Maritime - Dans la Marine française : problèmes budgétaires, évolution du matériel et activités diverses - L'évolution récente des grandes marines étrangères : États-Unis, Grande-Bretagne, Union soviétique ; évènements de guerre - Le rapport annuel de la chambre syndicale des constructeurs de navires et la situation des marines marchandes à l'automne 1968
Dans la marine française : problèmes budgétaires, évolution du matériel et activités diverses
Presque au même moment où le projet de budget des Forces armées pour 1969, déjà approuvé sans modifications par l’Assemblée nationale dans la nuit du 30 au 31 octobre 1968, recueillait le 30 novembre l’adhésion du Sénat, le refus de dévaluer le franc et la politique d’austérité par quoi nous entendons combattre la crise monétaire et ses conséquences ont conduit le gouvernement à réduire de 11,7 milliards à 6,35 Mds le découvert global du prochain exercice, tant par une compression sévère des dépenses que par une augmentation des recettes fiscales. L’amputation de 400 millions imposée aux Forces armées aura pour effet de ramener de 17,8 % à 17,5 % environ (19,44 % en 1968) le pourcentage de leur budget dans le budget national ; l’on ne sait encore comment cette amputation sera répartie, si ce n’est que le gouvernement a annulé la campagne de tirs dans le Pacifique en 1969 (1) et que, d’après les déclarations de M. Messmer au Sénat le 30 novembre 1968, le complément des économies prescrites porterait à la fois sur certaines dépenses de personnel et sur les dépenses d’infrastructure du Titre V. Nous y reviendrons quand le détail en aura été rendu public.
Il n’en va pas moins que la crise que la France vient de traverser fait peser sur elle la menace de nouvelles hausses des salaires et des prix : M. Messmer considérait, on s’en souvient, à la fin d’octobre, cette menace comme particulièrement dangereuse pour l’équilibre du nouveau budget des Forces armées (chronique Maritime de décembre, p. 1963).
Pour nous en tenir, quant à présent, à la Marine seule, l’annulation de la campagne de tirs dans le Pacifique ajourne uniquement, vient de dire le Ministre, les « premiers pas vers un armement thermonucléaire… qui n’est pas inscrit dans la deuxième loi de programme » ; elle ne provoquera aucun retard dans l’équipement des têtes nucléaires des engins MSBS (Mer-sol balistique stratégique), déjà expérimentées. Rappelons que, le 16 novembre, le sous-marin expérimental Gymnote a lancé pour la première fois, en plongée au large des Landes, un MSBS à deux étages actifs de 10 tonnes et 4 t au propergol solide en direction des Açores : le missile (sans charge nucléaire évidemment) a atteint une portée de 1 900 kilomètres.
D’assez nombreux exercices, nationaux ou internationaux, bilatéraux ou multilatéraux, se sont déroulés au mois de novembre, tant dans les mers lointaines que dans les eaux européennes. Parmi les premiers, deux exercices exécutés par la Force Alfa pendant son trajet de retour vers la métropole, l’un en liaison avec la marine argentine (antiaérien et anti-sous-marin, du 8 au 5), l’autre avec la marine brésilienne (AA, ASM et attaque de nuit, le 14). – Un exercice franco-allemand baptisé Gemex 68 (AA, ASM, tirs et ravitaillement à la mer) a rassemblé au large des côtes bretonnes, du 29 au 31 octobre, puis les 4 et 5 novembre, des escorteurs de l’escadre de l’Atlantique, 1 sous-marin de Lorient, des Breguet Atlantic, des P2V7 Neptune et des hélicoptères ASM basés en Bretagne, 3 escorteurs et 2 Atlantic de la Bundesmarine. – Le plus important de ces exercices a été sans conteste l’exercice interallié Eden Apple en Méditerranée occidentale (1re quinzaine de novembre, – une cinquantaine de bâtiments américains, britanniques, français, grecs et italiens) : y ont pris part de notre côté, au moins temporairement, le croiseur antiaérien Colbert, le porte-avions Foch, 3 escorteurs et 2 sous-marins. – Signalons enfin la prochaine rencontre en Méditerranée, pour leur exercice annuel en commun, des deux escadres de l’Atlantique et de la Méditerranée, celle-ci grossie pour la circonstance du Foch et de la frégate lance-engins Suffren qui ne lui appartiennent pas organiquement (17 et 18 décembre. L’escadre de l’Atlantique a appareillé de Brest dès le 14 novembre pour des exercices préalables dans le golfe de Gascogne).
