L'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) a accordé en 1968 une place de choix à l’étude approfondie du milieu marin et de ses problèmes, au point de vue juridique (voir l'article du commissaire Voelckel dans la revue de mai 1969), militaire, scientifique et économique. Dans ce cadre, l'auteur a donné une conférence consacrée aux promesses actuelles de l'océanologie le 10 juin 1968, reproduite ici.
Le Centre national pour l'exploitation des océans (Cnexo) et les promesses de l’océan
L’Océanologie recouvre l’ensemble des activités et études liées à l’océan : la pêche, les transports, l’exploitation pétrolière et minière, aussi bien que les loisirs marins, les questions juridiques, l’environnement industriel dont l’océan est la zone de confluence.
Le CNEXO, centre créé, comme son nom l’indique, pour l’exploitation des ressources de la mer, touche tout à la fois à la recherche et à l’exploration (donc à la technologie sous-marine, à la plongée) qui prépareront cette exploration. « L’océanologie » recouvre tous ces domaines.
Il nous faut donc rappeler d’abord brièvement ce qu’est pour les océanologues, le milieu océanique avant de répondre à la question : pourquoi un CNEXO ? et pourquoi précisément maintenant ? Cela conduit naturellement à se demander : pour faire quoi ? pour réaliser quel programme ?
L’univers océanique, pour tous les tenants des disciplines scientifiques qui y font leurs recherches, pour les plongeurs, pour les pêcheurs, pour les pilotes de « soucoupes » ou encore pour les gens du pétrole, ce sont des masses d’eaux, des courants, des zones planctoniques, des bancs de poissons, des couches de sédiments, des affleurements rocheux, des canyons, des dômes de sels, etc…
Ce n’est plus seulement une surface, car l’ère de l’exploration verticale est ouverte, là aussi.
Le volume de ce « VIe continent » est égal à dix-huit fois celui des terres émergées, la profondeur moyenne des océans étant de près de 4 000 m. L’océan est apparu il y a quelque trois milliards d’années, la vie y fit son apparition il y a deux milliards d’années pour prendre pied sur la terre ferme il y a 400 millions d’années. L’océan est le berceau de la vie, d’une vie qu’il entretient, et qu’il est seul à entretenir, grâce au soleil bien sûr, puisqu’il est le réservoir d’eau (notamment d’eau douce) de notre planète.
C’est, à son propos, la notion d’immensité qui frappe donc aussitôt :
— immensité dans les trois dimensions ;
— immensité du temps, mis à engendrer ce que nous voyons et qui est aujourd’hui l’objet de notre connaissance ;
— immensité des phénomènes physiques dont l’océan est le théâtre ;
— immensité de l’obscurité, en dehors d’une couche superficielle très mince ;
— immensité des sédiments déposés : leur épaisseur par endroits est de 3 600 m ;
— immensité, enfin, des ressources qu’il faut inventorier et exploiter.
Ces ressources peuvent être classées dans quatre grands secteurs, désormais classiques, qui correspondent d’ailleurs aux quatre grands besoins matériels de l’homme : l’eau, la nourriture, les matières premières, l’énergie.
L’eau : la plus remarquable machine à dessaler l’eau de mer est évidemment le soleil ; mais plusieurs procédés artificiels de dessalement, dont certains fort connus et utilisés depuis longtemps, sont en passe de devenir économiquement rentables grâce à l’utilisation de l’énergie nucléaire comme source chaude. Des installations fournissant 3 à 500 000 m3/j vont entrer en fonction en plusieurs points du globe dans les années 70. Il est intéressant de noter que les sous-produits de ce dessalement représentent une importante concentration de sels minéraux, récupérables à peu de frais.
En fait de nourriture solide, on pense essentiellement à la pêche (poissons, crustacés, mollusques) qui en est toujours au stade de l’économie de cueillette et n’a pas encore atteint, sauf en de rares cas, celui d’un véritable élevage ou mariculture. En 1967, le monde entier a extrait de la mer 50 millions de tonnes de poissons, soit vingt fois moins que de céréales produites sur la terre ferme. Et ces produits de la mer ne représentaient que de 2 à 3 % de l’alimentation du monde.
On estime généralement qu’il y aurait 130 milliards de tonnes de matière vivante dans les océans ; mais leur exploitation pose un grand nombre de problèmes : quelles sont la composition et la variation de ce stock ? Comment se reproduisent les différentes espèces ? Quel peut être le prélèvement optimum, dans les différentes espèces comestibles pour rester en deçà de la surexploitation ? En d’autres termes, quel « intérêt » de ce « capital » peut-on en extraire ?
