Défense dans le monde - États-Unis : rapport annuel du Secrétaire à la défense - Portugal : budget de défense 1971 - Yougoslavie : budget de défense - URSS : commentaires du maréchal Gretchko sur la politique de défense
États-Unis : rapport annuel du secrétaire à la Défense
M. Laird, secrétaire à la Défense, a présenté le 9 mars 1971 son rapport annuel devant la Commission sénatoriale des forces armées. Complément logique à la publication, fin janvier, du budget fédéral proposé pour l’exercice 1971-1972 et à l’exposé fait par le président Nixon, le 26 février 1971, de son programme de politique étrangère pour les années à venir, ce rapport définit la politique militaire américaine pour la période 1972-1976 et, de façon plus précise, pour l’année budgétaire 1971-1972. M. Laird a essentiellement traité des fondements de la politique militaire américaine, de la menace à la sécurité des États-Unis et des autres pays du monde libre et de la parade que les États-Unis entendent y apporter avec leurs différents systèmes de forces.
Les objectifs fondamentaux de la politique étrangère des États-Unis sont l’instauration d’une paix mondiale durable et la sauvegarde de la liberté. La réalisation de ces objectifs est à rechercher par une stratégie nationale de « dissuasion réaliste » associée à une politique étrangère de négociation active. Il s’ensuit que les actions à mener respectivement par le Département de la Défense et le Département d’État se doivent d’être interdépendantes.
Les trois piliers de cet édifice sont l’association, la force et la négociation. Mais la solidité de ces trois piliers implique la réalisation de certaines conditions :
– L’association ne sera efficace que si la cohésion règne (cas de l’Otan), si le fardeau est équitablement partagé entre les alliés, et si des pactes d’assistance ou de coopération régionale sont conclus en temps utile.
– La force ne conservera une crédibilité suffisante que si l’effort de recherche est soutenu, les réserves valorisées et la mobilité accrue.
– La négociation doit porter sur des domaines aussi divers que les relations bilatérales des superpuissances, les alliances régionales, la limitation des armements, les conflits entre tierces puissances et les problèmes d’intérêt régional.
La stratégie de « dissuasion réaliste » est essentiellement la responsabilité du Département de la Défense. Elle est d’abord globale. Elle vise en effet à prévenir ou contenir les conflits armés à tous les niveaux et en n’importe quelle région du monde. De plus, M. Laird estime que, pour mener cette stratégie, il convient d’adopter une approche globale dans l’estimation et l’application des moyens de défense (1). Ce concept consiste à prendre en considération non seulement ce qui est propre aux États-Unis mais également toutes les ressources, humaines, économiques et militaires, existant chez les alliés et venant suppléer ou compléter les moyens nationaux américains, à harmoniser cet ensemble, puis à l’opposer de manière cohérente à la menace (2). Cette stratégie se veut également réaliste car elle entend se fonder sur une vision lucide des menaces à la paix du monde, elle estime nécessaire le maintien de la puissance militaire du monde libre et rejette tout affaiblissement consenti unilatéralement, et enfin elle tient compte des réalités stratégiques, budgétaires, sociales et politiques.
Pour mener à bien cette stratégie, et compte tenu des changements intervenus dans le monde depuis quelques années, M. Laird pense que la politique militaire des États-Unis pour la période 1970-1980 doit obéir à trois principes fondamentaux :
– Les États-Unis doivent conserver une capacité nucléaire stratégique « suffisante » (3), car elle est la clé de voûte de la dissuasion nucléaire du monde libre.
– Le développement ou le maintien de forces armées réellement efficaces au sein du monde libre est indispensable pour limiter la probabilité d’emploi des forces nucléaires stratégiques en cas d’échec de la dissuasion.
– Il convient d’encourager la formation, entre les amis ou alliés des États-Unis, d’accords de sécurité régionaux en vue de renforcer leurs capacités d’autodéfense et de les y aider par un programme d’assistance militaire internationale.
