Aéronautique - Ébauche d'un plan à long terme pour l'industrie aéronautique britannique - Évolution du Tactical Air Command - L'équilibre des forces nucléaires entre les États-Unis et la Russie - L'hélicoptère dans l'Armée de terre américaine
Ébauche d’un plan à long terme pour l’industrie aéronautique britannique
La Société des constructeurs d’avions britanniques (SBAC) vient de soumettre au ministre de la « Technology » un plan de dix ans de nature à garantir l’existence de l’industrie aéronautique de la Grande-Bretagne et même celle des autres industries européennes. En effet le gouvernement avait fait savoir qu’il n’était pas en mesure de fixer lui-même aux constructeurs la liste des programmes susceptibles de recevoir un soutien financier de sa part.
Parmi les projets d’avions civils évoqués dans ce plan, on peut noter :
– des versions successives de l’avion de transport supersonique ;
– un avion court et moyen courrier, d’une classe intermédiaire entre le DC-9 ou le BAC 1-11 et le Lockheed 1011 ou l’Airbus européen (1) ;
– des avions de transport à décollage et atterrissage verticaux (VTOL) ;
– des avions à décollage et atterrissage courts pour remplacer les Hawker Siddeley 748 et les Handley Page Dart Herald (2) ;
– des avions d’affaires à turbopropulseurs tenant le milieu entre le Handley Page Jetstream et le Hawker Siddeley 125 (3) ;
– des avions et des hélicoptères légers de transport de passagers ou de fret.
Dans le domaine militaire, le plan envisage :
– des développements du Hawker Siddeley P.1127 Harrier à décollage vertical, et du Jaguar franco-britannique, de façon à intéresser une clientèle étrangère ;
– un avion de combat susceptible de remplacer le F-104 G, le Canberra, le Buccaneer, voire le Phantom, sans avoir à recourir à un avion américain ;
– un avion d’entraînement supersonique, pouvant servir d’avion de combat de complément ;
– des avions et des hélicoptères de transport tactique ;
– des avions d’entraînement de début appelés à remplacer le Gnat, le Macchi et le Jet Provost (rappelons que ce dernier est un biplace côte à côte équipé d’un Bristol Siddeley Viper, et que les deux autres sont des biplaces en tandem, le premier équipé d’un Bristol Orpheus, le second d’un Viper, enfin que le premier existe en version monoplace, comme intercepteur de jour).
Enfin, la Society of British Aerospace Companies pense qu’il faut continuer dans la voie des engins antichars, mettre au point un engin air-sol pour le Harrier, voire pour les hélicoptères, et commencer sans tarder les études d’un nouvel engin sol-air de défense aérienne ainsi que d’un engin air-air adaptable aux avions en service.
Naturellement tous les avions en projet devraient être équipés de moteurs britanniques, c’est-à-dire fabriqués par Rolls Royce, mais c’est surtout important dans le cas de l’avion de combat appelé à remplacer le Lockheed F-104 Starfighter, car l’expérience acquise dans des conditions d’emploi militaire est irremplaçable pour la mise au point ultérieure de moteurs destinés aux avions civils. C’est évidemment au Rolls Royce RB-199 que pense la SBAC, moteur qui est sur les rangs pour l’avion de combat européen (MRCA, MultiRole Combat Aircraft).
Pour toucher le point sensible du gouvernement britannique actuel, la SBAC insiste sur l’intérêt économique d’une industrie aéronautique puissante.
La solution de facilité consistant à acquérir le matériel aérien aux États-Unis aurait plus d’inconvénients que d’avantages. En particulier, il serait maladroit de ne pas donner à Rolls Royce la possibilité de se maintenir à la pointe de la technique des moteurs car elle est la seule firme capable, selon la SBAC, de rivaliser avec les constructeurs américains. Si elle perdait ce caractère, les Américains, jouant sur le monopole dont ils disposeraient désormais, pourraient se permettre d’augmenter impunément leurs prix.
