Outre-mer - La VIIe Conférence au sommet des chefs d'État de 'Organisation de l'unité africaine (OUA) se préoccupe essentiellement des problèmes d'Afrique australe - Le Ghana, doté maintenant d'un régime civil, reste préoccupé par ses problèmes économiques et sociaux - Madagascar étudie un projet de création d'un complexe portuaire et industriel dans la baie de Narinda
La VIIe Conférence au sommet des chefs d’États de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) se préoccupe essentiellement des problèmes d’Afrique australe
La VIIe Conférence au sommet des chefs d’États et de Gouvernements de l’OUA, qui s’est tenue à Addis-Abeba (Éthiopie) du 24 au 31 août 1970 et qui avait été précédée par la 15e session ordinaire du Conseil des ministres, fera certainement date dans l’histoire de l’Organisation. Pour la première fois en effet, depuis la création de l’OUA en 1963, les délégations ont pu se réunir sans avoir à débattre de conflits interafricains. La crise congolaise, les différends frontaliers, la sécession du Biafra appartenaient au passé et la réconciliation spectaculaire du Nigeria et des États africains qui avaient soutenu le Biafra prenait aussitôt une valeur de symbole. Sans que, d’une manière générale, l’unanimité soit la règle, les délégués, ont affirmé une plus grande solidarité et une prise de conscience plus accusée des problèmes d’Afrique australe.
La fin du conflit au Nigeria, qui avait profondément troublé les pays d’Afrique noire a permis à l’Organisation de retrouver, momentanément tout au moins, une certaine unité. Après la Tanzanie et la Zambie, Gabon et Côte d’Ivoire devaient sceller leur réconciliation avec le Nigeria, de sorte que l’Afrique australe, avec l’ensemble des problèmes de l’apartheid sud-africain ou rhodésien et ceux relatifs aux territoires portugais, devait d’entrée de jeu tenir la vedette.
C’est ainsi qu’en priorité l’ordre du jour du Conseil des ministres a comporté l’examen des résolutions visant à la condamnation des régimes blancs minoritaires d’Afrique australe et la dénonciation du maintien de la souveraineté portugaise sur les territoires africains. La discussion de ces projets donna lieu à de vives controverses entre les partisans de textes modérés et ceux résolus à blâmer tous les pays qui vendaient des armes à l’Afrique australe et qui de ce fait se trouvaient accusés d’en soutenir les régimes.
En effet, la proclamation de la République en Rhodésie, la mise en œuvre par le Portugal du projet Cabora-Bassa au Mozambique, et la politique du nouveau Gouvernement conservateur britannique visant à réactiver les accords relatifs à la base de Simonstown et la fourniture d’armes à l’Afrique du Sud, apparaissaient aux pays africains de tendance progressiste comme un véritable défi. Aussi ne doit-on pas s’étonner de l’âpreté que prirent à certains moments les débats. Malgré les réticences des États modérés anglophones ou francophones, les résolutions qui devaient être proposées aux Chefs d’États, condamnèrent une fois de plus Afrique du Sud, Rhodésie et Portugal, ainsi que les pays qui, à leurs yeux, les soutenaient : Grande-Bretagne, France et Allemagne fédérale (RFA).
Ces prises de position en définitive ne sont pas nouvelles. Mais elles se traduisent aujourd’hui par une dénonciation nominative des pays occidentaux dont les intérêts en Afrique en général, et en Afrique du Sud en particulier, sont toujours très importants. Au-delà d’elles, il y a lieu de noter la mise en œuvre d’une procédure qui tend à faire pression sur les pays occidentaux intéressés. Hormis les démarches bilatérales qui ont été demandées aux États africains participants à ce sommet le président en exercice de l’OUA, le président Kaunda dont l’action au cours des discussions avait été particulièrement remarquée, a été chargé par la majorité de ses pairs d’entreprendre un voyage en Europe dans le but de convaincre les gouvernements concernés d’avoir à modifier leur attitude dans le sens souhaité par les résolutions qui venaient d’être votées.
