Institutions internationales - L'échéance européenne du 1er janvier 1970 - Vers une politique industrielle commune - L'élargissement de la Communauté - Les difficultés monétaires
Aucune institution internationale ne disposant d’un véritable pouvoir politique, leurs décisions sont, dans une large mesure, subordonnées à la situation intérieure de chacun de leurs membres. Il est de tradition que l’« on » ne fasse rien lorsqu’un pays membre est en période électorale, ou à la veille d’avoir un nouveau gouvernement, que l’on ne soulève aucun problème nouveau, ou que l’on ne « relance » aucune controverse. Mais, durant cette même période, les divers protagonistes émettent leurs vues, formulent des hypothèses, et contribuent ainsi à éclairer certaines données des problèmes en cause. Il est donc normal que l’activité des institutions internationales dont la France est membre, et plus particulièrement celle des institutions européennes, ait été réduite en juin comme elle l’avait été en mai.
Dès le référendum du 27 avril sur la réforme du Sénat et la régionalisation, toutes les capitales s’interrogèrent sur les conséquences que pourrait avoir, pour la politique étrangère de la France, le départ du général de Gaulle. De ces interrogations, il était logique que l’on passât à des hypothèses, et que chacun en formulât une favorable à ses conceptions. Aussi bien ne doit-on pas s’étonner que les problèmes européens aient été, en juin, éclairés moins « de l’intérieur » que « de l’extérieur ».
L’échéance européenne du 1er janvier 1970
Un fait, toutefois, paraissait acquis : la France poursuivrait sa politique de coopération européenne, et, avant même que le nouveau gouvernement n’ait défini les grandes lignes de l’action qu’il entend mener, nul ne doutait de sa volonté de respecter la grande échéance du 1er janvier 1970.
Les auteurs du Traité de Rome avaient prévu que la législation du Marché commun ne produirait ses pleins effets que progressivement, par étapes. De même, les organes de la Communauté n’avaient pas reçu immédiatement la plénitude de leurs compétences, mais ne devaient exercer celles-ci que selon une gradation plus ou moins rapide. Les détails de cette progression dans l’application du Traité variaient avec chaque objet, chaque domaine, mais, dans leur ensemble, ils étaient soumis aux règles générales de la période de transition, dont le mécanisme est articulé par l’article 8 du Traité. La mise en vigueur progressive du Traité aurait pu être organisée selon deux méthodes : par des règles fixes et automatiques, fixant à l’avance les dates et les rythmes, ou au contraire par un système souple de décisions laissées à l’initiative d’organes prévus par le Traité. La période de transition organisée par le traité de Rome fut le résultat d’un compromis entre ces deux méthodes : des étapes furent imparties aux États-membres, mais le franchissement de ces étapes devait être décidé par les organes de la Communauté. En principe, la période de transition était limitée à 12 ans, et divisée en trois étapes de quatre ans. Des prolongations pouvaient être accordées à chacune des étapes, mais elles ne devaient pas prolonger la durée de la période de transition au-delà de 15 ans. Le passage de la première à la seconde étape a été effectué à la date prévue, le 1er janvier 1962, malgré quelques difficultés qui entraînèrent pendant quelques jours l’arrêt symbolique des pendules. Les délais ultérieurs furent respectés, et, créé par le Traité de Rome du 25 mars 1957, le Marché commun va entrer dans sa « période définitive » le 1er janvier 1970, sauf si, d’ici là (mais cela paraît peu probable) un pays membre demande une prolongation de la période actuelle.
L’expression officielle « entrée en vigueur de l’ensemble des règles prévues » (art. 8 du Traité) évoque les changements que l’expiration de la période de transition entraînera dans les règles applicables. Selon la Commission des communautés, il s’agit là uniquement des cas où le Traité prévoit explicitement l’entrée en vigueur de certaines règles à l’expiration de la période de transition. L’application du Traité est en effet une œuvre continue dont la fin de la période de transition ne marquera pas l’achèvement. De nouvelles règles devront encore être élaborées au cours de la période définitive. De grands résultats ont été acquis, mais dans chaque domaine, il reste encore beaucoup à faire, qu’il s’agisse de l’Union douanière et de la libre circulation des marchandises (notamment pour l’unification des législations douanières, les entraves techniques aux échanges, les monopoles nationaux à caractère commercial, les obstacles d’ordre fiscal), de la libre circulation des travailleurs, de la liberté d’établissement, de la libre prestation de services, de la politique commerciale, etc., sans parler bien entendu de l’agriculture.