Ensuite, notent les instigateurs du plan, n’est-il pas significatif que le Japon et l’Allemagne de l’Ouest, dont la croissance économique dans la plupart des domaines est pourtant remarquable, s’efforcent désespérément de bâtir une industrie aéronautique digne de ce nom ? N’est-ce pas la preuve que l’existence d’une industrie aéronautique florissante est indispensable pour tenir sa place dans la course aux techniques d’avant-garde ?
Évidemment les programmes inclus dans le plan devront aussi recourir à ces techniques si on veut entretenir un courant d’exportation. Il faudra de plus que le choix des formules soit assez judicieux pour qu’on puisse construire des séries significatives. Mais elles n’auront pas besoin d’être aussi nombreuses qu’aux États-Unis, car la SBAC a calculé qu’avec cinquante exemplaires un appareil britannique était de 40 % moins cher qu’un avion américain similaire, et qu’au-delà de cent exemplaires, il était encore moins coûteux d’un tiers.
La SBAC ne se refuse pas à la coopération internationale, mais pense qu’elle augmente le prix unitaire des appareils et introduit des délais supplémentaires pour leur mise au point. Ce serait donc à ses yeux une faute de compter exclusivement sur des programmes de ce genre, d’autant plus que la part des équipements est très grande dans le coût des appareils et que l’industrie britannique doit son essor dans une large mesure à cette branche d’activité. En revanche, il est très intéressant pour Rolls Royce de mettre au point des moteurs destinés à des programmes étrangers.
Et la SBAC conclut en observant que l’industrie britannique, malgré des difficultés de toutes sortes, a été et continue à être, pour une part considérable, à l’origine des succès britanniques, ce qui justifie largement une aide du gouvernement. Si on lui donne la possibilité de mener à bien des projets adaptés à une demande internationale, elle peut parfaitement rivaliser avec celle des États-Unis.
Évolution du Tactical Air Command
Au cours d’un entretien accordé à une revue militaire américaine, le général Momyer, as de la guerre 1939-1945 et présentement à la tête du Commandement des forces aériennes tactiques (TAC : Tactical Air Command), a indiqué comment évoluerait l’organisation des unités placées sous son autorité et quels problèmes il leur fallait résoudre.
Rappelons que le TAC regroupe sous son autorité des avions de chasse et de reconnaissance (Republic F-105 Thunderchief, McDonnell Douglas F-4 Phantom II, etc.) et des avions de transport de troupe (Lockheed C-130 Hercules et C-141 Starlifter, etc.). En Amérique, il dispose de deux « Forces aériennes », la 9e et la 12e, dont les unités sont respectivement déployées dans le Sud-Est et dans l’Ouest des États-Unis. Le siège du Commandement et son centre d’opérations se trouvent en Virginie. Quant à la 19e Force aérienne, elle ne comprend qu’un poste de commandement aéroporté (sur C-135 Stratolifter), et peut se voir attribuer pour une opération donnée les moyens dépendant normalement d’autres organismes. Le commandant du TAC est également celui du Strike Command, qui est proprement la force d’intervention interarmées des États-Unis. Ses unités concourent à la dissuasion puisqu’elles peuvent emporter des bombes atomiques tactiques, mais elles doivent aussi être en mesure d’intervenir en soutien de l’Armée de terre dans n’importe quelle sorte de combat, du type classique ou subversif, ce qu’effectivement elles sont appelées à faire depuis plusieurs années au Vietnam. Certaines unités de la 12e Force aérienne sont des escadres d’entraînement au combat, mais la progression des pilotes se poursuit désormais dans les unités non spécialisées, ce qui a permis de porter leur dotation à 24 appareils par escadron et de résoudre à la fois des problèmes d’effectifs et de matériel.
En même temps se précisait le rôle du TAC : il fallait qu’il puisse intervenir dans les meilleurs délais sur un terrain entièrement nu, ne comprenant que des pistes, des chemins de roulement et un point d’eau ; on cherche actuellement à définir et à réunir les moyens permettant à une escadre (soit trois escadrons) ou à un escadron de s’installer sur un tel terrain et d’entreprendre des missions de guerre dans un délai de 80 heures après le déclenchement de l’alerte. Un exercice aura lieu dans cette intention à la fin de l’année avec un escadron. Il faut évidemment ensuite plusieurs semaines pour atteindre et surtout soutenir indéfiniment le rythme de 1,2 mission par avion et par jour, imposé aux escadrons pendant leurs séjours au Vietnam par exemple. Encore voudrait-on parvenir à 1,5 et même 1,6 mission par jour.
