Maritime - Dans l'US Navy : le projet de budget 1971-1972 - Dans la Marine française : essais réussis du Masurca Mod 3
Dans l’US Navy : le projet de défense 1971-1972
Le projet de budget de Défense américaine pour l’exercice 1971-1972 commençant le 1er juillet prochain, est analysé par ailleurs (voir chronique « Défense dans le monde »).
La part de la marine se monte à 23,3 milliards de dollars sur un total de 78 demandés (1). Celles de l’US Air Force et de l’Army se montent respectivement à 22,8 et 21,5 Md $. C’est la première fois depuis 1947 que les crédits de la Navy sont les plus importants. Ils représentent environ 30 % du budget et sont en augmentation de 1,6 Md sur ceux de l’exercice 1970-1971. Cette augmentation est surtout due à l’importance des crédits affectés à l’acquisition d’aéronefs, aux constructions neuves et aux conversions. Cela traduit la volonté de rajeunir la flotte et de la doter d’unités modernes face à l’accroissement continu de la marine soviétique.
Ce budget de la marine s’articule comme suit, en millions de $ :
– Personnel militaire (active et réserve) : 5 485, soit 25 %.
– Fonctionnement en entretien : 5 337, soit 23 %.
– Achats et fabrications (« procurement ») : 9 277, soit 40 %.
– Recherche et développement : 2 407, soit 10 %.
– Travaux infrastructure : 416, soit 2 %.
Total : 23 282, soit 100 %.
Dans le courant de l’exercice 1971-1972, la politique du président Nixon de désengagement progressif au Vietnam va se traduire par une nouvelle réduction des effectifs, moins importance certes que celles effectuées durant l’exercice qui s’achève, mais substantielle comme le montrent les chiffres suivants (en milliers d’hommes).
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1er juillet 1970 |
1er juillet 1971 |
Prévisions |
Navy |
692 |
623 |
604 |
Marine Corps |
260 |
212 |
206 |
Total |
952 |
835 |
810 |
En deux ans, les effectifs de la marine et du Marine Corps auront donc été réduits de près de 150 000 hommes, soit de 15,7 %.
La composition de la flotte en fin d’exercice 1971-1972 sera en gros la suivante, comparée à ce qu’elle est actuellement :
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1er juillet 1972 |
1er juillet 1971 |
Sous-marins stratégiques (SSBN) |
41 |
41 |
Porte-avions |
16 |
18 |
Frégates et destroyers lance-missiles, destroyers et escorteurs |
227 |
226 |
Sous-marins nucléaires d’attaque (SSN) |
56 |
53 |
Bâtiments amphibies |
76 |
87 |
Bâtiments logistiques et auxiliaires |
98 |
105 |
Ces chiffres appellent quelques commentaires. Il faut tout de suite préciser qu’ils ne se rapportent qu’aux bâtiments figurant sur la liste de la flotte en service, mais qu’ils comprennent aussi bien les navires de cette flotte qui sont en activité que ceux qui sont en grand carénage ou en refonte.
Si le nombre des sous-marins nucléaires lance-missiles (SNLE) reste fixé à 41, il n’en demeure pas moins qu’en 1971-1972, la puissance de frappe de la composante navale de la force de dissuasion américaine sera beaucoup plus forte, plusieurs des bâtiments opérationnels ayant été rééquipés en missiles Poseidon dont l’efficacité, est, dit-on, grosso modo huit fois plus grande que celle du Polaris du modèle le plus récent. La Navy paraît, d’autre part, avoir renoncé à disposer d’une force de quinze porte-avions d’attaque, chiffre considéré jusqu’à présent comme immuable ; cette force paraît devoir évoluer comme suit durant l’exercice :
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Situation au 1er juillet 1971 |
Situation au 1er juillet 1972 |
Porte-avions d’attaque (CVA) |
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Classe Enterprise (80 000 t nucléaire) |
1 |
1 |
Classe Forrestal (75 000 t) |
8 |
8 |
Classe Hancock (40 000 t) |
2 |
1 |
Porte-avions ASM (CVS) |
|
|
Classe Hancock (40 000 t) |
1 |
2 |
Classe Essex |
3 |
1 |
L’aviation embarquée destinée aux porte-avions d’attaque sera répartie en 11 escadrilles (Navy Attack Wings) au lieu de 12 actuellement. Ces Wings sont articulés en flottilles de 10 à 12 appareils.
– 2 flottilles d’intercepteurs tout temps McDonnell Douglas F-4 Phantom II (Vought F-8 Crusader sur les Hancock)
– 3 flottilles d’assaut léger équipées en LTV A-7 Corsair II (A-4 Skyhawk sur les Hancock)
– 1 flottille d’assaut lourd dotée du Grumman A-6 Intruder (sauf sur les Hancock) ;
– 1 détachement composite (guerre électronique - reconnaissance, liaison).
