissent entrer en application et se révéler efficaces.
Syrie : Divergences entre dirigeants civils et militaires
Au cours des assises générales du parti Baas, qui se sont tenues en octobre à Damas, le général Hafezel Assad, ministre de la Défense, et le général Mustapha Tlass, Chef d’état-major, auraient exprimé des réserves sérieuses à l’égard de la politique suivie par les leaders civils, en particulier par le Premier ministre M. Zouayen et le ministre des Affaires étrangères, M. Makhos. Ils leur auraient reproché : la priorité accordée au développement économique au détriment de la lutte contre Israël, la mise sur pied de milices populaires dont l’efficacité tactique est douteuse alors que l’équipement et le développement de l’Armée régulière ne font pas l’objet de tous les soins qu’ils méritent, l’isolement relatif de la Syrie par rapport à ses partenaires arabes, la trop grande dépendance à l’égard de l’Union Soviétique en matière de défense et de coopération technique.
À l’issue de la crise née du remaniement ministériel qui a suivi le congrès, le ministre de la Défense a conservé son poste alors que le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ne figurent pas dans la nouvelle équipe. Mais il ne s’agit probablement là que d’un compromis dont la remise en cause n’est pas à exclure.
Irak : Livraisons d’armes
Les livraisons de chars T-55 soviétiques à l’Irak depuis la fin de la guerre des Six Jours ont été plus importantes qu’on ne s’y attendait en général. 170 unités ont été acheminées ainsi que deux avions de transport An-29. Des Su-7, des Mig-21 et des groupes d’artillerie de campagne et de DCA d’origine tchèque sont attendus. ♦