Militaire - Israël : les forces terrestres - URSS : déclaration de M. Kossyguine ; la défense civile - Grande-Bretagne : déclaration de M. Healey - États-Unis : défense contre les missiles chinois - Yougoslavie : nouvelles lois de défense - Japon : le budget de défense ; la question des bases américaines - Iran : équipement militaire - Inde : aide militaire américaine - Thaïlande-Malaisie : incidents à la frontière
Israël : Les forces terrestres
Les forces de défense d’Israël (dont les forces terrestres constituent les deux tiers environ) ont la particularité d’être articulées autour d’un noyau actif assurant l’instruction permanente de réserves qui sont mobilisables dans des délais extrêmement courts et qui représentent l’essentiel du potentiel de combat. Cette conception est imposée par la faiblesse numérique de la population (2 550 000 habitants, y compris les minorités arabes) et les nécessités économiques.
Organisation générale
Précédemment attribution du Président du Conseil, le ministère de la Défense est devenu ministère à part entière depuis la nomination à sa tête du général Moshé Dayan (1er juin 1967). Le directeur général du ministère de la Défense est un civil, le directeur-adjoint un officier général. Le ministre de la Défense est assisté d’un État-major général qui assure le commandement de l’ensemble des forces armées. Les commandements des forces aériennes et des forces navales font partie intégrante de l’EMG ; leurs états-majors particuliers en constituent des « divisions ». Les forces terrestres, elles, ne disposent pas d’état-major particulier. Leur commandement est assuré directement par le chef de l’EMG et par son adjoint.
Budget
En Israël l’année budgétaire commence le 1er avril. En accroissement constant depuis plusieurs années, le budget de la défense est, pour l’exercice 1968-1969 plus que doublé par rapport au budget initial de l’exercice prévu avant le conflit de juin 1967. Chiffré d’abord à 1 407 millions de livres israéliennes, il a été porté fin avril 1968 à 2 200 millions, soit plus de 25 % du budget total. Cette augmentation a été officiellement justifiée par la nécessité d’acquérir de nouveaux moyens de combat et des munitions, de maintenir l’état de vigilance, de construire des abris et des ouvrages particuliers, d’assurer les frais d’une logistique augmentée en fonction du déploiement, de renforcer la défense passive.
Service militaire
Le service militaire est obligatoire pour les jeunes gens de 18 à 26 ans. Sa durée légale est de 30 mois. Réduit à 26 mois en décembre 1963, il a été rétabli à sa durée normale en novembre 1966. En janvier 1968, pour faire face aux besoins consécutifs au conflit de juin 1967, la durée du service a été portée à 3 ans. Les soldats servant au-dessus de 30 mois ont un statut de maintenus et perçoivent une solde particulière (200 Livres israéliennes – LI – au lieu de 16). En dehors des Israélites, les Druzes et les Tcherkesses sont les seuls minoritaires astreints au service militaire à la demande des représentants de leurs deux communautés. La conscription des femmes existe en temps de paix, mais elle comporte de nombreuses exceptions. La durée du service militaire féminin est de 20 mois. Les jeunes filles appelées servent dans les emplois administratifs et les services auxiliaires ou culturels des trois armées. Après son service actif, tout citoyen israélien peut être convoqué pour effectuer des périodes annuelles de durée variable en fonction de l’âge et du grade.
Mobilisation
La mobilisation, très bien organisée, permet le rappel sélectif de spécialistes ou le rappel vertical pour la mise sur pied des unités de réserve en fonction des besoins, dans des délais très rapides mais variables suivant l’urgence. Il existe en effet deux systèmes de mobilisation : l’un se traduit par l’envoi d’ordres individuels, l’autre, pratiqué lorsque la mobilisation doit être rapide, s’exécute par affichage, par appels lancés par des voitures équipées de haut-parleurs, ou par la radio. L’unité de base pour la mobilisation est la brigade. À l’exception de certains spécialistes, les réservistes sont choisis parmi ceux qui sont domiciliés dans la zone de stationnement de la brigade.
Emploi
L’Armée de terre israélienne est organisée et équipée en vue d’une guerre défensive brutale et de courte durée. Cependant, à cette mission traditionnelle s’est ajoutée la mission de maintien de l’ordre dans les territoires occupés, mission assurée conjointement par les forces terrestres et les forces de sécurité.
