Défense dans le monde - Grande-Bretagne : évolution des points de bue du Gouvernement en matière de défense - États-Unis : modernisation du transports aérien militaire et mobilité stratégique - L'aide militaire à l'étranger pour l'exercice 1971-1972
Grande-Bretagne : évolution des points de vue du gouvernement en matière de défense
Bien que l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun ne soit envisagée que pour l’année à venir et lorsque le Parlement aura, comme on l’espère, approuvé ce choix en octobre prochain, le déroulement positif des négociations entre Londres et les « Six » a attiré l’attention sur les implications de la position britannique actuelle dans le domaine de la défense.
Lors de la présentation du Livre blanc sur la Défense en février 1971, il était déjà apparu qu’une certaine évolution dans un sens européen tendait à se faire jour dans la pensée britannique. Trois ordres de motivations le déterminaient : d’une part, le caractère devenu global de la menace soviétique, d’autre part, les conséquences possibles des négociations sur la limitation des armements (SALT) et surtout la perspective d’un désengagement militaire américain d’Europe.
Aucune confirmation n’est venue en fait officialiser cette tendance. Cependant, un certain nombre de déclarations d’hommes politiques importants apparaissent intéressantes et significatives à cet égard, notamment celles de Sir Alec Douglas-Home, secrétaire d’État aux affaires étrangères, de Lord Balniel, ministre adjoint de la Défense et de M. Rippon, négociateur britannique auprès du Marché commun.
Sir Alec Douglas-Home exposait au cours d’une réunion publique que « l’éventualité d’un accord américano-russe pour la limitation des armements nucléaires oblige à repenser le problème de la sécurité européenne. Simultanément il est de plus en plus évident que les États-Unis ne peuvent pas supporter indéfiniment une part si lourde de cette sécurité. Voilà pourquoi il est vital, à long terme, que l’ensemble de l’Europe occidentale s’unisse. L’Europe devra prendre davantage de sa défense à sa charge et devra le faire en commun ».
Selon Lord Balniel, l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté devrait donner un élan nouveau à la coopération européenne en matière de défense.
Quant à M. Rippon, le négociateur britannique du Marché commun, il envisage, lui, la transformation de l’Union de l’Europe occidentale (UEO) :
« Il y aura, déclare-t-il, vraisemblablement double emploi à certains égards entre la Communauté et l’UEO. Sans préjuger de l’évolution des choses, je pense que cette dernière va dans les années qui viennent se concentrer moins sur la consultation proprement politique et davantage sur la fonction défense ». Mais, pour la Grande-Bretagne, il ne saurait y avoir dissociation de l’Alliance atlantique, et M. Rippon ajoute : « la défense européenne acquerra graduellement son identité propre, séparée des forces américaines mais groupée avec elles dans l’Alliance Atlantique ».
En ce qui concerne une éventuelle coopération nucléaire, l’opposition travailliste a tenté à plusieurs reprises d’embarrasser le gouvernement en l’accusant d’avoir conclu avec la France un accord secret. Ainsi, pouvait-on lire dans l’Observer de tendance travailliste : « quoique le problème de la coopération nucléaire franco-britannique ne risque de se poser qu’après l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun, Mr Heath [NDLR 2021 : Premier ministre] n’a certainement pas répudié sa conviction selon laquelle c’est de cela dont l’Europe a besoin. »
Prenant la parole au nom du gouvernement, Lord Balniel, devant le Parlement, n’a pas apporté un démenti formel à ces allégations : « notre négociation pour l’entrée dans le Marché commun ne comporte pas de disposition de cette nature. Il serait toutefois erroné d’éliminer la possibilité de quelque coopération nucléaire franco-anglaise. Ceci n’est pas en discussion pour le moment ».
Dans le domaine de l’enseignement militaire supérieur, un colloque s’est ouvert à Londres, en juin 1971, entre le Centre des hautes études militaires (CHEM) et son homologue le Royal College of Defence Studies (1). À cette occasion, le Secrétaire d’État à la Royal Air Force, délégué par Lord Carrington, déclarait : « C’est aujourd’hui la première fois que le RCDS participe à un colloque avec un organisme similaire étranger. Je crois aussi que c’est la première visite du CHEM ici. Ainsi, voilà une occasion historique à plus d’un sens, du fait en particulier que nous, à Londres, attachons une importance spéciale au renforcement de notre entente avec Paris et la France. »
Il ne s’agit là, évidemment que de déclarations d’intention et, sans doute, les obstacles sont loin d’être levés sur cette route. Il est nécessaire d’amener le peuple britannique à renoncer à son opposition à une association européenne si contraire à son caractère profondément insulaire. Mais on peut penser que dans un avenir sans doute encore lointain une forme de coopération pourra se faire jour dans laquelle les problèmes de défense auront leur large part.