Les unités du TAC avaient adopté voici dix ans – suivant en cela l’exemple du Commandement stratégique – un système d’entretien des avions (« maintenance ») centralisé, ce qui signifie que les commandants des escadrons avaient seulement gardé la responsabilité de l’instruction opérationnelle et de l’encadrement de leur personnel, tandis que les mécaniciens étaient regroupés sous l’autorité d’un Chef des services techniques, unique pour toute l’escadre.
Mais cette organisation, qui permet une gestion parfaitement rationnelle de la flotte en temps de paix et qui s’adaptait bien au rythme de vol du Commandement stratégique, s’est révélée inadaptée au temps de guerre et aux exigences du redéploiement ; aussi a-t-elle été abandonnée par le TAC. Désormais le commandant d’escadron est responsable de son personnel et de son matériel dans tous les domaines : cellule de combat des forces tactiques, il dispose à son niveau de tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. C’est ainsi que 75 % des mécaniciens sont repassés sous le commandement des escadrons ; encore en cas de redéploiement reçoivent-ils un renfort de l’unité d’entretien au deuxième échelon demeurée au niveau de l’escadre. Ils disposent enfin de leurs propres sections médicales et administratives.
Les raisons invoquées pour cette réorganisation sont intéressantes. L’expérience vécue depuis 1945 par les Américains leur a montré que l’organisation ne pouvait être une fin en elle-même et que surtout tels procédés qui donnaient le meilleur rendement à une usine n’étaient pas forcément adaptés à l’état militaire où la vocation du personnel est d’un autre ordre et où le choix du métier n’a pas obéi aux mêmes mobiles.
« Les deux organisations – déclare à peu près le général Momyer – me donneraient le moyen de faire le même nombre de sorties par jour, mais la seconde – la décentralisation – me permettra de souder mes escadrons car chacun de leurs membres aura vraiment l’impression d’appartenir à une unité de combat, ce qui constitue un mobile plus puissant que l’insertion dans un organisme impersonnel. Naguère les gens faisaient connaissance au moment où ils devaient se redéployer. Maintenant, nous bâtissons des unités d’une seule pièce, composées de gens qui seront habitués à travailler en équipe.
Un autre souci actuel est de réunir les moyens de support types, capables d’assurer la vie et le combat d’une escadre de Phantom sur un terrain démuni de tout. La constitution de chacun de ces « lots » de support reviendra à l’équivalent de plus de 40 millions de francs. Mais toutes les escadres n’en seront pas dotées, car il existe quand même dans tous les pays un certain nombre de terrains avec un minimum d’équipement.
On voit que la capacité d’intervention immédiate se paie cher, mais la politique des États-Unis exige de disposer d’un tel moyen. La mobilité conférée ainsi aux unités du TAC. permet en outre d’en baser un plus grand nombre sur le territoire métropolitain, ce qui du point de vue économique n’est pas un mince avantage et compense sans doute largement le prix du « lot » d’équipement pour terrain « nu », comme les Américains appellent l’énorme masse de matériel qu’ils s’occupent actuellement à définir.
Mais l’auteur de l’article revient à la décentralisation pour conclure, inspiré sans doute par le général Momyer : « La nouvelle organisation du TAC n’est pas un retour aux vieilles formules, elle est bel et bien un compromis raisonnable entre le neuf et le vieux, entre l’utilisation des techniques modernes de gestion et une juste appréciation du facteur humain ».
L’équilibre des forces nucléaires entre les États-Unis et la Russie
Un des derniers actes de M. Clifford, secrétaire à la Défense de l’administration démocrate, a consisté à présenter son rapport annuel sur l’état de préparation des forces armées au Pentagone ; il ne l’a pas fait officiellement devant le Congrès américain, étant donné la prochaine relève des pouvoirs.
