Défense dans le monde - États-Unis : réduction des forces américaines en Europe ; projet d'armée de métier - Japon : crédits militaires pour l'année 1971
États-Unis : réduction des forces américaines en Europe
Après une semaine de débats, le Sénat américain a rejeté à une forte majorité, le 20 mai 2021, une nouvelle proposition du sénateur Mansfield, chef de file de la majorité démocrate, en vue de réduire unilatéralement les effectifs des forces américaines en Europe. Les sénateurs ont aussi repoussé une série d’amendements qui reprenaient le projet du leader démocrate sous des formes diverses.
La proposition Mansfield n’est pas nouvelle. Elle fut présentée une première fois sans succès en 1966. M. Mansfield projetait de la déposer à nouveau en 1968 quand survint l’affaire tchécoslovaque. Il en différa alors la présentation jusqu’en décembre 1969 ; elle fut alors rejetée une fois encore.
Les arguments avancés par les tenants de la proposition ne peuvent manquer de trouver quelque résonance dans une partie de l’opinion lassée par une politique de défense collective dans laquelle les États-Unis, les seuls à remplir intégralement leur contrat, supportent les charges les plus lourdes. Parmi ces arguments, l’un des plus solides est d’ordre financier.
Selon M. Mansfield, les États-Unis ressentent de sérieuses difficultés pour faire face à des besoins intérieurs urgents et cette situation ne fera qu’empirer aussi longtemps que l’essentiel de leur effort sera tourné vers l’extérieur. Le sénateur constate que, sur 2 800 000 Américains sous les armes, plus de 800 000 sont encore stationnés hors du territoire métropolitain ; il souligne notamment l’importance et le coût de l’effort consenti au profit de l’Europe où servent 300 000 hommes auxquels il faut ajouter 15 000 employés civils et 250 000 membres des familles, sans oublier les forces basées aux États-Unis et hypothéquées pour le théâtre européen (113 000 h). Au total, si l’on comprend la 6e Flotte (Méditerranée), les frais d’entretien des troupes américaines prévues pour le théâtre européen s’élèvent, selon le Pentagone, à 14 milliards de dollars par an. Cet état de choses, rappelle M. Mansfield, influe directement, et depuis longtemps, sur la situation financière des États-Unis. En 1968, déjà, le représentant américain auprès du Conseil de l’Otan, en relevant l’importance des charges qui pesaient sur son pays, avait déclaré que les dépenses d’entretien des forces américaines en Europe constituaient l’une des principales causes du déficit de la balance américaine des paiements.
En outre, vingt-cinq ans après la Seconde Guerre mondiale, il est grand temps, pour M. Mansfield et ses partisans, que les alliés européens prennent à leur compte une part plus large de leur propre défense qu’ils sont maintenant à même d’assurer (1). Selon eux, une réduction substantielle des forces américaines en Europe ne compromettrait en rien la capacité des États-Unis d’honorer leurs engagements ; ils estiment que cette capacité serait tout aussi assurée par la présence de deux ou même une division que par celle des quatre actuelles.
La position de l’Administration, sur ce point, a été affirmée à plusieurs reprises depuis deux ans par le Président et ses principaux collaborateurs. Bien qu’elle souhaite une réduction des charges qui pèsent sur le pays, l’équipe actuelle est opposée à toute idée d’un retrait unilatéral dans les circonstances présentes. C’est ainsi qu’en 1970 les forces mises à la disposition de l’Otan avaient été déjà exclues du plan OPRED (Operation Reduction) lancé par M. Nixon et qui prévoyait pour cette date une réduction de 10 % des personnels américains stationnés à l’étranger. L’attitude du gouvernement américain n’a pas varié depuis. Les raisons exprimées à plusieurs reprises depuis la nouvelle initiative Mansfield sont à la fois d’ordre militaire, diplomatique et institutionnel.
