Militaire – Canada : réduction des effectifs et perspectives d’avenir des forces armées – Grande-Bretagne : transfert de la mission de représailles stratégiques nucléaires ; Télécommunications de défense – Allemagne fédérale : le char germano-américain MBT-70 – Italie : aide militaire à l’Afrique noire – Japon : relations avec les États-Unis et armement nucléaire
Canada : réduction des effectifs et perspectives d’avenir des forces armées
Le ministre de la Défense, M. Léo Cadieux, a rendu publiques, le 23 juin 1969 devant la Chambre des Communes, les décisions de principe prises par le gouvernement d’Ottawa concernant les Forces armées canadiennes.
L’effectif des forces régulières sera ramené, en trois ans, de 98 000 à un nombre situé entre 80 000 et 85 000 hommes. Cette mesure, qui touchera principalement les personnels non-combattants, devrait laisser pratiquement les forces opérationnelles à leur niveau actuel. Il est prévu de réduire également les réserves. Des études sont en cours à ce sujet.
M. Léo Cadieux a ensuite évoqué les perspectives d’avenir au sein des principaux commandements intégrés des Forces armées canadiennes. La mission du Commandement maritime reste inchangée, mais l’accent sera mis sur son rôle dans l’Arctique. De plus, ses possibilités de lutte anti-sous-marine (ASM) seront améliorées. La Force mobile subira des modifications, dont le détail n’est pas encore connu, mais restera organisée en groupements de combat, de l’importance de nos brigades, dont la mobilité sera renforcée. Le régiment aéroporté sera maintenu. Il n’y aura pas de changement à court terme dans la défense aérienne. Mais, à long terme, des décisions devront être prises après entente avec les Américains sur l’AWACS (Airborne Warning And Control System, projet de système d’alerte et de contrôle aérien, embarqué à bord de Boeing 707 ou de Douglas DC-8), les radars trans-horizon et la future génération d’intercepteurs. Il faut noter que la Commission de la Défense et des affaires extérieures des Communes a recommandé le maintien des Forces canadiennes dans le réseau de défense aérienne de l’Amérique du Nord (North American Aerospace Defense Command ou NORAD), dont la réorganisation est prévue. Elle estime même que le Canada devrait assumer une plus grande part de cette défense, en particulier sur son propre territoire.
Les mesures annoncées par M. Léo Cadieux sont à rapprocher de la décision prise récemment par le Premier ministre M. Pierre Elliot Trudeau de procéder à une réduction « concertée et progressive » des effectifs canadiens stationnés en Europe dans le cadre de l’Otan. Ces économies dans le domaine des effectifs et cette « restructuration » des Forces armées semblent, en effet, confirmer la volonté du gouvernement d’Ottawa de donner la priorité à la défense du continent nord-américain en général et du sol canadien en particulier, au détriment de sa participation à l’Alliance atlantique et aux missions de paix de l’ONU. La Brigade mécanisée stationnée en République fédérale d’Allemagne (RFA) serait, dans ce plan, remplacée par un groupement aéroporté disposant d’hélicoptères et doté uniquement d’armes classiques.
Grande-Bretagne : transfert de la mission de représailles stratégiques nucléaires
Le ministre de la Défense britannique, M. Denis Healey, a annoncé officiellement que la mission de représailles stratégiques nucléaires a été transférée le 30 juin dernier de la Royal Air Force (RAF) à la Royal Navy. Cette décision entre en application au moment où deux des quatre sous-marins lance-missiles sont opérationnels.
Après l’explosion de la première bombe atomique en octobre 1952 au large des îles Montebello, en Australie, le gouvernement conservateur décida de se doter d’une force de dissuasion nationale. Cette mission fut confiée à la Force V de la RAF. En cas de guerre généralisée, cette force devait participer au plan de frappe du Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), qui dépende de l’Otan. En cas de guerre limitée, elle pouvait éventuellement renforcer les moyens britanniques déployés sur les théâtres extérieurs. L’an dernier, elle a été ramenée de huit à six escadrons, soit à une cinquantaine de bombardiers subsoniques Vulcan Mk.2 ayant un rayon d’action à haute altitude de 3 700 km sans ravitaillement en vol (4 600 km avec un ravitaillement). Les armes stratégiques utilisées par ces bombardiers sont des bombes thermonucléaires. Elles sont actuellement de deux types. Le Blue Steel est un engin air-sol téléguidé d’une puissance d’une mégatonne, d’une portée de 80 km, tiré à basse altitude. Il doit être retiré progressivement du service d’ici le début de 1970. À cette date l’arme standard stratégique sera la bombe WE.177, bombe à retardement d’une puissance réglable supérieure à la mégatonne ; elle est très légère (430 kg contre 6 tonnes au Blue Steel) et peut être lancée à basse altitude et en vol horizontal.
