Maritime - La Volksmarine de la République démocratique allemande (RDA) - Les marines égyptiennes et israélienne - Dans la marine française : les essais du Redoutable - Premier vol du Jaguar-M
La Volksmarine de la République démocratique allemande (RDA)
La République démocratique allemande est devenue, comme on sait, la huitième puissance économique du monde avec un produit national brut estimé à 30 milliards de dollars en 1968 (1). Elle a consacré cette année-là à ses Forces armées 5,7 % de son PNB [Produit national brut] *, mais la part de ces dépenses consacrée à la Marine n’est pas connue. Cette Marine a été créée en 1950 sous l’appellation de Police maritime des frontières. Organisée officiellement en Forces navales de l’Armée populaire en 1956, elle est devenue Marine populaire (Volksmarine) en novembre 1960.
La Volksmarine relève, comme l’Armée de terre et l’Aviation, du chef d’état-major des Forces armées par l’intermédiaire de son propre commandant en chef. Celui-ci est assisté d’un adjoint et d’un chef d’état-major. Il a sous ordres :
– L’État-Major.
– La Direction politique de la Marine et différentes sections : constructions et armes navales, écoles, hydrographie, logistique, etc.
De son autorité dépendent :
– Les Forces navales proprement dites.
– Les commandants des districts maritimes de Peenemuende et Warnemuende. Comme dans la Marine soviétique, l’influence du Parti [communiste] se fait sentir à tous les échelons et l’on trouve un adjoint politique dans tous les services et sur tous les navires à l’exception des plus petits.
La flotte comprend d’après la dernière édition du Janes Fighting Ships :
– Quatre escorteurs rapides du type Riga cédés par l’URSS (1 450 tonnes -26 nœuds - 3/100 - 3 TLT - mortiers et grenades ASM).
– Douze dragueurs de mines de 500 tonnes classe Habitch construits en RDA entre 1952 et 1956.
– Dix dragueurs de mines de 650 tonnes achevés entre 1956 et 1958. Ces navires ont également été construits en Allemagne de l’Est.
– Douze vedettes lance-missiles du type OSA soviétique (200 tonnes - 30 nœuds quatre missiles surface-surface « Styx »).
– Douze patrouilleurs de 200 tonnes type SO1, également cédés par la Marine soviétique.
– Douze chasseurs de sous-marins type HAI de 300 tonnes et 25 nœuds construits à Wolgast à partir de 1963. Ces petits bâtiments sont propulsés par Diesels et turbines à gaz.
– Vingt-cinq à trente vedettes lance-torpilles du type P6 soviétique.
– Trente à trente-cinq vedettes rapides de la classe Iltis construites en RDA.
À ces navires, il faut ajouter un voilier-école, le Wilhem Pieck, une vingtaine de dragueurs de petits fonds, six engins de débarquement type LCT de 600 tonnes (classe Robbe) et une dizaine de landing crafts [engins de débarquement] * plus petits, quelques auxiliaires et une trentaine de petites unités chargées de la police et de la surveillance des côtes.
Tous ces navires sont répartis en trois flottilles respectivement stationnées dans les bases de Peenemuende, Warnemuende et Sassnitz.
Le personnel de la Volksmarine se monte à environ 16 000 hommes, dont 5 000 embarqués. La proportion respective d’officiers et d’officiers mariniers serait de 17 % et 30 %.
Depuis 1962 (Loi sur le service obligatoire du 24 janvier 1962), le recrutement est assuré par :
– La conscription. En RDA tous les jeunes gens sont astreints à un service obligatoire de 18 mois.
– Les engagements volontaires.
Différentes écoles assurent la formation de ce personnel et sa spécialisation.
L’École centrale des officiers est située à Stralsund. Elle groupe dans les mêmes locaux quatre écoles différentes : officiers de vaisseau, ingénieurs, officiers de transmission et officiers politiques.
Une Académie militaire destinée à parfaire l’instruction des officiers supérieurs a été créée en 1964. Chaque année, d’autre part, un certain nombre d’officiers se rend en URSS pour y suivre des stages.