Autre question : à quel stade d’une chaîne alimentaire, d’ailleurs fort complexe, doit-on opérer ces prélèvements ? À titre d’exemple, le phytoplancton est notamment constitué de petites algues unicellulaires qu’on appelle des diatomées. Des petits crustacés minuscules qu’on appelle des copépodes absorbent 130 000 diatomées par repas. À son tour, un hareng absorbe 6 000 de ces petits crustacés par repas. Enfin, au bout de la chaîne, certains cétacés n’absorbent pas moins de 5 000 harengs, également par repas.
On peut se demander quel est le maillon de cette chaîne le plus favorable pour un prélèvement. Sur terre, nous ne mangeons pas l’herbe mais des animaux herbivores. Faut-il en faire autant pour la mer, où 1 kg de poissons carnassiers suppose 200 kg de phytoplancton (rendement 0,5 %) ?
On se trouve devant de nombreuses autres questions. On connaît 20 000 espèces différentes d’animaux marins et on pense ne connaître que les deux tiers des espèces existantes. On ne sait toujours pas, sauf cas très particuliers, à quel âge ces animaux meurent. En fait, dans cette « jungle » marine, il semble bien qu’un seul être vivant sur 10 millions parvienne à une mort naturelle par vieillissement, les autres constituant le repas de leurs congénères.
Dans le même temps, le taux de reproduction des diatomées est presque inimaginable : une diatomée peut en engendrer un milliard d’autres en un mois. Et un statisticien humoriste s’est amusé à calculer que si tous les œufs de morue arrivaient à maturité, le volume des océans serait entièrement occupé en six ans par des morues.
Les immenses problèmes de la matière vivante dans les océans présentent une grande importance si l’on veut vraiment envisager la solution de la « faim dans le monde », alors que nous balbutions encore dans nos connaissances.
On doit distinguer parmi les matières premières celles qui sont contenues dans le sous-sol, celles qui sont sur le sol marin, et celles qui se trouvent dans la masse des eaux (1) :
— le sous-sol est concerné essentiellement par l’extraction des hydrocarbures. 16 % du pétrole mondial a été extrait de forages « off shore » l’année dernière, et 40 % du pétrole américain en proviendra en 1970. Alors que les premières plates-formes de forage faisaient leur apparition au Venezuela il y a vingt ans, 260 plates-formes de forage sont en action ou en fin d’achèvement aujourd’hui, 9 000 puits sont exploités jusqu’à 60 milles nautiques et 85 m de fond ;
— sur le fond des mers on décèle la présence, sur des surfaces considérables, de nodules de manganèse. Il s’agit de nodules bruns, en forme de pommes de terre de quelques centimètres de diamètre et l’on en trouve dans les plaines abyssales du Pacifique jusqu’à 18 kg par m2. Il arrive que ces nodules soient agglomérés : la plus grande plaque retirée des fonds pèse 750 kg. Il y en a 200 milliards de tonnes rien que dans le Pacifique Sud. Ces nodules sont constitués de 30 à 50 % de manganèse, de 15 % de fer, de 1 à 3 % de nickel et de cuivre, plus du cobalt, titane, vanadium, etc… La difficulté, ou plutôt l’une des difficultés — car le problème de la métallurgie de ces nodules n’est pas non plus résolu — c’est qu’ils se trouvent par des fonds de 700 à 6 000 mètres.
L’origine de ces nodules pose un problème aux savants : on commence à penser qu’ils se forment et se développent continuellement par précipitations d’éléments en solution et par un processus d’agglomération des particules, l’océan étant pratiquement saturé de manganèse et de fer. Il y a là un sujet d’étonnement : le rythme de croissance, selon les endroits, varie de 1/100e de mm tous les 1 000 ans à près d’un mm par an. C’est ainsi qu’un obus de marine de la deuxième guerre mondiale découvert par environ 200 m de fond au large de San-Diego en Californie était recouvert d’une couche d’oxyde de manganèse de 1,5 cm d’épaisseur. Les concrétions de manganèse se forment toujours en couches concentriques autour d’un noyau qui peut être un grain minéral, un fragment de pierre-ponce, une micrométéorite ou encore une dent de requin. Dans ce dernier cas, l’obus avait servi de noyau.
— L’eau elle-même contient des minéraux. Dans 1 km3 d’eau de mer, en plus de l’oxygène et de l’hydrogène qui forment l’essentiel, se trouvent non seulement 35 millions de tonnes de sels, 66 000 tonnes de brome (la production de brome vient tout entière de la mer) mais encore 200 tonnes de lithium et 50 tonnes d’iode et encore 1 tonne de titane, de l’uranium, de l’argent, de l’or, etc…
Il est évident que le catalogue de ces ressources est très théorique. Mais des procédés sont connus, pour extraire non seulement les sels mais même l’uranium. On peut imaginer que la production à partir de l’eau de mer de certains minéraux rares et chers deviendra rentable, ou, dans certains cas, souhaitable pour des raisons d’indépendance économique.