Conscients de la vulnérabilité de la Force V, les Britanniques ont décidé, un an après l’explosion de leur première bombe H à l’île Christmas (mai 1957), [en Australie], de se doter, comme les Américains, d’une flotte sous-marine nucléaire. Le programme n’a pu prendre corps qu’après la signature des accords de Nassau en décembre 1962. Le Parti conservateur, alors au pouvoir, souhaitait réaliser une flotte de cinq bâtiments, afin de pouvoir en maintenir toujours deux en patrouille. Le gouvernement travailliste [de M. Harold Wilson], arrivé au pouvoir en octobre 1964 et opposé à toute forme de dissuasion nucléaire nationale, décida de renoncer à la cinquième unité préférant faire porter l’effort sur les sous-marins de chasse à propulsion nucléaire qu’il estime plus utiles à la défense des intérêts britanniques.
Actuellement, deux sous-marins lance-missiles, le Resolution et le Renown sont opérationnels ; un troisième, le Repulse, le sera prochainement et le dernier, le Revenge, au début de 1970. Ces sous-marins sont de construction britannique à l’exception de leur armement principal. Celui-ci se compose de seize fusées Polaris A-3. Les missiles sont américains mais les ogives sont britanniques. Leur portée est de 4 600 km. La Royal Navy disposera ainsi d’un instrument de dissuasion qui sera utilisé au sein de l’Otan dans le cadre d’une alliance bilatérale anglo-américaine. Bien que M. Healey ait affirmé qu’il serait possible de maintenir deux sous-marins lance-missiles en patrouille et éventuellement trois en cas de tension, l’Amirauté britannique a toujours affirmé que c’était là une vue de l’esprit. Selon elle, ce ne sera possible qu’au début tant que les quatre bâtiments seront neufs. Les nécessités de l’entretien, de l’entraînement, et surtout des carénages obligatoires feront que, dans un délai assez bref, il n’y aura en moyenne qu’un seul sous-marin en patrouille. La force Polaris prenant l’alerte à son compte, les bombardiers de la Force V doivent assurer dorénavant l’appui nucléaire tactique des forces britanniques sur les théâtres d’opérations extérieurs. Cependant, tout sera mis en œuvre pour qu’ils puissent, en cas de besoin, effectuer des missions de bombardement stratégique.
Ainsi le transfert de la mission de représailles stratégiques des bombardiers de la RAF aux sous-marins, moins vulnérables, de la Royal Navy va augmenter la crédibilité de la dissuasion assurée par les forces stratégiques nucléaires britanniques.
Télécommunications de défense
La politique de désengagement d’outre-mer a obligé la Grande-Bretagne à procéder à une réorganisation de ses transmissions de défense. Celle-ci est menée sous le signe de la concentration et de la modernisation des moyens de façon à rechercher l’automatisation, accroître le débit et obtenir une plus grande sûreté de fonctionnement. Bénéficiant en matière de télécommunications spatiales d’une avance sur les autres pays d’Europe de l’Ouest, les Britanniques projettent de réaliser à la fin de la prochaine décennie des systèmes de transmission traitant globalement les liaisons radio haute, moyenne et très haute fréquence, (HF, MF, VHF) et par satellites. Le développement considérable de leur industrie électronique doit leur permettre de mener à bien ces projets ambitieux.
Depuis 1965, le ministère de la Défense dispose d’un réseau spécialisé et intégré grande distance, dont la station maîtresse est le centre de transmission de Whitehall. Par son intermédiaire, le central « opérations » du ministère peut instantanément se mettre en liaison par radiotélétype avec les commandants des théâtres extérieurs (Armée du Rhin, golfe Persique, Extrême-Orient…) ou avec l’état-major du Comité des commandants en chef Ouest qui actionne les réserves stratégiques. Le centre de Whitehall sera entièrement automatisé en 1970, lorsque le système de tri et de transmission TARE (Telegraph Automatic Relay Equipment) entrera en service. Des économies de personnel seront ainsi réalisées. L’effort de rationalisation se prolonge par l’intégration progressive des transmissions « air » et « terre », tandis que, par ailleurs, dans le cadre des accords ABCA (accords de coopération et de standardisation signés en 1946 par les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada, auxquels se sont joints ultérieurement l’Australie et la Nouvelle-Zélande), la Grande-Bretagne a standardisé avec les États-Unis, le Canada et l’Australie, les procédures d’exploitation. Les émissions en ondes décamétriques permettent, en particulier, des transmissions entre points très éloignés, grâce à la réflexion ionosphérique. Mais elles présentent quelques inconvénients : elles sont sensibles aux aléas météorologiques et demeurent indiscrètes, malgré l’emploi d’antennes directionnelles.