M. Laird procède ensuite à une évaluation de la menace. La menace nucléaire est d’abord examinée globalement. Puis s’agissant de la menace conventionnelle, le rapport étudie la situation en Europe, au Moyen-Orient et en Extrême-Orient. Enfin l’assistance militaire communiste et la menace technologique font l’objet d’une courte étude.
La menace nucléaire soviétique est toujours considérée comme très sérieuse. L’URSS a développé sa force d’ICBM (Missiles balistiques intercontinentaux) à un rythme rapide durant les cinq dernières années et disposait, fin 1970, de quelque 1 440 lanceurs opérationnels. Il semble cependant que le rythme de construction des silos ait subi un ralentissement pendant l’année écoulée. Mais il est probable qu’à la mi-1972 les forces nucléaires soviétiques disposeront de plus de 1 500 ICBM opérationnels. Parallèlement, l’amélioration qualitative des engins se poursuivra (précision accrue, têtes de rentrée multiples). Mais l’effort des Soviétiques semble porter sur les sous-marins [nucléaires] lanceurs d’engins (SNLE). Actuellement, au moins 17 sous-marins de la classe Y sont opérationnels, armés chacun de 16 missiles d’une portée de 1 300 nautiques. En outre 15 autres sous-marins peut-être même plus, sont en cours de construction. Au rythme actuel de production de 7 à 8 SNLE par an, l’URSS disposera donc en 1974 d’une force comparable à l’actuelle flotte américaine de sous-marins Polaris. En ce qui concerne les bombardiers stratégiques, la tendance est à la diminution. La flotte aérienne soviétique comprend environ 200 bombardiers lourds (dont 50 ont été aménagés en ravitailleurs), qui devraient être remplacés dans l’avenir par un bombardier intercontinental à géométrie variable, encore au stade du développement. En plus de ces forces nucléaires stratégiques, il convient de citer la force d’IRBM (Missiles balistiques à portée intermédiaire) et de MRBM pointés sur l’Europe et les 1 100 bombardiers moyens (700 pour l’aviation, 400 pour l’aéronavale), également à capacité nucléaire et capables d’atteindre les États-Unis en une mission sans retour.
Dans le domaine défensif, l’URSS dispose d’environ 10 000 engins SAM (missiles antiaériens) et de plus de 3 000 intercepteurs pour sa défense aérienne et de quatre sites ABM (missiles anti-balistiques) opérationnels autour de Moscou (4).
En ce qui concerne la Chine, le rapport constate les progrès récents de ce pays dans le domaine nucléaire stratégique. Après le lancement d’un premier satellite en avril 1970, les Chinois pourraient avoir procédé à l’essai en vol d’un ICBM à la fin de l’année passée. Vers 1975, ils pourraient disposer d’une force de 10 à 25 missiles opérationnels. Il se peut également que la Chine ait déployé quelque MRBM. Mais l’effort semble s’être déplacé en 1970 des MRBM vers les IRBM.
Ces derniers pourraient devenir opérationnels en 1972-1973.
La menace présentée par les forces de manœuvre adverses est, elle aussi, préoccupante.
Sur le continent eurasiatique, les forces terrestres de l’Union soviétique et des autres pays du Pacte de Varsovie disposent de 3 millions d’hommes sous les armes, soit 220 divisions au total, dont 160 soviétiques. L’aviation tactique se compose de plus de 4 500 appareils, dont la moitié est capable d’emporter des armes nucléaires. Dans le domaine naval, l’effort soviétique observé ces dernières années se poursuit. En particulier, la flotte sous-marine d’attaque soviétique comprendrait actuellement 350 bâtiments, dont 87 à propulsion nucléaire, soit 50 sous-marins de plus que ce qui était escompté par M. Laird pour 1971. Enfin, la mobilité aérienne soviétique s’est accrue avec la mise en service de l’avion-cargo An-22 Cock (5).