En ce qui concerne l’énergie, on ne peut pas dire que les perspectives soient très favorables. Si l’océan est toujours en mouvement, de tels mouvements, nous le savons bien, ne se laissent pas aisément domestiquer. Le captage de l’énergie de la houle est problématique. L’utilisation du procédé Georges Claude a soulevé jusqu’à présent d’énormes difficultés techniques. L’usine marémotrice de la Rance est un exemple intéressant de ce qu’on peut faire avec l’énergie des marées mais de bonnes conditions géographiques se trouvent rarement réunies pour de telles installations et la concurrence de l’énergie nucléaire pour la production d’électricité sera sans doute décisive.
De façon indirecte, il demeure que l’océan, par le pétrole et le gaz qu’il recouvre, et par le deutérium et le tritium, matériaux de la réaction de fusion thermonucléaire, qu’il renferme, est un réservoir d’énergie bientôt, sinon même déjà utilisable.
L’océan répond donc à quatre besoins essentiels de l’homme.
Enfin, l’homme connaît un autre besoin : celui de se défendre.
L’océan est « zone stratégique ». Sans prétendre ici montrer tous les aspects d’un problème, gigantesque non seulement en raison de ses trois dimensions géographiques, mais aussi en raison de la complexité d’un milieu où les moyens de transmission sont difficiles et où les frontières n’existent pas physiquement, il est bien évident que les impératifs de la défense exigent des États avancés qu’ils s’intéressent au milieu qui est celui où évolue le vecteur le plus dissuasif actuellement inventé : le sous-marin nucléaire porteur de missiles. Nous touchons ici à la Défense Nationale, à la politique étrangère, aux difficiles problèmes de souveraineté sur les fonds marins, dont l’étude est à l’ordre du jour à l’ONU.
Pour compléter ce tableau il faudrait ajouter que l’océan est support de la navigation, qu’il est le régulateur et le modérateur des climats, qu’il est un bouillon bactériologique riche en substances utilisées par la médecine, qu’il est la matière première essentielle de la thalassothérapie, le théâtre des sports et loisirs nautiques et sous-marins, une mine inépuisable pour les archéologues sous-marins. Il faudrait encore dire, si l’on veut qu’il demeure cette source de bienfaits et d’agrément, qu’il ne faut pas en faire la poubelle de l’humanité alors que déjà la cote d’alerte de la pollution est souvent atteinte aux abords des grandes villes portuaires, principalement dans les régions de faible marée.
Devant un domaine aussi impressionnant, notre pays a été amené à créer le CNEXO.
* * *
L’histoire de l’océanographie s’est confondue pendant des siècles avec celle de la navigation. La véritable science océanographique commence avec le xviiie siècle ; elle fait un bond spectaculaire avec la première grande expédition scientifique du navire anglais « Challenger ». Elle en fait un autre durant l’époque qu’on a appelée l’ère du Prince de Monaco, mort en 1922. L’hydrographie, commandée par les besoins de la Marine Nationale, s’était mise rapidement au service de tous les navigants. Mais peu à peu des laboratoires de recherche des Facultés des Sciences, de plus en plus nombreux, passaient insensiblement de la biologie tout court à la biologie marine, de la géologie terrestre à la géologie marine, etc… Des musées de la mer se doublaient d’équipes de recherche. Plusieurs grands établissements de l’Éducation Nationale s’y intéressaient aussi, notamment le CNRS qui y occupe tout un domaine de science fondamentale. L’Office des Pêches devenait l’Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes. L’exploration avec Cousteau (plongée humaine et soucoupes) et avec l’équipe Houot-Willm (bathyscaphe) prenait un essor mi-privé mi-public. L’Office de Recherches Scientifiques et Techniques Outre-Mer (ORSTOM) développait une océanographie d’outre-mer. L’Institut Français du Pétrole et le Bureau de Recherches Géologiques et Minières ajoutaient à leurs programmes antérieurs des recherches de géologie et de géophysique marines.
En France, cent laboratoires et organismes, souvent sans grand lien entre eux, parfois en rivalité ouverte, menaient des travaux en ordre dispersé. La compétence de beaucoup de ces équipes n’était pas à mettre en cause, mais les moyens réduits ne permettaient pas toujours de progresser.
Telle était la situation lorsqu’en 1959 le premier Congrès mondial d’océanographie mettait en lumière : primo que cette situation d’éparpillement des efforts se retrouvait dans tous les pays, secundo qu’en l’absence d’un effort de concentration des moyens les résultats demeuraient limités.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement français mit sur pied, en 1961, à la Délégation Générale à la Recherche Scientifique et Technique, une action concertée comme on l’avait fait auparavant pour les études spatiales, la recherche sur le cancer, la conversion des énergies, l’électronique, etc…
Gérée par un Comité d’experts appelé COMEXO, cette action allait aboutir essentiellement à trois résultats :
— faire en sorte que des gens qui jusque-là ignoraient leurs travaux mutuels se connaissent et parfois même travaillent ensemble ;
— réaliser des équipements d’intérêt commun, tels que le navire océanographique « Jean Charcot » et une bouée-laboratoire.
