Maritime - Dans la Marine française : réorganisation du commandement en Méditerranée ; les manœuvres nationales - Le 25e anniversaire de la force navale belge
Réorganisation du commandement en Méditerranée
Le 1er septembre 1971, une nouvelle organisation du Commandement naval en Méditerranée est entrée en vigueur. Avant d’en définir les grandes lignes et les attributions, il convient de rappeler brièvement l’organisation antérieure.
La 3e Région maritime (Prémar III) s’étend sur tout le littoral méditerranéen de la frontière espagnole à la frontière italienne et comprend la Corse.
Comme les Préfets maritimes des 1re et 2e Régions, Prémar III avait en temps de paix des attributions administratives et opérationnelles. C’est ainsi qu’il était plus spécialement chargé des problèmes de logistique et d’infrastructure ainsi que de certaines attributions réglementaires concernant la police de la navigation. Sur le plan opérationnel, il était chargé de la surveillance côtière et de la mise en condition des forces affectées en temps de guerre à la défense maritime du territoire relevant de sa juridiction. Au point de vue forces navales, il ne disposait que de quelques petites unités mises à la disposition de la région ; l’escadre de la Méditerranée regroupant les forces de surface de haute mer relevait directement de l’État-major des armées et de l’État-major de la Marine (1). Par contre, l’aviation de patrouille maritime stationnée dans la région relevait de son autorité.
Pour le seconder dans sa tâche, le Préfet maritime de la 3e Région avait sous ses ordres :
– un Commandant des forces aéronavales (Aéro III) stationnées dans sa zone de juridiction,
– un major général, commandant militaire de l’arsenal de Toulon,
– les Directeurs des services locaux (Constructions et armes navales, Commissariat, Travaux maritimes, etc.).
À cette organisation du temps de paix se serait substituée en temps de guerre une organisation différente puisque le Préfet maritime devenait Commandant en chef des opérations maritimes en Méditerranée avec le titre de Cecmed et autorité sur toutes les forces aéronavales stationnées dans le théâtre y compris les forces de haute mer, les sous-marins continuant de relever d’Alsoumar (Amiral commandant les sous-marins) mais pouvant être mis pour emploi à la disposition de Cecmed. Il en serait résulté qu’il aurait eu à commander des forces dont il n’aurait pas préparé l’emploi.
La superposition des fonctions de CEC désigné du théâtre (Cecmed) et de Prémar III ne permettant pas au titulaire de ce poste de se consacrer suffisamment aux problèmes importants, il est apparu nécessaire de modifier cette organisation avec en vue les objectifs suivants :
– décharger au maximum Cecmed/Prémar III de ses tâches quotidiennes sur des subordonnés responsables, donc investis d’un commandement ;
– rassembler les forces navales opérant en Méditerranée sous les ordres d’une autorité unique, subordonnée à la précédente ;
– faire diriger de la même façon tous les moyens de soutien des forces maritimes par une même autorité, pourvue par délégation de la majeure partie des pouvoirs du Préfet maritime dans ce domaine ;
– utiliser de la façon la plus rationnelle les moyens réduits affectés au théâtre depuis le transfert dans l’Atlantique de la plus grande partie des forces navales et aéronavales.
Le commandement a été en conséquence réorganisé comme suit : Cecmed/Prémar III est commandant des Forces maritimes en Méditerranée. L’ensemble des bâtiments, unités et services militaires dépendant de son autorité (2) sont répartis en quatre commandements militaires qui sont :
• Le Préfet maritime adjoint commandant les services militaires de la région à l’exception de ceux qui dépendent du major général et d’Aéro III. Il est le remplaçant désigné de Cecmed/Prémar III et a délégation de celui-ci pour traiter les affaires relatives à l’organisation, au personnel, à la mobilisation, aux transmissions, à l’infrastructure ainsi qu’aux affaires de Défense opérationnelle du territoire (DOT). Il suit les affaires administratives et judiciaires que le Préfet Maritime ne peut déléguer.
• Le commandant de l’Escadre de la Méditerranée (Alescmed). Il est l’adjoint opérations de Cecmed/Premar III et commande toutes les forces navales affectées à ce dernier à l’exception toujours des sous-marins (Alsoumar) dont le PC est à Houilles près de Paris. Sa mission fondamentale est leur préparation au combat et aux missions qui pourraient leur être confiées dans l’éventualité d’une tension politique survenant en Méditerranée.
• Le major général du port de Toulon, commandant militaire des services de l’arsenal. Adjoint logistique de Cecmed/Prémar III, il traite toutes les affaires relatives au soutien des forces maritimes.