Sans doute ce rapport ne peut éviter d’avoir des aspects de testament ou d’apologie, compte tenu des circonstances. Il est néanmoins intéressant de voir comment le ministre du Président Johnson répond aux accusations souvent formulées l’an dernier contre lui, tant à la Chambre des représentants qu’au Sénat, de laisser rattraper le pays par l’URSS dans le domaine des armements nucléaires.
Son système de défense consiste à reconnaître que les Russes parviendront effectivement en 1969 à déployer un nombre d’engins intercontinentaux (ICBM) égal à celui des États-Unis, mais à affirmer que sur le plan stratégique ces derniers continueront à disposer d’une supériorité dans la qualité, la variété et partant la souplesse d’emploi des armes nucléaires. En outre, il déclare que le projet de budget de 1970 déposé par lui laisse ouvertes toutes les possibilités de développer tel ou tel type d’armements nouveaux que la situation du moment rendrait nécessaires.
En effet, les Russes disposaient à la fin de l’année de quelque 900 ICBM contre 1 054 aux États-Unis. La puissance des charges nucléaires est en général supérieure en Russie. En revanche, à la même date, les Américains mettaient en ligne 646 bombardiers stratégiques et 656 sous-marins à propulsion atomique contre respectivement 150 et 45 pour leurs adversaires. Encore la classe des engins portés par les sous-marins soviétiques paraît-elle correspondre à la première version des engins Polaris mis en œuvre par les États-Unis il y a dix ans. Quant aux ICBM russes, ils sont encore en majorité à propergol liquide (ensemble du carburant et du comburant), et leur remplacement par des engins à propergol solide est tout juste entrepris.
M. Clifford conteste aussi l’efficacité du système de défense contre engins Galosh mis en place pour protéger Moscou, en remarquant qu’il a beaucoup de ressemblance avec le projet Nike Zeus abandonné par les Américains en raison de ses insuffisances. Du reste un certain ralentissement dans son installation a été sensible en 1968, et serait dû selon lui à des difficultés techniques et des accroissements de coûts.
Parmi les possibilités offertes par le projet de budget de 1970, M. Clifford met l’accent sur les suivantes :
– amélioration de la technique du NikeX, jusqu’à nouvel ordre limité à la mise en œuvre d’une ligne de défense « mince » contre une éventuelle menace chinoise ;
– programme du nouveau bombardier stratégique (AMSA) ;
– mise au point de nouveaux sous-marins porteurs d’engins à longue portée (ULMS : Undersea Long Range Missile System) ;
– étude d’un nouveau système de rentrée des engins balistiques (ABRES : Advanced Ballistic Re-Entry System).
En somme, M. Clifford place implicitement la nouvelle administration devant un dilemme : « il existe des possibilités techniques illimitées dans plusieurs domaines, mais leur réalisation est coûteuse et nous n’avons pas jugé nécessaire de l’entreprendre ; si vous jugez différemment de la situation, les voies sont ouvertes ; à vous d’en peser les conséquences économiques ».
Colonel J.-P. Arbelet
L’hélicoptère dans l’Armée de terre américaine
C’est à partir de 1908 que l’US Army commença à recevoir quelques avions, en nombre peu élevé d’ailleurs, puisqu’à l’entrée en guerre des États-Unis en 1917, l’aviation américaine en comptait environ 200. À la fin des hostilités, l’Air Service, dépendant du corps expéditionnaire, disposait d’environ 6 000 appareils, dont les deux tiers de construction française. En 1935, l’Air Service devenait l’Army Air Corps qui, à son tour, prenait l’appellation d’US Army Air Force en 1941.
Pendant les combats de la dernière guerre mondiale, des avions légers allaient être utilisés par l’armée américaine pour des missions de reconnaissance, puis d’appui au sol, tous les autres appareils, dont les bombardiers, dépendant de l’USAAF. En 1947, enfin, l’USAAF acquérait son autonomie en devenant l’US Air Force (USAF). À partir de cette date, l’armée américaine va continuer à disposer, principalement dans les unités d’infanterie et de blindés, d’unités aéronautiques particulières. C’est en 1950, avec la guerre de Corée, au moment où l’USAF utilise les F-80-F-84 Thunderjet et les F-86 Sabre, que l’US Army fait appel aux hélicoptères comme moyen d’évacuation des blessés ; il s’y ajoute bientôt certaines missions de liaison et de reconnaissance. Dès lors nous allons assister à l’utilisation de plus en plus massive de l’hélicoptère.