En premier lieu, les Américains se sont engagés à maintenir le potentiel opérationnel de leurs forces en Europe jusqu’au 1er juillet 1972 en contrepartie d’un effort de défense accru de la part des alliés, la contribution supplémentaire des pays européens s’élevant à 900 millions de $ échelonnés sur une période de cinq ans. Toute décision en sens contraire constituerait une violation de cet accord conclu en décembre 1970, lors de la réunion à Bruxelles du Conseil ministériel de l’Otan, et mettrait la solidarité atlantique et l’efficacité de l’Alliance en danger. Cependant la décision américaine n’exclut pas que certaines réductions mineures, pouvant aller jusqu’à 20 000 h, puissent être réalisées sur les effectifs des services, sans que le potentiel militaire américain en Europe en soit affecté ; l’efficacité doit même être améliorée, selon M. Laird, par l’apport de matériels nouveaux.
M. Nixon estime de plus qu’un déséquilibre flagrant sur le plan des forces de théâtre serait une invite à l’attaque conventionnelle qui, d’emblée, conduirait à l’emploi des armements nucléaires pour compenser l’état d’infériorité allié. Pour lui, seule l’existence en nombre suffisant de forces d’emploi général sur le théâtre européen est de nature à éviter ce danger et à permettre le jeu de la « flexible response ». Telle est aussi l’opinion du Pentagone. Pour le général Andrew Goodpaster, commandant suprême allié en Europe (SACEUR), un retrait américain massif signifierait à plus ou moins longue échéance la désintégration de l’Otan ; l’amiral Moorer, président du Comité des Chefs d’état-major, a souligné, pour sa part, la nécessité de poursuivre vigoureusement le renforcement de l’Alliance « tant que des progrès significatifs n’auront pas été réalisés dans les négociations avec les Soviétiques ».
Sur le plan diplomatique, d’autre part, toute réduction unilatérale des forces américaines reviendrait à priver les États-Unis et l’Otan de leur meilleur atout au moment où M. Brejnev, secrétaire général du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique, faisant écho aux ouvertures faites par M. Nixon en début d’année (2), a proposé à son tour d’explorer les voies d’une réduction mutuelle et équilibrée des forces. Par contrecoup, elle risquerait de nuire à la position américaine dans les autres négociations en cours sur le Moyen-Orient, sur Berlin et sur la limitation des armements stratégiques. Ce point n’a pas échappé à l’opinion et la presque totalité de la presse, y compris les journaux d’opposition de la côte Est, souligne le danger de la proposition Mansfield.
Sur le plan du fonctionnement des institutions, enfin, le Président tient par-dessus tout à conserver à l’Exécutif ses prérogatives en matière de politique étrangère et de défense. Dès lors, on peut s’attendre à ce qu’il s’oppose fermement à toute initiative du Congrès qui lui retirerait ne serait-ce qu’une parcelle de son autorité dans ce domaine. Ainsi s’explique la manœuvre à grand spectacle, d’ailleurs couronnée de succès, qu’a entreprise M. Nixon pour contrer l’amendement Mansfield.
Néanmoins, la position de l’Administration n’est pas immuable ; il n’est pas inutile de rappeler que les forces américaines en Europe ont connu une déflation progressive de près de 120 000 h depuis 1961. D’autres réductions deviendront inévitables quand la situation le permettra sans mettre en danger la sécurité occidentale, et une étude sérieuse des textes américains montre que les États-Unis n’en font pas mystère. L’opposition actuelle du Pentagone à l’égard d’un désengagement partiel pourrait, par exemple, s’assouplir dès l’instant où les États-Unis posséderaient la mobilité stratégique nécessaire pour intervenir sans délais sur les théâtres extérieurs.
Par ailleurs, depuis ce qu’il est convenu d’appeler le « signal de Reykjavik » en juin 1968, où l’Otan avait proposé une discussion sur une Réduction mutuelle et équilibrée des forces (MBFR) des deux Alliances, les États-Unis se sont penchés avec attention sur ce problème que M. Nixon a considéré dans son rapport de politique étrangère comme l’un des points « les plus prometteurs du dialogue Est-Ouest ». Cependant le Président ne cache pas la difficulté de négociations sur ce sujet en raison du caractère multilatéral des forces de l’Otan et du Pacte de Varsovie, des différences dans le domaine des effectifs, de l’équipement et de l’organisation et surtout du déséquilibre dans les délais de mobilisation et de concentration des forces en cas de tension. Aussi a-t-il ordonné dès l’an dernier que les travaux préliminaires entrepris par l’Otan sur les réductions de forces soient complétés par une étude américaine approfondie. Comme première conclusion, les États-Unis suggèrent que la procédure suivie lors des SALT (négociations sur la limitation des armes stratégiques) serve de modèle pour les discussions qui pourraient éventuellement s’ouvrir.
