Maritime – Dans la marine française : le projet de udget 1970 – Le missile Mer-Mer 38
Dans la marine française : le projet de budget 1970
Le projet de budget de la Marine pour l’exercice 1970 a toutes les chances d’être entériné par le Parlement. Aussi n’est-il pas prématuré d’en faire une courte analyse quitte à signaler dans une prochaine chronique les éventuelles modifications qu’il pourrait subir.
Il prévoit 4 722,4 millions de francs de crédits de paiement [CP] contre 4 540,5 en 1969, soit 3,9 % d’augmentation. Cette augmentation est inférieure à celle des dépenses militaires qui dans leur ensemble s’accroîtront de 4,7 % en 1970. Ce pourcentage est lui-même largement inférieur à la croissance du budget de l’État qui se montera, comme on sait, à 6 % environ alors qu’on escompte un accroissement du PNB d’environ 9 à 10 %.
Ces crédits de paiement représentent 17,37 % du budget total des forces armées, pourcentage sensiblement du même ordre que celui de l’exercice précédent (17,5 %).
Ils comportent :
– 2 254,73 millions de francs de dépenses de fonctionnement (titre III) et
– 2 467,7 millions de francs de dépenses en capital (titre V).
Par grandes masses, la répartition des crédits du titre III se présente comme suit comparée à celle de l’an dernier :
|
En millions de francs |
|
|
1969 |
1970 |
Dépenses de personnel (soldes, salaires, rémunérations) |
1 008,55 |
1 066,78 |
Entretien du personnel (alimentation, casernement, etc.) |
178,8 |
181,41 |
Charges sociales |
138,42 |
143,8 |
Matériels et fonctionnement des armes et services |
786,55 |
877,19 |
Travaux d’entretien des immeubles et du domaine maritime |
19,43 |
20,19 |
Subventions (marins pompiers de Marseille) |
2,44 |
3,7 |
Dépenses diverses (instruction, recrutement, sports, foyers, etc.) |
1,6 |
1,66 |
Total |
2 131,49 |
2 254,73 |
Par rapport à ceux de 1969, les crédits du titre III sont en augmentation de 118,4 MF (+ 5,6 %). Cette augmentation, comme on peut le constater, est pour l’essentiel destinée à faire face à l’accroissement des rémunérations du personnel (+ 58/23 MF) et des charges sociales (+ 5,38 MF). Les crédits (837,14 MF), affectés à l’entretien du matériel et au fonctionnement des armes et services prévoient pour ce qui concerne les combustibles et carburants, 117,10 MF de dépenses contre 98,40 MF en 1969, soit une augmentation de 18,70 MF. Cette augmentation est destinée à couvrir les frais qu’entraînera dans ce domaine en 1970 la campagne des tirs atomiques au Centre d’essais du Pacifique. L’entretien des matériels de série de l’aéronautique navale reviendra à 102,40 MF (97,23 MF en 1969). Les crédits affectés à l’entretien de la flotte et des munitions se montent à 537,35 MF contre 514,50 MF l’an dernier. Compte tenu du vieillissement des unités et de l’augmentation sensible du coût des travaux d’entretien dans lesquels la main-d’œuvre intervient de façon importante, l’accroissement de ces crédits (+ 22,85 MF) est très insuffisant et très en retrait sur les sommes que souhaitait la Marine pour cet usage (569 MF eussent été nécessaires pour l’entretien des seuls bâtiments de la flotte).
En résumé, les crédits du titre III représenteront en 1970, 47,7 % des ressources de la Marine. Ce pourcentage qui peut paraître élevé ne représente en réalité que 16,1 % du montant du titre III des armées. Il est inférieur à celui de l’exercice 1969 et en diminution régulière depuis de nombreuses années. Cette constante diminution du titre III risque d’avoir, si l’on n’y porte remède dès 1971, de graves conséquences sur l’entretien du matériel, l’entraînement des forces et, par voie de conséquence, sur la capacité opérationnelle de la Marine.
Avant de clore cette brève analyse du titre III, signalons qu’il prévoit pour la première fois 778,8 MF d’autorisation de programme (AP) pour l’entretien des navires, des matériels et des munitions. Cette mesure qui ne s’appliquait jusqu’ici dans le titre III qu’aux matériels de l’aéronavale va permettre à la Marine de planifier les travaux d’entretien du matériel d’où il ne peut que résulter des économies de gestion.
Pour ce qui concerne les dépenses en capital, elles sont en crédits de paiement, nous l’avons dit, de 2 467,7 millions de francs. Ce chiffre est supérieur de 63,4 MF à celui de 1969, ce qui représente une augmentation de 2,6 % alors que l’ensemble du titre V des armées augmente de 3,1 %. Ces crédits représentent 52,3 % des CP de la section Marine du budget des forces armées. Comparé à celui du titre V des armées, ce pourcentage tombe à 18,7 % (18,9 % en 1969).
