Aéronautique - Le statoréacteur va-t-il revenir à l'ordre du jour ? - Évolution de quelques projets de combat - Études nouvelles sur les dangers menaçants les avions
Le statoréacteur va-t-il revenir à l’ordre du jour ?
On se souvient que les expériences conduites sur les avions expérimentaux à statoréacteurs de l’ingénieur français Leduc ont dû être abandonnées voici quelques années, en raison des compressions budgétaires. En outre, ces recherches avaient peut-être le défaut d’être trop en avance sur leur temps. Mais de nos jours l’évolution technique est si rapide qu’un projet ou une formule abandonnés ne tardent jamais beaucoup à revenir au premier plan des préoccupations. Il semble que le statoréacteur soit dans ce cas.
C’est du moins l’avis des ingénieurs et des savants groupés dans l’Institut américain de l’aéronautique et de l’astronautique. Au cours de leur 5e Congrès annuel, qui s’est tenu à la fin de 1968, ils sont dans leur ensemble tombés d’accord sur le fait qu’il était temps d’étudier de nouveau des appareils hypersoniques – c’est-à-dire susceptibles de voler à des vitesses égales à plusieurs fois celle du son – utilisant l’oxygène de l’air. On sait qu’à de tels nombres de Mach, le statoréacteur est la seule formule qui réponde à cette exigence.
Ils se sont penchés particulièrement sur les types de projets suivants :
– avion de transport volant à Mach 6 ;
– premier étage récupérable de véhicule orbital (« scramjet », pour « supersonic combustion ramjet ») ;
– avion de combat à statoréacteur ;
– appareil expérimental susceptible de succéder au X-15 pour étudier les paramètres de vol de ces divers programmes.
Toutefois, le gouvernement américain, assailli par des problèmes plus urgents, tels que la réduction du bruit des avions et des conséquences des « bangs » soniques, la diminution de la pollution atmosphérique et de la congestion des aéroports, ne consacre actuellement que relativement peu d’argent aux recherches dans le domaine des vols hypersoniques ; il serait grand temps cependant, selon les membres de l’Institut, qu’il modifie sa politique, s’il veut voir voler de tels avions dans les années 1975-1980, échéance donnée en général comme vraisemblable. C’est que, on s’en doute, les expériences spatiales des dernières années ont apporté en cette matière une foule d’enseignements.
Pour le docteur Eggers, chargé des plans à long terme de la NASA, l’avion de transport hypersonique et le premier étage récupérable de véhicule orbital pourraient être utilisables en « service courant » peu après 1980. Il est intéressant d’examiner les conceptions de la NASA sur ces deux types de « véhicules ».
Leur intérêt évident est que les statoréacteurs, utilisant l’oxygène de l’air, n’ont pas à se charger d’énormes masses de « comburant » (oxydant) comme les fusées, ce qui est autant de gagné pour la charge utile. Quant au carburant, on songe à l’hydrogène liquide à cause de sa haute température de combustion qui lui confère une grande énergie spécifique et de son importante chaleur latente de vaporisation qui permet de l’utiliser pour refroidir les parois échauffées par le vol à grande vitesse. En effet, de tous les problèmes ardus soulevés par le vol hypersonique, celui de la résistance des structures de l’appareil à la chaleur est bien le plus difficile à résoudre car l’augmentation de la température de l’air varie comme le carré de la vitesse. De plus, en ce qui concerne l’avion de transport, il s’agit de le doter de performances et d’un coût d’exploitation qui en fassent un concurrent valable pour les appareils commerciaux en service à l’époque de son avènement, ce qui rendra sa réalisation plus délicate encore.
L’avion de transport ainsi imaginé par la NASA se présenterait comme un mastodonte de 200 à 450 tonnes, long de 100 à 120 mètres. Son autonomie correspondrait à un parcours de 10 000 kilomètres (on conçoit que dans ce domaine le « progrès » ne puisse pas être éternel et n’aura plus de sens, en tout état de cause, quand on pourra parcourir sans escale un demi-grand cercle de la Terre, soit 20 000 km, à la vitesse la plus grande possible). Il emmènerait entre 170 et 430 passagers, son temps d’immobilisation aux escales serait au plus égal à une heure. Il devrait pouvoir voler 30 000 heures avant d’être réformé, ce qui de toutes les exigences apparaît actuellement la plus difficile à satisfaire car elle suppose de la part de structures surchauffées une très grande résistance à la fatigue.