La Volksmarine se caractérise donc par l’absence de tout navire important et de tout sous-marin. Elle possède par contre un nombre élevé de dragueurs et surtout de vedettes lance-missiles et lance-torpilles. Elle paraît de ce fait bien adaptée à son rôle principal de défense des côtes et pourrait, en cas de conflit, apporter par cela même un soutien non négligeable à la flotte soviétique de la Baltique.
La Marine marchande de la RDA qui relève de l’État comme dans tout pays communiste est en plein développement. Totalisant moins de 100 000 tonnes de jauge brute [tjb] en 1960, elle se monte actuellement à plus d’un million de tonnes avec la flotte de pêche. D’après les plus récentes statistiques du Lloyd’s Register of Shipping, la flotte de commerce s’élevait le 1er juillet dernier à 371 navires de 100 tonnes et plus, jaugeant ensemble 896 000 tonnes. Sur ce total 152 bâtiments représentant 521 000 tonnes avaient moins de dix ans d’âge. Il y avait à cette date en service quatorze pétroliers totalisant 158 000 tjb environ.
Les marines égyptienne et israélienne
Marine égyptienne
Le raid qu’ont effectué récemment deux destroyers et deux escorteurs contre les installations côtières israéliennes du Sinaï a attiré à nouveau l’attention sur la Marine égyptienne. Après la guerre des Six-Jours, au cours de laquelle elle perdit une vedette lance-missiles et trois vedettes lance-torpilles de façon certaine, son moral était au plus bas. La livraison de matériel soviétique moderne et la destruction du destroyer Eilath l’ont fait remonter en flèche. Si depuis lors, l’inertie relative de la Marine par rapport à l’Armée de terre et à l’Aviation dans la petite guerre qui oppose Égyptiens et Israéliens avait peut-être eu sur elle un néfaste effet, on peut penser que le raid réussi des 8 et 9 novembre a eu en revanche un effet contraire. Quelle est la situation de la Marine égyptienne et celle de son adversaire, c’est ce que nous allons examiner succinctement. La flotte égyptienne comprend :
– Deux destroyers de 2 500 tonnes ex-britanniques datant de 1944. Ces bâtiments achetés en 1955 ont été modernisés en 1964 ;
– Quatre destroyers de 3 300 tonnes du type Skoryi soviétique.
– Trois escorteurs anciens.
– Douze sous-marins ex-soviétiques, dont six du type W (1150 tonnes - 12 torpilles) et autant du type R de 1200 tonnes, plus récent.
– Vingt vedettes lance-missiles Styx type Komar et Osa.
– Trente vedettes lance-torpilles.
– Douze escorteurs côtiers ex-soviétiques type SOl.
– Une dizaine de dragueurs.
– De vingt à vingt-cinq engins de débarquement de 250 à 900 tonnes et quelques navires logistiques et auxiliaires de types divers.
La plupart de ces bâtiments sont stationnés en Méditerranée, répartis entre Alexandrie et Port-Saïd. Le reste se trouve en mer Rouge, soit, autant qu’on puisse le savoir : 3 destroyers, 2 à 3 sous-marins et quelques vedettes.
Avant la guerre des Six-Jours, l’Armée de l’air égyptienne disposait d’un certain nombre d’aéronefs spécialisés dans les opérations navales. La majorité d’entre eux aurait été détruite au cours des opérations. Ils ont été remplacés, selon The Military Balance 1969-1970, par douze bombardiers moyens TU-16 Badger, mais on ignore si ces appareils sont gréés pour la reconnaissance ou pour lancer des missiles air-mer comme la plupart des TU-16 de l’Aéronautique navale soviétique.
Le personnel de Marine égyptienne s’élèverait à 14 000 hommes environ, dont 1 500 à 2 000 officiers et un millier de marins spécialisés, commandos et nageurs de combat.
La présence de conseillers soviétiques à tous les niveaux a certainement contribué à accroître sa valeur opérationnelle : l’affaire de l’Eilath et le raid récent du Sinaï en sont un témoignage certain.
