Défense dans le monde - Military balance 1970-1971 : analyse succincte du rapport annuel de l'Institut d'études stratégiques de Londres - États-Unis : l'armée de métier et les problèmes d'effectifs - Espagne : accord de coopération avec les États-Unis et modernisation des forces armées - Pays du Pacte de Varsovie : activités militaires en Bulgarie ; modifications aux lois militaires - République populaire de Chine : armements stratégiques
Military Balance 1970-1971 : analyse succincte du rapport annuel de l’Institut d’étude stratégiques (IISS) de Londres
Comme tous les ans à pareille époque, « l’Institut [international] d’études stratégiques » de Londres vient de publier, sous le titre The Military Balance 1970-1971, son travail annuel de synthèse sur les principales armées du monde.
L’IISS a été fondé en 1958. Son conseil d’administration et de direction comprend des membres de 15 nationalités différentes et ses correspondants sont répartis dans 42 pays. Présidé actuellement par l’ancien Premier ministre canadien Lester Pearson et comptant parmi ses membres M. Kissinger, conseiller spécial du président Nixon pour les affaires de défense, il se veut objectif et indépendant de toute influence extérieure.
La somme des informations qu’il fournit s’est encore accrue cette année puisqu’il couvre maintenant les pays d’Amérique latine et de l’Afrique au sud du Sahara qui n’étaient pas traités l’an dernier. Il présente en outre une comparaison détaillée des armements stratégiques de l’Otan et des pays du Pacte de Varsovie, seulement esquissée dans la précédente brochure, ainsi qu’une comparaison des potentiels soviétiques et chinois. Enfin, sa dernière partie mentionne les principaux programmes internationaux d’équipement et les possibilités de production de matières fissiles des pays du monde libre.
Le centre d’intérêt du document est évidemment représenté par l’étude comparée des potentiels de l’URSS, des États-Unis et de leurs alliés.
Le budget de défense officiel de l’URSS qui s’élève à 17,9 milliards de roubles (1) est en augmentation lente mais constante alors que celui des États-Unis est tombé de 79,8 Md de dollars durant l’exercice 1968-1969 à 74,4 Md durant l’exercice 1969-1970 et sera probablement encore réduit. Les effectifs du temps de paix pour chacune des deux puissances sont respectivement de 3 305 000 hommes auxquels il faut ajouter 230 000 h des forces de Sécurité et des garde-frontières pour l’URSS contre 3 161 000 h pour les États-Unis.
a) Durant l’année écoulée, l’URSS a poursuivi activement le développement de ses armements stratégiques offensifs et n’est pas loin d’atteindre la parité avec les États-Unis.
Le stock de ses missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) a augmenté de 250 depuis juillet 1969 et avec 1 300 missiles, dépasse maintenant de 246 celui des États-Unis demeuré inchangé (1 054 engins). Les ICBM soviétiques comprennent : 240 SS-9 (Scarp) d’une puissance unitaire de 20 à 25 Mt et qui pourraient être dotés bientôt d’une ogive à têtes multiples (MRV) (2), 800 SS-11, 220 SS-7 (Saddler) et SS-8 (Sasin), enfin 40 SS-13 (Savage).
Il faut ajouter à cet arsenal 700 IRBM/MRBM (missile balistique à portée intermédiaire/missiles balistiques à moyenne portée) des types SS-4 (Sandal) et SS-5 (Skean) déployés dans les zones frontières sud, est et ouest de l’URSS et dont 630 sont à portée de l’Europe de l’Ouest et 70 de la Chine et du Japon.
En ce qui concerne les SLBM, les États-Unis conservent par contre leur avance : 656 engins contre 280 aux Soviétiques, mais ces derniers construisent chaque année de 5 à 10 sous-marins de la classe Y, porteurs de 16 missiles SSN6 d’une puissance de 1 Mt.