Quant à la propulsion, il faut envisager une formule associant turbo et statoréacteurs (on sait que le statoréacteur ne fournit aucune poussée à vitesse nulle). Un problème, annexe mais non négligeable, sera la constitution sur les aérodromes utilisés de vastes soutes à hydrogène liquide. C’est même sur ce chapitre que les coûts risquent de rester longtemps prohibitifs et sont susceptibles de remettre en cause l’opportunité de fabriquer de tels avions. Un autre facteur, jouant celui-là sur la masse de l’appareil, sera le degré maximum tolérable du « bang » sonique produit par son déplacement.
Le premier étage récupérable pour véhicules orbitaux répond à d’autres exigences et on peut envisager pour lui des caractéristiques bien différentes et prévoir des problèmes d’un autre ordre. On aurait intérêt pour augmenter la part de la charge utile à construire un engin de 450 à 900 t, d’une longueur de 80 à 100 m (un engin spatial est plus « dense » qu’un avion). Son autonomie pourrait correspondre au plus à 3 500 km, sa charge utile serait comprise entre 135 et 270 t, celle-ci étant d’autant plus faible qu’on désirerait utiliser l’engin pour un nombre plus grand de lancements. Bien entendu la remise en condition de l’engin pour un nouveau lancement serait plus longue que pour un avion : 2 à 5 jours. On se contenterait pour lui d’une « vie » de 500 h, ce qui rend la mise au point de ses structures notablement plus facile que celle de l’appareil commercial.
En revanche, il devrait fonctionner à plus grande vitesse : 7 à 10 Mach, et utiliser la technique du statoréacteur à combustion supersonique (scramjet), à la différence du moteur de l’avion de transport. Notons en passant que le moteur expérimental, dont la NASA a confié l’étude à la Garrett Corporation, pourra fonctionner aux deux régimes ; mais on n’attend pas qu’il puisse faire ses premiers essais avant un ou deux ans. Pour l’engin de lancement, à la différence de l’avion de transport, ce sont les études et la mise au point qui impliqueraient l’effort financier le plus important.
En même temps, l’Institut insiste pour qu’on mette au point un appareil expérimental succédant au X-15 et propulsé par un statoréacteur au lieu d’une fusée.
Quant à McDonnell il pense déjà à un successeur du Phantom équipé de statoréacteurs.
Si on se souvient de l’étude publiée par M. Gozlan, ingénieur en chef à Nord Aviation dans la revue Air et Cosmos en mai 1965, sur le combiné turbo-stato, on voit que les ambitions des ingénieurs d’outre-Atlantique vont très au-delà de ce qui paraissait possible alors, c’est-à-dire des vitesses au plus de 5 Mach. Il est vrai qu’il ne s’agit plus de carburants classiques, mais d’hydrogène liquide, avec lequel on peut envisager des combustions supersoniques, ce qui n’était pas le cas autrefois.
Remarquons à ce sujet que d’autres carburants sont étudiés actuellement au laboratoire de propulsion de l’Armée de l’air américaine : ce sont des carburants hydrocarbonés dont les réactions successives, en absorbant de la chaleur, produisent un effet de refroidissement considérable, avant même qu’ils aient à jouer leur rôle dans la propulsion de l’engin.