États-Unis
Modernisation du transport aérien militaire et mobilité stratégique
La réorganisation du transport aérien militaire en 1966 (2) a coïncidé avec la mise en service sur une grande échelle du quadriréacteur de transport lourd Lockheed C-141 Starlifter et le début du développement d’un avion géant, le Lockheed C-5A Galaxy, entré en service à la fin de 1969.
C’est sur ces deux avions et le navire FDL (Fast Deployment Logistic) que le Pentagone fondait le concept d’une mobilité stratégique aux dimensions nouvelles. Les 280 C-141 et 120 C-5A de la flotte aérienne de transport devaient permettre aux forces armées regroupées aux États-Unis d’intervenir rapidement et puissamment en tout endroit du monde où éclaterait un conflit ; la grosse logistique suivrait grâce aux Fast Deployment Logistic Ships si le conflit venait à se prolonger.
Mais dès la fin de 1969, le Congrès à la recherche d’économies retardait puis arrêtait le développement du FDL tandis que les dépassements de coût de l’avion C-5A obligeaient l’US Air Force à réduire les commandes à 81 appareils de ce type. Ces mesures risquent d’avoir de sérieuses répercussions sur les opérations militaires futures. Très récemment un bilan des possibilités du transport aérien vient d’être fait par l’USAF et les commandements militaires ont été particulièrement déçus par ses conclusions : ils devront en temps de guerre réduire leurs besoins logistiques tant au plan stratégique qu’au plan tactique.
Le transport stratégique
L’accroissement de la capacité de transport stratégique du MAC a déjà été très sensible lors de la mise en service du C-141 Starlifter qui peut transporter 30 tonnes de fret à 5 000 km et 15 t à 8 000 km. Le C-5A devait permettre un nouveau bond. Capable de transporter 90 t à 5 000 km et 35 t à 10 000 km, doté d’une soute acceptant tous les matériels en service dans l’armée de terre américaine, à l’exception de l’hélicoptère-grue C-54 Skycrane, le C-5A est entré en service à la fin de 1969. Il donne au MAC des possibilités très supérieures à celles dont le MATS disposait en 1965 : 26 milliards de t/km avec 26 C-5A et 280 C-141, soit quatre fois plus que les possibilités de 1965. Avec 81 C-5A dont 70 en service dans 4 squadrons, ce chiffre sera porté à 41 Md de t/km (six fois la capacité de 1965). En outre les C-141 et C-5A volent plus vite, atterrissent plus court et opèrent par des conditions météorologiques très sévères grâce à leurs équipements de détection radar et d’atterrissage automatique. Leurs soutes s’ouvrent largement et sont dotées d’équipements facilitant le déchargement rapide des gros matériels.
La modernisation du parc aérien du MAC s’est accompagnée de la création d’un réseau informatisé, au service des ports aériens et des centres de contrôle, et d’une amélioration de la maintenance. Ces deux dernières opérations valorisent nettement la flotte aérienne, réduisent le temps des escales et facilitent le transit des frets.
L’accroissement de mobilité stratégique ainsi obtenu est clairement exprimé par la diminution du temps nécessaire au transport d’une division d’infanterie classique d’Amérique en Europe : il est passé de 24 jours en 1966 à 12 jours en 1971, il sera de moins de 10 jours en 1974 (3).
Cependant cette énorme capacité de transport, si elle est très supérieure aux besoins des forces en temps de paix, ne paraît pas suffisante en cas de crise. Les planificateurs du Pentagone estiment que les besoins découlant de la stratégie dite « d’une guerre et demie » exigent pour être satisfaits l’acquisition de 46 avions C-5A supplémentaires, ce qui permettrait, avec les avions commandés, l’équipement de 6 escadrons de transport C-5A (4). Les possibilités équivaudraient alors à 53 Md de t/km par an et permettraient le transport par air de 7 divisions d’infanterie en 45 jours (5). Sans ces avions, ou la capacité correspondante à trouver auprès des compagnies civiles, les commandements unifiés devront revoir leurs demandes de transport aérien stratégique.