Ainsi doit-on considérer, et M. Rogers (secrétaire d’État des États-Unis) l’a encore confirmé récemment, que « la réduction mutuelle et équilibrée des forces en présence en Europe est un objectif du gouvernement américain ». Il est, de plus, difficile, comme certaines informations n’ont pas hésité à le faire, de présenter la proposition Brejnev, restée d’ailleurs fort vague, comme une initiative soviétique. Quoi qu’il en soit, il paraît inévitable qu’à plus ou moins long terme, sauf aggravation des relations américano-soviétiques, les forces américaines en Europe soient réduites au niveau suffisant pour rendre la discussion crédible. Les Américains, cependant, sont conscients des risques d’une action précipitée et unilatérale et ne prendront sans doute aucune mesure qui pourrait présenter un danger pour la sécurité de l’Alliance.
Le projet « Armée de métier »
L’objectif de l’Administration Nixon, réaffirmé à plusieurs reprises depuis le début de l’année, est la suppression de la conscription le 1er juillet 1973, assortie de la mise sur pied d’une armée entièrement composée de volontaires (« All-Volunteer Force »).
L’idée d’une armée de métier n’est pas nouvelle aux États-Unis. De 1946 à 1948 notamment, le Département de la Défense (DoD) s’était efforcé d’attirer sous les drapeaux un certain nombre de volontaires afin de combler les vides créés par une démobilisation hâtive et massive. Son appel ne fut pas entendu et les forces années ont continué jusqu’ici à recevoir leur contingent annuel de conscrits. M. Nixon, toutefois, reprit cette idée lors de sa campagne électorale et en confia l’étude à une commission d’experts peu après son arrivée au pouvoir. La Commission Gates conclut le 20 février 1970 que l’armée de métier était souhaitable et réalisable dans un avenir proche, sans accroissement exagéré des dépenses militaires. Mais la date du 1er juillet 1971, initialement avancée pour la suppression de la conscription, s’avéra trop optimiste et dut être reportée de deux ans.
La raison invoquée pour la réalisation de cette importante réforme est que le désengagement américain dans le monde, et notamment en Asie, permet actuellement le retour progressif à une armée du temps de paix aux effectifs réduits. En conséquence, la conscription, jusqu’ici indispensable, perd sa raison d’être.
Mais le passage du système de la conscription à celui de l’armée de métier présente un certain nombre de difficultés dont M. Laird, secrétaire à la Défense, a pleinement conscience.
Sur un plan général, le succès de cette réforme est conditionné par le passage de l’ère de la confrontation à celle de la négociation. Il dépend en outre des résultats de la vietnamisation et de la participation accrue des alliés des États-Unis à l’effort de défense commun.
Sur le plan intérieur, il suppose l’accord du Congrès au projet de modernisation des Armées ainsi qu’à l’adjonction éventuelle d’unités de la Garde nationale et des réserves aux forces d’active, projet que propose le président Nixon. Enfin, l’armée de métier ne deviendra une réalité que s’il se présente un nombre de volontaires permettant de compenser l’apport actuel de la conscription.
À cet égard, la situation ne laisse pas d’être préoccupante.
Entre le 30 juin 1969 et le 30 juin 1972, le nombre des personnels militaires aura diminué de 1 042 000 h. À cette date, les forces armées américaines compteront 2 505 000 h, soit moins qu’à aucun moment depuis 1961.
Concurremment, les effectifs de la conscription marquent un fléchissement constant depuis 1966 où ils atteignirent 364 860 h. Ils ne s’élevaient qu’à 163 500 h en 1970 et le Sénat a récemment fixé leur plafond à 270 000 h pour l’ensemble des deux prochaines années (3).