Mais la situation au Moyen-Orient constitue également un souci très important pour les États-Unis aux yeux de M. Laird, qui reprend ainsi les idées exprimées par le président Nixon dans son rapport de politique étrangère du 25 février 1971. Le conflit arabo-israélien risque en effet d’entraîner les États-Unis et l’Union soviétique dans un affrontement difficile à contrôler.
En Asie, la menace pour les États-Unis vient de trois pays : la Chine communiste, la Corée du Nord et le Nord-Vietnam. La Chine est évidemment l’adversaire potentiel le plus dangereux, avec ses 2,5 M d’hommes sous les drapeaux, ses 140 divisions, ses 3 500 avions tactiques, ses 850 navires de surface et ses 40 sous-marins d’attaque. Ces forces seraient capables de mener des opérations offensives importantes dans quatre régions non-communistes : Corée du Sud, Formose, Asie du Sud-Est et Inde. En fait, l’élongation et la vulnérabilité des lignes de communication en cas de conflit limitent les possibilités d’intervention chinoises sur plus d’un de ces fronts.
La Corée du Nord doit être regardée comme une menace moindre, mais ses forces (360 000 h, 25 divisions, 550 avions tactiques et 150 bâtiments de surface) doivent être prises en considération, car elles sont bien équipées et bien entraînées. Cependant toute action offensive engagée par ce pays nécessiterait un soutien considérable en matériel et peut-être en personnel de la part de ses alliés communistes.
Le Nord-Vietnam diffère des deux pays précédemment étudiés car une partie de ses forces est engagée actuellement dans le combat. M. Laird évalue son potentiel à 315 000 h, 15 divisions, plus de 200 intercepteurs et chasseurs-bombardiers et 40 bateaux. À ces chiffres qui concernent les forces stationnées au nord du 17e parallèle, il faut ajouter les 440 000 Nord-Vietnamiens, Viet-Congs, Khmers rouges et Pathet-Laos opérant au Sud-Vietnam, au Cambodge et au Laos.
L’assistance militaire communiste constitue un autre aspect de la menace qui pèse sur la sécurité des États-Unis et du monde libre. Au sein même du monde communiste, elle est estimée à 15 milliards de dollars pour la période 1955-1970, dont plus de 85 % auraient été fournis par l’Union soviétique ; le Nord-Vietnam et la Corée du Nord ont été les principaux bénéficiaires de cette aide. Mais une assistance militaire a été également fournie à des pays n’appartenant pas au monde communiste. Le montant de cette aide est évalué à environ 8 Md $ pour la période 1955-1970, dont également plus de 85 % en provenance de l’Union soviétique, le reste étant fourni par l’Europe de l’Est (12 %) et la Chine (2 %). Les principaux bénéficiaires de cette aide ont été les pays du Moyen-Orient (55 %).
La menace technologique est également préoccupante. Depuis 1968, le budget soviétique de recherche et développement s’est accru de 10 à 13 % par an alors que le budget américain restait constant dans ce domaine. Au rythme actuel, le retard technologique de l’Union soviétique vis-à-vis des États-Unis pourrait ainsi se trouver comblé au cours de la période 1975-1980. De plus, le caractère fermé de la société communiste ne met pas les États-Unis à l’abri de la surprise dans ce domaine et l’effort soviétique mérite d’être surveillé avec attention.
La parade américaine repose sur un ensemble de forces toutes destinées à dissuader un ennemi potentiel : forces nucléaires stratégiques, forces nucléaires dites de théâtre et forces conventionnelles de théâtre.
Contre la menace nucléaire, M. Laird, admettant comme souverain le principe de « suffisance », fixe les objectifs suivants aux forces stratégiques :
– maintenir une capacité de seconde frappe afin de dissuader tout agresseur d’une attaque-surprise sur les forces stratégiques,
– ne fournir aucune raison à l’URSS de frapper en premier en cas de crise,
– empêcher l’URSS d’obtenir la capacité de causer des destructions urbaines ou industrielles supérieures à celles que les États-Unis pourraient leur infliger dans une guerre nucléaire,
– fournir une protection contre les menaces résultant d’attaques mineures ou de lancements accidentels.
