L'auteur s'est attaché, depuis 1970, à l'étude des États limitrophes de l'URSS en Asie méridionale et de leurs relations avec l'Union soviétique, les États-Unis et la Chine. État-tampon qui, aux passes de Khaiber, commande la route de Samarkand vers l'Inde et l'océan Indien, l'Afghanistan a su profiter de la rivalité américano-soviétique pour se faire octroyer une aide économique russe importante pour le développement de son infrastructure, tandis que les Américains portaient leur effort sur la partie sud du pays. Les « routes de la coexistence pacifique » se sont ainsi rejointes cependant que l'Afghanistan modernisait ses institutions politiques.
Romans, récits de voyage et films ont souvent pris comme sujet ou décor les splendeurs montagneuses ou la vie altière des vieilles tribus de l’Afghanistan, mais celui-ci a beaucoup plus rarement fait l’objet d’études politiques. Privé de tout accès à la mer, ancien carrefour de caravanes, aujourd’hui encore relégué aux confins des pays dont on parle, l’U.R.S.S., la Chine, l’Inde ou le Pakistan, ce vaste territoire toujours privé de chemins de fer et longtemps démuni de routes, conserve pourtant une situation géopolitique que les grandes puissances ne mésestiment pas. La preuve en est dans les compétitions économiques qu’elles y pratiquent, non sans arrière-pensées politiques, dans un esprit excluant d’ailleurs jusque-là toute idée de guerre froide. Grâce aux interventions étrangères, l’économie de ce pays aride, où la sécheresse réduisait à 10 % la partie du sol utilisable, a fait un sérieux bond en avant, sans que toutefois soit profondément modifiée la structure sociale d’une population hétérogène, mais unanimement soumise à la loi de l’Islam.
Sous la pression de l’évolution économique, une « révolution silencieuse » a transformé sans graves à-coups en 1964 la monarchie absolue en régime constitutionnel. À ce pas vers l’occidentalisation, se relient étroitement certaines transformations spectaculaires dans les transports, qui influeront sur l’avenir du pays. Ainsi pour la première fois en janvier 1970 un lourd convoi commercial de camions soviétiques parti d’Asie russe a traversé l’Afghanistan grâce à des routes modernes, franchi le Pakistan et atteint Karachi, reliant ainsi directement l’Asie centrale au golfe d’Oman. L’Afghanistan retrouvait son rôle historique de carrefour. Mais cette double évolution s’est effectuée dans des conditions politiques et psychologiques sensiblement différentes de celles qui ont affecté les autres États asiatiques promus à l’indépendance.
État-tampon
Les Russes ont toujours considéré les passes de Khaïber, à l’est de l’Afghanistan, comme la porte de l’Inde, que les Anglais entendaient protéger. Au xixe siècle, la Russie et l’Angleterre avaient dès lors, par des traités successifs, admis de considérer l’Afghanistan comme un État-tampon. L’absence de voies de communication intérieures, la faible densité et la diversité des populations, la pauvreté économique du territoire, favorisaient un tel destin. Le gouvernement des Soviets ne modifia pas les conceptions du tsar. Dès 1919, Lénine reconnut l’indépendance de l’Afghanistan, mais sans chercher à diffuser dans le pays une propagande qui aurait pu heurter la Grande-Bretagne victorieuse. L’élimination en 1929 du roi Amanoullah, qui rêvait d’imiter Ataturk et à qui les tribus reprochaient un esprit trop réformateur, puis l’avènement d’une nouvelle dynastie, furent surtout des événements intérieurs. Pendant la dernière guerre, Russes et Britanniques intervinrent toutefois de concert pour faire entrer l’Afghanistan dans le camp des ennemis de l’Axe, afin d’en chasser les nombreux agents allemands et japonais, infiltrés dans le pays à des fins de propagande et d’espionnage.
État-tampon
L’implantation soviétique
Modernisation et coexistence
Une démocratisation octroyée
Le maintien de l’équilibre
Asie ; Afghanistan