Organisation du commandement
Le territoire israélien est découpé en trois régions militaires complétées depuis la « guerre de Six Jours », par la création de gouvernements militaires des territoires occupés. Le commandant de région est en temps de paix directement responsable des unités stationnées sur son territoire à l’exception toutefois de l’aviation, de la marine et de certaines unités de réserve générale qui dépendent directement de l’EMG et qu’il se contente d’administrer. Pour toutes les autres unités, il est responsable de l’exécution des directives émanant de l’EMG, il administre, il veille à l’entraînement et à la mise en condition. En temps de guerre, il a pour mission de défendre son territoire et de ravitailler les forces qui s’y trouvent.
En plus des régions militaires il existe 7 « Ougdah ». L’Ougdah est un commandement strictement opérationnel qui engerbe de 2 à 4 brigades. La composition en est fixée en temps de paix, et le dosage d’infanterie et de blindés y est fonction de la région considérée.
Ce système de commandement particulièrement souple a fait la preuve de son efficacité pendant la « guerre de Six Jours ».
Matériels et armements
Jusqu’à la « guerre de Six Jours » les forces terrestres israéliennes disposaient uniquement de matériels et d’armements d’origine occidentale ou de fabrication nationale. La victoire de juin 1967 leur a permis de récupérer un complément de matériels occidentaux, mais surtout de grandes quantités de matériels et d’armements d’origine soviétique dont une partie a déjà été mise en service. Les matériels occidentaux, en particulier chars et véhicules de transport blindés, de modèles relativement anciens, ont été conservés en bon état d’entretien et constamment modernisés et valorisés par les industries militaires israéliennes. Celles-ci satisfont d’ailleurs à la plupart des besoins des forces terrestres en armes et munitions.
Instruction - Entraînement
La formation militaire comprend l’instruction proprement dite, et l’éducation. L’armée joue un rôle important dans l’intégration des immigrants à la Nation (étude de la langue hébraïque, formation civique). L’instruction est conduite de façon très sérieuse et rationnelle. L’accent est porté sur la mécanisation des actes élémentaires du combattant, le développement de l’esprit d’initiative des cadres subalternes, l’entraînement physique, la vie en campagne, le combat de commando et le combat de nuit, la conservation du secret. Les exercices et manœuvres avec tirs réels sont fréquents.
L’entraînement physique est très poussé ; pendant les marches-manœuvres des nombreux exercices de vie en campagne, les cadres sont soumis au même régime que leurs hommes dans tous les domaines. Cette pratique crée entre les hommes du rang et les cadres subalternes des liens d’amitié et de solidarité dont on trouve peu d’exemples dans les autres armées. Israël a toujours évité de faire appel à des instructeurs étrangers. Par contre, de nombreux officiers ou cadres spécialistes sont envoyés en stage dans les pays occidentaux, non seulement dans les écoles militaires, mais aussi dans les universités et instituts spécialisés.
Il n’existe pas d’école d’officiers à recrutement direct. Les futurs officiers sont choisis parmi les recrues. Ils doivent avoir reçu la formation commune de base et servi dans une unité durant trois mois, puis avoir suivi une formation de sous-officier et effectué un stage d’application de trois mois dans un corps de troupe. Ce n’est qu’à l’issue de ce stage que la sélection est faite. Les futurs officiers d’active sont envoyés à l’Académie militaire de Haïfa qui forme les officiers des trois armées. Les fantassins en sortent sous-lieutenants. Les élèves appartenant aux autres armes ne sont nommés sous-lieutenants qu’à l’issue de leur stage d’application d’arme. Les futurs officiers de réserve, sélectionnés de la même manière, sont envoyés à l’école d’officiers de Kfar-Sirkin. Pour l’enseignement militaire supérieur, il existe une « école d’état-major et de commandement » ouverte aux capitaines, et un institut de défense nationale ouvert à des officiers supérieurs et à des civils exerçant des fonctions de responsabilité à l’échelle nationale.
Autres forces
Aux forces terrestres proprement dites, il convient d’ajouter la police des frontières bien équipée et entraînée, prélevée par volontariat sur le contingent et recevant une instruction spécialisée, les membres des « Kibboutzim », ou « Kibboutzniks », qui représentent un effectif combattant important, et la « Gadna » qui donne aux jeunes de 14 à 17 ans une formation prémilitaire et civique poussée. L’apparence extérieure de laisser-aller de l’armée israélienne ne manque pas de surprendre l’observateur étranger. Il ne s’agit en fait que d’un aspect qui trouve son explication dans le peu de formalisme que les Israéliens attachent soit à leur présentation, soit aux rapports des membres des forces armées entre eux quel que soit leur grade ou leur fonction. Armée jeune, dynamique, elle prend toute sa valeur dans la formation technique et morale qui lui est donnée. Essentiellement orientée vers l’efficacité des méthodes et des moyens employés, sa maîtrise des techniques spécifiques n’est plus à démontrer.