Enfin, la flotte soviétique de bombardiers intercontinentaux (140 appareils dont 40 Miassichtchev Mya-4 Bison et environ 100 Tupolev Tu-20 Bear) reste inférieure à celle des États-Unis (540 avions dont 35 General Dynamics FB-111 Aardvark et 505 Boeing B-52 Stratofortress). Cependant l’URSS dispose d’une flotte importante de bombardiers moyens (725 appareils dont 550 Tu-16 Badger et 175 Tu-22 Blinder) qui n’a pas son équivalent dans les forces américaines.
Au total, le nombre de charges transportées est de 5 662 pour les Soviétiques contre 7 502 pour les États-Unis.
b) Les moyens stratégiques défensifs sont essentiellement représentés dans chaque camp par un système de défense anti-missiles.
Le système soviétique Galosh comprend 67 sites disposés autour de Moscou. Le déploiement de l’ensemble radar correspondant semble indiquer que ce système est conçu pour assurer la défense du centre de commandement national contre les Minuteman tirés du continent américain et les Poseidon qui le seraient de l’océan Arctique. En raison de leur portée (320 km) et de leur puissance (de l’ordre d’un Mt), les missiles anti-missiles de Galosh ne peuvent être utilisés que dans l’espace extra-atmosphérique donc pour une défense sur zone.
Le système américam Safeguard est limité actuellement à deux sites à la frontière canadienne. Deux autres sont en construction. Au total, Safeguard doit comprendre douze sites destinés :
– à assurer une défense légère contre les ICBM chinois dans les dix années à venir,
– à protéger les bases des forces de représailles contre une éventuelle attaque soviétique,
– à couvrir le centre de commandement national de Washington.
Safeguard est apte à la défense sur zone avec son missile Spartan (portée 740 km) et à la défense ponctuelle grâce à son missile Sprint (portée 46 km). Il comprend un ensemble radar perfectionné mais assez vulnérable. Cependant, le Département de la Défense (DoD) vient de révéler les travaux de l’armée de terre sur un nouveau système anti-missile baptisé Hardsite qui, disposant d’un beaucoup plus grand nombre de radars relativement rustiques, permettrait une meilleure dispersion des moyens de détection et de guidage.
Ce bilan partiel appelle les remarques suivantes :
• du côté soviétique, il montre une nette supériorité sur les États-Unis dans le domaine des engins balistiques intercontinentaux basés à terre ; il révèle aussi l’importance de la force de portée intermédiaire (bombardiers moyens, IRBM/MRBM) qui, dirigée essentiellement contre l’Europe, a valeur stratégique ;
• du côté américain, il souligne par contre la supériorité non seulement quantitative, mais aussi qualitative, des États-Unis pour les SLBM et pour les bombardiers intercontinentaux en raison :
– du nombre et de la portée des premiers,
– de la capacité d’emport et du rayon d’action des seconds.
En outre, un « flight » opérationnel de 18 Minuteman III est d’ores et déjà équipé d’ogives à têtes multiples et indépendamment guidées (MIRV) et les premiers Poseidon en seront dotés dès le début de l’année prochaine (10 têtes de 40 Kt). Enfin les États-Unis l’emportent encore pour le nombre des charges transportées.
En ce qui concerne les moyens défensifs, on note chez les Soviétiques un système plus dense mais considérablement moins élaboré que l’américain.
c) Dans le domaine des forces de théâtre d’opérations, la situation des effectifs est généralement en faveur de l’URSS et de ses alliés
En Europe, dans les secteurs nord, centre et sud, le nombre des divisions soviétiques est resté inchangé : 46 divisions dont 22 blindées auxquelles il faut ajouter les grandes unités des autres pays du Pacte de Varsovie soit 57 divisions dont 21 blindées. Au total on compte 103 divisions dont 43 blindées pour l’Est alors que l’Ouest en possède 58 dont 14 blindées.
Les forces du Pacte ont quelque 11 000 chars et 2 000 avions tactiques de plus que les forces de l’Otan mais ces dernières bénéficient de matériels plus évolués. Bien que les forces navales de l’ouest aient encore la supériorité sur mer, les flottes soviétiques sont dès maintenant capables de rivaliser avec elles.