En 1957, l’aviation de l’US Army comprend 4 000 aéronefs dont 1 000 hélicoptères environ. En juillet 1964, ce total passe à 6 300 ; en juillet 1966 à 7 940 ; en juillet 1967 à 9 528. Les crédits budgétaires prévoyaient, au 1er juillet 1968, 11 578 aéronefs. Dès 1965, on peut dire que sur ces totaux, la proportion des hélicoptères a atteint 80 %. Si l’on considère que le chiffre total des hélicoptères en service dans les trois armées était de l’ordre de 11 200 unités fin décembre 1968, on constate donc que l’US Army, avec près de 8 000 voilures tournantes, est le plus grand utilisateur d’hélicoptères.
La guerre du Vietnam explique évidemment cet accroissement. L’hélicoptère s’y est révélé l’arme aérienne par excellence mais, en contrepartie, les pertes ont été assez sérieuses. Au 1er septembre 1968, d’après les documents officiels américains, les pertes des trois armées en appareils depuis le début de la guerre s’élevaient à 4 350, dont 2 000 hélicoptères.
Il ne faut donc pas s’étonner si le budget 1969 de l’US Army a prévu la construction de plus de 1 000 hélicoptères (transport et assaut) et seulement de 300 avions de servitude ou de reconnaissance (Grumman OV-1 Mohawk) (4).
L’extension des missions de l’hélicoptère
Les missions tactiques générales de l’hélicoptère sont connues et peuvent se résumer en trois appuis principaux :
– appui feu, grâce à son armement ;
– appui renseignement, en liaison avec les unités de cavalerie ;
– appui manœuvre, grâce aux possibilités de déplacements rapides d’éléments. La guerre du Vietnam a permis d’étendre et de diversifier ces missions, compte tenu d’un armement et d’un matériel en perpétuelle évolution. L’appui tactique, le transport de troupes, d’armement et de matériels, le soutien logistique, ont profité des enseignements des combats qui s’échelonnent de l’action de guérilla à l’engagement entre grandes unités.
Une certaine mésentente régnait entre USAF et l’US Army quant aux caractéristiques des appareils tombant sous la responsabilité de chaque armée. Jusqu’en 1966, c’était une directive du Département de la Défense qui fixait à 2 300 kg le poids maximum à vide des aéronefs que l’US Army pouvait utiliser pour ses transports tactiques dans les zones de combat. Un accord intervenu en janvier 1967 a mis fin à une période de contestation en attribuant à l’USAF les transports aériens tactiques dans les zones de combat avec ses appareils à voilure fixe. L’US Army a reçu la responsabilité de la liaison et de la reconnaissance, des interventions rapides, des appuis-feu et du ravitaillement de ses propres unités. Ces missions étant remarquablement assurées par l’hélicoptère, celui-ci a donc pris une place prépondérante.
La création d’une division aéromobile, la 1st Cavalry Division, en 1965, qui opère au Vietnam depuis 1966, a concrétisé cette participation. Semblable à la division Road dans ses structures, elle en diffère par l’absence complète de chars et la proportion relative de ses aéronefs et de ses véhicules.
Au moment de sa formation, la 1re Division de Cavalerie comportait 15 800 hommes, avec 8 bataillons d’infanterie, 3 bataillons d’hélicoptères et une base divisionnaire comprenant un groupe d’aviation, un escadron de cavalerie héliportée, de l’artillerie divisionnaire et des services. Quant au parc aérien, il s’élevait à 434 aéronefs dont 6 avions d’observation Mohawk et 428 hélicoptères. Dès ce moment, la conception générale des opérations menées par la division d’assaut par air était la suivante : recherche de l’ennemi par les avions et hélicoptères de reconnaissance, action de la cavalerie aérienne héliportée pour fixer l’ennemi en attendant l’infanterie amenée par hélicoptères, appui de feu fourni par des hélicoptères armés de mitrailleuses et de roquettes, transport de l’artillerie par hélicoptères, soutien logistique par hélicoptères.