• Le commandant de l’aéronautique navale en 3e Région (Aéro III) dont la mission prioritaire est la mise en condition des forces de l’aéronavale dépendant de son autorité. Il est le conseiller d’Alescmed pour la mise en œuvre de ces formations ; c’est son remplaçant normal. Cet officier est également subordonné à l’Amiral commandant les porte-avions (Alap) pour ce qui regarde les formations embarquées stationnées sur les terrains de la région.
Contrairement à ce qui a été écrit dans certains journaux, il n’est pas actuellement prévu de modifier l’organisation des deux autres régions maritimes dont les chefs-lieux sont à Cherbourg (Prémar I) et à Brest (Prémar II).
Les manœuvres nationales
Les manœuvres nationales (Manat 71) se sont, comme on sait, déroulées du 10 au 18 juin 1971 dans le quart Sud-Est de notre pays et en Méditerranée occidentale. Elles avaient pour thème une crise internationale éclatant dans cette mer et qui en se développant finissait par se traduire par des actes hostiles sur nos communications maritimes et nos installations vitales du littoral méditerranéen et de la basse vallée du Rhône ainsi que sur les sites de lancement des missiles MSBS du plateau d’Albion. L’objectif principal des manœuvres était de mettre à l’épreuve les structures du pouvoir civil et du commandement militaire en situation de crise ascendante, de vérifier le fonctionnement des transmissions et étudier les problèmes relatifs à la sûreté des Forces nucléaires stratégiques (FNS) d’une part et d’autre part à la coordination des trois armées dans les opérations combinées, en particulier dans les domaines aéroterrestres et aéromaritimes. Rappelons que ces manœuvres prévoyaient quatre exercices principaux :
– un exercice de PC et de transmissions (Exnat),
– un exercice de défense opérationnelle du territoire (Sudex),
– un exercice de défense aérienne (Datex),
– un exercice de défense des approches maritimes (Meditex).
Participèrent à ce dernier exercice, sous la direction de Cecmed et dans le cadre des structures existantes, l’Escadre de la Méditerranée (Alescmed) renforcée par des éléments de l’Escadre de l’Atlantique (Alesclant), les éléments aériens basés à terre relevant d’Aéro III, l’aviation embarquée dépendant de l’Amiral porte-avions (Alpa), des éléments de l’Armée de l’air ainsi que les sous-marins de Toulon mis pour emploi à la disposition de Cecmed par Alsoumar.
Ces forces avaient à faire face à des raids aériens, des attaques de navires de surface et sous-marins, certains équipés fictivement de missiles à longue portée, des débarquements d’agents et de commandos, tandis que notre trafic marchand et pétrolier était soumis d’abord à des menaces puis à des attaques de sous-marins adverses.
C’est une partie de la VIe Flotte qui simula dans le cadre de l’exercice bilatéral annuel Constellation, le rôle de l’adversaire afin que nos forces aéronavales puissent pleinement se consacrer à la défense des approches maritimes et non se diviser pour figurer les deux partis.
Il reste maintenant à exploiter les comptes rendus de ces manœuvres nationales. On peut d’ores et déjà dire que des enseignements très intéressants pourront en être tirés quant aux problèmes qu’elles se proposaient d’étudier. Elles ont mis en particulier en évidence pour le temps de crise, la nécessité du maintien d’un contact très étroit entre le Gouvernement et le haut-commandement militaire, ainsi que l’importance primordiale d’une acquisition et d’un acheminement rapides du renseignement, tant vers les hautes autorités que vers les autres échelons du commandement et vers les exécutants. Elles ont confirmé la nécessité d’une coopération étroite entre l’Armée de l’air et la Marine pour l’exécution des missions qu’elles sont amenées à remplir en commun. Il faut d’autre part noter que c’est la première fois que dans des manœuvres nationales l’accent est mis à ce point sur le théâtre maritime, ce qui montre une prise de conscience de l’importance qu’un tel théâtre pourrait avoir dans le traitement d’une crise en stratégie de dissuasion.
À l’issue des manœuvres, le président de la République Georges Pompidou a passé en revue le 19 juin à Toulon les troupes ayant participé à Manat 71 puis il a embarqué sur le porte-avions Clemenceau arborant la marque d’Alpa et il a assisté au large du port à un grand défilé naval et aérien.
Les navires suivants, placés sous les ordres du vice-amiral d’escadre [NDLR 2021 : Gérard Baille] commandant la flotte de l’Atlantique à bord de la frégate lance-missiles Duquesne prirent part à ce défilé :
• Escadre de la Méditerranée :
– Conducteur de flottille Cassard portant le guidon d’Alescmed.
– Escorteurs d’Escadre d’Estrées, La Galissonnière et Guépratte.
– Escorteurs rapides Le Brestois, L’Agenais, Le Béarnais, Le Vendéen.
