Institutions internationales - La clôture de la session de l'Assemblée générale de l'ONU - Les difficultés de la Cour internationale de Justice - L'Europe après la Conférence de La Haye - Vers une « relance » de l'Euratom ?
L’activité des organisations internationales a été, directement et indirectement, dominée en décembre par la conférence européenne de La Haye et par la concrétisation de celles de ses décisions qui comportaient une échéance immédiate. Mais, dans le même temps, le Conseil Atlantique a été amené à prendre position à l’égard de la proposition de « conférence européenne sur la sécurité » présentée une nouvelle fois par les pays membres du Pacte de Varsovie, cependant que la session de l’Assemblée générale des Nations unies se terminait dans une déception générale.
La clôture de la session de l’Assemblée générale de l’ONU
La 24e Assemblée générale de l’ONU a terminé ses travaux le 17 décembre. Elle les avait commencés le 16 septembre avec, à son ordre du jour, pas moins de 107 questions. Mme Angie Brooks, du Liberia, qui a présidé cette session, a constaté dans son discours de clôture qu’aucun des grands problèmes de l’heure n’a été, non pas résolu, mais même sérieusement abordé et que, « devant les maux qui subsistent, nos réalisations peuvent apparaître assurément comme étant fort modestes ». L’appel qu’elle a lancé pour un « cessez-le-feu immédiat » au Nigeria est venu souligner, pour les délégations sur le point de se disperser, qu’une fois de plus une assemblée générale de l’ONU avait réussi à ne pas faire face à la tâche essentielle pour laquelle l’organisation internationale a été créée : empêcher les tueries dans le monde. Massacrant les Biafrais au nom d’une unité administrative héritée de la période coloniale, le gouvernement de Lagos demeure, aux yeux de l’ONU, dans les limites de ses droits nationaux protégés par la Charte. Plus que jamais, par un nombre record de résolutions votées au cours de la session, l’ONU a posé en principe que certains actes ne sont répréhensibles que s’ils sont imputables à l’Afrique du Sud ou au Portugal…
Même en matière de désarmement, l’Assemblée n’a pu jouer le rôle d’aiguillon qu’elle a tenu parfois dans le passé. Sa majorité, composée des pays du « tiers-monde », s’est toutefois rebellée contre les arrangements conclus par les deux super-Grands en ce qui concerne les armements nucléaires et l’exploitation des fonds marins. Bref, l’ONU ne semble plus avoir de prise sur les réalités du monde. Plus que jamais, en tout cas, elle se révèle incapable d’assumer la responsabilité qui lui a été dévolue par la Charte, celle d’assurer la paix. Tous les conflits qui déchirent le monde lui échappent. La guerre du Vietnam et celle du Biafra n’étaient même pas inscrites à l’ordre du jour. Quant au conflit israélo-arabe, les débats n’ont abouti qu’au vote de résolutions condamnant diverses violations par Israël du droit international dans les territoires occupés depuis la guerre « des six jours » [5-10 juin 1967], et affirmant les droits du « peuple de Palestine ». Ils n’ont en rien contribué à son règlement, dont les Grands s’efforcent toujours de définir les grandes lignes. Car ce sont les Grands, et plus précisément les deux super-Grands qui se sont arrogés le droit de traiter les principaux problèmes de la politique mondiale. Les Nations unies sont surtout priées par eux de ne pas compromettre par des manifestations intempestives les efforts qu’ils font pour restaurer la paix, et qui visent surtout à ajuster leurs intérêts. Jamais la puissance, mesurée en termes économiques et financiers, n’a pesé d’un tel poids dans le monde, tandis que ceux qui en sont dépourvus se voient réduits au rôle de spectateur. La guerre froide avait offert aux petites Nations qui constituent la majorité de l’ONU la possibilité d’exercer une certaine influence. Le camp occidental et le camp socialiste s’efforçaient de les gagner à leur cause pour affaiblir l’autre. Avec l’équilibre de la terreur, les deux super-Grands n’aspirent plus aujourd’hui qu’à s’entendre pour limiter les risques d’affrontement entre eux et pour réduire les dépenses écrasantes d’armement qu’ils supportent. Les petites Nations n’ont plus guère de moyens de se faire entendre.