Trouver une capacité équivalente de transport par l’utilisation des avions commerciaux est difficile malgré l’abondance du parc aérien civil américain. Regroupés au sein de la Civilian Reserve Air Fleet (CRAF) les 326 jets à long rayon d’action et les 433 multimoteurs à hélice susceptibles d’être réquisitionnés sur l’ordre du président des États-Unis ou du Congrès, satisferont aisément les besoins en transports de personnel (6) mais plus difficilement ceux en transport de fret. En effet, en dehors du Boeing 747, qui d’ailleurs exige des moyens particuliers pour le chargement et le déchargement, les compagnies civiles n’ont actuellement aucun avion de transport de fret grosse capacité. Or d’après une étude de la RAND Corporation, 82 avions B-747, McDonnell-Douglas DC-10, Lockheed L-1011 Tristar du type convertible seraient nécessaires.
Cette situation est essentiellement due à la réduction des contrats de transport de fret accordés aux compagnies aériennes civiles, tant parce que les besoins militaires ont diminué, en particulier au Vietnam, que du fait que l’USAF développe son réseau de lignes de transport régulières. Les contrats de fret sont ainsi passés de 39 % du total du MAC à 7 % en 1971. Selon l’étude de la RAND Corporation déjà citée, l’USAF serait depuis 1970 placée devant le dilemme suivant : continuer à transporter la presque totalité du fret militaire, mais n’attendre qu’un secours réduit de la CRAF en cas de crise, ou abandonner l’exploitation de sa flotte de C-141 et faire assurer le transport du fret correspondant par les compagnies aériennes civiles qui auraient alors, dans ce cas, les moyens de rénover leurs parcs aériens. Le total des contrats dépasserait 600 millions de dollars. Une telle opération ne paraît pas séduire l’Air Force qui veut faire des économies en utilisant ses avions en temps de paix. Si le Pentagone a récemment incité le MAC à négocier davantage de contrats avec l’aviation civile (7), notamment pour le transport logistique à l’intérieur des États-Unis, le bureau chargé de la planification de l’Air Force a expressément demandé aux commandements unifiés de réviser leurs besoins logistiques du temps de guerre suivant le nouveau principe « avoir ce qu’on peut quand on le peut » et non plus « avoir ce qu’on veut quand on le veut ». Un tel principe constitue en fait une remise en cause du concept de la mobilité stratégique. Aussi dès à présent les commandements intéressés entrevoient-ils la nécessité de prépositionner des stocks de gros matériels.
Le transport aérien tactique
Le transport tactique voit depuis quatre ans son parc aérien vieillir et se réduire. Le Lockheed C-130 Hercules date de 17 ans, la version type E encore construite a 10 ans. Le C-7 est également en service depuis 10 ans. D’autre part, la diminution des besoins du Sud-Est asiatique a déjà entraîné la dissolution de certains escadrons de transport tactique d’active et en appelle d’autres, tant dans le TAC [NDLR 2021 : Tactical Air Command] que dans le PACAF [Pacific Air Force]. Les 34 escadrons du TAC sont passés à 27. Des 21 escadrons de C-130 actuellement en service, il n’en restera que 17 en 1972. Cette situation a été qualifiée de déplorable dans le rapport publié en 1970 par la Commission des forces armées de la Chambre des Représentants. Mais elle ne s’améliorera pas avant 1975.
Le principal problème du TAC est de trouver l’avion STOL (décollage et atterrissage courts) répondant à ses besoins. En un premier temps, l’emploi d’un C-130 STOL et d’un C-8 Buffalo aux performances améliorées serait envisagé. 100 M$ viennent d’être d’autre part, accordés à la NASA pour poursuivre le développement d’un transport V/STOL (vertical/STOL) LIT (8) qui serait opérationnel après 1980. En attendant, l’aviation de transport tactique devra durer et utiliser au mieux les moyens disponibles, en particulier les escadrons de transport de l’Air Force Reserve et de l’ANG.
Elle devra faire davantage de sorties par avion. Un meilleur déploiement des unités de transport du TAC sera rendu possible par l’équipement des escadrons d’ensembles « bare base » (base nue) (9) et une nouvelle réorganisation interne des unités. Malgré ces mesures, les possibilités du transport aérien tactique (en taux de sorties journalières) n’atteindra en 1974 que 65 % de celles de 1966.
Le rôle de l’Air Force Reserve (AFRES) et de l’Air National Guard (ANG)
L’Air Force a reconnu clairement la qualité professionnelle des personnels de la Réserve accomplissant des missions de transport au profit du MAC et du TAC. Elle compte faire une utilisation intensive des unités de transport de l’AFRES et de l’ANG au cours des prochaines années.