On peut, très vainement, regretter que la France n’ait pas eu les moyens de conserver son avance dans ce domaine. On peut aussi admirer qu’avant même d’avoir expérimenté des avions de transport en vol supersonique, on songe déjà à la génération qui leur succédera. Le succès d’Apollo 8 est cependant une raison parmi d’autres de ne pas mettre en doute la possibilité technique de voir voler dans 15 ou 20 ans des avions de transport qui mettront New York à une heure de Paris. Et si des avions commerciaux atteignent ces performances, il est bien évident que des appareils de combat du même ordre verront le jour, en même temps ou plus probablement avant ; le fait que jusqu’ici l’Institut américain d’aéronautique et d’astronautique ne les envisage qu’en troisième ou quatrième ordre de priorité ne peut pas entrer en ligne de compte devant la nécessité absolue d’assurer la police du ciel.
Évolution de quelques projets d’avions de combat
Deux versions pour le MRCA
Désespérant de voir la Grande-Bretagne et l’Allemagne fédérale se mettre un jour d’accord sur la maîtrise d’œuvre du chasseur européen futur (Multirole combat aircraft), les Chefs d’état-major des armées de l’air britannique, allemande, hollandaise et italienne, réunis en fin d’année à Londres puis à La Haye, se sont mis d’accord sur les caractéristiques à donner aux deux versions de cet avion, un prototype étant construit pour chacune d’elles. Il reste à obtenir l’accord des gouvernements intéressés qui ont pour souci essentiel de sauvegarder leurs industries aéronautiques respectives.
Les deux versions auront des ailes à flèche variable. Le prototype construit à Warton par la British Aircraft Corporation (BAC), selon des clauses fixées par la Royal Air Force (RAF), serait équipé de deux turboréacteurs à double flux Rolls Royce RB 199 prévus pour fournir chacun 4 t de poussée. Le second prototype, correspondant aux vues de la Luftwaffe, serait construit à Munich. Il serait monoplace et monoréacteur, propulsé par un Pratt & Whitney TF 80 (le moteur du F-111 et de l’avion expérimental Mirage G : 5 t de poussée, 9 avec postcombustion).
Le désir d’utiliser le maximum possible de sous-ensembles communs subsiste. Deux équipes d’ingénieurs s’emploieront, l’une à Warton, l’autre à Munich, à aménager leurs projets pour y parvenir, une troisième équipe, celle-ci comprenant des ingénieurs des deux firmes, assurant l’arbitrage. Mais cet objectif sera difficile à maintenir avec deux avions aussi différents. On escompte toujours une production en série de 1 200 appareils, dont 600 pour la Luftwaffe, et 250 pour la RAF. Les performances attendues sont un rayon d’action de 450 km et une vitesse de 2 000 km/h. Mais les Allemands se contenteraient d’un rayon d’action inférieur, tandis que les Anglais le voudraient plus grand.
Ainsi le compromis vers lequel les participants semblent s’acheminer a-t-il toutes les apparences d’un constat de faillite quant à la possibilité de construire en Europe un avion de combat unique.
C’est d’autant plus grave que, selon certaines voix officieuses d’outre-Rhin, les États-Unis se disposeraient à faire pression sur le Gouvernement fédéral pour qu’il achète le FX ou le VFX, plutôt que de s’obstiner à construire un avion européen.
Le projet VFX de la Marine américaine
On vient d’apprendre que l’US Navy avait, le 15 janvier, choisi Grumman et non McDonnel Douglas pour construire l’avion VFX appelé à se substituer au F-111B dont le projet a été abandonné. Du même coup cet appareil prenait le nom de F-14. Notons que de son côté l’Armée de l’air américaine compte choisir à la fin de 1969 les deux constructeurs « finalistes » pour le programme du chasseur FX. L’intérêt d’obtenir le marché de la Marine pour le VFX était d’autant plus grand que le constructeur retenu en fin de compte pour la première version VFX1 (F-14A) était assuré d’obtenir celui de la seconde, le VFX2 (F-14B), dont la structure sera dans ses grandes lignes identique, au point de permettre la transformation ultérieure en F-14B de tous les F-14A.
La Marine voudrait être en mesure de substituer vers 1972 des VFX1 à ses F-4 Phantom, avions particulièrement réussis comme on sait, mais qu’on ne peut plus espérer perfectionner davantage. On utilisera pour le VFX, toutes les fois que ce sera possible, les techniques mises au point sur le F-111 : aile à flèche variable, turboréacteur à double flux TF 80, éventuellement engin air-air Phœnix et système de conduite de tir.