Qui donc pourrait s’étonner que l’impuissance de l’ONU engendre une indifférence croissante de l’opinion et des États eux-mêmes à l’égard de l’Organisation internationale ? Mais qui peut se réjouir aussi d’une telle désaffection ? Le vide créé par la carence de l’ONU n’est en aucune mesure comblé par l’action des Grands, aussi incapables qu’elle de mettre un terme aux conflits qui ravagent le monde et aux divisions qui désespèrent certains peuples. La communauté internationale risque un jour de payer chèrement le refus de ses membres, petits et grands, de respecter la Charte et de faire fonctionner efficacement la seule organisation vraiment mondiale qui soit capable de mettre un peu d’ordre et de justice – sans lesquels il ne saurait être question de renforcer la sécurité et de maintenir la paix – dans un monde en proie au sous-développement et à l’anarchie. Mais les États sont-ils disposés à accroître les pouvoirs de l’ONU ?
Cette session de l’Assemblée générale restera en outre dans l’Histoire comme celle ayant ratifié la création, au XXe siècle, à l’ère de la décolonisation, d’une colonie nouvelle : par 84 voix contre 0 et 30 abstentions, elle a en effet approuvé la cession au gouvernement de Djakarta de quelque 800 000 Papous dont l’ancienne puissance coloniale, les Pays-Bas, avait vainement proposé la prise en tutelle par l’ONU…
Les difficultés de la Cour internationale de Justice
Cette désaffection à l’égard de l’ONU n’est certainement pas sans contribuer à expliquer les difficultés auxquelles se heurte la Cour internationale de Justice – créée en vertu de l’article 92 de la Charte de San Francisco et dont le statut calqué très exactement sur celui de la Cour permanente de justice internationale de la Société des Nations, est entré en vigueur le 24 novembre 1945. L’élection de 5 nouveaux juges a attiré l’attention sur elle, et a notamment permis de remarquer que si elle a eu à connaître, en 1969, de deux importantes affaires (celle de la mer du Nord, qui opposait les Pays-Bas et le Danemark à la République fédérale d’Allemagne, et celle de la Barcelona Traction, entre la Belgique et l’Espagne) elle voit son rôle vide pour l’avenir. En fait, organe juridictionnel compétent pour trancher les litiges sur la base du droit, elle ne saurait être confondue avec un organe comme le Conseil de Sécurité, chargé par la Charte du maintien et du rétablissement de la paix. La Cour ne peut connaître que des différends portant sur l’interprétation et l’application d’un droit sur l’existence et sur la validité duquel les parties en litige sont d’accord. Le conflit politique, au contraire, apparaît lorsque l’une d’elles invoque la caducité du droit ou la lacune de l’ordre juridique. Ainsi le litige justiciable suppose-t-il, au cœur même du désaccord sur les droits de chacun, une commune adhésion à la légalité positive, alors que le conflit politique porte sur la définition d’un droit et relève non de la fonction du juge, mais de celle du législateur, c’est-à-dire, dans le droit international, de la négociation et de l’accord des États, constaté dans un traité. En outre, l’intervention de la Cour est subordonnée à la volonté des États en litige : le droit de citation directe qui, dans le droit interne, permet à un individu de traduire en justice son adversaire, ne se retrouve pas dans la société internationale, faite de souverainetés juxtaposées. Le recours à la Cour internationale de justice étant facultatif, elle est saisie à la suite d’un compromis passé entre les intéressés. Seulement le tiers des membres de l’ONU serait partisan de la compétence obligatoire de la Cour, et encore certains États formulent-ils des réserves qui vident la substance de leur adhésion à la réforme. Certes certains États qui ne reconnaissent pas la compétence automatique de la Cour font-ils parfois appel à elle. Mais le problème véritable est au-delà : la communauté internationale n’est pas assez homogène pour bâtir un droit qui s’imposerait aux droits nationaux. Il n’est, pour s’en convaincre, qu’à songer par exemple aux divergences entre les conceptions socialistes et traditionnelles du droit des gens, ce qui a pour effet de rendre politiques des différends apparemment juridiques et d’exclure ainsi le recours à la Cour internationale de justice. Par ailleurs certains nouveaux États ont, en accédant à l’indépendance, contesté le caractère universel d’un droit dans lequel ils voient une création historique de l’Occident.