— mettre en route un système de formation de chercheurs.
À vrai dire, dès 1962, le Comité lui-même indiquait dans un rapport que ce premier pas dans la coordination était insuffisant. Durant quatre années, un certain nombre de formules d’organisation furent proposées, qui toutes furent repoussées ; les unes à caractère nettement intégriste étaient considérées comme irréalisables. Les autres, qui auraient tendu, dans la pratique, à superposer un autre Comité irresponsable au Comité déjà en place, étaient considérées comme inutiles.
En septembre 1966 un rapport au Gouvernement, qui faisait un bilan des activités océaniques françaises, proposait la solution d’un établissement public à caractère industriel et commercial doté de l’autonomie financière, et disposant :
1° de moyens financiers propres pour initier et réaliser un programme d’ensemble ;
2° d’un droit de regard, sous forme d’un avis motivé donné chaque année au Premier ministre sur les programmes et les budgets des organismes publics ayant des activités océaniques.
C’était le projet du CNEXO, avec ses trois structures (Conseil d’administration, Direction Générale, Comité Scientifique et Technique), tel qu’il existe aujourd’hui.
Les textes qui le régissent sont la loi du 3 janvier 1967 et le décret d’application du 1er avril 1967. Sa mission, telle qu’elle ressort de ces textes législatifs, peut se résumer en trois phrases :
a) il joue de façon générale le rôle de Conseiller du Gouvernement dans le domaine océanique, et notamment en matière de coopération internationale ;
b) il agit sur les crédits concernant l’étude et l’exploitation des océans dans les divers départements ministériels, et par voie de conséquence sur leurs programmes et leurs effectifs ;
c) il a un rôle de gestion directe qui concerne les équipements lourds et les installations qui ont vocation d’utilisation commune ; il gère également un programme dont il conduit l’exécution.
Le rôle de coordonnateur général en matière océanique du CNEXO est donc fondé sur des textes qui l’apparentent à cet égard au CEA et au CNES.
La création du CNEXO par le Gouvernement et le Parlement français s’inscrit dans le mouvement actuel de prise de conscience collective de ce que peuvent représenter pour l’homme les ressources océaniques. Elle est due à la conjonction de plusieurs phénomènes, dont certains d’ailleurs peuvent apparaître comme la conséquence ou la cause des autres, et qui sont essentiellement :
— l’habitude de plus en plus répandue, et pas seulement chez les scientifiques, de considérer le globe terrestre comme un tout : les satellites qui en font le tour, les progrès d’une géophysique globale tant marine que terrestre, le plateau continental compris comme le prolongement naturel (de plus en plus accessible) des continents, tout concourt à inclure l’océan dans le concept « Terre » ;
— l’explosion démographique, notamment dans le Tiers-Monde, qui conduit à s’interroger sur les compléments de ressources qu’elle exigera pour épargner au monde des catastrophes faciles à prévoir sinon à prévenir ;
— la familiarisation croissante de l’homme avec des techniques de pointe : nucléaire, spatiale, informatique. Les problèmes difficiles que pose la pénétration de l’homme sous la mer sont en effet peu à peu résolus, et les limites du personnel et du matériel ainsi repoussées toujours plus loin, grâce à la combinaison de ces techniques éprouvées : précision et fiabilité des appareils de mesure, emploi de structures à haute résistance, choix de matériaux de grande pureté et hémogénéité, utilisation de télémanipulateurs, etc… ;
— la découverte en mer d’importants gisements de pétrole et de gaz. Cette prospection, puis cette exploitation, d’un style nouveau, font apparaître de délicats problèmes techniques dont la solution profite à tous les autres secteurs de l’océanologie.
En un mot, la conjoncture est particulièrement favorable au démarrage — à une autre échelle de grandeur que celle gravie jusqu’à présent — d’un programme d’ensemble, tout à la fois sélectif (car on ne peut tout entreprendre simultanément) et cohérent, qui tienne compte de l’état de nos connaissances, de nos ressources en hommes compétents, de la priorité de certains objectifs, qui tienne compte enfin de l’extraordinaire compétition que les grands pays engagent pour la connaissance et l’exploitation du dernier territoire à « conquérir » : celui de l’océan.
C’est donc parce que l’on sent qu’il faut changer de dimension, parce que l’on comprend que la compétition va se porter sur ce terrain, parce que l’on veut faire de l’océanologie une activité nationale de pointe qu’il a fallu créer un outil approprié, dont les modalités d’action se précisent.