Les autorisations de programme du titre V s’élèvent à 2 294,3 millions de francs, équivalant à 163 % du titre V de l’ensemble des armées. Ce pourcentage est légèrement supérieur à celui de 1969 (15,9 %).
Depuis 1968, la section Marine a un titre V régulièrement moins doté en autorisations de programme qu’en crédits de paiement. Ce déséquilibre risque, si l’on continue dans cette voie, d’aboutir à un amenuisement des constructions neuves tout à fait néfaste au renouvellement de la flotte. Ce déséquilibre n’existe pas pour les sections Terre et Air comme le montrent les chiffres ci-dessous exprimés en millions de francs.
Titre V |
1968 |
1969 |
1970 |
|||
AP |
CP |
AP |
CP |
AP |
CP |
|
Terre |
2 894 |
2 130 |
3 438 |
2 604 |
3 424 |
2 839 |
Air |
3 598 |
3 141 |
3 514 |
3 166 |
3 978 |
3 410 |
Marine |
2 026 |
2 209 |
2188 |
2 410 |
2 294 |
2 468 |
Quoi qu’il en soit, les autorisations de programme prévues au projet de budget 1970 pour le titre V se répartissent comme suit, toujours en millions de francs :
– Études, recherches et prototypes : 330
– Investissements techniques et industriels : 8
– Fabrications : 1 880,8
– Infrastructure : 78,8
Les crédits affectés aux études et recherches prévoient une provision de 30 MF pour le missile Mer-Mer 38 (appelé aussi Exocet). Ces crédits viendront s’ajouter à ceux qui ont été consacrés en 1968 et 1969 à l’étude, la mise au point puis le développement de ce système d’arme dont les premiers essais doivent avoir, en principe, lieu au début de l’an prochain. On escompte qu’il sera opérationnel à la fin de 1971.
Une dotation de 25 MF est également prévue pour lancer l’étude d’un système de missiles surface-air à courte portée destiné à lutter contre les missiles surface-surface aérodynamiques dont le développement depuis plusieurs années dans la marine soviétique et depuis peu dans les autres marines, fait peser une grave menace sur les navires de surface. Ce système qui doit être installé sur les futures corvettes type C-67 et les bâtiments ultérieurs sera différent du projet Mandragore auquel le ministre des Armées avait en 1969 dû renoncer, le projet trop ambitieux lui paraissant susceptible d’entraîner au fur et à mesure de son développement des dépassements de crédits inacceptables.
Pour ce qui les concerne, les constructions neuves entrent pour 1 273,8 MF dans les autorisations de programme affectées aux fabrications. Ce chiffre est supérieur de 134,2 MF sur celui de l’an dernier. Les AP seront consacrées en majorité à la poursuite des opérations en cours qui portent sur :
1) Les sous-marins nucléaires lance-engins (SNLE)
– Achèvement et mise au point des équipements du Redoutable dont les essais se déroulent d’une façon très satisfaisante
– Construction du Terrible dont le lancement est prévu pour le 12 décembre ;
– Le montage sur cale du Foudroyant.
Selon les prévisions actuelles le premier de ces SNLE doit être admis au service actif en 1971, le second en 1972 et le troisième en 1974.
2) Les sous-marins de 800 tonnes Psyché et Sirène du type Daphné qui seront mis en service au printemps 1970
3) Les corvettes
– Aconit de 3 500 tonnes dont la mise à l’eau est prévue pour mars
1970 et l’achèvement en 1971 ;
– C-67 n° 1 sur cale à Lorient ;
– C-67 n° 2 en préfabrication à Lorient ;
– C-67 n° 3 dont la construction sera également confiée à l’arsenal de Lorient.
4) Les chasseurs de mines Circé, Clio, Calliope, Cybèle et un cinquième non baptisé, en construction à Cherbourg. Leur admission dans la flotte s’échelonnera du début de 1971 au printemps 1972.
5) L’achèvement de la transformation de cinq escorteurs d’escadre de 3 800 tonnes du type T-47 en bâtiments anti-sous-marins modernes et la modernisation des équipements sonar de tous les autres escorteurs.
6) L’installation d’un Système de transmission et d’évaluation automatique des informations tactiques (SENIT) sur quatre escorteurs d’escadre.
7) La refonte des sous-marins de la classe Narval.