D’une part, le MAC a mis sur pied des unités de réserve associées aux unités d’active. Chaque unité « associée », utilisant ses propres équipages et personnels de maintenance, vole sur les avions d’un squadron d’active. Actuellement 12 escadrons de C-141 ont une unité de réserve rattachée. Cette politique va être étendue aux squadrons de C-5A.
D’autre part l’Air Force modernise les unités de l’AFRES et de l’ANG en leur attribuant les meilleurs avions de transport au fur et à mesure qu’ils deviennent disponibles. Si l’AFRES est revalorisée au sein du MAC, l’ANG est en voie de réorientation vers le transport aérien tactique et recevra des C-130 à la place des C-97. Cependant quelques squadrons de C-124 de l’AFRES seront maintenus comme possibilités supplémentaires de transport de fret.
La participation de l’armée de terre au transport aérien
L’armée de terre américaine, qui depuis longtemps cherche à développer ses propres forces de transport aérien tactique (10), les a fondées sur l’hélicoptère. Elle tente de développer un nouveau matériel, l’UTTAS (US Army Utility Tactical Transport Aircraft System) qui devrait être opérationnel en 1977. D’autre part, elle donne une importance croissante au concept de l’hélicoptère de transport lourd ; le HLH (Heavy Lift Helicopter) a été mis en tête des priorités. Il aurait une capacité de 25 tonnes et pourrait notamment transporter le véhicule M-551 et le char léger Sheridan [NDLR 2021 : il semblerait que ce soit un seul et même véhicule…].
Conclusion
La modernisation du MAC donne une échelle nouvelle au transport aérien militaire mais les réductions en avions C-5A, que le Congrès a imposées, ne lui permettent pas de répondre complètement aux besoins de la stratégie militaire américaine. En cas de conflit, même si un concours à temps peut être attendu de la Civilian Reserve Air Fleet, les commandements unifiés devront réduire leurs demandes, en particulier au début d’une guerre.
Le transport aérien tactique, quant à lui, n’a fait l’objet que d’améliorations mineures et va vivre une période difficile.
En définitive, la carence latente du transport aérien militaire sera d’autant plus ressentie que le retrait des forces américaines des territoires étrangers devrait normalement avoir comme contrepartie le maintien d’une capacité de réaction rapide et efficace (11).
Cette carence peut entraîner une sérieuse révision du concept de mobilité stratégique. Le Président devra donc en tenir compte et sera astreint à une grande prudence tant pour envisager le retrait des forces des théâtres extérieurs qu’ultérieurement pour décider de nouvelles opérations outre-mer.
L’aide militaire à l’étranger pour l’exercice 1971-1972
Les services du Département de la Défense (DoD) viennent de rendre publique une version non classifiée du projet du budget d’aide militaire à l’étranger pour l’exercice 1971-1972. Ce projet est exposé à recevoir d’ici la fin de l’année des modifications soit en raison de l’évolution de la situation internationale, soit du fait du Congrès qui peut en réduire les crédits ou en changer la répartition. Quoi qu’il en soit, il représente la position actuelle de l’Administration Nixon en matière d’assistance militaire, dans le contexte général de la nouvelle politique américaine d’aide à l’étranger.
Généralités sur l’aide militaire à l’étranger
L’aide militaire à l’étranger est comprise cette année dans le programme général d’« assistance à la sécurité internationale », destinée à aider les pays amis des États-Unis à assurer leur propre défense. De plus, les crédits de l’aide militaire seront désormais administrés par le Département d’État, au niveau duquel un organisme de coordination aura compétence sur tous les programmes d’assistance à la sécurité internationale, le DoD n’étant plus chargé que de la partie technique et logistique de l’aide militaire, ainsi que de l’instruction des personnels.
L’aide militaire à l’étranger comprend deux rubriques principales : l’aide militaire gratuite, et les ventes à crédit de matériels militaires. Au total, les pays bénéficiaires de l’aide militaire américaine recevront 1 315,5 M$ (1 530 M en 1970-1971). Cependant, ces crédits ne comprennent pas l’assistance militaire au Vietnam, au Laos et à la Thaïlande, la contribution des États-Unis à l’Otan, au CENTO (Central Treaty Organization) et à l’Otase, dont les fonds s’élèvent à un total de 2,4 Md$ et sont inclus dans le budget du DoD.