La notion d’État, de territoire, de nationalité, l’asile, le droit des traités, la place de la coutume, celle des principes généraux du droit, des actes unilatéraux, les questions du droit de la mer, celles relatives à l’organisation internationale, etc. sont autant de domaines dans lesquels la Cour a révélé et esquissé les règles d’un droit international. Mais son avenir est dominé par le resserrement de l’homogénéité de la communauté internationale, et ce ne sont pas les débats des Nations unies qui peuvent inciter à l’optimisme…
L’Europe après la Conférence de La Haye
L’échec de la Conférence de La Haye [1er et 2 décembre 1969] n’aurait pas rompu les liens tissés au cours des dix dernières années entre les six pays du Marché commun. Celui-ci passe, à juste titre, pour irréversible à certains égards. Aucun des Six n’aurait pris la responsabilité de la rupture, et n’aurait relevé les barrières douanières progressivement abaissées et finalement éliminées. Mais le risque n’en était pas moins considérable : faute d’une impulsion politique, le Marché commun risquait de se réduire à l’union douanière, et les institutions communautaires de se limiter à un rôle technique de gestionnaire. Du succès de la Conférence de La Haye, deux séries d’observations peuvent être dégagées, qui illustrent les difficultés auxquelles vont maintenant se heurter les membres de la Communauté. Tout d’abord les « Six » vont découvrir en pratique la difficulté, toujours reconnue en théorie, de maintenir le caractère national de la gestion économique tout en donnant un caractère communautaire à la politique agricole commune – et, d’une manière plus générale, une diplomatie monétaire élaborée en commun ne conduit pas d’elle-même à une gestion communautaire des six économies. L’État joue à notre époque un tel rôle dans les régimes dits capitalistes, que l’union économique et monétaire se distinguerait mal d’une union politique. L’union économique peut-elle se renforcer sans union politique, ou, au contraire, seule l’union politique ne peut-elle pas garantir le succès, ou, mieux, créer la condition de l’union économique ?
Du même coup surgit la seconde question que l’on ne peut pas ne pas poser : le rappel des finalités politiques du Marché commun témoigne-t-il d’un regain de la foi européenne, ou de la crainte que le Marché commun ne se dilue en une zone de libre-échange ? Pour l’instant, le Marché commun se réduit à la suppression des barrières entre les « Six » pour les produits industriels et à une ébauche de communauté agricole. Le reste – union économique et monétaire – est encore à l’état d’espoir. L’entrée de la Grande-Bretagne, suivie par la Norvège, le Danemark et l’Irlande, compliquerait la gestion administrative de l’ensemble. Elle contraindrait le Marché commun à négocier des accords avec la Suisse, l’Autriche et la Suède. En fait, la décision appartient aux Européens. Que pensent réellement les hommes qui gouvernent ? L’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun ne signifie rien en elle-même. Selon l’esprit et des Britanniques et des Continentaux, elle signifie le meilleur et le pire. Le meilleur si les Britanniques prennent au sérieux l’objectif d’une « Europe européenne », d’une Europe consciente d’elle-même et de son avenir propre, en dépit ou à cause de ses liens avec le monde atlantique. Le pire, si les Britanniques, satisfaits de ne pas être exclus, ne résistent pas à l’attraction du grand large et situent leur destin au-delà et en dehors du petit cap de l’Asie qu’évoquait Paul Valéry ?
Ces négociations avec les Britanniques devraient s’engager à partir de l’été, puisque, selon les conclusions de la conférence de La Haye, les « Six » devraient à ce moment-là s’être mis d’accord sur la base communautaire de la négociation. Une difficulté devait être surmontée, le règlement financier agricole. Elle l’a été.