La répartition des 428 hélicoptères, chiffre adopté en 1966, était la suivante :
– groupe d’aviation divisionnaire : 256 hélicoptères répartis en 1 bataillon d’hélicoptères lourds (48 CH-47 Chinook) (5) et 2 bataillons d’hélicoptères légers (observation, transport léger, assaut). Chacun de ces bataillons comprenait 99 hélicoptères (Hugues OH-6A (6), Bell Iroquois UH-1B et UH-1D) (7) ;
– escadron de cavalerie héliportée : 93 hélicoptères légers ;
– artillerie divisionnaire : 56 hélicoptères ;
– autres services : 87 hélicoptères.
Ces répartitions ont pu subir quelques modifications à la suite des durs combats auxquels a participé la 1re Division de Cavalerie. Mais ils sont suffisamment caractéristiques pour illustrer le rôle joué par l’hélicoptère. Depuis 1966, d’ailleurs, les améliorations apportées dans les performances et l’armement des différents types ont été considérables.
Hélicoptères de combat
Lorsque les opérations ont commencé au Vietnam, l’hélicoptère utilisé pour le transport tactique, comme pour le soutien logistique et les évacuations sanitaires, était le UH-1D Iroquois. Faiblement armé, donc vulnérable, on le munit dans un premier temps de mitrailleuses et de lance-roquettes. On affecta également des hélicoptères UH-1B (baptisés également Huey), mieux armés, pendant que l’US Army Weapons Command mettait au point différents systèmes d’armes pour améliorer cet armement et obtenir un hélicoptère mieux protégé et d’une puissance de feu suffisante.
C’est ainsi qu’en 1966 on adopta deux systèmes : le XM-21 et le XM-31. Le premier comporte deux mitrailleuses orientables à 6 canons de 7,6 mm, pouvant tirer 4 000 coups/minute, et deux lance-roquettes de 70 mm disposés symétriquement (14 roquettes d’une portée maximale de 3 000 m). Le second comporte deux canons de 20 mm portant à 3 000 m.
C’est sur l’Iroquois également qu’ont été essayés en 1967 deux autres systèmes comportant l’un 2 canons de 20 mm, l’autre 2 canons de 30 mm en tourelles (400 coups/minute) pour l’attaque d’objectifs isolés.
Sur d’autres Iroquois, on a monté également un lance-grenades de 40 mm (230 coups/minute) ou des engins filoguidés SS-11 portant jusqu’à 3 600 m. Ceux-ci doivent être remplacés ultérieurement par des missiles filoguidés TOW.
C’est en 1967 qu’a été mis en service au Vietnam le AH-1G ou Huey Cobra construit par la Textron S Bell Company, dérivé de l’Iroquois, mais aux caractéristiques supérieures, qui en font un hélicoptère d’assaut remarquable, en particulier pour les appuis-feu et les attaques de position d’artillerie. Le Huey Cobra, d’une vitesse de croisière de 295 km/h, peut effectuer des piqués à 350 km/h et emporter près de 2 000 kg d’armement (850 kg environ sur le UH-1B). Des blindages protègent le pilote et le mitrailleur ainsi que les parties essentielles de l’appareil.
L’armement comprend, en principe, une mitrailleuse XM-134 Minigun de 7,62 mm (4 000 coups/minute) en tourelle de nez et des points d’accrochage de charges sous les tronçons d’ailes permettant de compléter la puissance de feu par des armes diverses. C’est ainsi qu’on trouve 4 lance-roquettes de 70 mm ou des engins Shillelagh à guidage semi-automatique, identiques à ceux mis au point pour les chars Sheridan et M.60 de l’US Army. Le Shillelagh, à grande capacité explosive, peut être utilisé indifféremment contre les troupes, les chars et les fortifications.