L’aide militaire gratuite
Le « Programme d’assistance militaire » ou PAM (12) consiste en dons de matériels, en assistance technique gratuite et en accueil de stagiaires étrangers. C’est un instrument de base de la doctrine Nixon, car il doit permettre de compenser la réduction de la présence militaire américaine à l’étranger. Il est destiné en règle générale à protéger les investissements PAM antérieurs et leurs dividendes, précieux pour la sécurité et les intérêts des États-Unis. Mais il doit aussi servir cette année à appuyer les initiatives nouvelles prises en 1970 et concernant le Cambodge (reprise de l’aide militaire après sept années d’interruption) et la Corée du Sud (plan de modernisation de cinq ans). À eux seuls, ces deux pays recevront en effet plus de 60 % du PAM 1971-1972.
Les crédits totaux proposés pour l’exercice 1971-1972 s’élèvent à 731,5 M$ (705 M de crédits nouveaux et 26,5 M provenant de remboursements et reports divers).
Les crédits du PAM iront dans leur grande majorité (68,5 %) à six pays de l’Est asiatique et du Pacifique (13). Le reste sera réparti entre dix pays (14) du Proche-Orient et de l’Asie du Sud (22,8 %), neuf pays (15) d’Afrique (2,6 %), trois pays (16) d’Europe (1,9 %) et dix-sept pays (17) d’Amérique latine (1,4 %), à l’exception de 20,4 M (2,8 %) qui ne seront pas répartis. Mais en réalité, 35 pays seulement sur 45 font l’objet d’un programme PAM précis et seuls 13 d’entre eux recevront en toute certitude des fournitures de matériel. Dix pays reçoivent à eux seuls 97 % du montant du PAM. Enfin, 5 pays considérés comme des avancées du monde libre (« forward defense ») en raison de leur proximité par rapport à l’URSS et à la Chine communiste (le Cambodge, la Corée, la Turquie, la Grèce et Formose) se voient attribuer près de 80 % du total des crédits PAM.
La répartition des crédits du PAM par catégories de dépenses est la suivante :
– les dépenses de maintien en condition (« operating costs ») qui incluent les pièces de rechange, le renouvellement des munitions et tous les frais de manutention et de transport (58 %),
– les livraisons de matériels (« investment costs »), destinés à accroître la capacité militaire des pays bénéficiaires ou à remplacer un matériel périmé (36 %),
– les frais d’instruction (« training »), aux États-Unis ou à l’étranger (6 %).
Les ventes à crédit de matériel militaire à l’étranger
Le but des ventes de matériel militaire (18) est d’apporter un complément au PAM tout en réduisant le « profil » voulu actuellement « bas » en matière de politique étrangère et sans qu’il en coûte un centime au contribuable américain.
L’octroi de crédits à la vente permet de traiter avec des Nations aux ressources modestes. Les fonds budgétaires alloués par le gouvernement de Washington sont utilisés soit en crédit direct, soit en garantie (à 25 %) de crédits bancaires, et sont remboursés par l’acheteur au Trésor américain suivant des modalités (taux d’intérêt, délais) variables (19).
Les crédits totaux prévus pour l’exercice 1971-1972 s’élèvent à 582 M$. Ces chiffres sont inférieurs aux crédits estimés de l’exercice 1970-1971 : 755 M$, mais cette dernière somme comprenait un collectif, voté en janvier dernier, de 500 M pour financer un programme spécial de vente d’armes à Israël. Aussi est-il préférable de comparer le financement du crédit à la vente pour l’exercice 1971-1972 avec celui des exercices 1967-1968 et 1968-1969, où il se situait entre 250 et 300 M$, ou avec celui de 1969-1970, où il ne s’élevait qu’à 70 M$.
Tels quels, les crédits 1971-1972 pour les ventes à l’étranger permettront aux États-Unis de vendre pour 2145,6 M$ d’armes et de matériel militaire, dont 1563,6 M seront réglés comptant par les pays acheteurs, le reste (582 M) faisant l’objet de crédit à la vente.
La répartition géographique estimée des ventes de matériel militaire en 1971-1972 (comptant et crédit) est différente de celle du PAM. L’Europe et le Canada recevront 48 % du total et régleront au comptant tous leurs achats. Les pays du Proche-Orient et d’Asie du Sud, dont surtout Israël, la Grèce (20), la Jordanie et le Pakistan, viennent ensuite avec 33 % du total des ventes, suivis par l’Est asiatique et le Pacifique (11 %), l’Amérique latine (7 %) et l’Afrique (0,8 %).