Rapprochés par une partie de la presse de la présence navale russe en Méditerranée, l’exercice Eden Apple et l’exercice français interescadres attendu pour le mois de décembre ont fait couler beaucoup d’encre. Il convient de préciser que l’un et l’autre sont des exercices de routine, qu’ils ont été prévus et préparés depuis de longs mois et que, si la réunion de nos forces de l’Atlantique et de la Méditerranée n’a pas lieu, comme précédemment, dans la zone des Canaries, ce n’est pas non plus la première fois qu’elle aura les eaux de Provence et de la Corse pour théâtre. Cela n’exclut pas que le Conseil des ministres de l’Otan, rassemblé à Bruxelles les 15 et 16 novembre (il n’est pas du ressort de cette chronique d’y insister), se soit vivement préoccupé des mouvements de la flotte russe en Méditerranée et ait décidé de renforcer le contrôle aéronaval de cette mer.
L’évolution récente des grandes marines étrangères : États-Unis, Grande-Bretagne, Union soviétique. Événements de guerre
Deux mois à peine nous séparant de la publication du projet de loi de finances des États-Unis pour l’exercice 1969-1970, il n’est pas inutile de rappeler le sort réservé par le Congrès aux constructions neuves (17 unités), ainsi qu’aux conversions ou modernisations (20 unités) demandées par la Navy pour 1968-1969. La plupart des unes et des autres ont été approuvées :
– parmi les premières, 2 sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), 5 destroyers du type nouveau DX (également remarquable par son armement de surface et AA – artillerie et engin surface-air à courte portée Sea Sparrow –, et son armement ASM – Asroc et hélicoptères, 1 sonar d’étrave et 1 sonar remorqué du dernier modèle), 1 bâtiment d’assaut polyvalent du type LHA de 40 000 t, 2 bâtiments bases de sous-marins et de destroyers. Mais le Congrès a rejeté une fois de plus les 4 Fast Deployment Logistic Ships réclamés avec insistance par l’US Navy ; il a également refusé les crédits qu’elle demandait pour la mise en train du programme de destroyers DXG (lanceurs d’engins Tartar D de portée moyenne), et la fabrication d’une petite série d’intercepteurs F-111B, version navale du F-111A,
– parmi les secondes, la transformation de 6 sous-marins Polaris en lanceurs d’engins Poseidon à charges multiples a été acceptée.
D’autre part, sans doute à la suite de l’émotion soulevée par l’existence supposée dans la flotte soviétique de nouveaux sous-marins dont les engins MSBS auraient à peu près la puissance et la portée des Polaris, le Département de la Défense vient d’être invité à accélérer l’étude de 2 types de sous-marins nucléaires d’attaque dont l’un serait plus silencieux et l’autre plus rapide que les SSN dérivés du Thresher.
Mais l’exploit le plus extraordinaire accompli récemment par la marine américaine a été la découverte, le 30 octobre, de l’épave du SSN Scorpion, détectée par 3 000 m de fond, à 400 nautiques au Sud-Ouest des Açores, par le navire océanographe Mizar. De très nombreuses photographies du Scorpion ont été prises par le moyen d’un projecteur associé à un magnétomètre. Malgré la discrétion observée par les autorités, il semblerait résulter de l’interprétation des meilleures d’entre ces photographies que le malheureux bâtiment, au lieu d’avoir coulé à la suite d’une avarie qui aurait favorisé l’invasion de l’eau, aurait été écrasé à grande profondeur par la pression.