Les besoins en volontaires au cours de l’exercice 1971-1972 ont été évalués à 588 000 h du rang représentant environ le quart des Américains atteignant l’âge de 19 ans. Or, le nombre des engagés ne s’est élevé qu’à 388 000 en 1970 et l’enquête menée à leur sujet a permis d’établir que la moitié d’entre eux seulement pouvaient être considérés comme de « vrais volontaires », les autres n’ayant devancé l’appel qu’en raison de l’existence de la loi sur la conscription (4). En admettant qu’un nombre égal d’engagés se présente du 30 juin 1971 au 30 juin 1972, il subsistera un déficit d’environ 384 000 hommes qu’il s’agit de combler. Par ailleurs, la situation est aussi sérieuse en ce qui concerne les officiers de réserve provenant du ROTC (Reserve Officiers Training Corps), qui fournit en temps normal six fois plus d’officiers que les écoles spéciales militaires. Or, de 1968 à 1971, le nombre des étudiants inscrits au ROTC est tombé de 218 466 à 114 500.
Cet important problème des effectifs de la future armée de métier a été étudié par les services du DoD et par les spécialistes du Pentagone qui ont préconisé un certain nombre de mesures d’ordre matériel et moral permettant de le résoudre. Ces mesures concernent également la Garde nationale et la « Ready Reserve », forces opérationnelles d’appoint dont le rôle sera important au cours de la délicate période de transition. En effet, si le nombre des officiers de ces deux corps est considéré comme suffisant, il en va différemment de celui des hommes du rang dont le recrutement est susceptible de se tarir lors de la suppression de la conscription.
Sur le plan matériel, il s’agit principalement de relever les soldes et de pratiquer une politique du logement plus adaptée à la situation particulière des militaires de carrière.
La solde actuellement perçue par un jeune engagé ayant terminé sa formation commune de base s’élève à 1 800 $ par an. Bien que confortable selon les normes européennes, cette solde est nettement inférieure à celles qui sont pratiquées dans l’Administration où l’employé fédéral en début de carrière reçoit un salaire annuel minimum de 3 300 $, et elle apparaît dérisoire par rapport aux 9 500 $ qui constituent le traitement initial d’un policier de New York. Conscient de cette disparité, le DoD a proposé une augmentation de 50 % de la solde des jeunes engagés ainsi que l’attribution d’une prime d’engagement dont le montant n’a pas été révélé. Des augmentations de solde de l’ordre de 36 % seront également consenties aux autres militaires ayant moins de deux ans de service. Par ailleurs, les agents du service de recrutement, dont le rôle est particulièrement important en ce qui concerne les engagements volontaires, seront mieux rémunérés et mieux logés que par le passé. Il est même proposé au Congrès de rembourser les dépenses diverses qu’ils sont amenés à faire à l’occasion de leur service.
En ce qui concerne le recrutement des jeunes officiers, M. Laird propose un nouveau programme susceptible d’accroître progressivement les candidatures au ROTC. Ce programme, qui entraînerait une dépense de 230 M$ en cinq ans (5), permettrait de recruter 27 819 officiers supplémentaires au cours de cette période. Ses principales dispositions consistent à augmenter le nombre des bourses consenties au ROTC, qui atteindraient 10 % du total des officiers en service dans chaque armée, et de porter de 50 à 100 $ la prime de subsistance accordée aux étudiants qui suivent les cours de préparation militaire. Ainsi peut être conjurée, selon M. Laird, la crise des officiers fournis par le ROTC qui, si rien n’était fait, atteindrait un point critique pendant l’exercice 1973-1974, c’est-à-dire précisément au moment où la conscription n’aura plus cours.
Enfin, dans le domaine du logement, le secrétaire à la Défense a soumis à l’approbation du Congrès un vaste projet de constructions et d’aménagement des locaux existants échelonné sur trois ans, qui permettrait d’héberger convenablement 450 000 engagés. Le nombre des nouveaux logements mis à la disposition des familles est passé de 2 000 en 1969 à 4 800 en 1970 et 8 000 pour le présent exercice. Cette année, M. Laird propose la construction de 9 684 logements, soit près de cinq fois plus qu’en 1969.
Mais si ces diverses dispositions d’ordre matériel sont certes importantes et indispensables, elles ne suffiront pas de toute évidence à susciter de nombreuses vocations. Il est impératif qu’elles soient accompagnées d’une revalorisation de la fonction militaire.