URSS :
Déclaration de M. Kossyguine
Dans les déclarations qu’il a faites au début de l’année à un journal japonais, M. Kossyguine a abordé plusieurs sujets militaires. L’intention de relancer les négociations avec les États-Unis y apparaît nettement. M. Kossyguine a, en effet, insisté sur la nécessité d’engager avec les États-Unis des entretiens sérieux sur le désarmement pour aboutir à une réduction mutuelle des stocks de missiles nucléaires y compris les missiles antimissiles.
Bien que n’ayant évoqué le conflit du Vietnam qu’en termes généraux, M. Kossyguine a cependant renouvelé l’exigence du retrait des forces américaines et réaffirmé pour ce pays la nécessité de décider lui-même de son sort. Aucune allusion n’a été faite aux pourparlers de Paris.
Après avoir accusé les pays occidentaux d’accentuer les préparatifs militaires et les activités subversives contre les pays socialistes, M. Kossyguine a suggéré la création d’un système collectif de sécurité. Il a redit que la seule politique réaliste était celle basée sur la reconnaissance du statu quo et la dissolution des blocs militaires. On peut rapprocher de cette déclaration celle faite quelques jours plus tard par l’ambassadeur soviétique à Bonn selon laquelle le gouvernement soviétique était décidé à poursuivre l’étude de la proposition ouest-allemande de déclaration commune de non-recours à la force. Cette étude avait été interrompue par l’intervention en Tchécoslovaquie.
La défense civile
Bien que les forces armées soviétiques soient prêtes à déjouer, grâce à leur matériel de haute valeur, les tentatives de n’importe quel agresseur, il n’existe pas encore de protection totale des villes et des objectifs principaux contre les armes de destruction massive. Cette constatation figure dans une récente déclaration du maréchal Tchouikov, chef de la défense civile en URSS qui reconnaît que le degré de préparation et de réalisation en matière de défense civile est insuffisant. Si les états-majors sont en place, et l’instruction de la population, des élèves et des ouvriers dispensée plus ou moins bien, les réalisations matérielles, les abris, les plans de dispersion des industries et de mise à l’abri de réserves de vivres en sont encore le plus souvent au stade des études. Le maréchal Tchouikov estime pour sa part indispensable de préparer une évacuation massive des citadins et d’entreprendre la construction d’abris sérieux pour ceux qui devront rester.
Ces propos montrent que l’URSS se heurte en matière de défense civile aux mêmes difficultés financières que les autres grands États.
Grande-Bretagne : Déclaration de M. Healey
M. Healey, secrétaire d’État britannique à la Défense, a développé, devant la société allemande d’étude des problèmes stratégiques, les vues anglaises sur la défense. Après avoir constaté la supériorité des forces du pacte de Varsovie sur le plan conventionnel, il a admis la nécessité, pour les membres de l’Alliance Atlantique, de recourir rapidement aux armes atomiques en cas de conflit majeur. Cette constatation conduit la Grande-Bretagne à souhaiter l’intégration de la stratégie nucléaire au sein d’un noyau européen.
On peut remarquer à ce sujet que l’Allemagne et la Grande-Bretagne planifient déjà en commun, au sein de l’Otan, des cas types d’emploi sélectif des armes nucléaires.
Dans le domaine des représailles nucléaires, M. Healey a déclaré, après son retour à Londres, que l’Angleterre se bornerait à construire 4 sous-marins nucléaires équipés de fusées Polaris améliorées. Le potentiel nucléaire ainsi atteint paraît en effet suffisant pour obtenir l’effet dissuasif recherché.
À noter enfin que les accords qui existaient depuis 1958 en matière d’échanges d’informations nucléaires entre la Grande-Bretagne et les États-Unis ont été renouvelés pour cinq ans le 31 décembre 1968. Ces échanges pourraient favoriser, si le gouvernement anglais l’estimait utile et d’un coût acceptable, la construction ultérieure de missiles à charges multiples capables de traiter simultanément jusqu’à dix objectifs.
États-Unis : Défense contre les missiles chinois
M. McNamara, alors secrétaire à la Défense des États-Unis, avait défini en 1967 le système antimissiles balistique Sentinel comme destiné à protéger les principales villes américaines contre une éventuelle attaque de missiles intercontinentaux chinois à charge unique et dépourvus de protection contre les radiations produites par l’explosion d’anti-missiles. Il estimait que la Chine serait en mesure de mener une telle attaque avec un nombre réduit de missiles dans les années 1975-1980.
