Maritime - La Marine yougoslave - Patrouilleurs lance-missiles pour la Marine grecque - Nouveaux sous-marins rapides pour l'US Navy - Le bâtiment océanographe « d'Entrecasteaux »
La marine yougoslave
Sa large fenêtre ouverte sur l’Adriatique permet à la Yougoslavie de jeter un regard sur l’Occident et donc vers un avenir économique chargé d’espoir.
La côte dalmate avec ses rivages abrupts, ses ports profonds et bien protégés, ses îles et chenaux qui permettent aux forces navales de masquer leurs mouvements, est d’une défense relativement facile. Dans ce contexte géographique particulier, la petite marine yougoslave a pour missions principales :
– d’assurer la liberté d’accès aux principaux ports ;
– de repousser une agression amphibie ;
– de protéger, à l’abri du chapelet d’îles et d’îlots, le trafic côtier.
Le commandant en chef de la Marine qui a le grade d’amiral, exerce en même temps les fonctions d’adjoint « Marine » du secrétaire d’État à la Défense, celui-ci recevant ses directives du président de la République, commandant suprême des forces armées. Cet officier général est responsable de la mise en condition des forces navales et des opérations en temps de guerre, tout en restant subordonné au général Commandant en chef des forces armées.
Dans le cadre et l’esprit de la loi de février 1969 qui confie la défense du pays au peuple tout entier (1), les forces navales ont été regroupées au sein d’une région militaire maritime (Vospo Pomorska Oblast) dont le siège est à Split. Le vice-amiral commandant cette VPO est responsable des opérations navales en liaison avec l’Armée populaire et de la défense du territoire de la zone avec la participation des masses populaires.
Cette région maritime est divisée en trois arrondissements placés chacun sous les ordres d’un capitaine de vaisseau :
– Arrondissement Nord : Pula
– Arrondissement Central : Sibenik
– Arrondissement Sud : Kotor
Les bâtiments des forces navales sont d’origines diverses, nationale, française, italienne, etc. et depuis 1965, soviétique. Cependant la marine fait un gros effort pour s’affranchir de cette tutelle. C’est ainsi que depuis une dizaine d’années six sous-marins ont été construits dans les chantiers yougoslaves.
Le potentiel de la flotte (2) se monte présentement à :
– trois destroyers anciens de 2 500 à 3 000 tonnes dont un ex-italien et deux autres d’origine britannique ;
– deux patrouilleurs de 400 t, type Mornar construits en Yougoslavie ;
– un patrouilleur de 400 tonnes du type Fougueux construit au Havre en 1954 sur crédits offshore ;
– une vingtaine au moins de patrouilleurs de 240 t environ (classe Kraljavica) ;
– une dizaine de patrouilleurs (classe Kotor) plus petits ;
– trois sous-marins très récents de 800 t de la classe Heroj ;
– trois sous-marins de 500 t un peu plus anciens (classe Sutjeska) ;
– dix à douze vedettes lance-missiles de 200 t du type Osa soviétique. Ces petits bâtiments sont équipés de quatre engins surface-surface du type Styx ;
– une cinquantaine de vedettes lance-torpilles construites soit en Yougoslavie, soit cédées par l’URSS (classe Shershen) ;
– quatre dragueurs de mines côtiers de 400 t datant de 1956 dont trois ont été construits au Havre ;
– une dizaine de dragueurs d’estuaire ;
– une soixantaine d’engins légers de débarquement de types divers dont les plus gros ne dépassent pas 500 t ;
– un navire-école, le Galeb, qui sert aussi de yacht présidentiel et quelques petits navires auxiliaires.
Les sous-marins, les vedettes lance-missiles et les vedettes lance-torpilles classe Shershen représentent la partie la plus valable de cette petite flotte très bien adaptée à son théâtre tout à fait particulier d’opérations.
La marine est également chargée de la défense du Danube. Elle met en œuvre, pour cette mission : un monitor, quatre canonnières, une trentaine de dragueurs fluviaux et de barges de débarquement.
Les effectifs sont évalués à 17 000 hommes, dont 1 500 officiers. Ce chiffre ne comprend pas le personnel de l’infanterie de Marine – 3 000 soldats environ – qui fait partie de l’armée de terre.
La durée du service militaire est de deux ans. Le personnel de maistrance se recrute parmi les engagés. Les officiers de vaisseau sont formés à l’Académie navale de Divulge (entre Trogir et Split) où les cours durent trois ans. À l’issue d’un embarquement de même durée, ils sont dirigés vers le Centre de spécialisation de Pula, qui comprend les branches suivantes : armes sous-marines, artillerie, transmissions, etc. Les ingénieurs mécaniciens sont formés à l’École de technique navale de Pula.
