Aéronautique - L'impressionnante panoplie des moteurs Rolls-Royce - L'International fighter F-5A-21 - Entrée du Harrier dans les forces de l'Otan - Expérimentation d'un Transall pour le trafic postal - Le 29e Salon de l'Aéronautique et de l'Espace
L’impressionnante panoplie des moteurs Rolls-Royce
Les difficultés que connaît, outre-Manche, la construction aéronautique ne concernent pas seulement les fabricants de cellules mais également le grand motoriste de classe internationale qu’est Rolls-Royce (1).
Les obstacles rencontrés par cette firme dans la mise au point du RB211 se sont traduits par un important dépassement des crédits alloués à cette opération, dépassement qui a dû être compensé en partie par une aide du gouvernement.
Ayant sous-estimé les difficultés, Rolls-Royce s’est engagé à fournir à Lockheed pour ses nouveaux courriers à haute densité Tristar des réacteurs dont le prix a été arrêté à la commande. En fait, des problèmes de tenue de matériaux nouveaux et de mise au point ont entraîné des dépenses telles qu’il est peu probable que les investissements consentis soient un jour amortis.
Une telle erreur ne saurait ternir la réputation de Rolls-Royce dont l’activité et le dynamisme méritent d’être soulignés. Actuellement, Rolls-Royce développe et construit, seul ou en coopération, 25 types de moteurs, ce qui est remarquable, mais peut être non sans rapport avec le demi-échec du RB211, la complexité des moteurs modernes et leur coût de développement sans cesse croissant ne pouvant s’accommoder d’une telle diversité, quelles que soient la taille et la compétence de l’entreprise.
Indépendamment des moteurs ou turbines de moindre intérêt construits avec ou sans participation étrangère, les réalisations majeures en cours d’étude ou de production se répartissent en 8 programmes en coopération et 10 purement nationaux.
Les programmes multinationaux concernent 6 moteurs militaires et 2 civils, en coopération avec les États-Unis, la France, l’Allemagne ou l’Italie :
– RB193 : turboréacteur de 4,6 tonnes de poussée destiné au VFW-Fokker VAK-191, avion expérimental allemand.
– RB199 : 6 200 kg de poussée avec postcombustion, turboréacteur à double flux pour le futur MRCA (Multirole Combat Aircraft), projet commun à la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Italie.
– Viper 600 : simple flux de 1 815 kg de poussée, monté sur l’avion d’appui tactique italien Macchi MB-336 présenté à Farnborough.
– TF41 : double flux de 6,5 à 6,8 t de poussée, dérivé du Spey et destiné au LTV A-7 Corsair américain.
– J99 : turboréacteur de sustentation (4 t de poussée).
– Adour : 3,1 t de poussée (avec réchauffe) équipant le Sepecat Jaguar (Turboméca participe à 50 %).
– M45H : développé en liaison avec Turboméca (3,5 t de poussée et taux de dilution important), sera monté sur le biréacteur de transport allemand VFW 614.
– Olympus 593 : étudié en coopération avec la Snecma, c’est le moteur du Concorde ; 12 000 heures d’essais au banc, 1 400 h de vol sur un bombardier britannique Vulcan.
Les 2 prototypes de Concorde sont actuellement équipés du modèle 3B de 15,7 t de poussée qui ont permis la réalisation de plusieurs dizaines d’heures de vol à Mach 2. Les avions de série recevront des Olympus 593 Mk 602 qui fourniront 17,3 t de poussée au décollage avec l’utilisation d’une réchauffe dite « légère ».
Dans un cadre purement national, l’activité de la firme de Derby n’en est pas moins soutenue et diversifiée :
– T112 : turbine auxiliaire de 144 CV, qui sera montée sur le futur MRCA pour fournir l’énergie aux différents ensembles de servitudes.
– H1400 Gnome : dérivé d’un turbomoteur de General Electric, il fournit une puissance de 1 500 CV ; monté sur plusieurs hélicoptères (Sikorsky SH-3D Sea King).
– RS360 : turbomoteur de 900 CV pour le projet d’hélicoptère franco-britannique WG13.
– Dart : 6 000 turbopropulseurs construits équipent de nombreux appareils anglais (Vickers Viscount, Hawker Siddeley HS.748 et Andover, Armstrong Whitworth Argosy, Handley Page Herald) ou étrangers (Fokker F-27 Friendship, Grumman Gulfstream, Convair 600, NAMC YS-11 japonais, Breguet Alizé de l’aéronavale française).