Pour atteindre ces objectifs, les efforts devront viser à :
– entretenir une force de riposte sûre, l’accent étant mis sur la réduction de sa vulnérabilité et son aptitude à pénétrer les défenses ennemies,
– mettre en place les moyens de reconnaissance et d’alerte éloignée nécessaires pour réduire au minimum les risques de surprise,
– doter le pays d’une défense aérienne et antimissile appropriée,
– assurer une mise en œuvre et un contrôle sûrs et efficaces de ces forces.
Pendant l’exercice budgétaire 1972, et en l’état actuel des conversations SALT (limitation des armes stratégiques), les forces stratégiques américaines resteront stables sur le plan quantitatif, à l’exception de la dissolution de trois escadrons de bombardiers Boeing B-52 Stratofortress, mais seront améliorées sur le plan qualitatif.
Les forces stratégiques offensives comprendront donc au 30 juin 1972, 206 escadrons de missiles sol-sol (1 000 Minuteman et 54 Titan), 30 escadrons de bombardement (450 B-52 et 71 General Dynamics FB-111 Aardvark) et 41 SNLE (656 Polaris et Poseidon). Les améliorations qualitatives comprennent le remplacement des missiles Minuteman I par des Minuteman III équipés de têtes de rentrée multiples (MIRV) (6), la fabrication de missiles Poseidon (MIRV) et la conversion des SNLE destinés à les recevoir (7), et enfin, en ce qui concerne les bombardiers, la diminution de leur vulnérabilité au sol par la dispersion sur un plus grand nombre de bases, et l’amélioration de leurs capacités de pénétration. Enfin, M. Laird a demandé des crédits à long terme pour le développement du projet ULMS de sous-marin lanceur de missiles à longue portée (5 000 nautiques) et la mise au point du bombardier piloté stratégique Rockwell B-1 destiné à remplacer à la fin de la décennie le B-52.
En ce qui concerne la défense antimissile, le secrétaire à la Défense a révélé que le déploiement du système Safeguard serait poursuivi, pour de nombreuses raisons dont la moindre n’est pas de fournir aux États-Unis une meilleure position de marchandage aux pourparlers SALT. Le programme 1971-1972 prévoit la continuation des travaux aux deux premiers sites de Grand Forks (Dakota du Nord) et Malmstrom (Montana), le commencement des travaux à la base de Whiteman (Missouri) et des mesures préparatoires à l’installation d’un quatrième site, soit sur la base de Warren (Wyoming), soit dans la région de Washington (8). Selon les estimations de M. Laird, la mise en service du système Safeguard s’échelonnera de la façon suivante : le site de Grand Forks sera opérationnel en octobre 1974, celui de Malmstrom en mai 1975, celui de Whiteman au début de 1976, enfin celui de Warren ou de Washington en 1977.
Les forces nucléaires de théâtre se placent dans la panoplie de la dissuasion américaine entre les forces nucléaires stratégiques et les forces conventionnelles. Elles comprennent les missiles nucléaires tactiques, les avions Strike, l’artillerie atomique et les charges nucléaires de destruction (ADM). Leur emploi est toujours essentiel dans le cadre de la politique américaine de « riposte graduée » et des efforts seront faits pour améliorer leurs possibilités et leur fiabilité.
Face aux formes classiques de la menace, le secrétaire à la Défense prévoit que les forces d’emploi général devront être prêtes à affronter simultanément une attaque communiste d’envergure en Europe ou en Asie, à aider les alliés des États-Unis à faire face à des attaques non-chinoises en Asie, et enfin à s’opposer à un conflit limité dans n’importe quelle autre partie du monde.
