Le Japon, troisième puissance économique du monde (II) La marque des hommes
Quelle qu’ait été leur importance dans le passé, les facteurs liés aux « données favorables » qui ont été examinés dans notre premier article (1), ne joueront sans doute plus à l’avenir un rôle décisif dans la croissance de l’économie japonaise. L’explication essentielle paraît être, de plus en plus clairement, le comportement de tout un peuple tendu vers un même but — un nouveau défi — rattraper, voire dépasser en niveau de richesse globale ou individuelle, l’Europe, puis les États-Unis.
Sortie du féodalisme il y a tout juste cent ans, et entrée il y a moins de dix ans dans la société de consommation, la population japonaise reste marquée de caractéristiques originales qui contribuent à faciliter la croissance actuelle de l’économie nationale. Malgré les progrès très marqués de l’individualisme depuis 1945, les traditions de loyalisme au groupe et de respect à l’égard des dirigeants sont loin d’avoir disparu. Ces derniers restent par ailleurs profondément convaincus de leurs responsabilités à l’égard de ceux dont ils ont la charge, et de la légitimité du pouvoir qu’ils détiennent. La conscience de l’originalité de la civilisation japonaise, et des menaces que l’isolement de l’archipel, l’exiguïté du territoire, la pauvreté, les fléaux naturels, puis la supériorité économique ou militaire de certains grands États ont longtemps fait peser sur le pays, donnent en outre à la grande majorité des Japonais un sentiment d’appartenance à une même communauté nationale, qui semble ne se retrouver à un tel degré dans aucun des grands pays développés.
Passé directement du système féodal — qui avait pu coexister avec la naissance d’une industrie moderne de 1868 jusqu’à la guerre — à l’ère industrielle la plus moderne, le Japon n’a pas connu d’équivalent à la période héroïque des grands manufacturiers européens ou américains. Il n’a pas été marqué par les antagonismes violents entre employeurs et salariés, qui ont fourni au marxisme la base de ses analyses et lui ont acquis solidement une partie de la classe ouvrière occidentale.
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