L’éventail de l’armement des hélicoptères d’assaut et des hélicoptères de reconnaissance et d’observation s’est donc considérablement augmenté à la lumière des nécessités et des enseignements des combats au Vietnam. Le nombre très élevé des hélicoptères du type Iroquois livrés depuis le début des opérations (6 000 environ fin 1968) explique également la recherche d’un armement optimum et la diversité des solutions adoptées suivant les missions principales. Quant au Huey Cobra dont les premiers exemplaires ont été livrés fin 1967, les délivrances portaient fin 1968 à un total d’environ 800 appareils : il est particulièrement apte au nettoyage des zones d’atterrissage choisies par les unités de la 1re Division de Cavalerie.
Malgré les excellentes performances de cet hélicoptère, qui constitue une véritable plate-forme pour projectiles, l’US Army a mis sur pied, dès 1967, un programme AAFSS confié à la société Lookheed et visant à obtenir un autre hélicoptère, spécialisé dans l’escorte et la protection des troupes héliportées. Après des essais concluants, 375 exemplaires de cet appareil baptisé AH-56A Cheyenne ont été commandés en 1968. Mû par une turbine à gaz de 3 500 ch, le Cheyenne peut voler à plus de 400 km/h, monter à 1 000 m en 1 minute. Son poids est de 7,6 tonnes. L’équipage comprend deux hommes protégés des tirs terrestres par un blindage.
L’armement est encore supérieur à celui du Huey Cobra puisqu’il comprend un lance-grenades de 40 mm et un canon de 30 mm en tourelle et des engins divers ; 152 roquettes de 70 mm ou des missiles air-sol à grande puissance. Le missile TOW qui va être livré en série à l’US Army pour remplacer le canon de 106 mm équipera également certains exemplaires.
Tout temps, il est prévu pour effectuer des missions rapides, pouvant retourner au combat après un ravitaillement complet qui dure 10 min ou un échange de turbine qui dure 30 min. Il peut traverser le Pacifique, en faisant seulement deux ravitaillements aux Hawaï et à Guam.
Pour les hélicoptères légers d’observation, on peut citer le Bell OH-13 Sioux et surtout le OH-6A Cayuse construit par la société Hughes, en service depuis plusieurs années. Sa vitesse de croisière est de 200 km/h. Ses missions tactiques sont l’observation, la reconnaissance d’objectifs et le commandement. Le Jet Ranger construit par la Société Bell, et qui a été adopté également par l’US Navy, est également utilisé pour ces missions.
Hélicoptères de transport
Outre l’hélicoptère UH-1D Iroquois qui, depuis le début des opérations au Vietnam est utilisé pour le transport tactique de petits éléments, plusieurs types d’appareils sont en service et, là encore, on a assisté à un développement considérable des divers types. Construits par Boeing, on a utilisé tout d’abord le CH-37 Mojave, puis le CH-47A Chinook, capable de transporter 33 h. ou 8 t de fret et pouvant être également utilisé pour les appuis de feu. Ce dernier a été remplacé par la version CH-47B d’une capacité de transport de 10 t et par le dernier type des hélicoptères Boeing, le CH-47C, qui transporte 12 t soit à l’intérieur de la soute (personnel, munitions), soit à l’élingue (pièce d’artillerie, matériel divers, etc.).
Pour les hélicoptères lourds on trouve les appareils construits par Sikorsky, dont le biturbine CH-3C (8), le CH-53 et le CH-54A Skycrane (9) (ou grue volante), en service depuis 1967. Long de 27 m, d’une vitesse de croisière de 170 km/h, le CH-54 peut transporter jusqu’à un poids de 10 t sur de courtes distances.
Sa capacité normale de transport lui permet de répondre à toutes les situations de transport rencontrées au combat : troupes, matériel lourd, récupération des appareils détruits ou en avarie au sol, etc. Il peut servir également d’hôpital mobile.
Parmi les appareils nouveaux, il faut citer une version du UH-1C Huey Cobra, appelée Huey Tug qui est spécialisée dans les transports à l’élingue de pièces d’artillerie. Il est équipé d’un turbomoteur deux fois plus puissant que celui du Cobra, avec cellule renforcée. C’est ainsi que 9 Huey Tug peuvent transporter une batterie de 6 obusiers M-102 de 105 (1 400 kg), avec le personnel et les véhicules de commandement, sur 90 km en 35 min.