Les forces terrestres (Armée de terre et Marine Corps) comprendront au 30 juin 1971 l’équivalent de 16 divisions 2/3 d’active, soit une diminution de 3 divisions 1/3 par rapport à juin 1970. M. Laird estime que les dissolutions d’unités entreprises depuis plus de deux ans sont maintenant achevées. Le nombre de divisions d’active restera donc inchangé pendant l’exercice 1971-1972. La composition des réserves demeure sans changement : 8 divisions de la National Guard, 1 du Marine Corps, et 21 brigades de l’Army Reserve. Par contre, les réductions de personnels d’active, portant essentiellement sur les services, continueront. C’est ainsi que les effectifs de l’armée de terre seront ramenés durant la période considérée de 1 107 000 h à 942 000 h (9).
En ce qui concerne les matériels terrestres, l’exercice 1971-1972 verra la fabrication en série du missile sol-sol Lance destiné à remplacer le Honest John et le Sergeant. La production des matériels sol-air Vulcan-Chaparral, des missiles antichars TOW et Dragon et du char léger Sheridan se poursuivra. Tous ces matériels sont destinés dans un premier temps aux unités américaines stationnées en Europe. Enfin, la mise au point du char XM803 [NDLR 2021 : version simplifiée du MBT-70] et de l’hélicoptère Lockheed AH-56 Cheyenne se poursuivra.
L’aviation tactique d’active disposera au 30 juin 1972 d’environ 4 000 chasseurs-bombardiers, soit une diminution de 600 appareils par rapport au chiffre actuel. Ces avions seront répartis en 21 escadrons de l’armée de l’air, 11 de l’aéronavale et 3 du Corps des Marines. Dans le même temps, les réserves et la Garde nationale se verront dotées de matériels plus modernes.
Les achats de matériels aériens porteront essentiellement sur l’avion d’interdiction LTV A-7D Corsair II qui équipera trois escadres de l’US Air Force en 1972. Par ailleurs, les travaux sur l’avion d’appui rapproché et de lutte antiguérilla A-X (10), le chasseur de supériorité aérienne McDonnell Douglas F-15 Eagle et le chasseur embarqué Grumman F-14 Tomcat seront poursuivis.
La Marine comptera au 30 juin 1972 : 16 porte-avions, 93 sous-marins d’attaque, quelque 230 bâtiments de défense aérienne et de lutte ASM (anti-sous-marine), 75 bateaux amphibies et 98 transports de troupes, cargos et pétroliers.
Dans le cadre du programme de modernisation de la flotte, le budget prévoit 19 constructions neuves (11), ainsi que la conversion de 9 bâtiments (12). Aucun crédit n’a été demandé pour la construction du 4e porte-avions à propulsion nucléaire (CVAN-70). Cependant, une telle demande pourrait être présentée dans le budget 1973 ou 1974 ou, si les circonstances le nécessitaient, par amendement au budget 1972. Actuellement, seul le 1er, l’Enterprise, est en service. Le 2e, le Nimitz, ne rejoindra vraisemblablement pas la flotte avant 1973, au lieu de 1972. Ce retard se répercutera sur la livraison du 3e, l’Eisenhower, qui ne devrait pas être terminé avant 1975, et sur celle du CVAN-70, qui, s’il est construit, ne rallierait la flotte que vers 1977 ou même plus tard.
Les forces de transport aéromaritime joueront un rôle de plus en plus important dans la stratégie globale des États-Unis. Les retraits de troupes américaines d’Asie et peut-être d’Europe nécessiteront une grande mobilité stratégique pour parer rapidement à toute menace de conflit dans n’importe quelle région du monde. Les possibilités du Military Airlift Command (MAC), composante aérienne des forces de transport stratégique, ont été grandement améliorées par la mise en service de l’avion-cargo géant Lockheed C-5A Galaxy. Au 30 juin 1972, la flotte du MAC comprendra 4 escadrons de C-5A (65 appareils) et 15 escadrons de Lockheed C-141 Starlifter (275 appareils), auxquels il faut ajouter les 21 escadrons de transport tactique et les 330 appareils commerciaux de la flotte civile de réserve (13). Cependant, dans son ensemble, le transport aéromaritime est encore jugé inadéquat en raison de l’insuffisance et du caractère inadapté de sa composante maritime.