Sur le plan général, cela suppose un changement d’attitude de la nation américaine à l’égard de son armée et, suivant les propres termes de M. Laird, la reconnaissance du fait que le métier des armes constitue une « carrière digne ». La diffamation abusive des forces armées à laquelle se livrent impunément un certain nombre d’irresponsables fait obstacle au recrutement et au maintien en service du personnel militaire. Elle contribue à répandre un état d’esprit préjudiciable à la sécurité des États-Unis.
La dignité de la fonction a pour corollaire la dignité de l’homme et les nouveaux règlements de service intérieur visent à rendre la vie militaire plus attrayante sans transiger pour autant avec les principes de la discipline. Des mesures seront prises notamment pour faciliter la vie familiale des militaires, qui disposeront de plus de loisirs. À titre d’exemple, la Navy a décidé que ses porte-avions de la flotte de l’Atlantique ne passeront désormais que six mois à la mer par an, au lieu des huit ou neuf mois qui étaient la règle jusqu’ici.
Parallèlement, le DoD met l’accent sur la spécialisation technique des volontaires et accorde toutes facilités aux jeunes officiers et aux militaires désireux de développer leurs connaissances générales. Dans ce dernier domaine, des résultats encourageants ont été obtenus en 1970, année au cours de laquelle 100 000 jeunes engagés ont effectué des études secondaires, tandis que 200 000 officiers et militaires de tous grades fréquentaient les cours dispensés par les Universités. Quant à l’enseignement technique, son importance ne saurait être mise en question dans une armée hautement spécialisée, comme celle des États-Unis. Mais le commandement de l’armée de terre craint toutefois que l’intérêt qu’il présente pour des jeunes gens envisageant une reconversion ultérieure dans la vie civile ne joue au détriment des armes de combat telles que l’infanterie, l’arme blindée et l’artillerie, dont le recrutement s’avère déjà difficile. Le général Westmoreland, chef d’état-major de l’armée de terre, a déclaré en mai 1971 qu’il s’agit là d’un problème crucial et que des études sont en cours pour augmenter le prestige des armes de combat en accordant à leurs membres des avantages financiers et des satisfactions légitimes dans le domaine de l’avancement.
L’amélioration des relations interraciales et la lutte contre l’usage des stupéfiants figurent également parmi les préoccupations du DoD. En abordant ce sujet, M. Laird a toutefois tenu à préciser qu’il ne s’agissait pas de problèmes spécifiques aux seules forces armées, mais à la société américaine tout entière.
Un programme d’éducation interraciale a été récemment mis au point et sera appliqué au sein des différentes formations des forces armées. Concurremment, l’accession des Noirs au corps des officiers sera favorisée au maximum. À cet égard, un redressement de la situation est intervenu au cours des dernières années et on comptait, au 1er juillet 1970, 93 élèves-officiers noirs à l’Académie militaire, 53 à l’Académie navale et 75 à l’Académie de l’air, ce qui représente un pourcentage encore faible, mais le recrutement des officiers noirs sera poursuivi activement à partir des écoles spéciales militaires ainsi que du ROTC.
Enfin, la lutte contre l’usage des stupéfiants au sein des forces armées a déjà été engagée. Par le biais de stages d’officiers dans les universités, de séminaires dans les formations, de campagnes de prévention, de détection et de traitement des drogués, certains résultats encourageants ont été déjà obtenus. Mais il reste encore beaucoup à faire pour éliminer ce vice redoutable susceptible de saper à la longue le moral et, partant, la force de combat de l’armée américaine.
Dans son plaidoyer en faveur de l’armée de métier, M. Laird n’a pas caché que de nombreuses difficultés devront être surmontées pour atteindre l’objectif que le président Nixon et lui-même se sont fixé. Le succès de leur entreprise repose en effet sur un certain nombre d’inconnues. Le Congrès votera-t-il les crédits de 12 Md$ destinés au lancement de la « All-Volunteer Force » ? Les volontaires se présenteront-ils en nombre suffisant pour compenser l’apport actuel de la conscription ? La situation internationale permettra-t-elle d’assurer sans danger une transition particulièrement délicate ? C’est au fond le problème de la politique de la présente Administration qui sera posé à l’occasion du débat sur l’armée de métier, qu’il s’agisse de la politique intérieure ou des implications de la doctrine Nixon dans le domaine des relations internationales.
