Sciences et techniques – Apollo 11
Démonstration extrême de l’audace humaine aidée des ressources les plus avancées des sciences et des techniques, le vol Apollo 11, apparaît comme le sommet le plus élevé jamais atteint par le savoir-faire des hommes.
Il apparaît aussi comme l’exemple le plus évident de l’accélération du progrès.
L’ère spatiale n’est ouverte que depuis douze ans et déjà ses premiers jalons semblent des balbutiements maladroits. Les premières dizaines de kilogrammes envoyées dans l’espace selon des trajectoires qui ne revenaient plus heurter la Terre font figure d’attendrissants et gauches débuts. Même les premiers hommes qui ont pris place à bord de véhicules orbitaux nous donnent, par les photos rapportées de leurs voyages, l’impression qu’ils n’ont pas quitté la banlieue terrestre et sont restés somme toute à basse altitude, presque en rase-mottes à l’échelle du globe.
Pourtant, au moment où la science de l’espace n’était pas encore bien assurée et où les véhicules étaient bien modestes, le pari de fouler le sol de la Lune avant la fin de la décennie était pris le 25 mai 1961 par un pays dont la seule manifestation spatiale avec pilote (ou plutôt cobaye) était alors un simple bond sub-orbital de quelques centaines de kilomètres.
En huit ans et deux mois l’entreprise a été menée à bien au grand jour, chacun pouvant suivre ses progrès et ses reculs dans des conditions propres à rendre plus mesurable le succès mais plus retentissant l’échec.
Au moment du lancement de Saturn V, l’énormité de la tâche à conduire à son terme, la somme d’inconnu à affronter, le nombre d’opérations vitales à réussir ont pu faire douter de voir revenir sur notre planète Terre ceux qui semblaient trop oser. Et pourtant tout a été accompli, jusqu’au retour dans le Pacifique d’une cabine si petite par rapport à la masse au départ et surtout à la complexité de la mission tentée et réussie.
À qui attribuer les palmes de la victoire ? Il est difficile de départager les sciences et les techniques qui l’ont permise.
Le grand premier rôle est incontestablement tenu par l’organisation, le management, animé du même souffle qui avait fait sortir de rien les armées et le matériel de la deuxième guerre mondiale. Grâce à lui les idées, les études, les réalisations, provoquées et nées par milliers dans la dispersion ont rejoint au moment voulu l’œuvre commune pour y remplir au mieux le rôle assigné.
L’entreprise était tout aussi inconcevable sans la contribution de la science nouvelle du traitement des données. Les ordinateurs ont été les auxiliaires irremplaçables utilisés pour les innombrables calculs de définition des matériels, de dépouillement des résultats d’essais et de tracé des trajectoires. Pendant le vol ils étaient indispensables à son contrôle et à l’élaboration instantanée des solutions à apporter à toute situation nouvelle.
Plus spectaculaires, les techniques de propulsion ont permis le décollage de l’énorme masse de Saturn V, dans des conditions de combustion qui semblaient à tout moment proches de l’explosion. Quoique ne mettant en jeu que des puissances plus faibles, les moteurs utilisés pour fournir l’impulsion vers la Lune, l’énergie nécessaire aux corrections de trajectoire, aux freinages, à l’atterrissage sur la Lune, au décollage, au rendez-vous, à l’accélération vers la Terre étaient naturellement tout aussi indispensables à la réussite de la mission.
Plusieurs techniques associées, détection, guidage et pilotage ont été utilisées pour mesurer les écarts par rapport aux trajectoires nominales, les réduire à la plus petite valeur et assurer le rendez-vous sur orbite lunaire. Il est saisissant de noter que la précision de poursuite depuis la Terre des véhicules proches de la Lune atteignait jusqu’à 0,1 mètre/seconde quant à la vitesse.
Autre performance, le vol Apollo 11 s’est déroulé presque sous nos yeux grâce à la télévision et à portée de voix grâce à l’étonnante qualité des télécommunications. Ainsi a été humanisé ce faisceau de techniques, à mesure que nous devenaient familiers les visages de trois hommes et le timbre de leurs voix, cependant que nous pouvions presque oublier l’hostilité du milieu, tant semblait naturelle dans le vide sidéral la vie en atmosphère artificielle dans les cabines, et la marche sur la Lune dans les scaphandres.
Tous les apports au programme Apollo ne peuvent être cités, mais le rôle considérable tenu par deux notions omniprésentes, la fiabilité et la redondance, chargées d’assurer au plus haut degré la sûreté de toutes les fonctions ne peut être omis.
Après avoir planté un jalon que l’histoire retiendra, le vol Apollo 11 va s’éloigner dans le temps et s’estomper dans nos mémoires. Sur la voie ainsi frayée vont s’engager d’autres hommes qui prolongeront et élargiront sur la Lune les traces de la première incursion et ces voyages deviendront peu à peu ordinaires, jusqu’à ce qu’un jour soit franchi vers une planète du système solaire, Mars, un autre « bond de géant ». ♦