Pour compenser la réduction sinon la disparition des porte-avions ASM qui doit intervenir dès 1973, il a été décidé d’embarquer désormais sur chaque grand CVA, une flottille d’aéronefs anti-sous-marins à la place d’une flottille d’attaque. Le CVA60 Saratoga sera le premier bâtiment à recevoir cette nouvelle dotation.
À noter également la réduction prévue du nombre de bâtiments amphibies mais celle-ci sera compensée par la mise en service de bâtiments modernes et plus rapides et notamment des grands LST (Landing Ship Tank) de 9 000 t et 20 nœuds de la classe Newport commandés au titre de programmes antérieurs.
Dans ce projet de budget, les sommes demandées au titre « procurement » (achat de matériel) se répartissent comme suit en M $ :
Aéronefs |
3 354 |
36,2 % |
Missiles |
707 |
7,6 % |
Navires |
3 329 |
35,9 % |
Véhicules de combat |
272 |
2,9 % |
Artillerie et autres véhicules |
577 |
6,2 % |
Électronique, Transmissions |
354 |
3,8 % |
Autres matériels |
684 |
7,1 % |
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9 277 |
100 % |
Les 3 354 M $ prévus pour l’aviation navale doivent permettre l’acquisition de 290 appareils, tant pour la Navy que pour le Marine Corps. Les principales commandes envisagées portent sur les matériels suivants :
– Grumman F-14 Tomcat (interception) ;
– A-6E et EA-6B Intruder (assaut lourd et guerre électronique tout temps) ;
– Lockheed S-3A Viking (lutte ASM) ;
– Lockheed P-3C Orion (patrouille maritime) ;
– McDonnell Douglas AV-8A Harrier (avion d’attaque VTOL pour le Marine Corps) ;
– Grumman E-2C Hawkeye (veille radar embarqué).
Le Tomcat est un intercepteur tous temps et d’appui tactique biréacteur biplace à géométrie variable destiné à remplacer sur les grands porte-avions le F-4 Phantom II. Sa vitesse maximale sera supérieure à Mach 2 et malgré un poids plus élevé il aura, par rapport au Phantom II, une vitesse d’appontage inférieure de 20 nœuds (120 au lieu de 140). Il sera équipé du missile air-air Phœnix de 80 km de portée en cours de développement et sans doute, en version attaque, de l’engin air-sol anti-radar Shrike pour certaines missions particulières.
Le S-3A est un biréacteur embarqué qui doit succéder au Grumman S-2 Tracker actuellement en service. Il sera équipé de senseurs très élaborés afin de pouvoir détecter les sous-marins qui seront de plus en plus silencieux.
Les crédits prévus pour ces navires permettront de construire 19 bâtiments contre 15 l’année précédente et de convertir ou refondre 7 navires.
Les constructions neuves concernent (Coût total en M $) :
– 1 frégate (DLGN40) à propulsion nucléaire : 209,2 y compris fonds d’avance pour DLGN ultérieures.
– 5 sous-marins nucléaires d’attaque rapides (SSN695 à SSN699) : 881
– 7 destroyers ASM classe Spruance (DD972 à DD978) : 599.
– 1 pétrolier ravitailleur AOR7 (classe Wichita) : 30 environ.
– 2 bâtiments bases de sous-marins nucléaires d’attaque (AS-38 et 39) : 40 environ.
– 3 bâtiments de sauvetage (ATS-4 à 6) : 25,5 environ.
Le programme de conversion, quant à lui, porte sur :
– la refonte Poseidon de 6 SNLE supplémentaires de la classe Lafayette. Son coût est évalué à 401,7 M $, y compris les fonds d’avance pour des conversions ultérieures. Rappelons que le programme Poseidon prévoit le remplacement, d’ici 1976, sur les 31 unités de la classe Lafayette des 16 Polaris A3 dont elles sont équipées, par autant de missiles du type Poseidon. Le calendrier de ce programme de conversions commencé durant l’année fiscale 1968-1969 s’établit comme suit :
Années fiscales |
1968-1969 |
1969-1970 |
1970-1971 |
1971-1972 |
1972-1973 |
1973-1974 |
SSBN conversion Poseidon |
2 |
4 |
6 |
6 |
6 |
7 |
– la modernisation de 2 frégates lance-missiles de la classe Coontz - coût : 90,3 M $ ;
– la reconversion d’un bâtiment hydrographe.
La frégate DLGN40 inscrite au projet de budget sera identique à la DLGN39 dont la construction a été approuvée récemment par le Congrès (voir chronique maritime d’avril 1971) mais elles seront légèrement différentes des frégates de 10 000 t DLGN36 California et DLGN37 South Dakota actuellement en construction au titre des programmes 1966-1967 et 1967-1968 respectivement. Légèrement plus grandes, elles seront équipées, comme la DLGN38 du programme 1969-1970, de missiles antiaériens du type Standard Tartar et du système surface-surface Harpoon.
Les sous-marins seront du type SSN688 de 6 000 t et 40 nœuds en plongée.