Dans une communication adressée au Conseil, et dont les gouvernements vont donc discuter, la Commission a tenu à faire aussi exactement que possible le point des réalisations acquises et des travaux en cours, sans chercher à masquer ou à minimiser les difficultés et les insuffisances. D’une manière générale, il en ressort que le bilan est relativement satisfaisant pour ce qui touche à la réalisation de l’Union douanière proprement dite, à la mise en place d’un marché commun agricole dans le cadre d’une politique commune et à la libre circulation des travailleurs, mais qu’il l’est beaucoup moins pour ce qui concerne l’aménagement des monopoles visés à l’article 37 du Traité, la réalisation de la liberté d’établissement et des services ainsi que la circulation des capitaux. Par ailleurs, il reste encore d’importants progrès à accomplir pour mettre en place les instruments de la politique commerciale commune qui doit être menée à partir de la fin de la période de transition. La Commission conclut en observant qu’il serait imprudent de déduire du Traité, et en particulier de son article 8, que ses auteurs ont voulu distinguer une phase de construction, qui se terminerait à la fin de la période de transition, et une phase de gestion qui commencerait à partir de l’ouverture de la période définitive.
Vers une politique industrielle commune
Ceci paraît d’autant plus vrai que la mise en place du Marché commun a fait apparaître la nécessité de profondes réformes de structures. On en a beaucoup parlé à propos de l’agriculture. La nécessité n’en est pas moindre dans le domaine industriel. En effet, si la réalisation de l’Union douanière a marqué une date importante dans l’évolution du processus d’intégration puisque les marchandises circulent librement à l’intérieur de l’aire communautaire sans se heurter à des obstacles de nature tarifaire, ceci ne signifie pas encore que les conditions d’approvisionnement puissent être considérées comme comparables à celles d’un marché intérieur. Un progrès fondamental a été réalisé par la création d’un marché de consommation unifié. Mais à cet élargissement du marché n’a pas encore correspondu jusqu’ici un processus analogue d’extension des structures de production. Avec une certaine approximation, on pourrait dire que si le marché a pris des dimensions continentales, l’appareil industriel, à certaines exceptions près, est demeuré à l’échelle nationale. La première tâche d’une politique industrielle est donc de combler ce fossé entre le marché et les structures. Cet objectif ne constitue toutefois qu’un aspect d’un problème beaucoup plus général, à savoir la nécessité de promouvoir l’adaptation du système de production aux réalités de la grande mutation industrielle en cours. Les données en sont connues. La dernière décennie a vu avant tout une forte intensification de la concurrence internationale, concrétisée par les décisions intervenues dans le cadre du Kennedy Round. Si les entreprises communautaires peuvent compter sur des possibilités de débouchés toujours plus larges, elles doivent aussi affronter une concurrence toujours plus intense, qui prend souvent la forme de la création, par des entreprises de pays tiers (notamment des États-Unis) de nouveaux établissements à l’intérieur même de la Communauté.
Parallèlement, on assiste à une modification dans la structure de la demande. L’accroissement des revenus privés a provoqué une certaine saturation des besoins dans divers secteurs (comme certains biens de consommation durables ou certains produits alimentaires) accompagnée d’une augmentation corrélative de la demande d’autres biens et services. Enfin – et c’est là, probablement, le phénomène décisif – le rythme toujours plus rapide des innovations exige l’élaboration de stratégies industrielles accordant une importance fondamentale à la recherche et au développement de nouvelles techniques et de nouveaux produits. L’investissement intellectuel semble destiné à absorber une part toujours plus grande des ressources et à constituer la véritable clef de l’avenir.
Considérée dans cette perspective, une politique industrielle efficace n’est rien d’autre qu’une tentative de réponse aux problèmes posés par ce que l’on a coutume d’appeler la seconde révolution industrielle. Pour faire face à ces nécessités complexes, la politique industrielle communautaire devra s’articuler selon des directives fondamentales :
– créer les conditions générales susceptibles de favoriser et d’accélérer l’adaptation structurelle des entreprises ;
– élaborer des mesures spécifiques à caractère sectoriel ;
– favoriser tous les efforts d’adaptation aux nouvelles conditions de production et de débouchés.