Du Caucase au détroit de Béring, l’URSS dispose de 66 divisions soit 9 de plus que l’an dernier et 15 de plus qu’il y a deux ans. 30 d’entre elles sont susceptibles d’être déployées sur la frontière sino-soviétique face à 47 des 118 divisions chinoises. La supériorité des Soviétiques en chars, artillerie, missiles divers et avions est complète. En dépit du lancement d’un satellite artificiel en avril 1970, les vecteurs actuellement en possession des Chinois sont représentés par un nombre réduit de bombardiers de type ancien.
En Méditerranée orientale, l’URSS a considérablement renforcé ses positions. Le nombre des « conseillers soviétiques » en Égypte est passé de 4 000 à 10 000 en douze mois. On y trouve 100 MiG-21 aux mains de pilotes soviétiques et 22 sites de missiles SAM-3 avec un nombre égal en construction. Enfin, aidée par l’URSS, l’Égypte a augmenté ses forces de 70 000 hommes en un an et son aviation avec 415 appareils de combat est à la fois plus importante et de meilleure qualité qu’au temps de la « guerre des Six jours ».
Au Nord-Vietnam, 1 000 conseillers militaires soviétiques généralement techniciens assistent une armée de 432 000 hommes et l’URSS fournit une aide en matériel non négligeable. Les Chinois pour leur part ont envoyé au Nord-Vietnam et au Laos une division du Génie et quelques autres unités de moindre importance (environ 10 000 hommes).
Enfin, en dehors de ces zones de confrontation, l’URSS a cherché à étendre son influence en accroissant son effort d’assistance militaire. C’est ainsi qu’elle a fourni 1 000 instructeurs et conseillers à Cuba, 1 000 à la Syrie et 1 500 à l’Algérie.
Le document de Londres met en lumière l’effort soviétique pour acquérir la parité nucléaire avec les États-Unis. On notera que cet effort est fourni en dépit des négociations en cours sur la limitation des armements stratégiques, les Américains cherchant dans le même temps à augmenter leur avance technologique déjà considérable. En définitive, il est clair que chacune des deux parties cherche à s’assurer une position de force dans les pourparlers.
En ce qui concerne les forces « d’emploi général », l’URSS et ses alliés bénéficient en Europe de la supériorité numérique pour les effectifs terrestres et le nombre des avions tactiques, les armées de l’Otan disposant en contrepartie de matériels plus évolués. Sur mer, l’avantage est aux forces de l’Ouest, mais l’étude britannique souligne le danger des progrès soviétiques en ce domaine.
Enfin, le rapport montre qu’en valeur absolue les dépenses consenties pour la défense augmentent régulièrement dans tous les pays de l’Est, alors que les Occidentaux ont tendance à les freiner et parfois même à les diminuer, comme les États-Unis et la République fédérale d’Allemagne (RFA).
États-Unis : l’armée de métier et les problèmes d’effectifs
Mise sur pied à la demande du président Nixon, la « Commission Gates » (du nom de son président) chargée d’étudier le projet d’une armée de métier aux États-Unis a fait connaître en février son avis favorable à une telle idée. Les milieux militaires avaient, dès l’origine montré de sérieuses réserves à l’égard du projet. Après examen approfondi, ils viennent récemment de confirmer leur opposition.
Au nombre des mesures pratiques recommandées par la « Commission Gates », figurent entre autres :
– la suppression de la conscription à la date du 1er juillet 1971,
– une augmentation d’environ 50 % des soldes d’officiers, sous-officiers et hommes de troupes,
– le maintien d’une infrastructure de recrutement par appel qui ne fonctionnerait qu’en cas de crise grave.