– RB162 : turboréacteur de sustentation de 2,7 t de poussée, utilisé sur le VAK 191 et le Dornier 32. Est également monté comme réacteur d’appoint au décollage sur le Hawker Siddeley Trident 3B (Farnborough 1970).
– RB202 : turboréacteur de sustentation avec soufflante fournissant une poussée de 4,5 t à 9 t. Proposé pour de nombreux projets d’appareils V/STOL (avions à décollage et atterrissage courts ou verticaux), le HS-141 par exemple.
– Trent : moteur de 4,5 t de poussée créé pour la mise au point des réacteurs à trois arbres concentriques ; pourrait être développé jusqu’à une poussée de 6,8 t mais n’a pas encore trouvé de débouchés.
– Spey : turboréacteur à double flux en service depuis 1964 (poussée de 4,5 t à 6,8 t). Équipé des avions de transport (BAC 111, Fokker F28, Grumman Gulfstream 2, Trident) ou de combat (Blackburn Buccaneer, Phantom II, A-7 Corsair 2).
– Pegasus : réacteur à poussée vectorielle (8,6 à 9,5 t de poussée). Moyen de propulsion unique de l’avion de combat à décollage vertical Hawker Siddeley Harrier en service dans la Royal Air Force (RAF), également acheté par les Marines américains.
Cette longue liste de moteurs de toute nature et de toute puissance, loin d’être exhaustive, pourrait comporter également dans le cadre de l’équipement d’appareils français le réacteur Avon (Caravelle 3 et 6) et le turbopropulseur Tyne (Breguet Atlantique, Transall).
L’International Fighter F-5-21
Le programme d’avion de combat destiné à l’assistance militaire américaine et dénommé « chasseur international » vient d’être arrêté par l’Air Force.
Il s’agit du Northrop F-5-21 qui l’a emporté sur ses concurrents après une évaluation de 7 mois. Les appareils éliminés sont respectivement le Lockheed CL-1200 dérivé du F-104 Starfighter, une version réduite du McDonnell Douglas F-4 Phantom, et le Vought Aeronautics V-1000, adaptation du F-8 Crusader en service dans la Navy.
L’obtention des meilleures aptitudes au combat pour un prix donné semble avoir été le souci majeur de ce choix, plutôt que la recherche des performances les plus brillantes.
Le fait que les quatre premiers États qui recevront ce nouvel appareil disposent déjà du F-5 sous plusieurs versions (appui ou école) a certainement été un des éléments importants de la décision, en raison des économies qui seront réalisées pour l’entraînement des pilotes et la fourniture des pièces de rechange.
Biréacteur supersonique, le F-5-21 a été étudié pour être opposé en priorité au MiG-21 dont sont dotés les principaux adversaires des alliés des États-Unis (Sud-Vietnam, Corée du Sud, Thaïlande, Chine nationaliste). Par rapport au F-5 standard, la version 21 comporte des réacteurs plus puissants, des volets améliorés et une nouvelle conduite de tir.
Du point de vue américain, le F-5-21 serait supérieur au MiG-21 en performances d’interception guidée par radar et l’emporterait également en combat en l’absence de toute aide radar de part et d’autre.
Le Chef d’état-major de l’Air Force, le général John D. Ryan, estime que ce choix, extrêmement raisonnable sur le plan coût-efficacité, devrait susciter de la part de nombreux États un intérêt certain.
Entrée du Harrier dans les forces de l’Otan
L’appareil de combat britannique à décollage vertical Harrier (2) vient compléter la panoplie des armes aériennes de l’Otan. Son arrivée entraîne une nouvelle conception de l’utilisation des avions de combat et en particulier une forme nouvelle de déploiement tirant parti au maximum des possibilités de dispersion fournies par le Harrier. Alors que les 2 premiers escadrons de la RAF équipés de Harrier ont reçu une affectation en Europe du Nord pour s’intégrer dans la 2e Force aérienne tactique, trente sites d’entraînement ont déjà été sélectionnés et une cinquantaine d’autres ont été retenus pour un emploi éventuel en cas de conflit.
À partir de leur base de stationnement principal de Wildenrath (Allemagne fédérale, RFA), les 2 escadrons doivent poursuivre leur entraînement afin de devenir totalement opérationnels dans le courant du printemps. Leur mission consiste essentiellement à utiliser au mieux les performances ADAV du Harrier pour l’appui rapproché des troupes au sol et la reconnaissance photo à grande vitesse. L’emploi possible en défense aérienne pour profiter de la gamme complète de vitesse et de la manœuvrabilité exceptionnelle du Harrier n’a pas été retenu pour l’instant.
