Outre-mer - Coup d'État militaire au Mali - L'évolution des « Bantoustans » en Afrique australe : semi-autonomie pour l'Ovamboland dans le Sud-Ouest africain et élection législatives au Transkei - L'Éthiopie décide la construction du barrage de Finchaa sur le Nil bleu
Coup d'État militaire au Mali
Le 19 novembre 1968, Bamako s’éveillait à peine quand l’armée malienne a occupé par surprise et sans coup férir, les divers points sensibles de la capitale du Mali. Colline de Koulouba, qui domine la cité et où sont groupés quelques ministères autour de la résidence officielle du chef de l’État, gare, radio, services publics étaient ainsi contrôlés, alors que dans le même temps l’aérodrome était fermé au trafic aérien, les liaisons téléphoniques suspendues et les postes de la Milice investis et neutralisés.
Il fallut attendre une émission de la radio nationale pour savoir, vers 18 h, qu’un Comité militaire de libération nationale présidé par le lieutenant Moussa Traoré avait renversé le Gouvernement de M. Modibo Keita.
Le Président, alors en tournée dans la région de Mopti, regagnait la capitale par le fleuve. Il était arrêté au port de Koulikoro tandis que les principaux dirigeants du régime, ministres ou membres du CNDR (Comité national de défense de la révolution), Chef d’état-major de l’armée compris, étaient de leur côté incarcérés.
Dans l’après-midi, la radio malienne devait commencer la diffusion des messages de soutien qui commençaient à affluer de toutes parts, et ce n’est que le lendemain que fut connue la composition du Comité militaire qui avait pris la direction des affaires du pays.
Ce qui a le plus surpris les observateurs, c’est le secret qui a entouré la préparation de ce coup d’État militaire, sa soudaineté par conséquent, la facilité avec laquelle il fut exécuté et son avalisation rapide par les populations.
Il semble que les empiétements successifs de la Milice débordant volontiers de ses attributions l’aient opposée aux militaires et qu’il faille rechercher là la cause de cette intervention de l’armée, qui devait d’ailleurs rencontrer rapidement l’assentiment populaire en raison des nombreux mécontentements provoqués sur le plan économique par les contraintes diverses imposées par le régime de M. Modibo Keita.
Les premières mesures libérales prises dans ce domaine par le Comité militaire – composé essentiellement de jeunes officiers des garnisons de Bamako et de Kati – ont en effet été très bien accueillies : levée des mesures restrictives à la circulation et à la vente des céréales, dissolution des milices et organisations populaires, blocage des comptes en banque des personnalités du régime déchu, etc.
Désigné pour former un gouvernement provisoire, le capitaine Yoro Diakité, premier Vice-Président du Comité militaire, devait dès le 23 novembre présenter sa nouvelle équipe qui comprenait, outre des techniciens, trois officiers seulement : le chef du Gouvernement, le ministre de la Défense nationale et de l’Intérieur, le capitaine Charles Sissoko, et le ministre de l’Information chargé de la sécurité, le chef d’escadron de Gendarmerie Bella Kone. Le programme d’action qui a été défini à cette occasion se propose l’assainissement des dépenses publiques et la préparation de nouvelles élections. Sur le plan des relations extérieures, le nouveau régime a précisé, dès sa prise de pouvoir, qu’il n’avait reçu aucune aide de l’étranger, faisant savoir ensuite qu’il maintenait les relations avec tous les pays épris de paix, affirmant ainsi le respect des accords et engagements signés, et son désir de demeurer au sein de l’organisation des États riverains du fleuve Sénégal comme sa fidélité aux principes de l’OUA (Organisation de l’unité africaine) et de l’ONU.
Le premier acte de cette nouvelle page de l’histoire du Mali est maintenant achevé. Le second acte a commencé. Ce n’est pas là le moindre des problèmes, car il s’agit pour les officiers désormais responsables de construire l’édifice national comme ils l’entendent afin de guider le pays au mieux de ses intérêts dans la voie du progrès et de la prospérité attendue.