Les principes définis en 1962 : « préférence » reconnue pour les produits agricoles communautaires et solidarité financière des « Six » pour la prise en charge des excédents, se sont révélés au fil des ans de plus en plus coûteux pour plusieurs des partenaires de la France. Au cours de l’exercice 1969-1970, les dépenses du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (le FEOGA), « tirelire de l’Europe verte », atteindront environ 2,5 milliards de dollars, soit près de 14 Mds de francs (contre 2 Md $ en 1968-1969 et 1,313 Md en 1967-1968). Les principales dépenses sont imputables à quatre grands types de production : les céréales, les produits laitiers, les matières grasses et le sucre. La France, grosse productrice, est aussi la plus grande bénéficiaire des règlements communautaires, et elle le serait devenue de plus en plus si l’on avait continué sur cette lancée pour la période définitive du Marché commun. La réaction des Allemands, des « Beneluxiens » et des Italiens n’avait donc rien d’étonnant, qui consistait à remettre en cause les principes lorsque les intérêts nationaux paraissent trop fortement en jeu. Mais c’est aussi de cette façon que la pelote de l’Europe des Six pouvait le plus aisément se dévider, la politique agricole représentant jusqu’ici la seule politique commune et ayant déjà subi les assauts de la dévaluation du franc et de la réévaluation du mark. En outre, c’est un facteur intolérable de déséquilibre au détriment de la France qui eût été introduit en cas d’échec du plan communautaire de financement de l’« Europe verte ». En effet, un des contrepoids indispensables à la puissance industrielle de l’Allemagne est tout de même – jusqu’à ce que la France voit diminuer davantage la proportion de sa population active occupée dans l’agriculture – dans cette prise en charge communautaire du financement de ses surplus agricoles. L’éventuelle entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun n’aurait pu qu’accroître ce déséquilibre. Il était donc économiquement et politiquement indispensable pour la France que les grands principes définis en 1962 soient sauvegardés. Mais cela ne l’était pas moins pour l’Europe.
C’est un vrai budget communautaire qui a été accepté. La date sera retenue par les historiens de l’Europe car, à partir de là, l’intégration des pays membres peut se dessiner (étant entendu que le mot intégration est ici dégagé de toute interprétation idéologique) : les ressources propres affectées à la Communauté (en accord avec le texte même du Traité de Rome) seront fournies non seulement par un prélèvement et des droits de douane, mais plus tard par un pourcentage de la TVA, qui deviendra un impôt européen ; ce budget sera contrôlé par le Parlement européen, dont les pouvoirs seront renforcés et le mode d’élection révisé. Il était indispensable que ce processus (de type fédéral, selon les juristes – et l’expérience des États-Unis est à cet égard riche d’enseignement) soit mis en place avant que les Anglais n’arrivent, ce qui ne veut pas dire évidemment qu’il ne faudra pas négocier, et durement, avec eux les modalités d’application, de transition, etc., du règlement financier agricole.
Mais il est bien évident que des questions considérables sont laissées en suspens. Si les « Six », et plus tard les autres candidats à l’entrée au Marché commun, ne veulent pas se laisser broyer par l’engrenage du financement de l’« Europe verte », il faudra bien qu’ils aient le courage de s’attaquer aux réformes de structure. Il ne suffit pas pour apaiser les campagnes de brûler le « rapport Vedel ». L’heure est venue de mettre sur pied un programme d’adaptation communautaire de l’agriculture et de s’occuper sérieusement de l’Europe industrielle – ce qui serait certainement la meilleure manière d’aider les paysans, en fournissant des emplois à ceux qui, inéluctablement, devront quitter la terre.
M. Jean Lecerf a raison d’écrire : « Les crises agricoles de l’adolescence s’achèvent, au moins pour la question cruciale du financement. Avec son budget propre et son contrôle parlementaire propre, l’Europe des Six atteint sa majorité. Elle va pouvoir envisager d’accueillir les candidats qui, depuis quelque huit ans, frappent à sa porte ». En mettant en lumière le caractère fondamental de la distinction achèvement-élargissement, le gouvernement français a rendu un service considérable à l’Europe.