En appui feu, le Harrier peut emporter jusqu’à 8 t de bombes ou deux canons de 30 mm en nacelles. Dans la version reconnaissance, la priorité est donnée à la photo de jour dont les clichés reçoivent automatiquement du système de navigation les coordonnées du point observé, ce qui facilite grandement le rôle des interprétateurs. Des fusées éclairantes peuvent également être utilisées pour l’observation de nuit ou l’illumination du champ de bataille.
Sur le plan logistique, la RAF revient à l’ancien système de la Seconde Guerre mondiale avec un ensemble de support et soutien (carburant, munitions, maintenance) chargé de l’approvisionnement de 5 à 6 sites et se déplaçant à l’arrière des cellules opérationnelles.
Le carburant est stocké en réservoirs de polyuréthane d’environ 20 mètres cubes et la base arrière est protégée par des missiles sol-air.
Le ravitaillement le mieux adapté est sans doute par voie aérienne au moyen d’hélicoptères lourds. Le Boeing Vertol Chinook et le Sikorsky CH-53D ont été expérimentés et conviendraient, mais le manque de crédits a contraint la RAF à abandonner cette solution, et à se contenter de quelques Westland Wessex d’usage général. Par contre, pour se libérer de la sujétion des routes dont l’encombrement est probable en cas d’opérations réelles, il est envisagé la réalisation de véhicules de ravitaillement tous terrains, capables éventuellement de tracter un Harrier dans un emplacement boisé.
La possibilité d’échapper facilement aux vues de l’ennemi représente aux yeux de la RAF un atout majeur qu’elle s’efforce de consolider par des systèmes de filets de camouflage perfectionnés et rapidement installés. Les résultats obtenus lors de missions de recherche confiées à des Hawker Hunter de reconnaissance auraient été particulièrement probants.
Un escadron de Harrier comporte 16 pilotes qui ont reçu un entraînement particulier : la transformation sur la machine fixée initialement à 100 h de vol a été ramenée à 40, auxquelles s’ajoutent 4 à 5 heures sur hélicoptère pour l’accoutumance au vol vertical.
En Allemagne, la mise en condition opérationnelle comportera 2 phases d’accoutumance, une sur l’aérodrome de Wildenrath, l’autre sur des terrains désaffectés avant d’entreprendre l’utilisation de sites étroits comme des clairières en forêt.
Il n’en demeure pas moins que le rayon d’action et les capacités d’emport d’armement se trouvent extrêmement augmentés si l’on utilise quelques dizaines de mètres de roulement au lieu du décollage totalement vertical. Pour cette raison, ont été mis au point des systèmes de grilles métalliques rapidement installées pour fournir une bande de décollage, si minime soit-elle, compte tenu de l’environnement du site de stationnement.
Expérimentation d’un C-160 Transall pour le trafic postal
Air France assure au profit du Centre d’exploitation postal métropolitain (CEPM) le fonctionnement du trafic aérien postal en métropole. Pour ce faire, Air France utilise d’anciens quadrimoteurs DCA et quelques biturbopropulseurs Fokker F-27.
L’entretien des DCA devient coûteux et difficile par suite de la raréfaction des pièces de rechange, cependant que le développement du tonnage postal nécessite de faire appel à du matériel aérien de plus grande capacité. Enfin, dans le domaine de la rentabilité, les délais de transport et de chargement représentent des éléments extrêmement importants.
Le choix d’un avion-cargo devrait apporter une solution satisfaisante à la majorité des problèmes, en particulier pour ce qui concerne la manutention aux escales. Le ministre des P et T a donc songé au C-160 comme appareil de remplacement et fait appel au seul détenteur d’appareils de ce type en France, en l’occurrence à l’Armée de l’air, pour une expérimentation de quelques semaines.
Cette initiative a soulevé une violente opposition du syndicat des pilotes de ligne, qui reproche à la compagnie Air France l’abandon d’une partie des prérogatives qui lui sont confiées par la convention passée avec le CEPM. Ce contrat stipule en effet que la compagnie nationale est chargée de l’acquisition, l’exploitation et l’entretien des avions du CEPM.
L’Armée de l’air n’ayant accepté son concours qu’à la condition de fournir l’équipage, le personnel navigant d’Air France s’est trouvé relégué à la fonction d’observateur. Par suite, il conteste la validité de la partie « vol » de l’évaluation, qu’il estime ne pas être effectuée selon les normes de fonctionnement du CEPM.