Tous ces travaux intéressent le reliquat du premier plan militaire (Redoutable) et le deuxième plan. La seule opération nouvelle inscrite à ce dernier qui est prévue au budget concerne la troisième corvette, type C-67 qui reçoit une provision de 50 MF. Par contre, aucun crédit n’a été prévu pour le démarrage de la construction des deux avisos de 1 100 tonnes. L’année 1970 sera mise à profit pour achever les études particulières relatives à ces bâtiments et préparer la documentation technique nécessaire à leur réalisation de telle sorte que celle-ci puisse démarrer dès le début de 1971.
Hors loi programme, les AP 1970 permettront de poursuivre la construction à Brest du navire océanographique D’Entrecasteaux et celle du bâtiment d’exploration sous-marine Triton à Lorient. Ces deux navires entreront en service avant la fin de 1970. Un crédit de 81 MF d’AP est également prévu pour entamer la refonte du croiseur Colbert. Cette refonte qui s’étendra sur 30 mois doit complètement transformer l’armement de ce bâtiment qui sera équipé du système surface-air Masurca initialement prévu pour la Jeanne d’Arc, du système Mer-Mer 38, d’une artillerie automatique de 100 à la place de ses 127 et 57 doubles actuels. Il sera également gréé en navire de commandement moderne. Cette refonte que la marine s’efforcera de réaliser au plus juste prix s’est imposée parce que le bâtiment, en excellent état, en valait la peine et que pour une somme moindre il permettrait, avec le Suffren et le Duquesne de porter à trois les bâtiments équipés du système Masurca. Cette opération permettra d’assurer dans de bonnes conditions la protection anti-aérienne de nos forces navales. Il faut se souvenir à ce propos que le premier plan militaire prévoyait la construction de trois frégates lance-missiles du type Suffren, mais que finalement le prix élevé de ces bâtiments à contraint la Marine à renoncer à la troisième.
Dans le domaine aérien, aucune opération majeure ou nouvelle ne sera financée en 1970. Les 235 MF d’AP prévus au titre des fabrications pour l’aéronavale permettront de :
– Compléter le financement des hélicoptères ASM [anti sous-marine] Super-Frelon, des patrouilleurs Breguet Atlantic et des avions de transport et de liaison Nord 262.
– Préparer la fabrication industrielle de l’avion d’attaque Jaguar qui doit, à partir de 1973, remplacer les Étendard à bord de nos porte-avions. Quatre-vingts appareils de ce type sont prévus pour la Marine.
– Approvisionner les rechanges nécessaires.
Par contre, les crédits d’industrialisation de l’hélicoptère franco-britannique WG.13, prévus lors de la préparation du budget, ont dû être supprimés. L’avenir de cet hélicoptère est en effet en suspens. Étudié en commun par Sud-Aviation et la firme Westland cet engin de moyen tonnage (3 800 kg au décollage) et de 300 km/h de vitesse maximale est prévu en trois versions, transport militaire, reconnaissance armée et lutte ASM. Si aucune décision n’a encore été prise pour ce qui concerne cette dernière version, on envisage en haut lieu de réduire sinon d’annuler les commandes des autres versions qui avaient été primitivement envisagées pour l’Armée de terre. C’est que, si l’on en croit des estimations de source britannique, le prix du WG.13 aurait actuellement dépassé de plus de la moitié des évaluations initiales des constructeurs.
Le missile Mer-Mer 38
Ce missile surface-surface qui va être installé sur le Colbert, les corvettes type C-67 et les navires futurs est un engin de forme classique : corps cylindrique précédé d’une ogive, voilure cruciforme à forte flèche, empennage situé dans les plans de la voilure.
Ses cotes sont les suivantes : longueur : 5,20 m ; diamètre : 0,35 m ; envergure : 1 m.
La conduite de tir comprend un poste de contrôle du tir, utilisant la position du but donnée par le radar de veille-surface du bâtiment et un système d’asservissement affichant, à l’intérieur du missile, la référence de verticale et le cap à prendre après son départ. La rampe de lancement est fixe.
Le lancement du missile a lieu à une faible élévation (environ 10°). Après une phase ascensionnelle, il rejoint son altitude de vol et se stabilise entre 3 m et 15 m. La stabilisation est assurée par une sonde radioélectrique.
Durant la première partie du parcours, le missile est autoguidé par une centrale à inertie qui a reçu l’azimut du but. À une certaine distance de celui-ci, l’autodirecteur électromagnétique actif le recherche, l’acquiert et prend en charge le missile qui se dirige alors vers l’objectif. Le bon fonctionnement de cette phase du vol est fortement protégé contre les tentatives de brouillage ennemies.
La mise de feu a lieu soit par percussion, soit par proximité, un système original assure le maximum de chances à l’un ou à l’autre de ces deux procédés. La portée du missile serait de l’ordre d’une quarantaine de kilomètres.