L’évolution des Bantoustans en Afrique Australe : semi-autonomie pour l’Ovamboland dans le Sud-Ouest africain et élections législatives au Transkei en Afrique du Sud
L’Assemblée générale des Nations unies vient à nouveau de condamner la politique d’apartheid de l’Afrique du Sud ainsi que la politique suivie par ce pays dans le Sud-Ouest africain où il se refuse notamment de tenir compte de la décision d’octobre 1966 par laquelle l’ONU lui a retiré son mandat de tutelle.
Cependant, le gouvernement sud-africain paraît décidé à passer de la théorie aux actes, cherchant par là même dans ce nouveau pas en avant, à prouver avec sa bonne foi, la justesse de sa thèse.
En effet, en juin 1968, le Parlement sud-africain a voté cette sorte de loi-cadre, intitulée « Developement of self government for native Nations in South Africa Act » et qui définit le processus selon lequel il entend conduire à l’autonomie interne et même à l’indépendance, les six « native nations » qui constituent ce Sud-Ouest africain : Damaraland, Hereroland, Kaokoland, Okavangoland, Eastern Caprivi et Ovamboland.
D’autre part, pour les nationalistes sud-africains, le développement parallèle des ethnies et son corollaire, la création des Bantoustans, demeure la seule solution réaliste au problème de la cohabitation des races tel qu’il se présente en Afrique Australe. C’est ainsi qu’actuellement la création de huit Bantoustans est envisagée en Afrique du Sud : le Transkei et le Gskei dans le Nord de la province du Cap groupant environ 2 millions et demi de Xhosa ; le Zouloustan, dans le Natal groupant 2 millions de Zoulous, le Tswanaland dans l’Ouest transvaal avec 700 000 Tswana, le Tsongaland dans le Nord transvaal (400 000 Shangaan), le Northern Sotholand (Nord transvaal) et le Southern Sotholand (Orange) groupant à eux deux environ 1 million de Soths et le Vandaland (200 000 Vanda).
Ces futurs Bantoustans constituent à l’heure actuelle des entités locales à l’exception du Transkei qui est déjà doté du statut de Bantoustan et qui, de ce fait, depuis cinq ans déjà, est administré par un gouvernement local que préside M. Matanrima à Umtata.
C’est dans cette perspective que deux décisions importantes viennent d’être prises par le gouvernement de Pretoria :
– d’une part, dans le Sud-Ouest africain, une semi-autonomie a été accordée à l’Ovamboland qui disposera désormais d’un gouvernement local ;
– d’autre part, des élections législatives ont eu lieu au Transkei, et ont mis en compétition des partis politiques d’ailleurs encore embryonnaires.
L’Ovamboland compte environ 250 000 habitants, répartis en sept tribus sur un peu plus de 42 000 km2, et s’étale au Sud de la frontière de l’Angola et le long de la réserve de l’Etosha.
Le gouvernement de l’Ovamboland, qui a été mis en place le 19 octobre 1968 à Okashati, comprend maintenant :
– un Conseil exécutif formé par les chefs de tribus, tous Africains et présidé par l’un d’eux, élu par le Conseil Législatif.
Le Conseil est assisté de sept départements ministériels, ayant à leur tête un technicien blanc, jusqu’à ce que les Ovambos puissent prendre ces postes en charge. Ces « ministères » assument les responsabilités de l’autonomie interne en matière d’éducation, d’économie, de justice, de travaux publics, d’agriculture, de finances ainsi que pour les affaires communautaires.
– un Conseil Législatif de 42 membres tous Africains et nommés par les autorités tribales, chacune d’elle désignant 6 représentants.