Les liaisons par câbles, permettant de réduire au maximum ce risque d’indiscrétion, subissent actuellement d’importantes modifications techniques qui en améliorent les performances, notamment la capacité, grâce à l’emploi de répéteurs à transistors. Utilisés exclusivement pour le trafic télégraphique depuis 1851 et jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les câbles sont depuis lors exploités également pour les liaisons téléphoniques. Le premier câble téléphonique transatlantique a été posé en 1956 (TAT-1). Depuis cette date, d’autres câbles, reliant le Royaume-Uni aux pays du Commonwealth, ont été installés : le CAN-TAT (1961), entre l’Écosse et le Canada, le COMPAC (1963), entre le Canada et l’Australie, via Hawaï, les îles Fidji, la Nouvelle-Zélande. C’est le câble le plus long du monde (8130 nautiques). Le système SEACOM (7 070 nautiques) qui relie Singapour et la Malaisie à Hong-Kong, Guam, la Nouvelle-Guinée et l’Australie, a été achevé en 1967. Un câble Angleterre-Afrique du Sud a été posé en 1966. Un autre câble (TAT-3) en direction des États-Unis est entré en service en 1963 et une liaison avec le Canada a été réalisée à l’aide des câbles SCOTICE (Écosse-Islande, via les îles Féroé) et ICECAN (Islande-Canada, par le Groenland), fin 1962. Par ailleurs, trois autres câbles téléphoniques seront posés vers 1971-1973, entre la Grande-Bretagne et le continent, en direction de la RFA, de la Belgique et des Pays-Bas. Mais ce trafic s’accroît d’année en année.
Les satellites, qui peuvent transmettre environ dix fois plus de communications que les câbles, répondent aux exigences nouvelles des transmissions de défense à l’ère nucléaire. Les communications ne sont perturbées ni par les conditions météorologiques, ni par l’état de la couche ionosphérique. L’utilisation d’antennes directionnelles garantirait une bonne discrétion et assurerait une meilleure protection contre le brouillage, puisque la seule interception possible ne pourrait être faite que par voie aérienne.
De plus, l’utilisation des satellites permet d’accroître le débit des transmissions, tout en diminuant les frais de fonctionnement. La Grande-Bretagne participe actuellement à deux réalisations : le Defense Satellite Communication System (DSCS) américain et le réseau Skynet, en attendant de posséder son propre réseau national. Un accord a été conclu entre Anglais et Américains pour la construction d’un certain nombre de stations terrestres d’émission et de réception ; la réalisation de trois d’entre elles a été confiée à la Grande-Bretagne ; Christchurch (Royal Navy), Chypre (RAF) et Singapour (Army). Par ailleurs, le Royaume-Uni a réalisé quatre stations aérotransportables, et une station mobile à bord de la frégate ASM Wakeful, équipée d’un petit terminal expérimental. Un nouveau système, connu sous le nom de DSCS II, sera composé de satellites synchrones très puissants, de terminaux dont la capacité, la sûreté de fonctionnement, et parfois la mobilité, seront augmentées. Le premier de ces satellites sera lancé au début de 1971.
L’adhésion de la Grande-Bretagne au réseau militaire américain DSCS constitue donc un premier pas vers l’utilisation des transmissions par satellites. Mais un pays à vocation mondiale ne pouvait se permettre d’être tributaire de l’étranger, fut-ce un allié. Aussi, le projet Skynet apparaît-il comme un développement logique et nécessaire pour les liaisons à l’Est de Suez et ultérieurement sur l’Atlantique-Nord. Les États-Unis se sont engagés à construire et à lancer à l’aide de fusées Thor-Delta, pour le compte du Royaume-Uni, deux satellites stationnaires au-dessus de l’océan Indien. Le premier lancement doit avoir lieu en 1969, le second en 1970 (l’un sera opérationnel, l’autre sera gardé en réserve). Ces deux satellites de construction américaine comprendront quelques éléments britanniques, et devront fonctionner de trois à cinq ans. L’avantage de ce système stationnaire est de requérir moins de satellites que le DSCS américain qui en compte 26. Il permettra, en outre, le passage d’un plus grand nombre de conversations simultanément, par suite de l’existence de deux canaux radio HF. Relié au système américain DSCS, il sera composé de cinq stations fixes, deux aérotransportables et deux installées à bord de transports de chalands de débarquement. Grâce au système Skynet, les Anglais disposeront, dès l’année prochaine, de leur propre réseau de transmissions par satellites destiné, en priorité, à la Royal Navy. Mais ce réseau présente toutefois un inconvénient : il comprend encore une forte participation américaine.