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Dans toute action, il faut des motivations, qui engendrent des moteurs. Les freins existent toujours et nous les connaissons bien : le doute, la critique non constructive, les rivalités, la faiblesse des moyens financiers, et aussi une certaine conception que l’on peut avoir du rôle de l’Administration.
Les moteurs de l’action d’envergure que nous nous proposons de mener sont quatre grands ensembles qui permettent de regrouper les nombreux organismes évoqués précédemment. Il s’agit du monde de la science, essentiellement universitaire, dont le but est de connaître et de comprendre. Il y a le monde de la défense (Marine Nationale) dont le but est d’utiliser, au mieux des intérêts de la défense française, le domaine d’action du sous-marin atomique lanceur d’engins. Le troisième monde est celui des pêches : il a des mobiles économiques et il s’y ajoute, en outre et en plus puissant, le souci humanitaire : nourrir les affamés. Enfin, il y a le monde du pétrole et des mines, dont les mobiles sont très directement commerciaux, et qui dispose par ailleurs de moyens propres puissants.
Considérant toutes ces données de faits et les missions qui lui sont confiées, le CNEXO engage son activité au cours de ses deux premières années sur deux voies qui sont extrêmement imbriquées : la mise en place de « règles du jeu » entre le CNEXO et les tenants des quatre grands domaines d’activité océanique qui viennent d’être cités ; la préparation, puis la réalisation d’un programme national « Océan ».
Les règles du jeu doivent en premier lieu être adaptées à chaque cas particulier. Il faut d’abord, de façon assez « informelle », et pragmatique grâce à des groupes de liaison CNEXO-Université, CNEXO-Marine Nationale, CNEXO-Pêches, CNEXO-Pétrole et Mines, effectuer un bilan, bien cerner tous les points d’intérêt commun, échanger les informations dans un esprit très large, et créer un climat de coopération. C’est ainsi, pour prendre l’exemple de la Marine, que les secteurs intéressés sont : le Service Hydrographique, le Groupe des bathyscaphes, le Groupe d’Études et de Recherches Sous-marines (GERS) et, en ce qui concerne la Direction Technique des Constructions Navales, les laboratoires de détection du Brusc, de Grenoble, et dans une moindre mesure le Bassin des Carènes. Nous avons mis en route un Groupe de liaison Marine-CNEXO.
Nous avons commencé à faire le tour des problèmes, mais il est certain que pour la Marine les impératifs militaires priment tous les autres. Or, ce n’est pas notre priorité et nous attendons de la Marine qu’elle nous indique ses idées, ses plans, ses zones d’intérêt à moyen et à long terme. Il est évident que le développement de ses sonars nous intéresse au plus haut point, que ce soit pour la pêche, pour la reconnaissance exacte des fonds et le positionnement. Il nous importe, par exemple, pour prendre un problème qui excite beaucoup certaines imaginations, de connaître le degré d’intérêt qu’elle manifeste en matière de recherche sur les dauphins. Nous sommes ici, pour l’instant, « poseurs de questions », mais nous pensons que nous devons coopérer étroitement notamment dans le domaine de la plongée humaine et des engins sous-marins. Nous devons aussi nous prêter mutuellement nos bateaux pour faciliter la tâche de telle ou telle équipe scientifique.
Cette mise en place et cette habitude de travail en commun, de sorte que le CNEXO puisse assumer son rôle de sélection et garantir la cohérence, ne se réaliseront pas en un jour ni en un an. Mais l’obligation est faite par le Premier ministre à tous les organismes ayant des activités océaniques, d’envoyer au CNEXO pour avis le budget de ces activités océaniques. Pour la première fois, il est possible de particulariser, d’isoler les dépenses océaniques.
Voilà pour ces règles du jeu, dont l’application se trouve facilitée par le fait que des représentations des ministres intéressés siègent au Conseil d’administration du CNEXO et par le fait que des porte-parole qualifiés des différentes disciplines scientifiques et techniques siègent à son Comité.
La première mission du CNEXO était d’établir un programme national d’orientation. Nous sommes partis d’une démarche de pensée différente de celle de l’action concertée qui nous avait précédée. Celle-ci répartissait ses crédits entre les différentes disciplines scientifiques ; nous avons voulu définir des thèmes orienteurs et des objectifs, à la réalisation desquels concourront bien entendu plusieurs organismes ou laboratoires spécialisés, mais notre budget sera désormais découpé suivant ces objectifs à atteindre. Nous pensons ainsi — et nous avons été largement confirmés dans cet esprit par les visites faites aux États-Unis, en U.R.S.S., en Allemagne et en Grande-Bretagne — réaliser l’intégration des équipes, la formation de groupes polyvalents (comme est polyvalente l’océanologie) et faire cesser peu à peu la ségrégation entravant jusqu’ici les progrès possibles de l’océanologie française.