Ainsi un premier pas important vient-il d’être fait, dans la voie de l’autonomie, prévue à l’issue d’une période encore indéterminée de semi-autonomie. Le gouvernement local mis en place à Okashati ressemble d’ailleurs beaucoup à celui qui existe au Transkei depuis cinq ans.
Au Transkei, en effet, des élections ont eu lieu le 28 octobre 1968 afin de désigner 45 députés à l’Assemblée législative qui comprend quant à elle 45 députés et 64 chefs traditionnels qui sont membres de droit.
Ces élections se sont déroulées dans le calme et dans des conditions démocratiques.
Trois partis politiques entraient en concurrence :
– le Transkei National Independance Party, que préside le Premier ministre, M. Matanzima, favorable à une politique accélérée de développement parallèle débouchant par la suite sur l’indépendance totale,
– le Democratic Party de M. Guzana, hostile à l’apartheid mais partisan d’un régime multiracial,
– le Freedom Party de M. Sinaba, dont la politique extérieure se rapproche de celle du National Congress sud-africain.
Le parti de M. Matanzima devait remporter 28 sièges, celui de M. Guzana 14, le Freedom Party aucun, mais trois indépendants étaient élus.
Ainsi ces élections furent-elles un succès certain pour le parti gouvernemental de M. Matanzima qui ne va sans doute pas manquer de réclamer maintenant une plus grande indépendance.
Cependant le Ciskei, ainsi que le Tswanaland viennent de se voir octroyer une autonomie limitée, et en 1969 des mesures identiques sont prévues en faveur des cinq autres futurs Bantoustans.
Ainsi le problème de cohabitation des races en Afrique australe aborde-t-il un tournant qui ne peut manquer d’être remarqué et dont on ne peut que souligner l’importance. Reste à savoir où va conduire la voie nouvelle qui vient de s’amorcer.
L’Éthiopie décide la construction du barrage de Finchaa sur le Nil Bleu
La première réunion de la conférence africaine consacrée à l’énergie électrique, qui s’était tenue à Addis Abeba en octobre 1963 dans le cadre des activités de la CEA patronnée par l’ONU, avait souligné la nécessité d’une étroite coordination entre le développement de la production d’électricité et le développement industriel à la fois sur le plan national et sur le plan régional. Les perspectives à cet égard sont particulièrement favorables comme en témoignent depuis les belles réalisations d’Afrique australe, du Ghana, du Nigeria et les projets en cours de réalisation au Congo-Kinshasa, sur le fleuve Sénégal, en Mozambique ou même au Kenya, en Tanzanie ou en Angola. L’Éthiopie, dans ce domaine, s’est efforcée, sur le plan national, d’augmenter rapidement sa production d’énergie électrique.
Après la construction en 1960 du barrage d’Awash et de la centrale de Koka d’une capacité de 45 000 kW, puis en 1964 de celle du complexe hydroélectrique de Tis-Abbey, sur le Nil Bleu, d’une capacité totale de 57 000 kW, les autorités éthiopiennes ont entrepris en 1966-1967 la construction de deux nouveaux grands barrages – Awash I et Awash II – en aval de Koka, et qui sont en mesure de fournir chacune une puissance de 82 000 kW. Devant les besoins croissants en énergie électrique, le gouvernement éthiopien, en accord avec la Banque mondiale, s’est résolu à construire un nouveau grand barrage à Finchaa, sur le Nil Bleu, à environ 280 km au Nord d’Addis Abeba.
La construction de ce nouveau barrage assorti d’une centrale équipée pour produire 100 000 kW qui sera desservie par un réseau routier d’une centaine de kilomètres, commencera en 1969. Les travaux seront mis en adjudication en février prochain.
Ainsi le gouvernement éthiopien se montre décidé à poursuivre son effort d’équipement dans ce domaine, le futur barrage constituant sans nul doute un relais intéressant entre la zone du lac Tana et la région d’Addis Abeba qui s’industrialise petit à petit et dont les besoins en énergie électrique se font de plus en plus importants. ♦