Le F-14B, comme le FX, ne sera vraisemblablement utilisable en opérations que vers 1976. Aussi la Marine compte-t-elle faire construire 50 à 100 exemplaires du F-14A, auxquels succéderont des F-14B jusqu’au total de 468 (comprenant les F-14A transformés). Le moteur du F-14B sera peut-être, comme celui du FX, un turboréacteur de 18 t de poussée, construit soit par Pratt & Whitney, soit par General Electric.
Rappelons que le F-14 sera bimoteur et biplace en tandem. Il pourra atteindre 2,1 Mach deux minutes après le lancement du porte-avions. Il est destiné à contre-battre le nouvel avion tactique russe apparu à Moscou en 1967.
Au lieu des 31 tonnes qui ont fait entre autres défauts abandonner le F-111B, il n’en pèsera que 24. Outre les engins air-air, il aura des canons. Son long rayon d’action et son aptitude à patrouiller longtemps en feront donc un véritable avion de « supériorité aérienne », selon l’expression américaine, et non pas seulement un intercepteur limité à la défense rapprochée de la flotte. Il pourra être également utilisé pour l’attaque au sol.
Avant de prendre sa décision définitive, la Marine a essayé d’obtenir des deux constructeurs restés en lice des marchés plus favorables, impliquant une diminution du prix unitaire des avions. Mais la mésaventure survenue à propos des C-5A a certainement rendu les négociateurs prudents dans ce domaine. En fin de compte chaque F-14 coûtera l’équivalent de 35 à 40 M de francs.
Études nouvelles sur les dangers menaçant les avions
Oiseaux contre avions
Un tel sujet peut paraître dérisoire : en fait il n’existe pas de petit problème en matière d’aviation. Les collisions des avions avec des oiseaux sont fréquentes ; elles peuvent aller, dans des cas exceptionnels, jusqu’à provoquer des accidents. C’est ainsi que la revue Flight qui passe en revue dans ses numéros successifs les principales causes des accidents d’avions des vingt dernières années, y consacre le troisième article de la série. Les exemples cités sont éloquents :
C’est un DC-3 Dakota, d’une compagnie indienne, qui en 1962 heurte un vautour en plein vol : le pare-brise est rompu et le copilote tué. Un accident analogue est survenu vers 1950 dans les mêmes parages à un Dakota militaire français.
C’est ensuite un Viscount, d’une compagnie américaine, qui rencontre un vol de cygnes à 2 000 m d’altitude au-dessus de l’État du Maryland ; un oiseau traverse de part en part le plan fixe arrière, endommage le gouvernail ; bilan : 17 morts.
C’est enfin un Lockheed 188 d’une autre compagnie américaine qui en 1960, au décollage de Boston, pénètre dans une volée d’étourneaux. Trois de ses moteurs absorbent des oiseaux. Perte de puissance, décrochage, l’avion s’écrase et 62 passagers périssent dans l’accident.
Ces trois exemples résument assez bien les risques les plus graves que font courir ce genre de collisions. Les moteurs à compresseurs (turboréacteurs surtout) supportent parfois mal l’ingestion de volatiles, même de petite taille. Les conséquences des chocs proprement dits ne sont vraiment redoutables qu’avec les plus gros oiseaux : vautours, cygnes et oies sauvages, cigognes, dont le poids peut atteindre 10 kg. Selon les statistiques la moitié des incidents surviennent au décollage (on se souvient du cas récent d’une Caravelle à Orly), mais un certain nombre se produisent à haute altitude et sont dus aux vols d’oiseaux migrateurs ou à de gros oiseaux de proie isolés. Il est admis en général que les oiseaux ne volent pas à l’intérieur des nuages, mais des exceptions à cette règle ont été constatées. D’autre part les migrateurs ne sont pas découragés par la nuit, et il faut donc reconnaître que ces animaux ont un sens de l’équilibre différent de celui des hommes qui ne sauraient se passer de leurs appareils gyroscopiques pour maintenir l’assiette de leurs avions dans les nuages ou par nuits obscures.