Marine israélienne
Jusqu’en 1967, la petite flotte israélienne ne disposait que de quelques navires anciens la plupart d’origine britannique. Elle était numériquement très inférieure à la Marine égyptienne, mais cette infériorité était largement compensée par une indiscutable supériorité sur le plan de la technique et de la préparation du personnel. Néanmoins, sa participation à la guerre des Six-Jours a été moins brillante que celle des deux autres armées et l’action de ses nageurs de combat contre Alexandrie n’a pas eu le résultat escompté. Depuis cette époque et même un peu avant, la Marine israélienne a entrepris de se moderniser et de se renforcer. Elle commença par acquérir en Grande-Bretagne deux sous-marins anciens du type T de 1 300 tonnes.
Mais le premier ne fut armé, après refonte et modernisation, qu’en mai 1967 et arriva en Israël après les opérations. Le second, le Dakar fut perdu en mer en janvier 1968. Un troisième sous-marin du même type, mais non refondu, fut livré à la même époque.
En 1965, la Marine commandait aux chantiers de Normandie (Amiot) six patrouilleurs rapides de 250 tonnes du type Saar inspirés des vedettes rapides allemandes de la classe Jaguar. Cette commande fut portée à douze unités en 1966. La première fut livrée en 1967 et six autres ultérieurement. La livraison des cinq dernières a été provisoirement suspendue en raison de l’embargo sur les matériels de guerre décrété par le gouvernement français. Ces patrouilleurs vont être équipés de missiles mer-mer Gabriel. Ce missile de 400 kg conçu par les ingénieurs israéliens est doté d’une charge explosive de 75 kg. Propulsé par fusée à poudre il vole à Mach 06. Sa portée minimale est de 5 000 m et sa portée maximale de 20 km. Il vole pendant la plus grande partie de sa trajectoire à 20 m au-dessus de l’eau et à moins de 5 m en finale. Il est de ce fait difficilement détectable. Il est dirigé sur sa cible soit par téléguidage optique, soit par alignement sur faisceau radar, soit enfin par un autodirecteur semi-actif illuminé par un radar de poursuite. L’emploi simultané de ces divers modes de guidage ne peut que gêner les contre-mesures de l’adversaire. Équipés de ce missile (2 à 4 par bâtiment), les patrouilleurs du type Saar seront de redoutables engins de combat.
En 1966, enfin, la construction de trois engins de débarquement d’infanterie et de chars de 700 tonnes était entreprise à Haïfa.
Compte tenu de ces diverses constructions ou cessions, la petite flotte israélienne se compose de :
– Trois sous-marins.
– Un destroyer ex-britannique de 1 700 tonnes, le Yaffo, frère de l’Eilath coulé le 21 octobre 1967.
– Un escorteur ex-égyptien capturé en octobre 1956.
– Un patrouilleur de 450 tonnes.
– Sept puissants patrouilleurs rapides type Saar.
– Dix vedettes lance-torpilles.
– Six engins de débarquement, et un nombre indéterminé de petits bâtiments de commerce ou de pêche, remorqueurs et petits transports aménagés ou facilement aménageables en navires de combat auxiliaires.
La plupart de ces unités sont basées en Méditerranée à Haïfa.
Pas plus que la Marine égyptienne, la Marine israélienne ne dispose d’aviation lui appartenant au propre. Elle est entièrement tributaire de l’Armée de l’air sur qui repose la responsabilité de la protection aérienne des bâtiments à la mer et la reconnaissance éloignée des forces navales adverses.
Ses effectifs seraient d’environ 3 500 hommes, y compris les commandos et nageurs de combat. En cas de menace de guerre, la mobilisation permettrait dans des délais extrêmement brefs de doubler ces effectifs. Tout ce personnel est hautement qualifié.
La mission principale de cette petite marine est d’assurer la protection du territoire contre une attaque venant de la mer. La mise en service des patrouilleurs rapides type Saar et du missile Gabriel doit lui permettre d’assurer maintenant cette mission dans de bonnes conditions, mais parent pauvre des forces armées, elle n’a pu jusqu’à présent se créer une force navale capable d’opérer en haute mer ou sur les côtes adverses. Elle aurait donc recours, en cas d’action offensive, comme ce fut le cas en juin 1967, à ses commandos et nageurs de combat qui s’efforceraient de détruire l’ennemi dans ses bases.