Le projet de budget d’aide militaire à l’étranger pour l’exercice 1971-1972 doit servir de base à la détermination des crédits qui seront finalement accordés par le Congrès. A priori, ces derniers apparaissent inférieurs à ceux de l’exercice précédent. En fait, si l’on excepte les 500 M$ du collectif voté pour Israël en 1970-1971, les crédits proposés pour cette année devraient représenter une augmentation sensible.
Le projet soulèvera en conséquence de nombreuses critiques au moment de sa discussion par le Congrès (21). Ce dernier estime d’ailleurs que le budget officiel de l’aide militaire ne représente pas en fait la totalité de ce qui est distribué à l’étranger dans ce domaine et qu’une quantité sans doute non négligeable de matériel militaire est transférée par des voies plus ou moins occultes (ventes de surplus, etc.), échappant ainsi à son contrôle. Le gouvernement Nixon dispose cependant, pour défendre son budget d’aide militaire, d’arguments qu’il ne manquera pas d’utiliser. En particulier, il ne fait pas de doute qu’il saura faire constater par le Congrès l’importance des rapatriements d’unités de l’étranger, et en particulier du Vietnam depuis 1969, pour demander en contrepartie le vote des crédits 1971-1972 de l’aide militaire américaine, seule solution de rechange actuelle à la présence militaire américaine outre-mer. ♦
(1) Voir Revue Défense Nationale, d’août-septembre 1971, p. 1375.
(2) Le Military Airlift Command a remplacé en 1966 le Military Air Transport Service (MATS), qui depuis 1948 contrôlait les unités de transport de l’US Air Force et de l’US Navy. La participation de l’US Navy au transport aérien a cessé totalement en 1967.
(3) La division d’infanterie US comprend de 15 000 à 16 000 hommes, 30 000 t de matériels lourds et 7 000 t de matériels divers.
(4) En outre 14 escadrons de C-141 seront maintenus en service.
(5) Cette opération nécessiterait 70 C-5A et 240 C-141 volant 10 heures/jour, ceci pendant 45 jours. Après cet effort le taux d’utilisation des avions serait réduit à huit heures/jour pendant 6 jours sur 7.
(6) 42 Boeing 747 satisferaient les besoins.
(7) Quatre contrats, d’une valeur de 42 M$, relatifs au transport de la logistique de l’Air Force et de la Navy au cours de l’année 1972, ont été signés au mois de juin 1971.
(8) LIT : Light-Intra-Theater.
(9) Le concept « bare base » signifie que l’unité de transport appelée à opérer sur une base, ne doit s’attendre à y trouver qu’une infrastructure limitée (piste, parking, creux de carburant éventuels). Elle doit emporter avec elle tous les équipements opérationnels et les matériels nécessaires au fonctionnement de l’unité, à la vie des personnels, à l’entretien du parc aérien. Des équipements particuliers (casernement extensibles notamment) ont été développés et expérimentés depuis 1969. Ce concept ajouterait 1 400 lieux d’opérations possibles aux bases équipées existant dans le monde.
(10) L’armée de terre avait notamment expérimenté l’avion Caribou et pensait se doter de cet avion, mais l’USAF s’est opposée à ce projet.
(11) À cet égard, le dernier exercice Reforger II, de redéploiement d’une division en Allemagne, n’a donné qu’une relative satisfaction malgré les délais notablement raccourcis par rapport à l’exercice identique qui avait eu lieu en 1969 (7 jours au lieu de 16).
(12) En américain : Military Assistance Program ou MAP.
(13) Cambodge, Corée, Formose [Taïwan], Indonésie, Malaisie, Philippines.
(14) Grèce, Iran, Jordanie, Arabie saoudite et Turquie. Instruction des personnels seulement pour Afghanistan, Inde, Liban, Népal et Pakistan. La Grèce, où les États-Unis ont décidé de reprendre leur programme d’aide en 1970, recevra 19,8 M$.
(15) Congo, Éthiopie, Liberia, Maroc et Tunisie. Instruction des personnels seulement pour Ghana, Mali, Nigeria et Sénégal.
(16) Espagne et Portugal. Instruction des personnels pour l’Autriche.
(17) Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, République dominicaine, Equateur, Salvador, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Paraguay, Pérou, Uruguay et Venezuela.
(18) Foreign Military Sales ou FMS.
(19) Remboursement en 10 ans en principe.
(20) La Grèce recevra cette année 60 M$ de crédit à la vente.
(21) La Commission des affaires étrangères de la Chambre des Représentants vient d’ailleurs de recommander la suspension de l’aide militaire promise à la Grèce.