M. Laird, secrétaire à la Défense des États-Unis, a ordonné de suspendre en partie, et pour un certain temps, le déploiement du système Sentinel estimant qu’une nouvelle étude du problème était nécessaire. Il a en effet déclaré que la Chine serait en mesure dès 1970 de lancer quelques missiles balistiques intercontinentaux (ICBM). Certains experts pensent même que la Chine détiendra entre 1975 et 1980 plusieurs centaines d’ICBM perfectionnés.
Yougoslavie : nouvelles lois de défense
Comme cela a été annoncé dans la chronique militaire de janvier dernier, la Yougoslavie a adopté de nouvelles lois en matière de défense. Sur les trois textes prévus, deux ont été votés le 12 février dernier. Ils associent étroitement la population civile à l’armée dans une défense populaire totale en cas d’agression.
La loi de défense nationale fait apparaître d’une part l’Armée populaire d’active et de réserve, comprenant sous les ordres du gouvernement fédéral, des forces aériennes, terrestres et maritimes, et, d’autre part, des unités territoriales placées sous l’autorité des Républiques fédérées et dont le financement est à la charge des organismes qui leur donnent naissance : entreprises, administrations, etc. La participation de l’Armée populaire à leur encadrement et à leur instruction n’est pas exclue.
La loi sur les obligations militaires précise que le service est dû par les hommes de 17 à 65 ans et, dans les forces de réserve, par les femmes de 19 à 40 ans. Le secrétaire d’État à la Défense a souligné qu’en cas d’agression c’est la population tout entière qui serait mobilisée. La défense du pays devient le droit et le devoir de chaque citoyen qui recevra une préparation appropriée dans les domaines civique, physique et militaire.
Japon :
Le budget de défense
Le projet de budget pour le prochain exercice fiscal (1er avril 1969-31 mars 1970) s’élève à 6 740 milliards de yens (le yen vaut 0,0137 franc). Il est donc en augmentation de 15,8 % par rapport au précédent. Un peu plus de 7 % y sont consacrés à la défense nationale, ce qui représente une augmentation de 14,6 %. Une légère réduction a été imposée à l’agence de défense par le conseil de défense, sur l’achat de certains matériels aériens, en particulier sur l’acquisition de McDonnel Douglas F-4 Phantom II américains. Cette limitation dans l’effort financier en matière de défense semble conforme à la politique actuelle du Japon basée sur le renouvellement du traité de sécurité qui lie le Japon et les États-Unis.
La question des bases américaines
Les Américains disposent d’environ cent cinquante bases au Japon dont certains partis politiques japonais voudraient obtenir l’évacuation. Le commandement des forces américaines au Japon a récemment admis que le statut de ces bases pourrait être modifié pour approximativement le tiers d’entre elles. Cependant, si l’évacuation des bases jugées les moins nécessaires est possible, il reste certain que les négociations sur le sujet seront longues.
Iran : équipement militaire
La politique d’équilibre pratiquée par le gouvernement iranien conduit à doter les forces armées de ce pays d’équipements d’origines diverses. Des matériels russes tels que véhicules blindés de transport de troupe BTR 50P et 60P, canons antiaériens et automoteurs ou tractés et camions voisinent maintenant avec des matériels américains. Un programme destiné à créer une aviation légère de transport au profit de l’Armée de terre est en cours. L’hélicoptère américain Bell Iroquois a été retenu pour doter les premières formations.
Inde : Aide militaire américaine
L’élection de M. Nixon à la présidence des États-Unis et l’issue possible du conflit vietnamien inquiètent certains dirigeants indiens qui redoutent un éventuel désengagement américain laissant le champ libre à l’Union soviétique. Après avoir donné son accord à la livraison prochaine au Pakistan de chars Patton, le gouvernement américain a fait savoir que l’Inde pourrait bénéficier de mesures semblables. L’Inde a manifesté une nouvelle inquiétude à l’annonce de la livraison d’avions MiG-19 et Il-28 et de blindés T-54 russes au Pakistan.
Thaïlande-Malaisie : Incidents à la frontière
Divers accrochages ont opposé en décembre dernier des patrouilles thaïlandaises, malaisiennes ou mixtes à des rebelles près de la frontière des deux pays. Une grave embuscade s’était déjà produite en juin 1968 dans la même région. De nouvelles mesures ont été prises en commun par les deux gouvernements intéressés, en particulier en matière d’actions aériennes. Les rebelles, qui stationnent généralement en Thaïlande, seraient au nombre de 500 à 1 000 hommes. ♦