Ayant consacré la majeure partie de leur temps à l’examen de ces problèmes, le Conseil des ministres puis la conférence des chefs d’États ont entériné ensuite un certain nombre d’autres résolutions étudiées en commission et concernant la décolonisation en général, la réforme du Comité des Onze, l’appui aux mouvements de libération ainsi que la situation au Moyen-Orient. D’une manière générale, ces résolutions étudiées et votées hâtivement n’apportent rien de bien neuf. Le texte relatif à la décolonisation est court. Il condamne, avec les pays occidentaux, les États-Unis et le Japon qui continuent leur aide au Portugal. Celui intéressant le Comité des « Onze » et l’aide à apporter par les États africains aux mouvements de libération, n’est qu’un texte d’attente, l’étude des réorganisations éventuelles ayant en fait été remise à l’an prochain. On notera cependant la citation réservée au Rio de Oro, le Conseil des ministres « recommandant l’application des résolutions antérieures de l’OUA » et évitant de faire mention de la résolution des Nations unies qui prévoit un référendum dans ce territoire : ce référendum pourrait en effet entraîner la naissance d’un nouvel État trop favorable aux Espagnols, ce qui n’est évidemment pas du goût ni des Algériens ni des Marocains ni des Mauritaniens.
En bref, cette session a tranché sur les précédentes. Certains pourront penser que l’on en est resté au stade du verbalisme, mais l’assemblée au moins n’a pas cédé aux tendances outrancières. D’autre part la condamnation des régimes fondés sur l’apartheid ne veut pas dire que toute l’Afrique s’est rangée résolument derrière les progressistes. Le panafricanisme d’aujourd’hui est moins explosif que celui prôné par le ghanéen Nkrumah voici plus de dix ans. Il ne s’agit plus de convaincre le monde que l’Afrique existe. Il s’agit de le persuader que le continent veut rester maître de son destin et n’entend plus se compromettre avec les séquelles d’un passé que beaucoup considèrent déjà comme lointain. En fait, l’Afrique semble redouter un affrontement racial, fort différent d’ailleurs des problèmes classiques de décolonisation.
Cette appréhension a trouvé une résonance internationale lors de la conférence des États non alignés à Lusaka, tandis que Pretoria, conscient sans doute de cette évolution, proposait aux États africains un pacte de non-agression tout en précisant d’ailleurs que l’Afrique du Sud combattrait toute forme de terrorisme non seulement à l’intérieur de ses frontières mais aussi dans les pays d’où pourraient partir les agresseurs.
Le Ghana, doté maintenant d’un régime civil, reste préoccupé par ses problèmes économiques et sociaux
Le 31 août 1970, M. Akufo Addo a été élu président de la République du Ghana par un collège électoral groupant le Parlement et 24 chefs coutumiers. Ainsi, le régime militaire qui avait été mis en place depuis la destitution de Nkrumah a fait place à un régime civil. Mais les difficultés intérieures n’en ont pas disparu pour autant.
Cette évolution vers un régime civil avait été amorcée depuis plus d’un an, époque à laquelle le Conseil national de libération, composé de cadres de l’Armée et de la Police et qui avait procédé au renversement de Nkrumah, a promulgué une constitution de type britannique qui confiait le pouvoir exécutif à un président de la République aux attributions restreintes et à un Premier ministre chargé de conduire la politique générale du pays. Le pouvoir législatif revenait à un Parlement de 140 membres qui furent élus le 29 août 1969. Ces élections avaient consacré la victoire du parti du Dr Busia chef du Progress Party qui obtenait 106 sièges tandis que le principal parti d’opposition, le National Alliance of Liberals (NAL) n’en obtenait que 29. Le Dr Busia et ses partisans représentaient en majorité les populations Ashanti tandis que les opposants se recrutaient surtout parmi l’ethnie Ewe. Quoi qu’il en soit, le 1er octobre 1969, le Dr Busia devenait Premier ministre et le 31 juillet 1970, la Commission présidentielle que présidait le général Afrifa, cédait la place à M. Alrufu Addo, président de la Cour suprême, qui venait d’être élu chef de l’État par le Parlement et les représentants des chefs coutumiers. Cette évolution institutionnelle conforme aux vœux des populations s’est faite ainsi dans un ordre et dans un calme remarquables mais les problèmes intérieurs, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux, demeurent préoccupants pour les nouveaux dirigeants ghanéens.
En effet, sur le plan politique intérieur, le Docteur Busia rencontre une opposition qui est de plus en plus active. Elle se manifeste au Parlement, où le parti NAL harcèle sans cesse l’équipe au pouvoir, la critiquant dans les domaines les plus divers, que ce soit à l’occasion par exemple de sa politique modérée à l’égard de l’Afrique du Sud ou que ce soit au sujet de sa politique sociale. Elle se montre d’autant plus agressive qu’elle a le sentiment d’être écartée des affaires en raison de la prépondérance du prti majoritaire du Dr Busia et de l’ethnie Ashanti. Un certain malaise régnerait d’autre part parmi les éléments Ewe de l’Armée ainsi qu’à l’Université. Toutefois cette opposition ne forme pas un bloc uni et en tout cas ne se réclame pas du socialisme : Nkrumah vit toujours en Guinée et il ne paraît pas avoir maintenu une activité politique au Ghana.