L’opposition du Pentagone est fondée sur des raisons essentiellement pratiques. Pour ses experts, la suppression brutale du système d’appel actuel risque d’amener une grave crise des effectifs dans les armes réputées les plus exposées et dans les spécialités à technicité élevée. Selon eux, l’amélioration des soldes ne peut constituer une motivation suffisante tant que la guerre se poursuit au Vietnam et que les pertes y demeurent élevées. D’autre part, le prix à payer pour attirer vers les Forces armées un nombre suffisant de techniciens de qualité serait considérable dans un climat de plein-emploi, alors que les rémunérations du secteur civil sont déjà élevées et que ce dernier offre, de toute façon, des situations plus stables et comportant des risques moindres.
Le Pentagone suggère donc que le système actuel de conscription (appel par tirage au sort) soit maintenu jusque vers 1972-1973. D’ici là, les soldes et indemnités pourraient subir un accroissement progressif pour maintenir le courant des engagements. Par la suite, la fin des opérations au Vietnam et la réduction des effectifs qui s’ensuivra logiquement devrait permettre de supprimer la conscription sans trop de dommages. Les appels ne seraient plus utilisés, en temps normal, que pour compléter la Garde nationale et les Réserves pour lesquelles une diminution très importante du nombre des engagements est prévu (3).
Après le Pentagone, le Département d’État avait déjà attiré l’attention du président Nixon sur les risques d’une suppression totale de la conscription.
La position des uns et des autres est renforcée par une enquête récente qui révèle une inquiétante diminution du taux de premier rengagement dans les trois Armées depuis 1966.
De cette date à 1969, ce taux est passé de 28 à 17,4 % pour l’armée de terre (US Army), de 23 à 16,3 % pour la marine (US Navy), de 12,8 à 10,1 % pour le Corps des Marines (USMC) et de 17 à 15,2 % pour l’armée de l’air (USAF). Il s’agit là de pourcentages globaux qui intéressent les jeunes officiers de réserve, les sous-officiers et les hommes de troupe.
En ce qui concerne l’armée de terre, environ 50 % des officiers formés dans les OCS (« Officer Candidate Schools ») rengagent, mais ces officiers provenant des « Junior Colleges » ou des « High Schools » ont, sauf exception, un niveau de culture relativement modeste. Par contre, le taux de rengagement des officiers issus du ROTC (« Reserve Officer Training Corps ») recrutant dans les Universités est tombé à 13,5 % et tend vers zéro dans certaines spécialités telles que médecin, pharmacien, juriste militaire et pilote d’hélicoptère.
La marine connaît les mêmes difficultés avec les pilotes de l’aéronavale et les officiers de sous-marins nucléaires. Le taux de premier rengagement des pilotes est en effet tombé de 60 % en 1966 à 31 % en 1969 et le Secrétaire à la Marine prévoit qu’il sera de 26 % en 1970. Quant aux seconds, ils ne se rengagent plus qu’à 60 % contre 80 % en 1966.
L’armée de l’air paraît, pour le moment, moins atteinte par cette vague de désaffection, mais le problème commence à se poser sérieusement pour les officiers du personnel navigant.
Si l’on tient compte par ailleurs de la diminution du nombre des candidats inscrits dans les cours du ROTC des universités (30 % en ce qui concerne les deux premières années, 7 % en ce qui concerne les deux dernières) et du fait que le Corps des officiers américains comprend un nombre important d’officiers de réserve servant en situation d’activité, le problème du recrutement de jeunes cadres de valeur se pose d’ores et déjà avec une certaine acuité. Cette situation justifie pleinement le désir du DoD de voir remise à une période plus favorable la transformation des Armées en une force entièrement composée de volontaires.
Espagne : accord de coopération avec les États-Unis et modernisation des forces armées
Un accord d’amitié et de coopération hispano-américain a été signé le 6 août à Washington. Remplaçant l’accord initialement signé en 1953, le nouvel arrangement ajoute une aide civile à l’aide militaire qui continuera comme par le passé à assurer une part importante de l’équipement des forces armées espagnoles. Cet accord, renouvelable après cinq ans, reconduit sous une forme élargie les accords initialement signés en 1953 et dont la dernière prorogation, datant de 1968, devait prendre fin le 26 septembre 1970.