Nous laissons de côté dans un premier temps beaucoup d’activités et nous avons réuni les principaux objectifs sous cinq têtes de chapitre qui s’appellent :
— exploitation de la matière vivante ;
— exploitation des matières minérales et fossiles ;
— aménagement et reconnaissance du plateau continental ;
— lutte contre la pollution ;
— études des interactions « océan-atmosphère ».
Des objectifs prioritaires mobilisent dans un premier temps nos efforts. Ils concernent surtout, dans le cadre « matière vivante » les protéines d’une part, la mariculture d’autre part, sans préjudice de recherches sur les espèces ou sur la chaîne alimentaire.
Dans le cas des protéines, il s’agit de valoriser les produits et sous-produits de la pêche, d’obtenir des concentrés protéiques purs à partir des poissons non commercialisables, de développer une installation pilote de traitement à bord des chalutiers et à terre. Il s’agit encore de rentabiliser l’opération par la production de protéines chères (pour diététique et thérapeutique) tout en étudiant les applications possibles, dans le cadre de l’aide aux pays en voie de développement, des protéines ajoutées aux aliments. Une sérieuse étude de marché devra, bien entendu, précéder le développement industriel des procédés.
La mariculture constitue, à elle seule, tout un monde. Depuis les simples abris ou récifs artificiels permettant la concentration et la reproduction d’espèces, jusqu’aux « lagons à baleines » imaginés par le Professeur Fontaine, en passant par l’engraissement (engrais très semblables à ceux utilisés sur terre) de prairies marines dans des golfes ou baies, ou encore les élevages de crevettes en bassins, le champ d’action est immense. Si certains projets sont plus ou moins réalistes à court terme, il est réel que d’ores et déjà des résultats très importants sont obtenus, notamment au Japon. Et l’on sait que la demande, notamment en crustacés, est considérable. Nous pensons qu’en France, il y a lieu d’engager un effort important, et que le CNEXO doit à cet égard jouer un rôle de promoteur.
En ce qui concerne le thème de l’exploitation des minéraux, nous voulons mettre l’accent d’abord sur l’établissement de la cartographie susceptible de guider la prospection. Cette cartographie précise suppose d’ailleurs la mise en place de moyens (dispositif de radiolocalisation pour un positionnement précis), de navires pour réaliser les couvertures géophysiques (par des opérations de sismique) et sédimentologiques.
Nous prévoyons aussi de participer au développement de techniques de dessalement de l’eau de mer…
Mais c’est le plateau continental français (760 000 km2 : un tiers en plus du territoire métropolitain) comprenant les fonds de moins de 200 m, qui va d’abord servir de terrain d’élection à ces recherches minières. C’est aussi sur le plateau continental que se déroulent et se dérouleront les expériences de plongée profonde. Pour Précontinent III, Cousteau avait, en 1965, fait vivre six plongeurs à 110 mètres pendant vingt-six jours. Nous préparons en liaison avec l’Institut Français du Pétrole un projet de sous-marin maison mobile sous la mer. Des expériences isolées en caisson ont permis des descentes sans incidents jusqu’à 300 m, suivies de longues décompressions. Couramment, de nombreux plongeurs professionnels interviennent maintenant à des profondeurs de 160/180 m. Il est certain qu’on ira beaucoup plus loin, car les progrès dans les mélanges respiratoires et dans la physiologie des hautes pressions sont considérables.
Nous donnons une priorité à la prévention et à la prévision des différentes pollutions de la mer, ainsi qu’à une application meilleure de la réglementation existante.
Une autre priorité est donnée, en liaison avec la Météo nationale, aux études océan-atmosphère destinées à permettre, un jour, d’influer sur les climats.
Ces choix une fois retenus par le CNEXO, on a essayé d’en préciser les implications, en matière de recherches de base et de recherches appliquées à demander aux divers organismes compétents ainsi qu’en matière d’engins ou d’instrumentation à réaliser.
La traduction de ces implications en termes de recherche n’est pas aisée, mais il est possible de déterminer ce qui relève de telle discipline, physique, biologie, géophysique, chimie.
En termes de développement technique, les choix demandent des moyens lourds, des équipements, des techniques de base.
Nous estimons que pour atteindre les objectifs majeurs, il faut en fait de moyens lourds :
— des navires océanographiques polyvalents de 45 m :
nous n’avons à peu près rien, en effet, entre le navire océanique « Charcot » et une flottille de petits navires côtiers aux faibles moyens. Or, ces navires polyvalents sont nécessaires soit pour des études de pêche, soit pour des travaux de topographie des fonds, ou encore pour la mise au point d’équipements de plongée.
Nous envisageons aussi un type de navire un peu plus léger pour le soutien logistique, le ravitaillement des bouées laboratoires, l’entretien des bouées automatiques.
Nous songeons enfin à un plus gros navire, peut-être du type catamaran pour mise en œuvre de matériel lourd de plongée, ou encore pour la dépollution.