Cette stratégie doit viser l’ensemble de l’industrie. Avec la réalisation de l’Union douanière, l’accent des travaux communautaires tend ainsi à se déplacer des problèmes de libre circulation vers les problèmes structurels. Il y a là un des éléments majeurs de la situation à quelques mois de l’entrée du Marché commun dans sa période définitive.
« Une politique industrielle commune est nécessaire », a récemment encore déclaré M. Colonna di Paliano, membre de la Commission (au sein de laquelle il est précisément chargé des problèmes industriels). Il a lancé un véritable avertissement : « L’Union douanière, qui a enrichi pendant dix ans les six partenaires de la Communauté économique européenne (CEE), explosera si chaque pays membre poursuit une politique économique nationale tendant, à la limite, à substituer la concurrence entre États à la concurrence entre entreprises ». Selon M. Colonna, on assiste à un changement de caractère de la Communauté, que n’avaient pas prévu les auteurs du Traité de Rome : la compétition sur les produits joue maintenant entre les fabricants de ces produits, les entreprises. Il aurait fallu par conséquent que ces dernières s’adaptent aux dimensions du nouveau marché unique pour l’interdire aux Américains, ou du moins pour les empêcher d’y lancer des dizaines de têtes de pont. Or les entreprises sont restées nationales dans un marché désormais européen. Les États ont pesé dans ce sens. Pourquoi ? Globalement, leurs entreprises publiques et privées n’avaient pas assez de souffle pour, à la fois, conquérir le marché chargé qui leur était ouvert et relayer, dans le cadre national, les secteurs en déclin qui n’ont pas de place dans un système économique de compétition. D’où des interventions en faveur des industries « faibles », combinées avec des interventions en faveur des activités dites « de pointe ». La concentration des efforts publics sur les industries de tête et de queue s’est faite au détriment des industries de transformation auxquelles il incombe d’accroître la prospérité générale. Les concurrents des pays tiers, qui n’ont pas à supporter une telle charge, tirent les marrons du feu. Au bout de compte – c’est la conclusion générale de M. Colonna – l’intégration du marché exige l’intégration des structures de production. « Les “Six” sont pris au piège de l’Europe […] Il leur en coûterait beaucoup plus de chercher à s’en dégager que de poursuivre dans la voie ouverte il y a douze ans ».
Au cours des dernières semaines, deux problèmes intéressant particulièrement le monde industriel ont été étudiés.
C’est tout d’abord celui des brevets. Depuis 1962, les « Six » ont cherché à créer un brevet européen qui, déposé en une seule fois, serait valable dans les six pays. Après bien des discussions, et sur les instances de la France, l’étude a été placée sur le plan européen, non seulement à six, mais avec les pays de la zone de libre-échange, la Grèce et l’Espagne. Un groupe de travail a été constitué, qui, début juillet, a préconisé une procédure unique aboutissant à délivrer des brevets de chacun des pays signataires de la convention – pour les « Six », ce serait un brevet unique. Mais quels seront les droits attachés au brevet européen ? Les « Six » ne sont pas encore d’accord, cependant que la Commission des communautés, tout en souhaitant la protection des droits des inventeurs, ne veut pas que puissent se créer des situations de monopole excluant la concurrence.
C’est ensuite celui de la « société européenne », plus exactement celui d’une « société commerciale européenne ». On a depuis plusieurs années considéré qu’étant donné la lenteur de l’harmonisation du droit des sociétés, prévue par le Traité de Rome, la mise au point d’un statut d’une « société » européenne était de nature à offrir des facilités nouvelles aux entreprises désireuses de faire appel au marché des capitaux, à créer des filiales, des holdings, des sociétés de recherche dans plusieurs pays de la Communauté. Il devrait aussi permettre la fusion de sociétés ayant leur siège dans des États différents, ou le transfert d’un siège d’un pays dans un autre. Une section spécialisée du Comité économique et social de la Commission des communautés vient d’émettre le souhait que cette forme de société soit très largement ouverte à toute personne physique et morale, et en particulier aux entreprises moyennes. Par ailleurs, ce groupe d’experts a émis le vœu que la charge fiscale supportée par les entreprises soit équivalente, quels que soient leur lieu d’implantation et leur régime fiscal.