L’importance pour l’Espagne de cet accord-cadre, souligné par le communiqué commun publié par les ministres qui le considèrent comme le « début d’une nouvelle ère » dans les relations entre les deux pays, a surtout été mise en valeur par un message du général Franco au président Nixon dans lequel la nouvelle coopération militaire est donnée comme « exemple de la solidarité qui unit les deux peuples dans la défense de la civilisation occidentale ».
L’accord prévoit que « les deux gouvernements, dans le cadre de leur procédure constitutionnelle et dans la mesure possible et appropriée, harmoniseront (« will make compatible ») leur politique défensive respective dans les zones d’intérêt mutuel… » « Chaque gouvernement soutiendra le système de défense de l’autre et contribuera de la manière jugée nécessaire et appropriée à rendre ce système le plus apte possible aux éventuelles situations » (article 30).
L’accord dispose également (article 36) que les deux gouvernements établiront « un comité conjoint pour les questions de défense ».
Il est enfin précisé que « les deux gouvernements ont jugé nécessaire que la coopération en matière de défense (telle qu’elle est définie) constitue un élément des arrangements de sécurité pour les zones atlantique et méditerranéenne (article 35) ; à cette fin, ils s’efforceront d’établir d’un commun accord la coordination jugée utile avec les arrangements de sécurité concernant ces zones »
Les États-Unis sont autorisés à maintenir leurs forces dans la base aéronavale de Rota (près de Cadix) et dans les bases aériennes de Saragosse et Torrejon (près de Madrid), avec une option sur celle de Moron (près de Séville).
Les bases dont l’usage est concédé aux Américains passent sous commandement unique espagnol ; le gouvernement de Madrid peut seul en autoriser expressément l’utilisation en cas de conflit ; il a d’autre part pouvoir de limitation sur les effectifs et doit être consulté par les Américains si ceux-ci désirent diminuer notablement leur potentiel
Sur le plan pratique, il n’y aura rien de changé dans le fonctionnement de ces bases, hormis le rattachement des employés civils à la juridiction du pays et leur subordination aux autorités militaires espagnoles qui se voient confier en outre la protection des installations ; les Américains continueront à ne recevoir d’ordres que de leur propre chaîne de commandement et à assumer les frais d’entretien et de fonctionnement ; comme par le passé, l’accès y demeurera interdit aux avions ou navires étrangers.
En échange, l’Espagne recevra une assistance sous les trois formes suivantes :
– une garantie de crédit qui serait de 125 millions de dollars sur l’export-import Bank pour l’achat de matériel militaire ;
– une aide militaire proprement dite destinée notamment à moderniser l’actuel système de contrôle et d’alerte aériens espagnol et à fournir du matériel blindé et d’artillerie ;
– un prêt de divers types de bateaux.
Cette assistance doit permettre aux forces armées espagnoles de se moderniser sensiblement dans les années à venir. L’armée de l’air, principale bénéficiaire, recevrait ainsi trente-six chasseurs-bombardiers McDonnell Douglas F-4 Phantom II (d’un modèle ancien), quelques avions de transport et de lutte anti-sous-marine ainsi qu’une vingtaine d’hélicoptères. Elle bénéficierait en outre de l’usage d’un réseau moderne d’alerte et de contrôle à installer par les Américains ; ce réseau lui reviendrait ultérieurement et lui assurerait dès sa mise en service une certaine participation à la défense aérienne de l’Europe occidentale.
L’armée de terre se verrait attribuer pour ses unités blindées quelques dizaines de chars M48 Patton avec peut-être une centaine de M41 Walker Bulldog rénovés et du matériel d’artillerie (environ 80 pièces).
La marine enfin bénéficierait du prêt de 5 escorteurs, 4 dragueurs, 2 sous-marins, 3 LST (Bâtiment de débarquement de chars), d’un transport de munitions et d’un pétrolier.
À cette modernisation en matériel pourrait s’ajouter dans les années à venir une réforme des structures des forces armées.