— des sous-marins :
alors que le sous-marin militaire utilise essentiellement la plongée à des fins de dissimulation, l’engin sous-marin d’océanographie ou d’exploration, qu’il soit bathyscaphe, soucoupe, ou plus classique (mais allant à de grandes profondeurs, comme l’Aluminaut américain : 4 500 mètres) préfigure la nouvelle génération d’engins en projet.
Nous pensons qu’à côté de petits sous-marins d’intervention, utilisables d’ailleurs pour des missions scientifiques, mais ne s’affranchissant pas nettement de la surface (ce qui rend nécessaire un navire d’accompagnement) il y a place dans notre programme pour un sous-marin autonome d’assez gros tonnage pouvant intervenir en n’importe quel point du plateau continental. L’adjonction à une coque de sous-marin d’une maison sous la mer permettant à des plongeurs de vivre à la pression du fond et à saturation, de sortir, de rentrer, d’être transportés plus loin, réunirait les avantages de la plongée avec intervention directe et ceux de l’indépendance de la surface (que n’a pas évidemment la maison fixe). C’est là le projet français « Argyronète », que nous réalisons en commun avec l’Institut Français du Pétrole.
— des bouées :
nous avons une bouée-laboratoire en Méditerranée, où vivent six chercheurs et techniciens. Il en faudra une adaptée aux conditions de l’Atlantique. Mais nous pensons surtout que les bouées automatiques, fixes ou dérivantes, sont appelées à se multiplier en France et dans le monde, pour la mesure et l’enregistrement de toutes les données nécessaires. Une coopération internationale et une certaine standardisation des méthodes de mesure et des données recueillies seront particulièrement souhaitables dans ce domaine.
— des véhicules divers :
robots type télénaute, torpille instrumentale pélagique ou encore installations type tourelles de plongée, téléphérique sous-marin pour le transport de matériaux extraits du fond. Les plates-formes de forage concernent avant tout les pétroliers, mais certains des problèmes qui les touchent nous intéressent.
Les moyens aérospatiaux enfin : photographie des étages du système littoral, carte de température de la surface océanique par mesure du rayonnement électromagnétique propre de la mer, relève par satellite de réseaux de bouées automatiques de mesure, tels seront les outils de l’océanographie d’après-demain.
En ce qui concerne les équipements, il faut distinguer :
— les équipements de la plongée ; nous pensons que nous avons un rôle à jouer en matière de physiologie des hautes pressions en caisson ou in situ, et de recherches du mélange respiratoire optimal aux grandes profondeurs ;
— les équipements de pêche, notamment le chalut pélagique (ouverture et stabilisation par effet hydrodynamique et asservissement acoustique) ;
— les matériels nécessaires à la géologie et la géophysique (sismique, carottage, gravimétrie…) ;
— les matériels d’étude physico-chimique des eaux ;
— les équipements de localisation, de navigation, de télécommunication, de collecte et de traitement des données, etc…
Le secteur des équipements à réaliser intéresse au premier chef notre industrie d’équipement. L’océanologie ne pourra progresser sans son développement. Tout aussi essentiel pour l’avenir sera le développement de certaines techniques de base concernant :
— les sources d’énergie chimio-électrique : piles à combustibles, par exemple, nucléo-électriques, notamment pour des puissances petites et moyennes ;
— les modes de propulsion ;
— les structures et matériaux ;
— l’acoustique sous-marine ;
— l’environnement et la fiabilité.
Telles sont, très schématisées, les directions d’études et de développement dans lesquelles doivent nous conduire nos premiers choix.
Nous commençons déjà à mener deux grandes actions « de support » qui conditionnent tout le programme.
Il s’agit, d’une part, de la formation des chercheurs, ingénieurs et techniciens dont l’océanologie et le génie océanique auront besoin. Il s’agit, d’autre part, de la création à Brest d’un Centre Océanologique Polyvalent.
Le premier point, formation des hommes, est fondamental, car il ne faut pas qu’il y ait un « goulot d’étranglement » humain dans le développement des activités océaniques françaises. Un groupe mixte Éducation Nationale-CNEXO s’attaque au problème.
Le second point n’est pas moins déterminant. Je rappellerai ces phrases, qui ont été écrites par le Délégué Général à la Recherche Scientifique et Technique en 1965, à l’époque où il avait en charge l’action concertée « Exploitation des océans » : « Le retard longtemps accumulé par la France dans le domaine de l’océanographie est dû en bonne partie au caractère morcelé de la recherche dans ce secteur.
« Dilué entre des centres dont les dimensions sont d’autant plus faibles qu’ils sont plus nombreux, l’effort financier ne permet pas toujours d’entreprendre des dépenses importantes telles que l’équipement de grands navires, la réalisation d’engins de conception nouvelle ou la mise en place d’un centre d’exploitation des données.