Dans la marine britannique, le sous-marin lanceur d’engins MSBS Benown, dont l’achèvement avait été retardé par des grèves, vient enfin d’être « commissionné » le 15 novembre : mis sur cale, puis lancé avant le Repulse, il aurait dû le précéder aussi dans l’incorporation à la flotte active. Quoi qu’il en soit, 3 sous-marins de représailles stratégiques sont à présent en service, en essais ou à l’entraînement : seul, le Revenge, lancé le 15 mars 1968, demeure en construction, et l’on ne peut qu’admirer la ténacité avec laquelle la Grande-Bretagne, malgré ses difficultés financières et la crise provoquée par l’abandon à terme du porte-avions, a mené de front depuis une douzaine d’années la constitution d’une force de dissuasion sous-marine et d’une « force d’action extérieure », sous-marins nucléaires de chasse, sous-marins classiques à hautes performances, navires amphibies, croiseurs porte-hélicoptères, frégates lance-engins, frégates et escorteurs.
Depuis les renseignements recueillis sur les caractéristiques du croiseur porte-hélicoptères Moskva et la construction probable de nouveaux sous-marins lance-missiles balistiques stratégiques (cf. revue de novembre 1968, p. 1775, et de décembre, p. 1965), peu de nouvelles ont filtré sur la marine soviétique, si ce n’est que le Moskva et 3 destroyers ont regagné la mer Noire le 4 novembre, et aussi que l’URSS confirme sa politique de présence dans l’océan Indien, une seconde Task Force en croisière dans cet océan ayant relâché à Mombasa (Kenya) à la fin du mois.
L’activité militaire s’est, on le sait, relâchée en Indochine depuis que l’arrêt des bombardements aériens sur le Nord-Vietnam, décidé le 31 octobre 1968, a ouvert la voie, au moins en principe, à des négociations sérieuses entre Washington et Hanoï. Au Moyen-Orient seulement, une curieuse opération de guerre à laquelle des navires israéliens ont été mêlés mérite de retenir l’attention : dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1968, 3 petits bâtiments qui avaient appareillé d’Eilath et de Charm El Cheikh avec des hélicoptères porte-commandos ont lâché ceux-ci sur la côte égyptienne au Sud de Hurghada ; les commandos ont saboté deux ponts et une centrale électrique sur le Haut-Nil en aval de Louksor, puis ont rallié Israël en hélicoptères. Si les destructions subies n’affectent guère l’économie égyptienne, cette opération amphibie exécutée au moins en partie avec des moyens de fortune témoigne un sens de l’organisation et une hardiesse remarquables.
Le rapport annuel de la Chambre syndicale des constructeurs de navires et la situation des marines marchandes à l’automne 1968
Comme de coutume, l’excellent rapport soumis à l’assemblée générale annuelle de la Chambre syndicale par M. de Mas Latrie, délégué général, étudie successivement l’évolution de l’armement international, de la construction navale internationale et des industries navales françaises au cours de l’exercice écoulé et des premiers mois de 1968. Par la richesse de sa documentation, comme par la sûreté de ses analyses et de ses jugements, cet opuscule ne se recommande pas seulement aux armateurs et aux constructeurs, mais à l’économiste, voire à l’historien de l’économie. Imprimé à la fin du printemps 1968, on nous excusera pourtant de le compléter çà et là par des informations postérieures à sa publication.
L’augmentation du trafic maritime mondial et celle de la flotte de commerce ont été à peu près semblables en 1967 (6 à 8 %). Si les frets restent déprimés (2), ce n’est pas la surabondance du tonnage qu’il faut en rendre responsable (la faiblesse des désarmements le prouve aussi), mais l’apparition massive d’unités ultramodernes, rentables jusque dans un marché déprécié. Forte de 182 100 000 tonneaux au 1er juillet 1967 (171 180 000 un an plus tôt), la flotte mondiale n’a cessé de s’accroître depuis, pour atteindre 194 152 000 tx le 1er juillet 1968, d’après les statistiques du Lloyd’s Register. L’historien remarquera qu’à l’ancienne suprématie britannique (26 % du tonnage mondial en 1989), s’est substituée de plus en plus nettement la formation d’un « peloton de tête » de cinq marines jaugeant de 25 700 000 tjb à 19 600 000 (Liberia, Grande-Bretagne, États-Unis, Norvège et Japon), où l’anglaise n’occupe plus que le second rang, avec 11,29 % seulement du tonnage mondial au 1er juillet 1968 ; derrière elles l’URSS, qui accroît sa flotte de plus d’un million de tonneaux par an, atteint 12 000 000 tjb. La France, dépassée non seulement par ces puissances, mais par la Grèce, l’Italie et l’Allemagne fédérale, ne figure qu’au dixième rang, avec 3 % à peine du tonnage mondial, tandis que sa part moyenne dans l’ensemble des activités économiques du globe se situe entre 5 et 10 %.