Quelle que soit l’évolution des structures de défense aux échelons les plus élevés, il faut souligner que la modernisation attendue des forces armées espagnoles et le contenu des accords de coopération militaire signés en juin avec la France et en août avec les États-Unis doivent amener une participation plus importante de l’Espagne au système de défense « occidental ».
Pays du Pacte de Varsovie : activités militaires
Ces derniers mois, les activités militaires ont été assez fortes dans les pays liés par le Pacte de Varsovie.
Un exercice de cadres « interallié » a eu lieu en septembre en Tchécoslovaquie ; il était dirigé par le ministre de la Défense, le général Martin Dzur, et a exploité, à l’échelon des états-majors, les enseignements des manœuvres Taran, terminées le 19 août 1970 et qui avaient montré certaines faiblesses dans le domaine logistique.
Par ailleurs, les 27 et 28 août 1970, une trentaine de bâtiments dont quinze navires de débarquement et une douzaine de dragueurs après s’être réunis au Sud de Bjornholm et avoir subi des attaques de vedettes est-allemandes, ont opéré un débarquement dans la région de Swinoujscie (Pologne). La plupart des participants battaient pavillon de la République démocratique d’Allemagne (RDA). Cet exercice rappelle celui qui avait précédé les opérations amphibies de la phase Nord dans la manœuvre Oder-Neisse, à l’automne 1969.
Les activités navales soviétiques ont été soutenues. Sans marquer une intensité particulière, elles montrent bien les directions d’effort de la marine de guerre et les difficultés qu’elle doit surmonter pour remplir ses missions.
En Méditerranée, où les opérations se sont maintenues à un niveau assez modeste, on a noté entre le 16 et 21 août la relève des bâtiments en station à Port-Saïd (Égypte, au débouché du canal de Suez) et surtout la mission très rapide effectuée par le pétrolier Dzerjinsk, entré en mer Noire pour faire le plein de combustible et ressorti soixante-douze heures plus tard, afin de ravitailler les différents groupes sur les mouillages habituels (Cythère – île grecque – le 27 août, Hurd Bank – à l’est de Malte – ensuite) ; l’activité de l’escadre de Méditerranée, faible jusque-là, a connu un léger regain après qu’ait été résolu ainsi un problème de ravitaillement en combustible.
Un groupe naval formé autour d’un croiseur antiaérien de type Kresta, aux ordres du contre-amiral N.V. Soloviev, a quitté les bases de la Flotte du Nord le 21 août et est arrivé en mer des Caraïbes le 5 septembre. Il est entré le 9 dans le port de Cienfuegos (Cuba) où le chef des forces navales cubaines a accueilli les marins soviétiques par des souhaits de bon repos « après leurs manœuvres dans l’Atlantique ». C’est la seconde fois qu’une force navale se manifeste dans les eaux des Caraïbes ; la première visite dans cette région remonte au mois de mai, après les manœuvres Okean.
Dans l’océan Indien, les Soviétiques sont présents en permanence.
Au regard de ces activités, il est possible de voir d’une part, comment la Flotte soviétique soutient les actions politico-militaires de l’URSS dans les trois secteurs où elles paraissent s’étendre : la Méditerranée, la mer des Caraïbes et l’océan Indien et d’autre part à quels stades différents d’évolution sont parvenues les manifestations de la présence navale soviétique dans ces régions.
On voit aussi les difficultés éprouvées pour entretenir cette présence à des distances de plus en plus grandes par suite du manque de bases et d’accords pour l’obtention de facilités portuaires.
En Bulgarie : modifications aux lois militaires
Un décret publié le 11 août au Journal officiel bulgare a apporté deux changements importants à la loi sur le recrutement : l’âge d’appel sous les drapeaux est reporté de 19 à 18 ans, et la plupart des exemptions, réductions de service ou sursis, accordés jusqu’ici aux étudiants et à d’autres catégories de citoyens en fonction de leurs activités professionnelles ou de leur situation de famille, sont supprimés.