Quant aux destroyers, ils appartiendront à la classe Spruance qui doit au total comprendre 30 bâtiments de 7 000 t environ, propulsés uniquement par turbines à gaz et dotés d’un puissant armement ASM (missiles et hélicoptères).
Les fonds prévus au titre de la recherche et du développement, outre la poursuite des grandes affaires en cours (Tomcat, S-3A, Poseidon) seront principalement consacrés aux programmes suivants :
• Système Harpoon.
Le Harpoon est un missile surface-surface lançable dans un premier temps à l’horizon radar (et au-delà de celui-ci dans une version ultérieure) avec lequel l’US Navy désire rattraper son retard dans cette catégorie d’armements sur la marine soviétique.
• Système AEGIS.
L’AEGIS (« Bouclier » en grec) connu autrefois sous le nom d’ASMS (Avanced Surface Missile System) est un système antiaérien très élaboré et à très longue portée – on parle de 80 nautiques – dont l’étude a commencé en 1964 et qui doit en principe remplacer à l’horizon 1980 les systèmes Talos et Standard actuellement en service. Il aura pour mission non pas d’assurer une défense ponctuelle limitée à un seul navire, mais celle d’une zone maritime dans laquelle évolue une Task Force, en s’attaquant à des objectifs rapides de faibles dimensions quels que soient les conditions météorologiques et le régime de contre-mesures électroniques.
• Projet ULMS.
Le projet Under Sea Long Range Missile System prévoit la construction de 25 sous-marins nucléaires de très gros tonnage équipés chacun de 20 à 24 missiles Perseus, d’une portée de 6 000 nautiques (12 000 km environ) que l’on espère pouvoir pousser jusqu’à 8 000 nautiques.
Le coût total du programme est évalué à 12 ou 15 Md $. Il vise selon ses promoteurs à remplacer tous les systèmes (Polaris, Minuteman, etc.) qui concourent actuellement à la dissuasion ; à la puissance il ajoute l’invulnérabilité et la souplesse, et son principal avantage réside selon la Navy dans le fait qu’il éloignera le danger que représente pour les villes américaines la proximité des sites Minuteman.
• Programme LAMPS.
Le programme Light Airborne Manned Multipurposes System vise à la mise au point d’un hélicoptère ASM et antisurface destiné, d’une part aux bâtiments type Spruance et d’autre part, à remplacer sur les bâtiments légers en service l’hélicoptère ASM téléguidé Dash dont ils étaient dotés et auquel il a fallu renoncer en raison de son taux d’attrition beaucoup trop élevé.
Dans la Marine française : essais réussis du Masurca Mod. 3
La frégate lance-engins Duquesne a récemment procédé en Méditerranée à l’évaluation du missile autoguidé Masurca Mod. 3. Cinq tirs ont été effectués sur des cibles CT20 lancées, soit de l’Île du Levant, soit du bâtiment expérimental Île d’Oléron ; ils se sont soldés par un plein succès : trois interceptions réussies, un impact et une cible abattue.
Le Masurca est un missile antiaérien à moyenne portée (25 nautiques - plafond : 75 000 pieds) lancé au moyen d’un accélérateur à poudre qui lui communique en quelques secondes une vitesse voisine de Mach 3. Un combustible de croisière à combustion plus lente entretient cette vitesse pendant la durée du vol.
Il existe en deux versions : l’une téléguidée, c’est le Masurca Mod. 2 ; l’autre autoguidée, c’est le Masurca Mod. 3. Dans la première, le missile suit une trajectoire d’alignement ; la loi de guidage consiste donc à amener et à maintenir le missile sur la droite « lanceur-but ». Les écarts but/missile mesurés par le radar de guidage, sont transformés par un calculateur en ordre d’accélération, envoyés au missile par une liaison de télécommande. Dans sa version Mod. 3, le missile suit une trajectoire de « navigation proportionnelle » en conservant l’antenne de son autodirecteur pointée sur le but « éclairé » par l’illuminateur du bâtiment lanceur.
Le système Masurca comprend :
• un ensemble de désignation d’objectif et d’affectation des armes. Cet équipement, comportant un calculateur arithmétique, travaille avec les moyens de détection du bord et notamment sur les FLE avec le radar volumétrique à très grande portée DRBI.21 qui équipe ces bâtiments et avec le système automatique de traitement des informations tactiques SENIT qui établit la situation générale dans la zone des opérations ;
• deux groupements de guidage comprenant chacun :
– un radar de poursuite et de guidage DRBR51,
– un télépointeur portant les antennes du radar, de la télécommande et de l’illuminateur,
– un émetteur de télécommande pour les missiles téléguidés,
– un illuminateur pour les missiles autoguidés,
– une rampe double de lancement,
– des installations de stockage et manutention,
– des installations de vérification et de contrôle.
Ce système qui est installé sur les frégates Suffren et Duquesne équipera également le Colbert actuellement en grande refonte. ♦
(1) Il s’agit des autorisations d’engagements de dépenses (Total Obligationnal Authorities ou TOA) demandés par l’Administration et reportables sur les exercices suivants.