La politique militaire définie par M. Laird en 1970 indiquait la transition des États-Unis de l’ère de la confrontation à celle de la négociation, objectif du président Nixon pour les années 1970. L’ouverture des négociations SALT, la politique de vietnamisation et les retraits de troupes américaines d’Asie, la réduction des effectifs militaires, la diminution du recours à la conscription ont déjà constitué les premières étapes sur cette voie vers la paix. Dans son rapport de 1971, M. Laird annonce que le gouvernement américain poursuivra ses efforts pour se rapprocher de ce but. Mais la sécurité des États-Unis, et par voie de conséquence des autres pays du monde libre, n’en sera pas négligée pour autant. Les forces nucléaires stratégiques resteront au niveau de « suffisance » nécessaire pour dissuader toute attaque adverse et un effort soutenu de recherche sera poursuivi par les États-Unis afin de maintenir l’avance technologique acquise et conserver ainsi la liberté de choisir les options les plus avantageuses en cas de nécessité.
Portugal : le budget de défense 1971
La politique du président Caetano accordant, comme celle de son prédécesseur Salazar, une priorité absolue à la défense de l’outre-mer, le budget de défense du Portugal reste en valeur relative le plus important que supporte un pays européen, puisqu’il représente depuis 1962, date du début des opérations du maintien de l’ordre dans les provinces d’outre-mer, environ 40 % du budget général (14). Ce budget général pour 1971 est équilibré : le montant des recettes totales est de 32 052 M d’escudos (15) et le montant des dépenses totales est de 32 049 M d’ESc. dont 10 755 M prévus pour la défense nationale.
L’élaboration du budget se fait en deux étapes. En premier lieu, les prévisions budgétaires sont votées par la Chambre. Elles comportent :
– d’une part, le budget ordinaire qui comporte pour la défense les crédits et dépenses d’entretien afférents à la section commune de la défense et aux trois Armées, à l’exception des forces stationnées outre-mer ;
– d’autre part, le budget extraordinaire qui traite des crédits et dépenses d’investissement relatifs aux grands programmes – c’est-à-dire pour le secteur civil tout ce qui entre dans le cadre du plan de développement et pour le secteur militaire les bases, programmes navals, participation Otan – ainsi que l’entretien et l’équipement des forces stationnées outre-mer.
En second lieu, dans le courant de l’année, des crédits additionnels permettent d’augmenter ces dépenses extraordinaires ; ce sont les forces stationnées outre-mer qui bénéficient de la majeure partie de ces crédits. Ainsi, durant ces dernières années, la réalisation du budget s’avérait supérieure de près de 30 % à la prévision initiale et le total exact des dépenses de l’année budgétaire ne put être connu avant la publication des comptes de la nation.
Le budget de défense ordinaire pour 1971 se monte à 3 732 M Esc. (soit 634 M de francs). La répartition pour chaque armée, reste pratiquement inchangée par rapport à 1970. L’augmentation des dépenses ordinaires est à peu près régulière, 8,1 % en 1971 contre 7 % en 1970, mais inférieure à l’accroissement du budget ordinaire général (10 %).
Le budget de défense extraordinaire s’élève à 7022,8 M d’Esc. (1 193 MF), soit une augmentation de 10,7 % par rapport à 1970.
Les variations suivantes sont à noter :
Le crédit de 1 000 M d’Esc. voté en 1970 pour le rééquipement des forces terrestres et aériennes d’outre-mer (notamment pour l’achat de Sud-Aviation SA316 Alouette III et de SA330 Puma) passe à 1 617 M.