Consciente de l’importance de ces liaisons nouvelles, la Grande-Bretagne envisage de substituer au système anglo-américain Skynet un réseau national. Elle met au point un lanceur de satellites à trois étages (fusée Black Arrow), et souhaite développer ses propres satellites qui prendraient la relève des deux satellites américains, lorsque ceux-ci cesseront de fonctionner dans trois ou cinq ans. Ainsi, vers 1972-1975, la Grande-Bretagne, affranchie de la tutelle des États-Unis, disposerait d’une complète autonomie dans ce domaine. Mais, avant de prendre une décision à ce sujet, le gouvernement de M. Wilson estime nécessaire d’effectuer une étude afin de déterminer le prix de cette indépendance.
En dehors des réseaux à caractère stratégique, il existe des réseaux particuliers pour assurer certaines liaisons. C’est le cas du réseau radio VLF (très basse fréquence) pour communiquer avec les sous-marins et du projet Mallard [qui prévoit une coopération avec le Canada, l’Australie et les États-Unis] qui intéresse les forces terrestres, et permettrait à l’État-Major de Londres d’être en liaison avec des unités subalternes sur un théâtre d’opérations éloigné. Ce projet n’en est qu’à la phase préparatoire, c’est-à-dire au stade de la définition des grandes orientations. Le contrat final ne sera mis au point qu’en 1970.
Allemagne fédérale : le char germano-américain MBT-70
Présenté conjointement par les autorités américaines et allemandes en octobre 1967, le char germano-américain MBT-70 (Main Battle Tank 1970) devait sortir en série au plus tard en 1970. En octobre 1968, six chars seulement sur 16 prévus étaient livrés pour essais aux États-Unis et à l’Allemagne et la mise en service du MBT n’était plus envisagée avant 1973. L’accord de 1963 prévoyait un coût total de 80 millions de dollars pour le développement du projet ; en mars 1968, ce total atteignait déjà 300 millions. Pour expliquer les retards et l’augmentation des dépenses, les responsables du programme avancent les raisons suivantes : allongement imprévu des délais de recherche et de mise au point, dû à un planning trop peu élaboré ; autorisation accordée de doubler les programmes de recherche pour éliminer les risques d’échec (moteur mis au point par les Allemands alors que la responsabilité en incombait aux Américains et inversement mise au point par les Américains de la suspension et de la transmission dont la responsabilité incombait aux Allemands) ; masse excessive du prototype : 52,5 t, au lieu des 46 t prévues, d’où la nécessité d’alléger les parties les plus lourdes du véhicule ; mauvais fonctionnement du système automatique du canon ; ennuis sérieux provoqués par la douille combustible des munitions classiques de 152 mm. Toutes ces difficultés devraient être surmontées, mais le prix de série du char initialement prévu à 3 millions de francs est estimé actuellement à 3,75 millions de francs (750 000 $) pour une production totale estimée à 1 500 ou 2 000 exemplaires.
Le dernier prototype présente les caractéristiques suivantes : les trois membres de l’équipage sont placés dans une cellule étanche protégée contre les radiations nucléaires. Le pilote est dans un tourelleau contrarotatif maintenu dans la direction de progression du véhicule. Il dispose d’une commande lui permettant d’orienter son tourelleau vers l’arrière. Le char qui pèse, en ordre de marche, 48,5 t mesure 7,60 m canon vers l’avant (6,5 m canon vers l’arrière), pour une largeur de 3,5 m et une hauteur qui varie de 2 m à 2,5 m suivant les conditions d’emploi. Équipé d’un moteur polycarburant il atteint 75 km/h sur route et son rayon d’action est de 660 km à 50 km/h. Il peut franchir des gués de 2,3 m avec l’aide de Schnorchels pour le moteur et de 5,4 m avec équipements spéciaux.