Néanmoins depuis plusieurs semaines, du mardi au vendredi, un C-160 avec équipage militaire assure chaque jour le transport de fret postal sur le trajet Villacoublay-Lyon-Marseille-Toulouse-Villacoublay dans d’excellentes conditions de régularité. Pour les étapes métropolitaines, le C-160 permet d’emporter une charge double de celle du DCA à une vitesse une fois et demie supérieure.
Il est difficile d’augurer du choix définitif qui sera fait quant au nouvel avion postal, mais il semble qu’un type « cargo » conçu pour le chargement et le transport de fret soit beaucoup mieux adapté que les anciens appareils de ligne réaménagés. Dans sa catégorie, le C-160 de conception franco-allemande devrait convenir de par sa capacité d’emport et ses performances.
Il est regrettable que cette recherche de l’amélioration d’un secteur d’utilité publique n’ait pas donné lieu à une collaboration sans restriction des milieux aéronautiques civils et militaires, en faveur de nouveaux débouchés pour l’industrie aéronautique nationale.
Le 29e Salon de l’Aéronautique et de l’Espace
Le 29e salon de l’aéronautique et de l’espace ouvrira ses portes du 27 mai au 6 juin 1971.
Il est encore prématuré de vouloir en donner la physionomie générale et citer les principales réalisations qui seront exposées. Ce salon constitue en fait le plus grand rassemblement de matériels aériens organisé dans le monde, et il y a tout lieu de penser qu’en 1971 il sera encore plus riche et plus important que par le passé.
La première présentation aéronautique remonte à 1908 lors du salon de l’automobile. Une section avait été réservée aux choses de l’air, en l’occurrence : l’avion de Clément Ader, un Wright, un Farman, les Blériot IX et X, et quelques moteurs dont l’Antoinette. Devant le succès obtenu, la première exposition internationale de la locomotion aérienne fut organisée dès 1909 ou, à côté des quelques « plus lourds que l’air » célèbres, dont le Louis Blériot de la traversée de la Manche, figuraient encore de nombreux ballons et aérostats de tous genres. Le 2e salon en 1910 voit déjà proliférer les aéroplanes qui, au nombre de 30, font connaître au public des noms devenus fameux (Hanriot, Nieuport, Saulnier).
La 4e exposition, en 1912, est placée sous le signe des applications militaires. Pour la première fois, l’avion n’est plus présenté comme un simple moyen de locomotion mais comme une arme aux emplois multiples (observation, attaque au sol).
À l’issue de la Première Guerre mondiale, les premiers salons présentent une synthèse de la construction des avions de guerre, puis des premiers avions commerciaux qui en sont dérivés.
La construction métallique fait son apparition et les bolides qui participent aux différentes coupes et rallyes occupent la vedette dans des stands qui, en 1938, porteront à la connaissance du public la nouvelle génération d’avions de combat (Dewoitine 500, Morane-Saulnier 405).
En 1946, le Grand palais accueille à nouveau les appareils qui se sont illustrés au cours de la guerre, ainsi que les premiers modèles à réaction : Gloster Meteor britannique, Lockheed P-80 Shooting Star américain et même une réalisation française le SO 6000 Triton. En 1949 avec le 18e salon est organisée, en complément, une présentation en vol à Orly où l’industrie aéronautique française renaissante fait bonne figure avec le SNCASE SE-2010 Armagnac, le Breguet Deux Ponts, le MD-450 Ouragan et le SNCASO SO.6020 Espadon. En 1951, c’est le salon des « 1 000 km/h » avec la sortie des Mystère et la dernière exhibition à Orly. En 1953, le 20e salon est organisé au Bourget sous sa forme actuelle, les réalisations spatiales venant s’ajouter à celles de l’aéronautique à partir de 1960.
Quel que soit l’intérêt que suscite la conquête de l’Espace, la grande manifestation aérienne des deux derniers jours du salon constitue toujours pour la majorité du grand public l’attraction principale de la plus grande exposition aérospatiale du monde.
En 1969, 723 exposants de 14 pays ont reçu la visite d’un million de personnes, qui ont pu examiner 192 appareils au sol et assister à la présentation en vol de 450 appareils au cours des deux fêtes aériennes.
Le prochain salon ne sera pas moins riche. L’aviation de transport civil sera un des grands thèmes de la manifestation et, comme par le passé, les avions militaires aux exhibitions spectaculaires seront très nombreux. Dans le domaine spatial, la conquête de la Lune et les principaux projets seront amplement dévoilés au public. ♦
(1) Nationalisé récemment par le gouvernement britannique pour éviter sa faillite.
(2) Sa description technique a été donnée dans la chronique de novembre 1970.