Nous disons plus haut que de grandes questions demeurent en suspens… Leur inventaire détaillé n’entre pas dans le cadre de cette chronique. Nous voudrions toutefois indiquer l’importance, reconnue par tous les experts, de la nécessité de créer une « base industrielle ». Depuis dix ans, les « Six » ont accompli de nombreux progrès, mais si l’on veut résumer le résultat de leur action, on arrive à la conclusion suivante : les « Six » sont parvenus à éliminer les principaux obstacles à leurs échanges mutuels (barrières contingentaires et douanières) et ce d’autant plus facilement que le monde occidental, sous la poussée de grandes entreprises, se trouve pris depuis une quinzaine d’années dans un grand mouvement de libre-échangisme. Ils ont également fait plusieurs tentatives pour concerter leurs politiques respectives et prévoir des interventions communes dans les secteurs-clefs de l’économie (énergie, transports, etc.) mais ils sont restés velléitaires. Enfin, une grande partie de leur énergie a été absorbée par l’élaboration de la Politique agricole commune (PAC). En d’autres termes, l’Europe des « Six » s’est jusqu’à maintenant surtout évertuée à se doter d’un cadre à l’intérieur duquel elle peut développer ses échanges. Grâce à l’existence de son tarif extérieur commun, elle a pu aussi, à l’occasion notamment du « Kennedy round », se présenter comme formant une unité. Mais être « présente » dans une conférence internationale portant sur les échanges n’est pas pour l’Europe un objectif en soi. C’est un moyen pour défendre ses intérêts. Le tout est de savoir si les Européens se contenteront d’avoir des intérêts liés à des activités traditionnelles ou mineures. L’objectif est donc d’être « présent » dans les secteurs les plus dynamiques du marché international. De même qu’il y a une real politik qui se moque des faux-semblants, il y a ce qu’on pourrait appeler une real wirtschaft (économie réelle) que les Européens ont jusqu’à maintenant trop négligée et sur laquelle ils doivent maintenant concentrer leurs efforts.
Vers une « relance » de l’Euratom ?
Lors de la Conférence de La Haye, le Président Pompidou a fait des suggestions très précises quant à la possibilité de « relancer » la Communauté atomique européenne qui, jusqu’ici, a toujours éprouvé une certaine difficulté d’être. Sa création fut décidée sans que des études sérieuses aient suffisamment démontré une nécessité que certains s’employaient à contester alors que d’autres y voyaient un moyen de bâtir l’Europe. L’Euratom a fait ainsi ses premiers pas dans une ambiguïté qui n’a fait que s’aggraver. Tiraillé entre les politiques nationales, il a vécu de compromis et, peu à peu, il dut consacrer ses forces beaucoup plus à la recherche d’une voie qui lui soit propre qu’à celle de la recherche d’une politique européenne de l’atome. Or le Conseil des ministres des « Six » vient de mettre à l’étude une réforme (inspirée par le président Pompidou) du Centre commun de recherche qui, si elle peut être mise au point, lui donnera de nouvelles raisons d’être. Ce projet de réforme repose sur la formulation d’un diagnostic et sur la définition d’un remède : puisque le Centre commun ne trouve plus d’activités dans le secteur qui est le sien – la recherche nucléaire – les responsables des programmes nationaux sont à court d’idées à lui soumettre, il faut lui ouvrir d’autres domaines d’activité, en faire un centre de technologie avancée, et lui reconnaître les entreprises privées comme partenaires. Le principe de cette reconversion est donc d’une grande simplicité. Il présente en outre l’avantage de tenir compte de l’évolution des choses : s’il fut du devoir des gouvernements de lancer les études nucléaires et de patronner les premières réalisations, il leur faut maintenant, du moins pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, faire appel à l’industrie. C’est moins du jeu des institutions que de celui des alliances industrielles que dépendra dans ce secteur la coopération européenne, et il est normal que le Centre commun se mette à l’heure des nouveaux modes de coopération.
Il est donc dans la logique de ce projet que l’on veuille relâcher les liens très étroits qui rattachent le Centre à la Commission des Communautés. Il ne s’agit pas, en dépit des apparences, de déposséder les institutions européennes de certaines de leurs attributions, mais, eu égard aux exigences du réalisme, de sanctionner le manque d’efficacité dont, en ce domaine, la Commission a fait preuve.
Les problèmes posés par cette réforme sont immenses. Les ministres se sont donnés deux ans pour les résoudre. On ne peut que se féliciter de la manière dont un problème apparemment inextricable a trouvé, sinon sa solution, du moins la promesse d’une issue. Surtout, ce Conseil des ministres était la première réunion à devoir appliquer les résolutions de La Haye, et le dynamisme dont il a fait preuve paraît de bon augure.
Les conditions politiques et psychologiques étaient entièrement différentes : la conférence de La Haye ne paraît pas moins devoir occuper, dans l’histoire de l’Europe, une place comparable à celle de la conférence de Messine, d’où naquit le Marché commun. Du moins les premières concrétisations de ses décisions témoignent-elles de la réalité d’une « relance » qui a ouvert à la Communauté de nouvelles perspectives. ♦