Le canon de 152 mm, monté coulissant sur le masque, est stabilisé dans les deux plans et peut tirer le missile Shillelagh et quatre munitions classiques. Un chargeur permet la sélection automatique des munitions par le tireur ou le chef de char. L’armement secondaire comprend : un canon de 20 mm Hispano-Suiza monté sur tourelleau prévu pour le tir antiaérien et le tir à terre, une mitrailleuse coaxiale M73 de 7,62 mm et huit lance-pots fumigènes tirés individuellement, par salves d’un bord ou tous ensemble.
Le char est équipé d’un télémètre à laser incorporé dans le périscope du tireur, mais qui peut être mis en œuvre par le chef de char, et d’un calculateur analogique tenant compte de la parallaxe et de la dérive, du dévers des tourillons et du jeu de tourelle, de l’égueulement et de l’usure du tube, des changements de température, de la direction et de la force du vent et enfin de la configuration particulière de la trajectoire de la munition utilisée. Les corrections en dérive sont transmises aux réticules des appareils de visée du chef de char et du tireur. Les corrections en site sont transmises au canon. Le chef de char dispose, la nuit, d’un périscope spécial, qui lui permet de servir toutes les armes. Le tireur dispose d’un périscope et d’une lunette téléscopique pour le tir de jour et de moyens passifs et infrarouges pour le tir de nuit. Le pilote utilise, le jour, des épiscopes et un écran de télévision pour la conduite en immersion et, la nuit, des appareils à infrarouge actif ou à amplification de brillance.
Après l’abandon en décembre 1968 du moteur américain Continental et avant la mise au point de la turbine américaine Lycoming, le char est équipé du moteur allemand Daimler-Benz. Ce moteur polycarburant est un moteur 12 cylindres en V à 90 °, refroidi par eau. Il est équipé de deux turbo-compresseurs et d’une bougie de réchauffage dans les chambres de précombustion (départ à froid). Il développe 1 520 chevaux à 2 600 tours minutes.
La suspension est du type hydropneumatique à hauteur variable avec poulie de tension à compensation automatique. La hauteur est réglée par le pilote. L’énergie est fournie par un cylindre d’azote à 200 atmosphères. Le train de roulement est à barbotin arrière avec par chenille six galets et cinq rouleaux-porteurs.
En plus de la protection fournie par le blindage, le pod (compartiment de l’équipage) est mis en surpression et alimenté en air filtré, ce qui permet à l’équipage de combattre sans masque.
Le char MBT-70, de conception entièrement nouvelle, devra faire ses preuves en service. Les problèmes que posent la mise au point et la production d’un ensemble aussi complexe sont nombreux mais, s’ils sont surmontés, il ne fait aucun doute que ce char sera le plus perfectionné parmi les matériels existants. Les ordinateurs américains chargés de l’estimation de l’efficacité du matériel pour le combat, prenant le chiffre de base 1 pour le char M-60 A1, donnent 1,5 au Chieftain anglais et actuellement 3 au MBT-70.
Italie : aide militaire à l’Afrique noire
Éliminée du continent africain à l’occasion du second conflit mondial, l’Italie développe maintenant en Afrique noire une offensive économique qui, dans certains secteurs, la place en tête de tous les autres concurrents. Elle a été servie dans cette entreprise à la fois par l’expérience acquise avant 1940 dans ses possessions de la corne orientale d’Afrique et par la perte de ces dernières, qui l’a paradoxalement lavée, aux yeux des Africains, du péché de « colonialisme ». Mais elle n’aurait pu la mener à bien et ne pourrait la poursuivre sans le remarquable redressement de son économie. Le taux annuel de croissance de l’économie italienne est encore de l’ordre de 5 à 6 % et paraît le plus fort de ceux des pays du Marché commun dont l’association avec les 18 [États africains et malgache lors de la conférence] de Yaoundé [en juillet 1963] a contribué au développement des activités italiennes en Afrique noire. L’Italie dans ses rapports avec le continent noir semble avoir fait sienne la devise « Aid by Trade » (littéralement « L’aide par le commerce »). Cependant, malgré la prédominance du facteur commercial, les relations entre Rome et l’Afrique noire ont tendance à se diversifier et à s’étendre. Les Italiens apportent ainsi leur assistance économique, technique et militaire à un nombre de plus en plus grand de pays africains.