Quoi qu’il en soit, le secrétaire à la Défense considère cette réforme des forces armées américaines comme opportune et indispensable. Il est convaincu qu’une armée de métier moderne, monolithique et polyvalente, constitue le meilleur garant de cette « génération de paix » que M. Nixon promet au peuple américain. Le débat est désormais porté devant le Congrès qui devra se prononcer au cours des prochains mois. Dans le cas d’une réponse positive, la suppression de la conscription peut être envisagée pour le 1er juillet 1973, sous réserve toutefois qu’aucun incident grave ne vienne troubler la scène internationale au cours des prochains mois.
Japon : crédits militaires pour l’année 1971
Le Japon vient d’entrer, le 1er avril, dans la dernière année de son IIIe Plan de Défense. Pour cet exercice, les crédits militaires (670 902 M de yens sur un budget total de 9 414 315) s’inscrivent en augmentation de 17,9 % par rapport à 1970, ce qui correspond au maintien d’une part de 0,92 % du PNB (6). La ventilation de ces crédits fait apparaître une forte priorité pour l’armée de l’air (+ 24 % contre + 16 % à la marine et à l’armée de terre), consacrée aux achats d’aéronefs (107 535 M de yens sur 156 164), tandis que le poste « Recherche et Développement » est affecté, pour 25 %, à l’avion XT-2 (7).
Mais l’effort principal de M. Nakasone concerne la mise au point finale du IVe Plan, dont le projet a été présenté au gouvernement le 27 avril. Ce dernier texte, peu différent du plan de base publié en novembre 1970, reprend les hypothèses d’une absence de menace immédiate et d’une défense indépendante, basée sur un armement strictement conventionnel, pour faire face à des conflits localisés (8). Il met l’accent sur :
– la modernisation, technique et scientifique, des matériels pour élever la capacité offensive des forces, sans augmentation d’effectifs ;
– le développement de la recherche technologique, ainsi que de la production nationale des armements ;
– l’amélioration des moyens de communication, de contrôle, et de renseignement du Commandement ;
– le perfectionnement des programmes d’instruction et d’entraînement ;
– de nouvelles mesures d’encouragement au recrutement et un effort pour améliorer les conditions de vie et de moral des personnels actuels.
Sur le plan pratique, les charges résultant de la reprise des installations d’Okinawa, le volume des augmentations salariales indispensables, et l’absence de menace immédiate contre le Japon, vont surtout avoir pour conséquences l’abandon ou la réduction quantitative, ainsi qu’un étalement dans le temps, pour un certain nombre de matériels « sophistiqués », en raison de leurs prix de revient (abandon des avions « piquet-radar » et des missiles mer-mer à longue portée), ce qui limitera en définitive le potentiel militaire du Japon, vers la fin de la décennie, à un niveau encore assez modeste. De même que dans le domaine de l’économie, il semble bien qu’en matière d’armement, le Japon redécouvre progressivement les problèmes de l’Europe, et notamment le prix dont il faut payer une défense réellement indépendante. ♦
(1) Malgré les réductions importantes, durant ces deux dernières années, de leurs dépenses militaires, les États-Unis ont encore consacré, en 1970-1971, 7,5 % de leur PNB, à leur budget de défense alors que, pour la même année, cette proportion n’a été que de 5,5 % pour la Grande-Bretagne et qu’elle a été estimée à 3 % pour la RFA.
(2) Cf. rapport de politique étrangère de M. Nixon du 25 février 1971.
(3) Soit 130 000 h pour le prochain exercice et 140 000 h du 30 juin 1972 au 30 juin 1973. L’Administration avait proposé un total de 300 000 h pour les deux prochaines années.
(4) Les conscrits rejoignent surtout les formations combattantes de l’armée de terre, notamment celles qui sont engagées au Vietnam. Le devancement de l’appel permet par contre de choisir son affectation en métropole, ou sur tout autre théâtre d’opérations passif.
(5) Entre le 30 juin 1971 et le 30 juin 1976.
(6) 1 dollar US = 360 yens.
(7) Avion supersonique d’entraînement destiné à remplacer les North American F-86F Sabre.
(8) En outre, il tient compte d’une reprise de contrôle complète des bases stratégiques d’Okinawa.