Les traits les plus caractéristiques de l’évolution des types de navires en service en 1967 et dans les premiers mois de 1968 ont consisté dans :
– l’augmentation, moins globale qu’unitaire, du tonnage pétrolier. Si les pétroliers continuent, en effet, depuis plusieurs années, de représenter 35 à 36 % du tonnage mondial, la crise de Suez a eu pour conséquence d’accroître d’une cinquantaine le nombre des unités dépassant 50 000 tjb et d’une douzaine celui des unités de plus de 100 000 tjb, c’est-à-dire celles que le détour par Le Cap n’empêche pas de demeurer rentables ;
– l’accroissement substantiel du tonnage global des minéraliers et gros transporteurs de vrac sec, dont le pourcentage dans la flotte mondiale a passé, d’après le Lloyd’s Register, de 15,98 % en 1967 à 17,96 % en 1968 ;
– les progrès rapides des porte-containers et des transporteurs de gaz liquéfié (ceux-ci au Japon surtout, car les découvertes de gaz en Europe occidentale et en mer du Nord ont quelque peu ralenti l’expansion de ce trafic, au moins pour un temps, dans les pays bénéficiaires des nouvelles ressources).
Le lecteur appréciera particulièrement les quelques pages consacrées par M. de Mas Latrie aux effets proches et lointains de l’accroissement de la taille des navires : effets techniques, comme la nécessité d’installer deux lignes d’arbres à partir de certaines dimensions, ce qui relèvera le prix de construction à la tonne transportée, – effets politiques internationaux (« les plus hautes autorités maritimes affirment qu’en 1975 le trafic par Suez en pétroliers sera pratiquement nul »), – effets économiques, comme la probabilité d’une substitution progressive des ports en eau profonde aux ports d’estuaires, ou comme l’équipement de rades d’éclatement (celle de Bantry Bay en Irlande vient d’être inaugurée le 29 octobre par l’Universe lreland, le premier des 6 pétroliers géants de 315 000 tdw affrétés par la Gulf Oil).
Le tonnage mondial en construction ou en commande a atteint successivement 40 351 000 tjb au 1er janvier 1968 et 41 521 000 au 1er octobre. Dans ce laps de temps, – le Japon, la Suède et l’Allemagne fédérale restant en tête, la France a été dépossédée du 4e rang par la Grande-Bretagne (2 521 000 tjb contre 2 981 000). Reléguée au 5e, elle devance encore l’Italie de plus de 500 000 tjb.
Certains carnets de commandes étrangers prêtent à des observations intéressantes. Le Japon conserve de loin la première place, avec 17 283 000 tjb au 1er octobre (Suède 3 820 000) ; mais, à cause de la surcharge des chantiers et des hausses de salaires qui menacent de créer un déséquilibre entre les coûts de revient et les prix de vente volontairement réduits, son pourcentage dans le carnet mondial, qui atteignait 45 % au 1er janvier 1967, est tombé à 42,5 % au 1er janvier 1968 et à 38,8 % au 1er octobre. – Si la Grande-Bretagne nous a ravi la seconde place, c’est à la suite de l’institution en 1967 d’un régime de subventions et de prêts accordés aux chantiers tant pour se regrouper et développer leurs investissements que pour faciliter leurs ventes sur les marchés extérieurs et le marché national.
Comme la croissance de la taille des navires en service, celle des navires en construction ou en commande pose des problèmes difficiles aux nations maritimes. Nous n’en citerons qu’un, qui concerne particulièrement la Communauté économique européenne (CEE), et dont la solution contribuera, il faut l’espérer, à tirer celle-ci de la position subalterne où elle se trouve par rapport à la construction mondiale (16,09 % seulement de la production totale en 1967, contre près de 50 % pour le Japon et 22,48 % pour l’Association européenne de libre-échange) : « six formes géantes capables de navires de plus de 200 000 tdw sont en service, en construction ou en projet en France (Chantiers de l’Atlantique, La Ciotat), en Allemagne fédérale, en Hollande [NDR : Pays-Bas] et en Italie ».