Les avantages tactiques résultant d’un transport aérien rapide et intéressant cette fois des véhicules blindés, comme des chars lourds de 13 à 15 t ou des VTT (véhicules de transport de troupe) blindés, ont amené le Materiel Command de l’US Army à proposer un programme d’hélicoptères lourds HLH (Heavy Lift Helicopter) aux principales sociétés construisant les hélicoptères. La Revue Interavia qui a publié cette information récente, signale que, non seulement des chars Sheridan pourraient ainsi être transportés, mais que l’hélicoptère HLH pourrait servir à la récupération des gros hélicoptères endommagés. Ce projet intéresserait également l’USAF et l’US Navy. La capacité de transport demandée serait de 20 à 30 tonnes.
Capitaine de vaisseau (C.R.) P. Parfond
(1) DC-9 : Distance franchissable : 2 200 km - 115 passagers. Lockheed L-1011 : Distance franchissable : 6 000 km - 345 passagers.
(2) HS 748 - Avion de transport court et moyen courrier - Biturbopropulseur - 48 passagers. HP Dart Herald - mêmes caractéristiques - 56 passagers.
(3) Jetstream : Deux turbopropulseurs Astazou de Turboméca - 12 passagers. HS 125 : Deux Bristol Siddeley Viper - 6 à 10 passagers.
(4) Avion Grumman OV-1 - Mohawk : appareil de reconnaissance biplace propulsé par deux turbopropulseurs Lycoming T53 d’une puissance nominale de 1 500 CSHP. Performances : vitesse, 308 MPH à 5 000 pieds ; distance maximum franchissable avec deux réservoirs auxiliaires, 1 410 miles.
(5) Boeing-Vertol - CH-47A Chinook : hélicoptère birotor moyen destiné au transport tactique ; il est propulsé car deux turbines Lycoming T55 d’une puissance nominale de 2 650 SHP ou de deux turbines T55-L7CS d’une puissance nominale de 2 850 SHP chacune. Performances : vitesse, 167 MPH au niveau de la mer ; distance maximum franchissable, 250 miles ; charge utile, 15 122 lbs.
(6) Hugues OH-A6 : hélicoptère monorotor léger d’observation et de transport léger, propulsé par une turbine T-63A5A Allison d’une puissance nominale de 250 SHP. Performances : vitesse, 150 MPH au niveau de la mer ; distance maximum franchissable, 345 miles ; charge utile, 1000 lbs ou 4 passagers.
(7) Bell Iroquois UH-1B et UH-1D ; hélicoptères légers monorotor destinés au transport de faibles charges et aux évacuations primaires, propulsés par une turbine Lycoming T-53L.11 d’une puissance nominale de 1 100 SHP. Ils sont principalement utilisés au Vietnam comme hélicoptères d’accompagnement ou d’appui feu rapproché. Performances : vitesse, 138 MPH au niveau de la mer ; distance maximum franchissable, 212 miles pour le UH-1B, 315 miles pour le UH-1D ; charge utile, 3 783 lbs ou 6 passagers armés.
(8) Sikorsky S-61R (CH-3C) : hélicoptère monorotor dit « moyen cargo » et utilisé pour le support logistique et le transport tactique de petits éléments. Il est propulsé par deux turbines General Electric T 58-GE-8-B d’une puissance nominale de 1 250 SHP chacune. Performances : vitesse, 165 MPH au niveau de la mer ; distance maximum franchissable, 466 miles ; charge utile, 8 428 lbs.
(9) Sikorsky S-64-A (CH-54A) Skycrane (grue volante) : hélicoptère monorotor utilisé pour les transports lourds, propulsé par 2 turbines Pratt & Whitney JFTD-12A.1 d’une puissance nominale de 4 050 SPH chacune. Performances : vitesse, 117 MPH au niveau de la mer avec transport de charges extérieures (Cargo Sling) ; distance maximum franchissable, 191 miles ; charge utile, 19 783 lbs.