« Obstacle au financement des moyens nouveaux qui sont désormais indispensables à l’investigation des mers, la dispersion des laboratoires est aussi un obstacle au « plein-emploi » des gros équipements.
« Génératrice de sous-équipements ou de gaspillage des moyens matériels, la dispersion de la recherche océanographique française perpétue en outre le sous-développement et le gaspillage des moyens humains. »
Instruit par cette opinion sévère mais largement partagée, conforté dans ce sentiment par des visites aux grands centres océanologiques mondiaux, notamment aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne, qui progressent rapidement grâce à la concentration grandissante de leurs efforts en un ou deux ou trois lieux géographiques adaptés, nous attachons une importance considérable à la réalisation du Centre Océanologique de Bretagne, à proximité de Brest. Nous comptons donner à ce Centre quatre missions :
— constituer un centre de recherches polyvalent, par la réunion de laboratoires spécialisés dans les principales disciplines océanographiques, et sachant que seule une « masse critique » suffisante est génératrice de résultats ;
— servir de base logistique aux navires et engins de l’océanologie ;
— fournir un support technologique et des moyens d’essais ;
— abriter le centre national de calcul et de traitement des données océaniques.
Nous pensons que le Centre, qui devrait occuper 200 personnes en 1972, et 400 en 1975, doit devenir l’instrument majeur de réalisation du programme océan, car il pourra enfin réunir en un même lieu les différentes composantes nécessaires à ce programme d’ensemble.
Le programme national fait une large part à la coopération internationale appelée à se développer de façon extraordinaire car, si la science n’a pas de patrie et l’océan pas de frontières, quel plus beau sujet de coopération peut-on trouver que l’océanologie ?
Des organismes internationaux existent comme la COI (2), qui dépend de l’UNESCO. Des coopérations entre pays s’amorcent. L’ONU s’est préoccupé de la résolution de Malte sur « l’internationalisation des fonds marins » et a créé des comités pour l’étudier. Les États-Unis ont lancé au monde une invitation à une décennie 1970-1980 consacrée aux recherches sur les ressources de la mer. Quant au CNEXO il a déjà noué des liens nombreux, surtout avec les États-Unis et l’Union Soviétique, c’est-à-dire les pays qui sont dotés d’une structure de coordination nationale. Il est probable que dans la Communauté européenne, les contacts ne se concrétiseront par un programme commun que lorsque nos partenaires auront une organisation semblable au CNEXO : tous d’ailleurs suivent de près notre expérience et nous adressent de nombreuses demandes d’information.
À notre avis, les premiers sujets qui devraient « déboucher » sur une coopération internationale, si l’on met à part l’hydrographie pour laquelle elle est réalisée en partie, sont la collecte et la diffusion des données océanographiques grâce à un réseau de bouées automatiques et à des centres de calcul, et peut-être la lutte contre la pollution. Les autres domaines posent beaucoup plus de problèmes.
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Au terme de ce tour d’horizon, nous pouvons conclure que, manifestement, l’homme retourne à son élément primitif et primordial : l’océan. Mais il est trop tôt pour distinguer le probable et ce qui relève de la science-fiction. Nous pouvons cependant souligner avec certitude que la préparation de l’exploitation des océans, dont nous sommes chargés, passe par deux préalables, qui sont, d’une part, un immense effort de cohérence dans l’accumulation des connaissances scientifiques, et, d’autre part, un développement des moyens technologiques de pénétration et d’exploration au cours de la période 1970-1985.
Il est indispensable de prendre conscience de la mutation qui est en train de s’opérer et qui a conduit à la création du CNEXO. Il est non moins nécessaire que les objectifs fondamentaux de celui-ci soient connus de même que les mobiles économiques qui provoquent cette poussée de la connaissance et de l’exploitation du milieu marin. Tel était le but de cet exposé.
Il faut s’attendre très rapidement à un changement d’échelle dans les moyens qui seront alloués aux activités océaniques françaises. Tandis que le budget fédéral américain consacré à ces activités est de 2 500 MF, cette année, le budget public global en France est estimé à environ 150 MF (dix-sept fois moins). Or, décider, comme nous venons de le faire en France, que l’océanologie sera la quatrième activité de pointe — avec le nucléaire, le spatial et l’informatique — implique un effort, qui va se faire sentir surtout à partir des VIe et VIIe Plans, mais qui a des chances sérieuses de dépasser les autres avant la fin du siècle, étant donné l’impact probable des « promesses de la mer ». ♦
(1) Cf. à ce sujet les articles de R. Talbot « Les débuts de l’exploitation minière des océans » dans la Revue de Défense Nationale de juin 1969 et, dans le présent numéro, « L’exploitation du pétrole en mer ».
(2) Commission Océanographique Internationale.