Aéronautique - Avenir du fret aérien - Le transport du matériel par voie aérienne, source d'économies pour les Armées - Utilisation militaire de l'Espace - Le Falcon 10
Avenir du fret aérien
Le transport aérien est appelé à connaître dans un proche avenir de profondes mutations dans tous les domaines. La mise en service des appareils à fort tonnage (Boeing 747, Douglas DC-10, Lockheed 1011 TriStar, Lockheed C-5A Galaxy, Airbus 300B) ou à vitesse supersonique (Concorde, Tupolev Tu-144, SST Américain) va transformer la physionomie du transport aérien dont le champ d’activité va encore s’accroître avec le développement des transports du 3e niveau, lié à la mise au point des formules STOL ou VTOL (1).
Un des aspects non négligeables de cette évolution concerne la progression rapide du volume de fret transporté par voie aérienne.
Pour que le fret puisse un jour concurrencer les passagers dans le transport par air, ce qui est fort possible, sinon probable, il sera nécessaire, auparavant, de procéder à de nombreuses adaptations au cours des prochaines années. Telle est l’opinion exprimée dans l’éditorial du numéro d’Aviation Week paru le 26 octobre 1970 consacré dans sa totalité aux problèmes du fret aérien et de l’avion-cargo.
Le développement du fret aérien bénéficie de conditions favorables avec la mise en service des avions gros-porteurs qui, non seulement, offrent des capacités bien adaptées au transport de matériel, mais de plus rendront disponibles pour le fret les anciens Boeing 707 ou Douglas DC-8, dépréciés auprès de la clientèle « passagers ».
La détérioration des transports de surface ajoute un élément supplémentaire en faveur de la voie aérienne qui d’ailleurs s’est déjà généralisée dans l’acheminement du courrier.
Le principal obstacle réside dans l’inadaptation actuelle des compagnies aériennes essentiellement orientées vers le trafic « passagers ».
Il est indispensable que les dirigeants de ces compagnies, conscients des nouveaux débouchés qui s’offrent à eux, entreprennent une réorganisation de leurs lignes et une transformation de leurs escales afin de pouvoir répondre aux besoins des sociétés d’affrètement.
Ce n’est que lorsque toutes ces conditions seront remplies que le fret aérien pourra connaître le développement que laisse présager le marché potentiel qu’il représente.
La situation actuelle peut être illustrée par ces quelques chiffres :
– En 1969, 660 000 tonnes de fret sont arrivées ou sont parties des États-Unis par voie aérienne dont 360 000 en liaison avec l’Europe.
– Sur l’Atlantique Nord au cours des six premiers mois de 1970, les seules liaisons régulières ont permis l’acheminement de 200 000 t de fret dont 77 000 par les trois principales compagnies aériennes américaines ayant une activité « cargo » dans cette région du globe (Pan American, Seaboard, Trans World). Du côté européen, la Lufthansa arrive en tête (18 500 t) devant la KLM (16 000 t) et Air France (14 300 t).
– Pour cette période, les vols « passagers » s’élèvent à 36 600 pour 6 300 vols « cargo ». Ces derniers représentent le tiers de l’activité pour les trois compagnies américaines, la Lufthansa et la KLM et près du quart pour Air France.
– Au cours des vols mixtes, la charge fret est en moyenne de 2 t (sauf la KLM : 4 t), tandis qu’elle atteint 20 t pour les missions « cargo ».
– La Lufthansa et la KLM ont triplé leur activité tonnes/kilomètre entre 1965 et 1969, tandis qu’Air France, pendant cette même période, a seulement doublé la sienne.
Le transport du matériel par voie aérienne source d’économie pour les Armées
Aux États-Unis, les responsables de la logistique estiment que le transport aérien du matériel des Armées va se développer considérablement dans les prochaines années au détriment des transports de surface, car, tout bien considéré, il en résulte des économies pour le contribuable.
Les principales raisons invoquées sont les suivantes :
– réduction des délais d’approvisionnement permettant l’abaissement du niveau des stocks pour les systèmes d’armes importants aussi bien sur le territoire national qu’outre-mer. De plus, dans l’armée, les disparitions frauduleuses constatées aux escales sont pratiquement négligeables alors qu’elles entravent actuellement l’extension du trafic fret des compagnies civiles en raison de l’insécurité qui règne dans les terminaux aéroportuaires ;
– abandon par l’armée de terre du concept des stocks importants à proximité des lieux de déploiement des divisions, car trop coûteux et souvent inadaptés aux besoins ;
– amélioration des systèmes de manutention qui devraient conduire à une réduction de 40 % des frais de cette nature ;
– augmentation importante de la capacité du MAC (Military Airlift Command) avec la mise en service du C-5A, tandis que parallèlement le tonnage à transporter tend à décroître avec la réduction du déploiement des forces à l’extérieur.
Depuis plusieurs années, l’Air Force a supprimé ses stocks outre-mer et une grande partie de ceux situés sur le territoire national et a institué un ravitaillement sur demande à acheminer par le MAC ou le réseau logistique aérien.