Les principales bases de la flotte yougoslave sont, du Nord au Sud :
– Pula qui offre des facilités importantes de réparation. C’est le siège de nombreuses écoles de la Marine ;
– Rijeka qui est un point d’appui ;
– Sibenik qui dispose d’un arsenal militaire ;
– Divulge, important centre d’écoles ;
– Split qui est le siège du Commandement de la flotte et celui de la VPO ;
– Dubrovnik qui est un point d’appui ;
– les bouches de Cattaro (Kotor) qui constituent un admirable abri naturel. Diverses installations militaires, d’importance d’ailleurs modeste, y sont disséminées.
Les principaux chantiers navals yougoslaves ont été regroupés en 1968 en un seul complexe industriel, le plus grand du pays : la société Jadranbrod. Les trois principaux chantiers : Uljanik à Pula, Split, 3 Maj à Rijeka, en pleine modernisation, soutiennent aisément la comparaison avec les firmes étrangères de même importance. Le chantier Uljanik, déjà l’un des premiers du monde pour la construction de navires en deux tronçons, s’est équipé pour la construction des superpétroliers ; la Norvège lui a récemment commandé trois tankers de 250 000 t de port en lourd. C’est à Uljanik qu’ont été construits les sous-marins types Sutjeska et Heroj.
La flotte marchande, en pleine expansion, se composait, le 1er juillet dernier, selon les statistiques du Lloyd’s de 348 navires de plus de 100 tonneaux représentant au total 1 515 000 tjb. C’est une flotte jeune et moderne puisque 62 % de ses bâtiments avaient à cette date moins de dix ans d’âge. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette flotte a été surtout construite à l’étranger. Le Gouvernement n’accordant de crédits que pour l’exportation seulement, l’activité des chantiers nationaux est en effet presque entièrement orientée vers l’extérieur.
Patrouilleurs lance-missiles pour la marine grecque
Le P.56 Kymothoi, prototype d’une série de quatre patrouilleurs lance-missiles destinés à la marine de guerre hellénique, prêt à effectuer ses premiers essais à la mer, a été mis à l’eau le 26 janvier 1970 aux chantiers navals des Constructions mécaniques de Normandie à Cherbourg.
Commandé au début de 1969, le Kymothoi avait été mis sur cale à la fin de cette même année. Les trois suivants, baptisés P.54 Calypso, P.55 Euniki et P.56 Navfsithoi seront lancés de trois en trois mois dans le courant de 1971. Ces petits bâtiments qui sont une extrapolation des vedettes israéliennes du type Saar construites aux mêmes chantiers, sont remarquables à bien des égards notamment en ce qui concerne le dessin de leur coque et la puissance de feu. Longs de 47 m, larges de 7,10 m, ils sont propulsés par quatre Diesel MTU développant au total 14 000 CV. Leur vitesse opérationnelle sera de l’ordre de 35 nœuds, mais on pense qu’ils atteindront aux essais plus de 40 nœuds. À 25 nœuds, soit à près de 50 km/heure, ils pourront, sans ravitaillement, parcourir 1 550 km environ. L’armement des Kymothoi comprend deux tourelles doubles de 35 antiaériens Oerlikon avec conduite de tir radar et quatre missiles surface-surface MM38 Exocet en containers simples, donnant deux sur bâbord et deux sur tribord. Le matériel de 35 Oerlikon qui tire à la vitesse initiale de 1 175 m/seconde et à la cadence de 550 coups/minute par tube, a une portée théorique d’environ 5 000 m en tir contre avions ; il est considéré à l’heure actuelle dans cette gamme de calibres comme l’un des meilleurs au monde. Les essais de sortie de l’Exocet de son container effectués sur La Combattante sont maintenant achevés ; la campagne de tirs, commencée en février dernier à bord de l’Île d’Oléron, va se poursuivre jusqu’à la fin de 1971 tandis que s’effectueront les essais aéroportés de l’autodirecteur pour vérifier les fonctionnements marginaux. Le tir du premier missile destiné à la Marine grecque se déroulera sur la troisième vedette au début de 1972. Rappelons que le MM38 est un missile antisurface mis au point par la Société nationale des industries aérospatiales. Il suit une trajectoire rasante tout le long de son parcours, ce qui le rend en principe indétectable par les radars. Programmé au départ, il est doté en finale d’un autodétecteur actif protégé contre les effets du mauvais temps et du brouillage. Sa portée dépasse 35 km et sa charge militaire est supérieure à 150 kg.