La loi du 7 février 1958 est donc profondément modifiée ; les modalités de transition ne sont pas fixées, mais ces nouvelles dispositions vont permettre au ministère de la Défense de jouer pendant au moins 3 ans sur l’abondance des ressources offertes par le rajeunissement de l’âge d’appel. Il est possible que la Bulgarie, s’alignant ainsi sur les autres pays du Pacte, passe à une incorporation bisannuelle. Mais surtout la valeur du contingent va être beaucoup améliorée.
Jusqu’ici l’armée bulgare éprouvait de graves difficultés à former des spécialistes, le contingent comprenant fort peu de jeunes ayant fait des études supérieures ; en outre, elle était chaque année en déficit de la moitié de ses spécialistes dans la période de quatre à cinq mois suivant immédiatement la libération et l’incorporation annuelle ; le ministère de la Défense se voyait contraint de procéder à des rappels de réservistes afin de disposer entre novembre et mars d’un nombre suffisant de spécialistes capables d’entretenir et de servir les matériels complexes.
Bien que la Bulgarie aborde une période où les ressources offertes par le contingent annuel subiront une diminution appréciable (4), elle n’éprouvera donc pas de difficultés à maintenir et même à accroître ses effectifs ; elle pourra en outre former les spécialistes dont la modernisation des matériels, entreprise depuis un an, faisait plus cruellement encore sentir l’insuffisance.
D’autres décrets parus au Journal officiel intéressent les militaires de carrière et engagés : ils fixent à un taux élevé les primes perçues lors du retour à la vie civile et accordent le titre d’ingénieur ou le diplôme de fin d’études supérieures aux officiers ayant été stagiaires quatre ans et demi dans les écoles militaires de formation.
Enfin, en cas de nécessité spéciale, un additif à une loi de 1962 autorise le Conseil des ministres à mettre sur pied des troupes placées à la disposition du ministère de l’Intérieur.
Par l’application de ces différents décrets, la Bulgarie entreprend d’améliorer ses forces armées ; l’apport de matériel moderne dont elle a bénéficié depuis un an avait déjà montré l’importance nouvelle qui lui est accordée au sein du Pacte de Varsovie.
République populaire de Chine (RPC) : armements stratégiques
Un savant atomiste américain, le Dr Lapp, estime à environ 200 unités le stock d’armes nucléaires chinoises et prévoyait un tir d’ICBM dès octobre. Pour la revue Aviation Week, cet essai n’aurait pas lieu avant la fin 1970 ou le début de 1971 ; cette même revue prévoit un tir de 6 400 km avec un réceptacle dans la région de Zanzibar où des techniciens chinois auraient installé une station de télémétrie. De fait le ministre indien de la Défense s’inquiète des préparatifs de ce tir et fait mention de sites de lancements de missiles situés non loin de la frontière sino-indienne. Or, il paraît se confirmer par ailleurs que la Chine a établi au moins trois sites de ce genre au Tibet et que durant le mois dernier des tirs d’IRBM ont eu lieu, probablement à partir du champ de tir de Shuang-Cheng-Tzu (Gansu). ♦
(1) 0,45 rouble = 1 $ = 5,55 F. (Taux d’évaluation du coût de la production de défense). Cette somme n’inclut pas les crédits alloués « à la recherche et au développement », qui semblent être inscrits au chapitre « recherche scientifique » et ceux alloués aux garde-frontières et aux autres troupes de sécurité. Compte tenu de cette observation, le rapport estime que le budget avoué doit être majoré de 30 % pour approcher son montant réel.
(2) Le SS-9 sert aussi de lanceur pour le système de bombardement semi-orbital (FOBS).
(3) La Garde nationale et les réserves des trois armées sont jusqu’ici alimentées par un volontariat très souvent motivé par la possibilité d’éviter, grâce à lui, le service actif et l’envoi au Vietnam.
(4) 94 000 jeunes hommes sont nés en 1950.
78 700 jeunes hommes sont nés en 1951.
79 500 jeunes hommes sont nés en 1952.