De ces constatations, un organisme canadien (Canadian National Research Council) a tenté l’an dernier de déduire les remèdes possibles, en se limitant au problème des aérodromes et de leurs abords immédiats. Les terrains d’aviation, avec leurs surfaces gazonnées, compte tenu en outre du fait qu’ils constituent des zones relativement protégées des chasseurs, sont des refuges d’élection pour les oiseaux sédentaires ou de passage. Pour les décourager il faudrait les effrayer, les priver de nourriture, détruire les abris possibles : haies, buissons, hautes herbes, supprimer les plans d’eau et les mares.
On peut essayer de tuer chimiquement les insectes et les vers, mettre en œuvre divers artifices : castagnettes, fusées de signalisation, canons divers, mais les oiseaux reviennent sitôt les bruits éteints. Plus élaboré est l’emploi d’enregistrements imitant le cri de détresse de certains oiseaux. Mais à moins de détruire systématiquement les oiseaux, ce qui serait inadmissible pour d’autres raisons, on ne peut qu’espérer une diminution dans la densité de leur population.
Une meilleure connaissance des routes de migration, l’emploi des radars pour détecter les vols importants, permettront d’éviter d’autre part certaines collisions en altitude. Mais il n’est guère de remède contre le gros oiseau de proie solitaire. On expérimente au Canada les effets d’un émetteur à ondes courtes projetant son faisceau en avant de l’avion, ce qui semble désorienter les oiseaux et les écarter de la trajectoire.
D’autres recherches s’orientent vers le renforcement sur les avions des structures exposées au vent relatif : les expériences sont menées avec un canon à air comprimé lançant un pseudo-oiseau de quatre livres à une vitesse de 1 000 km/h sur les bords d’attaque ou les pare-brises à essayer. Mais il semble qu’il n’y ait pas actuellement d’espoir de les voir résister à de plus gros oiseaux ni de remédier vraiment aux effets de l’ingestion de volatiles de petite taille par les entrées d’air de réacteurs.
Pour les avions militaires volant à basse altitude, le problème reste entier.
Bien qu’une solution définitive ne soit donc pas en vue et qu’on puisse seulement espérer des résultats partiels, on aurait tort de s’inquiéter outre mesure. La plupart des collisions avec les oiseaux sont sans conséquences graves et tout pilote a dans ses souvenirs quelques dizaines d’expériences de ce genre, qui se sont soldées généralement par des tôles enfoncées, un dégivreur d’aile déchiré ou un pare-brise légèrement fendu.
Foudre et électricité statique
Jusqu’à une date récente, il était admis que les avions entièrement métalliques étaient peu sensibles aux effets de la foudre. D’innombrables exemples de foudroiement en vol aux manifestations impressionnantes mais sans conséquences graves avaient paru confirmer ce point de vue : la structure métallique jouait le rôle d’une cage de Faraday, permettant à l’appareil d’encaisser des courants de 200 000 ampères rencontrés dans les éclairs. Mais un grave avertissement était donné en 1963 par l’accident d’un Boeing 707 de la Pan American : l’enquête démontra qu’un coup de foudre avait produit un arc électrique dans un réservoir et enflammé le carburant. Or, les statistiques le montrent, un avion est frappé par la foudre en Europe toutes les 2 400 h de vol, sur l’Atlantique toutes les 6 000 h. 83 % des cas se produisent entre 600 et 3 600 m d’altitude, la plupart entre – 5 et + 5 degrés de température. Mais on a signalé des foudroiements jusqu’à 9 000 m. Sur les avions à voilure en flèche, les ailes sont moins touchées et le fuselage plus souvent que sur les appareils classiques.
On a donc été amené à étudier les moyens propres à empêcher la naissance d’arcs électriques sous l’effet de la foudre et parallèlement à remédier à leurs effets s’ils se produisaient. Un de ces systèmes mis au point par Fenwal et adopté par plusieurs compagnies aériennes consiste à introduire un gaz inerte dans le réservoir où un incendie menace. Un autre procédé, expérimenté par Parker Aviation, consiste à traiter le carburant dans l’avion même en absorbant l’oxygène qu’il contient avec de l’azote liquide.