La flotte de commerce française, forte de 5 228 095 tjb au 1er janvier 1968 pour le tonnage en service et de 2 077 000 tjb pour le tonnage en construction ou en commande, n’a guère évolué depuis cette date (respectivement 5 334 986 tjb et 2 000 489 tjb au 1er octobre, d’après le Secrétariat général de la Marine marchande), l’abondance des livraisons ayant à peine compensé les pertes, – démolitions, vente de navires vieillis et même « relativement récents, mais dont l’exploitation n’était plus rentable » dans l’atmosphère d’âpre concurrence internationale où nous vivons. On notera toutefois que le carnet de commandes pour compte national, bien qu’un peu moins garni que naguère, représente encore proportionnellement un des plus importants du globe, avec près de 38 % de la flotte en service, tandis que ce même rapport, sur le plan mondial, est de l’ordre de 23 %. Mais « ce carnet, dit M. de Mas Latrie, ne doit pas faire illusion sur la prospérité de notre industrie », qui reste fragile.
Certes, le dynamisme des constructeurs et de l’armement, « qui a choisi de maintenir sa position mondiale en acceptant la compétition internationale la plus ouverte », certes aussi l’adoption des réformes proposées par la commission Morin ont entraîné les progrès les plus encourageants ; trois surtout doivent être retenus :
– l’abondance et la spécialisation croissante des commandes, qui comprennent, outre 1569 000 tjb de pétroliers long-courriers et près de 106 000 de cargos de ligne, 83 000 tjb de porte-containers, 98 000 de polythermes et polyvalents, 67 000 de transporteurs de vrac sec et 63 000 de transporteurs de gaz liquéfiés, possédant tous les caractéristiques les plus modernes,
– le regroupement, pour un haut niveau de production et de productivité, de la construction navale en six grands chantiers (5 seulement depuis la fusion, devenue officielle le 25 octobre, de Dubigeon-Normandie et des Chantiers de Bretagne),
– la rapidité de notre adaptation à la construction de pétroliers géants (une grande forme à Saint-Nazaire pour unités de 500 000 tdw, une autre à La Ciotat pour unités de 200 000 à 800 000 tdw, ces deux ouvrages devant être achevés en principe en 1969).
Mais, en dépit de la croissance de sa compétitivité, l’avenir de la construction navale française demeure incertain. Caractérisée, comme celles de l’étranger d’ailleurs, par une « demande en dents de scie », elle devra faire face, au cours de la prochaine décennie, à une concurrence toujours plus âpre entre tous les chantiers du monde ; elle abordera cette période dans des conditions d’autant plus difficiles que notre flotte marchande, rajeunie et modernisée, ralentira sans doute le rythme de ses commandes,
– que, dans les autres nations, à force d’investissements, se dessine une tendance au suréquipement de la construction,
– que la baisse de l’aide imposée par la Commission de Bruxelles nous oblige à « améliorer notre productivité plus rapidement que nos collègues étrangers »,
– enfin que nos embarras monétaires et financiers nous exposent à des hausses de salaires et de prix qui réduiraient notre compétitivité.
Deux impératifs surtout doivent guider notre comportement dans le proche avenir : la stabilité des coûts entrant dans la composition des prix de revient, la prospection assidue des marchés étrangers (les commandes de l’extérieur, après avoir atteint 64 % en 1968, « entraient pour 20 % à peine dans le plan de charge de nos chantiers à la fin de 1967 »).
(1) Il avait déjà été prévu, dans le projet de budget initial, que la Force ALFA ne serait pas envoyée dans le Pacifique en 1969 (cf. Chronique Maritime de décembre, p. 1964).
(2) La hausse des frets pétroliers provoquée par la fermeture du canal de Suez en 1967 a été brève et beaucoup moins importante que celle de 1956, les armateurs disposant de moyens très supérieurs et le golfe Persique ne jouant plus un rôle aussi grand dans l’approvisionnement des pays industrialisés.