Les crédits affectés à la base aérienne de Beja semblent indiquer que l’activité opérationnelle au profit de la Luftwaffe pourrait y reprendre : le détachement d’une partie d’une escadre de transport est envisagé en 1971 [NDLR 2021 : construite pour servir de centre de formation pour la Luftwaffe, en raison des limitations dans l’espace aérien de la République fédérale d’Allemagne]. La RFA va, d’autre part, continuer à faire travailler l’établissement aéronautique d’Alverca dont l’extension des installations doit se poursuivre au même rythme qu’en 1970.
L’effort entrepris dans le programme d’équipement naval se ralentit légèrement du fait de la livraison en 1970 de 4 corvettes sur les 6 commandées. La RFA a fourni la 3e et dernière de la classe Joao Coutinho en octobre 1970, alors que l’Espagne n’a armé la première, la Augusto Castilho, que fin novembre.
L’ensemble du budget de défense se monte, pour l’instant à 10 755 M d’Esc. (soit 1 827 M F) ce qui représente un accroissement de 9,8 % par rapport à 1970. Le budget général augmentant de 11,6 %, la part relative du budget de défense se maintient aux environs de 33 %. Ce rapport n’a qu’une valeur indicative : en effet, en 1969, les crédits additionnels (2,5 Md d’Esc.) ont fait passer la part du budget de défense dans le budget général de 36 % à 42 %. Toutefois, si les crédits additionnels n’augmentent pas notablement comme il a été constaté depuis deux ans, la part des dépenses militaires dans le budget amorcera une diminution qui semble correspondre à l’effort très important entrepris pour l’éducation nationale et le plan de développement. D’autre part, pour diminuer la charge du budget métropolitain, une partie de ces crédits additionnels pourrait être transférée dans les budgets propres à chaque province d’outre-mer sous forme de dotations de participation aux opérations de lutte contre la rébellion, ce qui irait dans le sens de la plus grande autonomie administrative préconisée par M. Caetano.
Si par ce biais le gouvernement portugais espère sans doute tranquilliser l’opinion publique, extérieure comme intérieure, il n’en demeure pas moins que l’effort consenti pour la défense de l’outre-mer continue à peser lourdement sur l’économie nationale, qui, faute d’investissements productifs suffisants, ne peut atteindre le taux d’expansion souhaitable.
Yougoslavie : budget de défense
Comme cela avait été annoncé, le budget de la Défense nationale a subi quelques restrictions en raison des dispositions prises par le conseil exécutif fédéral en faveur du programme de stabilisation. Le budget militaire, qui devait primitivement s’élever à 9,144 Md de dinars, a été amputé de 300 M.
Le budget militaire sera donc pour l’année 1971 de 8,838 Md de dinars, non compris les revenus propres à l’APY, que l’on peut chiffrer à environ 400 M de dinars ; il représentera ainsi 5,5 % du PNB prévu pour 1971. L’accroissement des dépenses militaires de cette année par rapport à celles de 1970 serait de 10,8 %.
Pour compenser l’accroissement des charges dû à la dévaluation, le secrétariat de la Défense nationale envisage de réduire de 20 à 30 % les achats à l’extérieur et d’encourager la fabrication nationale de matériels militaires. Toutefois la part des matériels fabriqués à l’étranger restera encore considérable.
En outre, la Yougoslavie restera tributaire de l’étranger pour certaines techniques avancées. C’est ainsi que le général Simovic, adjoint au secrétaire d’État à la Défense pour l’aviation, effectuerait en juin prochain un voyage en Angleterre pour étudier avec la société Rolls-Royce les conditions d’une coopération pour la fabrication de réacteurs destinés au futur avion yougoslave d’appui au sol et d’entraînement.