Cette formule, déjà expérimentée selon des modalités différentes sur le XB-70, rend le carburant ininflammable. Des essais ont lieu actuellement sur un C-141 et un Boeing 707.
On s’est aperçu aussi que si les structures métalliques jouaient bien un rôle protecteur, ce n’était vrai qu’à la condition qu’il n’existe aucune solution de continuité entre les parties conductrices : ainsi un produit adhésif isolant reliant deux éléments métalliques ou une porte de visite assurant mal la conduction pouvaient engendrer des arcs électriques. C’est pour prévenir l’éventualité de tels phénomènes que des expérimentations très poussées ont eu lieu sur Concorde dans ce domaine.
L’électricité statique accumulée par un avion peut être à l’origine d’accidents pendant l’exécution des pleins de carburant ; elle cause d’autre part en vol des perturbations dans le fonctionnement des équipements radioélectriques.
Avec les carburants modernes, tels que le JP4, de l’électricité statique est engendrée par la circulation du kérosène dans les tuyaux et conduites. Pour supprimer cette source d’accidents éventuels, on est en passe de modifier les systèmes de mise à la masse branchés entre l’avion et le sol.
En vol, des anomalies minimes peuvent rendre dans certains cas des équipements radioélectriques inutilisables : telle porte de visite repeinte au cours d’une révision se trouve isolée électriquement du reste de la cellule, se charge excessivement et brouille tous les postes, telle bande d’aluminium destinée à décharger un radôme est rompue et il se crée à ce niveau un arc qui produit des parasites sur toutes les fréquences d’une certaine bande ; inversement tel remède apporté à un phénomène de ce genre se révèle catastrophique au cas où l’avion est frappé par la foudre.
On devine à ces quelques exemples la minutie des essais qu’il est nécessaire de mener pour parer à toutes les éventualités et les incertitudes qui peuvent subsister et que seule l’expérience permettra de dissiper.
Deux séries d’échecs à première vue incompréhensibles sont venues dans le domaine spatial illustrer ces difficultés. Après le lancement manqué des deux premiers Minutemen opérationnels, on s’est aperçu d’une part que la mise à feu d’une fusée engendrait de l’électricité statique et d’autre part que l’ogive et le système de guidage de l’engin de série n’étaient pas reliés électriquement, alors que les instruments d’essais montés sur les exemplaires expérimentaux avaient joué très involontairement ce rôle ! De même l’incendie de trois moteurs-fusées X-248, équipant le troisième étage d’engins Thor Delta, était dû à une manœuvre défectueuse créant un déséquilibre de charges électrostatiques entre deux parties du propulseur. Dans les deux cas l’isolement intempestif de deux éléments avait fait naître des arcs électriques.
Les recherches sont également poussées activement dans le domaine des matériaux dits « composites ». Ces matières plastiques à base de « boron » et de fibres de graphite paraissent appelées à un grand avenir dans l’industrie aéronautique, du fait de leur légèreté et de leur résistance. Malheureusement ces qualités se détériorent dans des proportions considérables sous l’effet de courants d’une intensité même très inférieure à celle des décharges orageuses. Les fils de tungstène contenus dans les matériaux à base de boron ou les nids d’abeille en aluminium utilisés pour raidir les structures se révèlent alors catastrophiques. Le remède paraît être un revêtement métallique conducteur, mais il reste à expérimenter la durée de vie de minces couches métalliques exposées à la corrosion, et on craint qu’elles ne deviennent en vieillissant des sources de parasites pour les équipements.
Ainsi chaque technique d’avant-garde, source de progrès dans certains domaines, fait-elle surgir à nouveau des problèmes que l’on avait pu croire définitivement résolus, alors qu’au fond seul un hasard heureux avait permis qu’ils passent, provisoirement, au second plan. ♦