Dans la marine française : les essais du Redoutable
La première série d’essais à la mer du sous-marin nucléaire lance-missiles Le Redoutable s’est déroulée en Atlantique entre le 2 juillet et le 8 novembre dernier.
Ces essais qui ont été exécutés dans les délais prévus ont mis en lumière les excellentes qualités et les performances du bâtiment notamment en ce qui concerne la propulsion. Le sous-marin a couvert en 80 jours de mer, plus de 10 000 nautiques, totalisant près d’un millier d’heures de plongée. Il a pendant cette période effectué les premiers essais de son armement tactique et stratégique. C’est ainsi qu’une quarantaine de torpilles et une bonne vingtaine de maquettes de missiles ont été lancées avec succès. Les moyens de détection électromagnétique et sonar ainsi que les transmissions ont donné toute satisfaction.
Le Redoutable a clôturé cette série d’essais en effectuant une plongée de longue durée qui a permis de tester la valeur des systèmes de régénération de l’atmosphère ; ces essais ont été très concluants. Le Redoutable est maintenant revenu à Cherbourg pour les démontages réglementaires après essais et achèvement de certaines installations.
Premier vol du Jaguar-M
La réalisation du programme franco-britannique Jaguar a été confiée à une société, la SEPECAT [Société européenne de production de l'avion École de combat et d'appui tactique]. fondée par la firme Breguet Aviation et la British Aircraft Corporation. La société Rolls-Royce Turbomeca Ltd a la responsabilité de l’appareil moteur. Le programme porte sur une première tranche de 400 appareils ainsi répartis :
– 85 version E – biplace-école, dont 75 pour l’Armée de l’air et 10 pour la Marine.
– 75 version A – monoplace d’appui tactique de l’Armée de l’air
– 40 version M – monoplace d’attaque embarqué.
– 90 version S – monoplace d’appui tactique de la RAF.
– 110 version B – biplace-école pour la RAF.
Le Jaguar-M est destiné à remplacer sur le Foch et le Clemenceau les avions d’attaque Étendard IV M qui devront être retirés du service en 1974.
Le prototype de cette version a effectué son premier vol à Melun-Villaroche ; il a duré 30 minutes et a été très satisfaisant. L’appareil ira bientôt rejoindre au Centre d’essais en vol d’Istres les quatre autres prototypes Jaguar.
Après les essais au CEV d’Istres, le Jaguar-M procédera à des essais de catapultage à terre au Royal Naval Establishment de Bedford puis à bord d’un de nos deux porte-avions.
Rappelons les caractéristiques de ces appareils :
– Poids : 9,5 tonnes environ.
– Moteurs : 2 réacteurs de 3 000 kg de poussée.
– Rayon d’action tactique : 600 km à basse altitude et sans ravitaillement en vol.
– Vitesse : supersonique à basse altitude, Mach 1,7 à haute altitude.
– Armement : 2 canons de 20 ; 4 500 kg d’armes diverses.
Le Jaguar de la Marine diffère de la version A par un système d’armes différent et par la transformation du train et de la crosse en vue de l’emploi sur porte-avions.
Le calendrier de livraison des 50 appareils (40 M, 10 E) destinés à la Marine est le suivant : 1973 : 4 appareils ; 1974 : 19 appareils ; 1975 : 22 appareils.
Après 1975, une deuxième tranche prévoit la fabrication de 30 appareils supplémentaires (version E et M).
L’adoption du Jaguar va entraîner une modification des installations aviation de nos porte-avions : renforcement des ascenseurs, catapultes plus puissantes, adaptation de certaines soutes destinées à l’armement atomique tactique prévu pour le Jaguar. Il sera profité de ces travaux pour moderniser l’électronique des bâtiments.
* Les éléments entre crochets ont été ajoutés en décembre 2019.
(1) Selon The Military Balance 1969-1970, le PNB de la France est de 115 milliards de dollars ; RFA : 132 milliards de dollars.