Cinq établissements ont la charge de fournir les rechanges spécifiques aux principaux systèmes d’armes en service. Les unités abonnées sont ravitaillées par air de façon à détenir un niveau de stock conforme aux besoins opérationnels suivant des consommations établies par l’expérience, mais ont toute latitude pour exprimer des demandes exceptionnelles qui sont satisfaites en priorité.
Par contre, l’Army et la Navy continuent à utiliser des centres de stockage importants alimentés par les transports de surface. Les délais d’acheminement et la multiplicité du déploiement imposent l’achat d’un volume de matériels très supérieur à la consommation.
D’après les spécialistes de l’Air Force, les dépenses qui résultent des achats excédentaires dépassent largement les frais de transport par air.
Bien que cette opinion commence à être partagée par l’Army, celle-ci demeure attachée à ses anciens principes.
C’est ainsi que pour 1971, les prévisions de transport aérien concernent 575 t au profit de l’Army et 125 000 au profit de l’Air Force. La Navy a son propre système d’approvisionnement par air, bien qu’une ligne du réseau de l’Air Force desserve les mêmes bases, car le comité des Armées a imposé l’emploi des seuls appareils à turbines pour le transport logistique aérien militaire, condition que n’a pu satisfaire la Navy.
Le prix de revient de la tonne kilométrique n’est pas défavorable au transport par air car, par cargo militaire, il est environ inférieur de moitié à celui des compagnies aériennes, sensiblement égal à celui par voie ferrée et correspond à une fois et demie celui par voie routière.
De tels résultats sont obtenus grâce à un taux de remplissage maximum et l’utilisation du personnel de l’Air Force pour la manutention. La majorité du transport de fret est accomplie par le MAC (84 %) tandis que pour les passagers, ce sont les compagnies aériennes affrétées qui s’en chargent, les avions étant essentiellement à vocation de cargo.
Pour cette raison, les trois Armées portent actuellement leurs efforts vers l’amélioration des procédures et moyens de chargement et de manutention qui conditionnent le développement du fret aérien.
Dans l’Armée de l’air française, les avantages du transport aérien ont également été reconnus mais n’ont pas encore donné lieu à une utilisation intensive, si ce n’est au profit des Forces nucléaires stratégiques (FNS) pour lesquelles les impératifs opérationnels et le coût des rechanges exigent rapidité et sûreté de livraison.
Utilisation militaire de l’Espace
Dans la revue Air & Cosmos du 14 novembre 1970, il est fait état de plusieurs utilisations de l’Espace à des fins militaires tant par les États-Unis que par l’URSS, qui démontrent que l’exploration spatiale risque d’amener des bouleversements en matière de défense ou de stratégie.
Missions militaires des navettes spatiales américaines
L’US Air Force participe directement au projet de navette spatiale en liaison avec la NASA (National Aeronautics and Space Administration).
À ce titre, elle vient de lancer deux appels d’offres qui révèlent que, comme cela avait déjà été évoqué dans la chronique de novembre 1970, les États-Unis sont soucieux de tirer parti des applications militaires qu’offre le développement du système de transports spatiaux (navette spatiale et interorbitale).
Le premier appel d’offres concerne une étude sur la « faisabilité » d’un véhicule interorbital capable de remplir les missions fixées par le Département de la Défense et l’adaptation de la future navette spatiale à un double rôle civil et militaire.
Une deuxième étude a été lancée afin de définir les conceptions opérationnelles du département de la Défense en matière de transports spatiaux.
La NASA se préoccupe également des répercussions que pourrait avoir l’utilisation des navettes spatiales sur la conception et la réalisation des principaux engins à l’étude.
Satellite de détection et d’alerte
Avec l’apparition des missiles balistiques intercontinentaux, les États-Unis ont été amenés à chercher les moyens d’augmenter les préavis d’alerte face à une telle menace. C’est ainsi qu’a été créée la chaîne de radars géants BMEWS (Ballistic Missiles Early Warning System) chargés de la détection lointaine (de l’ordre de 5 000 km) des missiles assaillants.
La maîtrise des techniques spatiales a suscité de nouvelles formes de menace telles que les bombes orbitales.
Face à de telles attaques tous azimuts et plus soudaines, le BMEWS est apparu inadapté et insuffisant, ce qui a nécessité la mise au point d’un nouveau système faisant appel à un satellite de reconnaissance IMEWS (Integrated Missile Early Warning Satellite) dérivé de l’ex-programme 647.
Un engin expérimental de 820 kg vient d’être lancé début novembre par une fusée Titan 3C sur une orbite équatoriale synchrone au-dessus du Pacifique à 38 500 km d’altitude.
En forme de cylindre de 3 m de diamètre et 3 m de hauteur et stabilisé sur les trois axes, il est équipé de moyens d’investigation extrêmement élaborés :
– détecteurs infrarouges très différenciés pour le repérage des sources chaudes (jets des moteurs-fusées) ou froides (corps de rentrée) ;
– caméras optiques à résolution très élevée et faible niveau d’éclairement dont les informations sont traitées en temps réel par un lecteur vidéo à grande vitesse.