Mis à part la contribution apportée à la formation et à l’équipement de la police somalienne dans le cadre des accords de coopération conclus entre les deux pays, l’assistance militaire de l’Italie est limitée au domaine aérien et n’était accordée jusqu’en 1969 qu’à deux pays, le Ghana et le Congo Kinshasa. Rome a fourni à Accra, de 1965 à 1968, neuf avions Aermacchi MB-326 (avion à réaction d’entraînement et d’attaque au sol. Vitesse 770 km/h – rayon d’action 2 à 300 km), dont six sont encore en service et entretient une modeste mission militaire dans la capitale ghanéenne. L’Italie est liée avec le Congo Kinshasa par un accord de coopération militaire conclu en 1964 pour l’organisation et l’instruction des forces aériennes congolaises. Les pilotes et techniciens congolais sont formés à l’école de pilotage de N’Dolo, près de Kinshasa, et en Italie. En avril 1969, les Forces armées congolaises (FAC) comptaient 41 pilotes brevetés dont le tiers avec la qualification chasse et 150 spécialistes ; 20 stagiaires congolais poursuivaient leur instruction en Italie dont trois sur un hélicoptère Agusta et Bell. L’accord de coopération venu à expiration en mai 1969 doit être renouvelé. D’autre part, le Congo Kinshasa a conclu une convention avec la firme italienne Aermacchi pour l’achat de 17 MB-326 dont les cinq premiers seront livrés fin 1969. Les pilotes congolais de ces monoréacteurs doivent être formés en Italie.
Les Italiens viennent, au début de 1969, de proposer leur coopération militaire à la Zambie. Déjà connus favorablement dans ce pays par la construction du barrage de Kariba (qui fournit 50 % de l’électricité consommée en Zambie) et celle toute récente de l’oléoduc Tanzanie-Zambie, les Italiens fournissaient une assistance technique à la compagnie aérienne Zambian Airways. À la suite de la dénonciation par Lusaka de l’accord anglo-zambien pour l’entraînement et l’encadrement des forces aériennes zambiennes, les Italiens ont offert leurs services pour remplacer les Britanniques. Une première convention a été conclue en février 1969 pour l’achat, par la Zambie, de cinq hélicoptères Agusta-Bell. Des tractations sont en cours pour la fourniture à la Zambie d’Aermacchi MB-326. Cinquante pilotes zambiens sont déjà en stage en Italie et il est probable qu’une mission militaire italienne remplacera fin 1969 la mission britannique chargée de l’instruction de la force aérienne zambienne.
Japon : relations avec les États-Unis et armement nucléaire
M. Kiichi Aichi, ministre des Affaires étrangères, s’est rendu aux États-Unis au début de juin. Il a exposé le désir du gouvernement japonais de récupérer Okinawa vers 1972. Il a demandé qu’après la restitution de l’archipel, les bases américaines y soient soumises au même régime que celles existant au Japon, c’est-à-dire non-introduction d’armes nucléaires et consultations préalables en cas d’opérations à partir de ces bases. De son côté, le gouvernement américain n’a pris aucun engagement et s’est borné à se déclarer prêt à rechercher des solutions compatibles avec ses obligations militaires et les désirs des Japonais. Les États-Unis trouvent trop restrictives les conditions appliquées actuellement aux bases du Japon. Les discussions vont se poursuivre jusqu’à la fin de l’année. Il semble qu’un accord de principe pourra alors être conclu, mais il faudra environ un an pour mettre au point les modalités du transfert ; les textes devant ensuite être soumis à la Diète [le parlement japonais] et au Congrès, ce n’est qu’au début de 1972 que la rétrocession pourrait s’effectuer. Par ailleurs, le problème du traité de non-prolifération a été abordé ; le Japon le signera probablement avant la fin de l’année. Sur le plan économique, les Japonais semblent disposés à se montrer plus accommodants en ce qui concerne les investissements américains.
L’Agence de Défense a étudié l’équipement éventuel des forces japonaises en armes nucléaires ainsi que le rétablissement du service militaire obligatoire. Cette étude a été établie à titre « hypothétique » au cas où le Traité de sécurité nippon-américain cesserait d’être en vigueur et où la Constitution japonaise serait modifiée. Elle prévoirait la fabrication nationale d’armement nucléaire, la construction de sous-marins et de porte-avions à propulsion nucléaire, le service militaire obligatoire et la mise en service de bombardiers stratégiques. Il est vraisemblable que les autorités cherchent à préparer l’opinion et à mettre les Japonais devant l’alternative : reconduction du traité de sécurité ou constitution d’une force nucléaire nationale. ♦