Sur le plan social, le gouvernement du Dr Busia paraît connaître quelques difficultés. Sans doute les problèmes de la hausse des prix et du chômage sont-ils toujours d’actualité. Pour tenter de les résoudre, le Premier ministre a été amené à la fin de l’an dernier à décider de l’expulsion d’un nombre important d’étrangers et à créer un Service national. Pour freiner la hausse des prix, il a aussi été amené à supprimer les licences d’importation pour les produits alimentaires et à interdire aux étrangers la possession de petites entreprises. Mais si ces mesures ont recueilli l’assentiment populaire, il est encore trop tôt pour en apprécier l’efficacité. D’autre part, le gouvernement, après une période de calme social, doit faire face maintenant à une série de revendications salariales qui ne semblent pas toujours être bien contrôlées par les syndicats et qui risquent de s’étendre petit à petit à la majorité des secteurs modernes de l’économie. Enfin, en ce qui concerne la relance de l’économie en général, le Gouvernement a poursuivi sa politique de redressement de l’écrasante dette extérieure héritée du régime de Nkrumah et, avec l’aide occidentale, il a su rétablir un équilibre budgétaire et une balance commerciale excédentaire. Si d’une manière générale, l’expansion tarde à se manifester, le régime du Dr Busia paraît néanmoins aujourd’hui toujours solide. Assuré de l’appui des populations rurales qui sont sensibles aux efforts de relance de la production agricole et assuré aussi, à l’heure actuelle, du soutien de l’Armée, le Dr Busia a de sérieux atouts en mains. La stabilité de son régime ne peut que gagner à un dialogue plus ouvert entre le gouvernement et les syndicats, dialogue qui permettrait en diminuant la tension sociale, de faciliter l’expansion économique du pays. Et dans ce domaine, les perspectives ne peuvent être que très prometteuses.
Madagascar étudie un projet de création d’un complexe portuaire et industriel dans la baie de Narinda
L’augmentation du trafic des pétroliers et minéraliers géants qui transitent par le canal du Mozambique a incité le gouvernement malgache à étudier les conditions dans lesquelles un complexe portuaire et industriel pourrait être implanté sur la côte ouest, dans la région de Narinda, à environ 150 km au Nord-Est de Majunga.
Ce projet n’est certes pas nouveau. Déjà en 1964, le premier plan quinquennal malgache qui couvrait la période de 1964-1968, soulignait la nécessité de remplacer le port de Majunga condamné à terme par l’envasement et d’étudier les possibilités qu’offrait la baie de Narinda relativement toute proche. Depuis cette date, et en raison de la fermeture du canal de Suez, le trafic des pétroliers et des minéraliers géants n’a fait que croître, et l’on estime actuellement que cinq à six gros transports transitent chaque jour par le canal de Mozambique. L’absence d’installations de réparations pour ces bâtiments dans cette région s’est fait sérieusement sentir et l’on comprend donc pourquoi les autorités malgaches se montrent aujourd’hui très intéressées par ce problème.
Diverses études sont donc en cours. Si leurs conclusions définitives ne sont pas encore établies, tout au moins peut-on dire que toutes reconnaissent les caractéristiques exceptionnelles du site qui permettrait, outre l’implantation d’un port spécialement aménagé pour recevoir et réparer les pétroliers géants, de faire naître dans l’arrière-pays, jusqu’ici isolé et pratiquement désert, tout un complexe industriel, qui pour être rentable, devrait pouvoir exporter sa production vers les pays voisins.
Malheureusement, certaines des industries envisagées existent déjà, ou sont en voie d’exister dans ces pays. C’est là un handicap certain pour le projet malgache d’autant plus que le Portugal dispose, avec la baie de Nacala au Mozambique d’un site portuaire susceptible de concurrencer celui de Narinda. Nacala, qui bien sûr serait à développer, a d’autre part l’avantage de pouvoir s’appuyer sur un arrière-pays qui n’est pas sans industries naissantes et qui ne peut que se valoriser avec la mise en œuvre du barrage de Cabora-Bassa.
Dans ces conditions, des contacts ont eu lieu entre les autorités malgaches et portugaises pour tenter de trouver un compromis permettant la réalisation de ces deux projets concurrents. Conscients de l’enjeu politique que représente le projet malgache, les Portugais et les Sud-Africains auraient décidé de réviser leurs positions. Quoi qu’il en soit, le gouvernement malgache semble de son côté désireux de poursuivre la réalisation du sien qui nécessiterait, s’il était retenu, de gros investissements qui doivent encore être trouvés. ♦