Un tel satellite pourrait être opérationnel en 1971. Disposé au-dessus du Sud-Est asiatique avec une orbite inclinée sur l’équateur d’environ 10 degrés, il pourrait surveiller les couloirs de lancement chinois et soviétiques. Grâce à ses équipements, il sera possible, de jour ou de nuit et quelles que soient les conditions météorologiques, de détecter les mises à feu de missiles ou les explosions nucléaires, suivre les trajectoires, repérer les bombes orbitales et photographier les territoires survolés.
La mise en place du système permettra de porter de 15 à 30 minutes le préavis dont disposent les États-Unis avec les moyens en place (BMEWS - radars Transhorizon). Dans un premier temps, les informations recueillies seront envoyées en code à une station-sol installée en Australie et retransmises au centre opérationnel de Colorado Springs via les satellites de télécommunications militaires avant que le satellite-relais (programme 313) soit au point.
En URSS essai de satellite antisatellite
L’observation du comportement de plusieurs satellites soviétiques en 1968 (Cosmos 248 - 249 - 252) et en octobre 1970 (Cosmos 373 - 374 - 375) laisse à penser que l’URSS, de son côté, ne néglige pas les possibilités d’utilisation militaire de ses véhicules spatiaux.
Le réseau de poursuite américain a constaté, en ces deux occasions, la disparition de deux satellites lors du passage du troisième à leur proximité. Leur destruction s’est traduite par une explosion en un certain nombre de fragments nettement décelables (de 20 à 80 suivant les cas). Il semblerait, d’après les estimations américaines, que ces satellites, d’une masse voisine d’une tonne, auraient été lancés par les puissantes fusées SS9.
Ces interceptions ont été menées parfois à plusieurs jours d’intervalle après des changements d’orbite, car, d’après les spécialistes de la poursuite des objets spatiaux, il s’agit très vraisemblablement d’un essai en vraie grandeur d’un système d’interception et de destruction de satellites en orbite.
L’URSS n’ayant rien révélé de ses expérimentations, on s’interroge sur les objectifs recherchés. La seule interception, semblable à un rendez-vous, ne paraît pas suffisante pour justifier ces expériences dont l’intérêt principal doit résider dans l’évaluation des effets destructeurs d’une explosion (non nucléaire) à proximité d’un satellite. Les moyens de destruction employés (mines, roquettes ou rayonnement ?) n’ont pas encore pu être déterminés.
Le Falcon 10
Dans la gamme des biréacteurs légers utilisables pour la liaison ou l’entraînement, le Falcon 10 vient de faire son apparition. Dérivé du Mystère XX, dénommé Falcon 20 à l’étranger, le Falcon 10 ou Mystère X de la Société AM Dassault correspond à une formule répondant à des besoins exprimés par la clientèle de la Panam qui est le distributeur du Falcon 20 en Amérique. Sa conception pourrait également satisfaire les exigences de l’Armée de l’air française dans le cadre du programme BEL (Bimoteur école-liaison). À ce titre, il entre en compétition avec le SN-600 Corvette décrit dans une précédente chronique (décembre 1970). Les études ont été menées très rapidement en faisant appel à un ordinateur pour la définition des caractéristiques aérodynamiques. Dans un souci de simplification, il a été fait appel au maximum aux éléments et techniques déjà éprouvés (Mystère XX, Mercure). Doté de tous les équipements les plus modernes en ce qui concerne le pilotage et la navigation, il satisfait aux normes américaines exigées pour les avions de transport, y compris pour le niveau sonore.
Un train d’atterrissage à roues diabolo et à pneus basse pression lui permettra l’utilisation de terrains sommaires.
Prévu pour recevoir des réacteurs Snecma-Turbomeca Larzac 06 (le Larzac 04 a été choisi pour l’avion d’entraînement Alpha Jet) de 1 250 kg de poussée chacun, il sera vendu sur le marché américain avec des Garrett TFE731-2 de 1 465 kg de poussée. Provisoirement le premier prototype utilisera pour les essais deux Général Electric CJ610.6 sans soufflante de 1 340 kg de poussée.
D’un poids maximum au décollage de 8 300 kg, il pourra franchir des distances de 3 500 km avec les réserves de carburant réglementaires et atteindre une vitesse de 900 km/h, ce qui le rend plus rapide que le Mystère XX.
Deux versions ont été prévues : 4 ou 7 passagers avec 2 membres d’équipage encore qu’il soit possible de le mettre en œuvre avec un seul pilote à bord.
De nombreuses utilisations seront possibles avec les aménagements convenables : photographie, calibration des aides à la navigation, entraînement des équipages. Le succès du Falcon 20 est tel que, pour le Falcon 10, 55 commandes ont déjà été passées dont 40 par la Panam qui a également signé pour 120 options. Si le Falcon 10 tient ses promesses et si les options se transforment en commandes fermes, ce qui paraît peu douteux quand on connaît le réalisme et le dynamisme de la firme Dassault, le Corvette, en dépit de ses quelques mois d’avance, devra lutter pour demeurer compétitif en particulier dans le domaine des prix. ♦
(1) Voir l’article d’Henri Ziegler sur « les développements du transport aérien » dans la Revue Défense Nationale de novembre 1970.