L’élargissement de la Communauté
Il était normal que le départ du général de Gaulle suscitât des discussions sur ses conséquences quant à l’élargissement éventuel de la Communauté européenne – problème déjà vieux de l’adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun. Certains se plaisaient à dire que seul le veto du général de Gaulle empêchait cette adhésion – ce qui incitait à ne pas considérer les raisons « objectives », c’est-à-dire politiques, économiques et financières de ce « non ». Le général de Gaulle parti, le veto n’intervient plus, mais les raisons qui le provoquaient subsistent, et l’on s’en rend compte aussi bien à Londres que dans les capitales des partenaires de la France.
À la mi-juin, à l’occasion de la réunion de l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (UEO), Lord Chalfont, ministre d’État britannique chargé des affaires européennes, a lancé un pressant appel en faveur d’une ouverture prochaine des négociations pour l’adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun. Son allocution constitua un nouveau témoignage de la hâte avec laquelle le gouvernement travailliste [d’Harold Wilson] poursuivait son offensive européenne. Cette hâte surprit beaucoup des membres de l’Assemblée. C’est qu’en effet les Européens favorables à la candidature britannique ne voulaient pas brusquer les Français (dont le nouveau gouvernement n’était pas encore formé), et devant le Bundestag, le Vice-chancelier et ministre fédéral des Affaires étrangères, M. Willy Brandt, déclara qu’avant de se réunir en conférence avec les Anglais, les « Six » devaient d’abord se mettre d’accord entre eux, idée proche de celle émise par le nouveau Premier ministre français, M. Chaban-Delmas, devant l’Assemblée nationale le 26 juin.
À Bruxelles, on est très soucieux de ne pas brusquer les choses, et d’ailleurs, à Londres, le gouvernement veut surtout commencer par connaître quelles sont les chances nouvelles de la candidature britannique. Les ambassadeurs anglais auprès des « Six » se sont réunis à Londres le 24 juin pour confronter leurs informations et leurs interprétations. Ils ont mis en garde le gouvernement contre toute pression et toute précipitation qui pourraient avoir des effets contraires à ceux recherchés. Selon eux, compte tenu des élections allemandes de septembre et du délai de réflexion que le gouvernement français peut, à juste titre, demander, les « Six » pourraient bien retarder jusqu’à l’automne leur déclaration d’intention sur l’admission britannique. D’ici là, le gouvernement anglais pourrait poursuivre ses conversations bilatérales avec les membres de la Communauté. C’est des « Six », et non du seul gouvernement français, que les Britanniques attendent une réponse à leur demande d’admission. Lord Chalfont devait d’ailleurs adopter une attitude plus mesurée que celle qu’il avait eue devant l’Assemblée de l’UEO, puisque, le 25 juin, il déclarait que tout en espérant « travailler plus étroitement avec le nouveau gouvernement français et les autres gouvernements s’intéressant à l’unité européenne, il reconnaissait que l’entrée de la Grande-Bretagne était du seul ressort de la Communauté ». Lord Chalfont a refusé de se prononcer sur l’attitude de la Grande-Bretagne à l’égard du problème de la politique agricole commune, et l’on retrouve alors les problèmes techniques dont le « non » du général de Gaulle n’était qu’une formulation. Plus l’on se rapproche de l’heure des négociations, plus on prend conscience à Londres de la gravité des problèmes économiques qui se posent et que la seule volonté politique ne saurait résoudre rapidement. La grande majorité des commentaires qui font état de la politique agricole du Marché commun relèvent que, sous la forme actuelle, elle ne saurait être acceptée par la Grande-Bretagne. Celle-ci peut-elle poser des conditions alors qu’elle frappe à la porte – et des conditions qui remettent en cause le Traité de Rome ? Psychologique, cette question peut prendre très rapidement une signification politique.