Nouveaux sous-marins rapides pour l’US Navy
L’US Navy, pour faire face au développement qu’elle estime inquiétant de la marine soviétique et notamment à sa force de sous-marins lance-missiles stratégiques qui, selon les plus récentes données, s’accroîtrait de 6 à 7 SNLE chaque année, vient de commander d’un seul coup 12 Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) d’un modèle beaucoup plus rapide que les précédents, le SSN 688. En raison de l’urgence des besoins, cette décision a été prise, bien que le Congrès n’ait à ce jour accordé que les crédits nécessaires à la construction de 7 sous-marins (3). La marine a donc certainement reçu l’assurance que les fonds afférents aux cinq autres bâtiments seront ultérieurement votés. Sans doute seront-ils demandés par la Navy dans le projet du budget 1971-1972 qu’elle va soumettre à l’administration.
Quoi qu’il en soit, le prototype et quatre SNA seront construits par la Newport News Shipbuilding Company à Newport News en Virginie, les sept autres à Groton dans le Connecticut dans les chantiers de l’Electric Boat, une filiale de la General Dynamics.
Les bâtiments de la classe SSN 688 sont dérivés des sous-marins de 4 400 t du type Sturgeon qui, au nombre de 37 (dont 25 en service), constituent le gros du potentiel de la marine américaine dans la catégorie des SNA. Ils déplaceront 6 900 t en plongée et auront plus de 120 m de long. Un effort particulier sera fait pour les rendre, à faible vitesse, encore plus discrets que ne le sont déjà leurs prédécesseurs, et pas plus bruyants à la vitesse maximale en dépit d’un accroissement considérable de celle-ci. Cet effort portera sur les formes de la coque, celles du massif, un système de propulsion plus silencieux, la suspension élastique de tous les appareils et auxiliaires, etc. Les SSN 688 seront équipés d’un nouveau type de réacteur et de nouvelles machines qui leur permettront d’atteindre en plongée la vitesse de 40 nœuds, soit près de 80 km à l’heure. Leur armement comprendra des torpilles anti-sous-marines (ASM) et antisurface à très hautes performances et le Subroc. Ce système d’armes qui est déjà installé sur la plupart des SNA de l’US Navy est une sorte de roquette à charge nucléaire qui est lancée en plongée par les tubes lance-torpilles. Après une phase de propulsion sous-marine, l’engin sort de l’eau et parcourt une trajectoire aérienne au bout de laquelle il entre à nouveau dans l’eau ; la portée est d’environ 30 nautiques (56 km). L’explosion de la charge s’effectue à une immersion fixe. La mise au point de ce Subroc a coûté des années d’efforts et est revenue à des sommes astronomiques. Chaque SSN 688 reviendra à quelque 160 millions de dollars (dont 100 pour l’appareil propulsif) et à 800 M de nos francs actuels.
Le bâtiment océanographe D’Entrecasteaux
Le bâtiment océanographe D’Entrecasteaux a commencé en janvier dernier ses premiers essais dans l’Iroise. Mis sur cale dans l’arsenal de Brest le 15 juillet 1969, il avait été mis à flot le 28 mai suivant. Après l’habituelle période des démontages qui fait suite aux essais, période durant laquelle seront achevées différentes installations scientifiques, le bâtiment entreprendra de nouvelles sorties d’essais qui seront couronnées par une croisière d’endurance. Le D’Entrecasteaux est un bâtiment de 2 200 t propulsé par deux Diesels électriques entraînant deux hélices à pas variable ; sa vitesse maximale est de 15 nœuds. Il est en outre équipé de deux groupes auxiliaires hissables, situés l’un à l’AV et l’autre à l’AR, et qui entraînent des hélices encastrées dans des tuyères orientables. Grâce à ce système le bâtiment peut se déplacer parallèlement à lui-même dans n’importe quelle direction et pivoter autour d’un point quelconque de l’axe avant-arrière. Les manœuvres de port et la tenue en station en mer en seront grandement facilitées. Un hangar télescopique permet d’abriter un hélicoptère léger. De nombreux apparaux de manœuvre, dont un treuil permettant de mouiller une ancre par 6 000 m de fond, sont répartis sur les différents ponts du navire.
Grâce à ses remarquables installations scientifiques, le D’Entrecasteaux pourra effectuer, la plupart du temps à son bord même, tous les travaux d’hydrographie et des levés océanographiques de même que :
– des sondages côtiers et des sondages en pleine mer,
– l’étude des fonds marins,
– l’étude physico-chimique de l’eau de mer,
– la détermination des mouvements des masses d’eau,
– l’étude des champs gravimétrique et magnétique.
(1) Voir l’article du chef de bataillon F. Danigo (RDN de novembre 1970).
(2) Renseignements extraits de l’annuaire italien des flottes Almanaco Navale 1970-1971, ouvrage complet et bien illustré qui est l’un des meilleurs du genre.
(3) Trois au titre de la Fiscal Year 1969-1970, quatre (trois demandés par la Marine, un ajouté de son propre chef par le Congrès) au titre de la FY 1970-1971 en cours.