URSS : commentaires du maréchal Gretchko sur la politique de défense
Au 24e Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS), les commentaires sur la politique de défense ont été faits par le ministre en exercice, le maréchal Gretchko, dans un discours ferme, mais sans relief. Il y a développé les thèmes habituels sur l’agressivité de l’impérialisme et le caractère défensif des activités militaires soviétiques : il a surtout insisté sur la parfaite entente entre le Parti et l’armée, et la pleine intégration des militaires au sein de la nation. Le Parti joue un rôle prépondérant aussi bien dans la formation technique et morale des personnels que dans la préparation de la base matérielle de la puissance militaire, c’est-à-dire la production d’armes et d’équipements perfectionnés. Le maréchal Gretchko apporte ainsi le témoignage de la satisfaction et de la reconnaissance de l’armée, après la mention faite par M. Kossyguine, Président du conseil des ministres de l’URSS, de l’effort de défense consenti par l’URSS, effort chiffré par le chef du gouvernement à 80 Md de roubles pendant les cinq années du 8e plan (16). Aussi, les militaires approuvent-ils entièrement la politique intérieure et extérieure du Parti et du gouvernement, et le ministre se félicite-t-il de la confiance totale accordée à l’armée.
La qualité de ses armements, la valeur de ses personnels la rendent redoutable pour un agresseur éventuel qui, pour toute atteinte portée aux frontières de l’URSS, ne manquera pas de recevoir « une riposte immédiate sur son propre territoire ». Cet avertissement est complété par l’affirmation de la vocation de cette armée à porter secours à tous ceux qui se battent pour la liberté et le socialisme, car elle est l’armée du prolétariat international. Sans cesse, elle resserre ses liens avec les forces des autres pays socialistes et d’abord avec les pays du Pacte de Varsovie. ♦
(1) « Total Force Planning Concept ».
(2) La « Vietnamisation » du conflit indochinois constitue une illustration d’actualité de l’application de ce principe.
(3) La « suffisance » des moyens est ici opposée aux notions antérieures de « supériorité », puis de « parité ». Cette suffisance est bien entendu définie par rapport à un objectif à atteindre.
(4) Le système ABM soviétique de protection de Moscou (ABM 1) se compose d’une ceinture de radars à longue portée du type Hen House, de radars d’acquisition et de poursuite du type Dog House et Try Add, et de 64 missiles Galosh (16 par site).
(5) L’AN-22 Cock peut transporter 46 tonnes avec un rayon d’action de 2 800 nautiques ou 175 soldats avec un rayon de 5 000 nautiques.
(6) Au total, 550 missiles Minuteman III seront mis en place au cours des années à venir.
(7) Le premier sous-marin Poseidon, le James Madison, est à la mer depuis le 31 mars.
(8) Le gouvernement américain n’a pas encore pris sa décision dans ce dernier cas, car il désire conserver le plus longtemps possible sa liberté de choix en fonction du déroulement des SALT et de l’évolution de la menace.
(9) L’effectif total des forces armées sera ramené, durant cette période, de 2 699 000 h à 2 505 000 h.
(10) Cet avion fait actuellement l’objet d’une compétition entre les firmes Northrop et Fairchild Hiller.
(11) 1 frégate nucléaire lance-missiles, 7 destroyers, 5 sous-marins d’attaque à propulsion nucléaire (SNA), 1 pétrolier, 3 bâtiments de sauvetage, 2 ravitailleurs de sous-marins.
(12) 2 frégates lance-missiles, 6 SSBN (conversion Poseidon), 1 bâtiment de recherche océanographique.
(13) « Civil Reserve Air Fleet » (CRAF).
(14) Pourcentage compris entre 40 et 45 %, suivant les années, pour l’ensemble des dépenses de défense et de sécurité, entre 35 et 40 % si l’on considère les seules dépenses militaires nationales (en excluant les dépenses des forces de police et celles qui sont remboursées par l’Otan).
(15) 1 escudo = 0,17 franc.
(16) Ce chiffre correspond exactement à l’addition des budgets « officiels » de défense de 1966 à 1970.