Les difficultés monétaires
Les problèmes monétaires, durant ce temps, conservent leur acuité. Certes, le problème d’une monnaie européenne, ou celui d’une banque européenne des réserves, n’ont pas été repris comme ils l’avaient été encore au printemps. Mais ils demeurent à l’arrière-plan de bien des discussions. Celles-ci sont d’autant plus délicates que leur donnée essentielle n’est pas européenne, puisqu’il s’agit de la balance des paiements des États-Unis, comme le rappelait encore M. Raymond Barre, vice-président de la Commission des Communautés, le 4 juin à Bruxelles. Il s’efforçait de définir les conditions dans lesquelles l’activation des droits de tirage spéciaux au Fonds monétaire international ne serait pas inflationniste. Après avoir souligné combien il serait important que la Communauté, en tant que telle, participât aux négociations, M. Barre a précisé que ces droits de tirage « seront impuissants à résoudre le problème central du système monétaire international, c’est-à-dire le déficit massif de la balance des paiements des États-Unis ». Les « Six » se trouvent donc devant un problème dont la solution ne dépend pas d’eux, ou plus exactement pas uniquement d’eux.
Le 17 juin à Bruxelles, les représentants permanents des « Six » ont abordé le projet d’entraide monétaire élaboré par ce même M. Barre, et dont il a été déjà question dans cette chronique. On se souvient qu’il a joué un rôle actif pendant la crise monétaire de novembre dernier. Il s’est opposé à la réévaluation du mark et à la dévaluation du franc telles qu’on en discutait alors. Sans pouvoir exclure toute révision des parités monétaires entre les Six, il voudrait stabiliser au maximum les monnaies du Marché commun. Avec des taux de change incertains, comment maintenir longtemps ouvertes les frontières ? M. Barre estime qu’on a beaucoup exagéré la faiblesse du franc, et il propose :
– une meilleure concertation des politiques monétaires ;
– un mécanisme de crédits qui assurerait à tout pays membre en difficulté un financement immédiat et automatique pour trois mois, puis un crédit à moyen terme si un accord pouvait être obtenu sur la politique à suivre pour redresser les comptes du débiteur.
Les discussions des représentants permanents des « Six » sont discrètes, mais on aperçoit les principaux thèmes du débat qui va sans doute se poursuivre jusqu’à l’automne. Certains, en particulier le comité monétaire de la Communauté (que préside M. Emiel van Lennep, qui va prendre ses fonctions de secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques.) se demandent dans quelle mesure les consultations économiques et monétaires prévues par M. Barre ne « doublent » pas celles qui fonctionnent déjà. Son comité se réunit chaque mois. Chaque mois, les gouverneurs des banques centrales se retrouvent à Bâle. Est-il utile de donner un caractère obligatoire à ce qui fonctionne déjà ? Les avis sont partagés. Les « Six » ne risquent-ils pas de créer de doubles emplois, des cumuls de crédits ou d’engagements avec le Fonds monétaire, le Club des Dix, l’Accord monétaire européen ? Cette question présente un aspect politique : faut-il organiser quelque chose d’important à six, c’est-à-dire sans la Grande-Bretagne, sans les pays candidats, sans les États-Unis ? M. Carli, gouverneur de la Banque d’Italie, est le plus actif de ceux qui estiment l’Europe des « Six » trop étroite pour les problèmes monétaires, et lui préfèrent le cadre atlantique. C’est une des raisons majeures pour lesquelles les ministres ne prendront aucune décision avant que ne soient levées les hypothèques que constituent non seulement l’évolution politique de la France, mais aussi les élections allemandes de septembre. M. Barre sait que son plan n’est pas à la mesure de ce que rêvent les Européens : pouvoir se servir de la même monnaie, mais il est de plus en plus évident qu’on ne parviendra pas à un tel résultat avant qu’une autorité politique ne soit en mesure d’assurer une coordination rigoureuse des politiques financières. Nous n’en sommes pas là. Mais du moins l’exigence politique apparaît-elle en pleine lumière.
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Cette chronique était rédigée lorsqu’il a été annoncé que les ministres et les experts des « Six » signeraient à Yaoundé, au Cameroun, la seconde convention associant la CEE et les dix-huit États africains et malgache. Cette seconde convention de Yaoundé sera analysée dans une prochaine chronique Outre-Mer. ♦