– Pétrolier-ravitailleur La Seine.
• Escadre de l’Atlantique :
– Frégate lance-missiles Duquesne.
– Escorteur d’Escadre Bouvet, Du Chayla, Tartu et Maillé Brézé.
– Bâtiment de soutien logistique Rhin.
– Pétrolier-ravitailleur La Saône.
• Forces relevant de l’Amiral porte-avions (Alpa) :
– Porte-hélicoptères Arromanches.
• Sous-marins de Toulon :
– Diane, Doris, Junon.
• Forces relevant de Prémar III :
– Escorteurs côtiers L’Alerte, Le Fringant, L’Intrépide.
– Dragueurs Origny, Acanthe, Ajonc, Camélia, Laurier et Lilas.
– Bâtiments d’expérimentation Arago (détection sous-marine) et l’Île d’Oléron (lancement de missiles).
– Bâtiment base de plongeurs démineurs Gardénia.
Tous ces navires furent survolés par de nombreuses flottilles de l’Armée de l’air et de l’Aéronavale. Celle-ci était représentée par :
– 12 Vought F-8 Crusader dont 6 appartenant au Clemenceau.
– 24 Étendard dont 14 appartenant au Clemenceau.
– 16 Breguet Alizé, 8 patrouilleurs Breguet Atlantic.
Le 25e anniversaire de la Force navale belge
Le 25e anniversaire de la Force navale belge a été célébré avec éclat le 20 juillet 1971 par une revue navale en présence du roi.
La Force navale tire son origine de la section belge de la Royal Navy créée en 1941 et qui armait les unités sous pavillon national. Sa mission essentielle est la protection du trafic maritime dans les atterrages belges ou les hauts-fonds et les chenaux se prêtant particulièrement au mouillage des mines. C’est pourquoi la petite flotte de nos voisins est plus particulièrement spécialisée pour lutter contre cette menace. Dans le cadre Otan, elle a aussi pour mission de participer à la lutte anti-sous-marine (ASM) en mer du Nord. Sa part dans le budget de la défense est faible (de l’ordre de 5 %) ce qui l’oblige à garder bon nombre de ses bâtiments en réserve.
La flotte comprend :
– 7 dragueurs océaniques de 750 tonnes du type MSO (Mine Sweeper Ocean) américains ;
– 18 dragueurs ou chasseurs de mines côtiers de 350 t et 16 dragueurs de petits fonds de construction belge ou américaine ;
– 7 vedettes fluviales de construction allemande ;
– 2 bâtiments de soutien des dragueurs, le Zinia de 2 400 t, achevé fin 1967 et le Godetia de 2 300 t, d’un an plus jeune.
Plusieurs dragueurs doivent être rendus prochainement aux États-Unis. Les projets de développement portent sur :
– 4 escorteurs de 1 500 t dont le programme a été adopté officiellement en décembre 1970 ; le premier doit en principe rallier la flotte en 1973 ;
– une vingtaine de dragueurs-chasseurs de mines destinés à remplacer les unités rétrocédées aux Américains.
Les escorteurs du programme, d’une conception intéressante, présenteront les caractéristiques suivantes :
• Déplacement : 1 500 t (standard) ; 1 850 t (pleine charge).
• Dimensions : 96,6 m x 11,7 m x 5,2 m.
• Appareil propulsif mixte (turbines à gaz et diesels ne fonctionnant pas en même temps).
• Vitesse maximale : 28 nœuds sur les turbines à gaz.
• Distance franchissable : 5 000 nautiques à 14 nœuds sur les diesels.
• Armement :
– 1 tourelle de 100 automatique
– 1 système de missiles surface-air à courte portée
– 1 hélicoptère ASM WG.13 Lynx franco-britannique.
Notre industrie participera largement à l’équipement de ces bâtiments : électronique, artillerie.
La Force navale belge ne possède pas d’aviation lui appartenant en propre mais des hélicoptères de l’armée de l’air. Toutefois, depuis mars 1971, elle dispose de 3 Alouette IIIB destinées au Zinia et au Godetia.
Les effectifs sont de l’ordre de 4 500 hommes dont 300 officiers. La réserve comprend 8 000 h. La formation des officiers est assurée à la Section navale de l’École royale militaire interarmées, la période d’application se faisant dans les marines étrangères. Le personnel non-officier est formé au Centre de Sainte-Croix-les-Bruges. Il existe à Ostende une école de guerre des mines commune à la marine belge et à la marine néerlandaise ; l’encadrement est belgo-néerlandais et des stagiaires appartenant aux Nations de l’Otan y suivent des cours de perfectionnement. ♦
(1) Les sous-marins ainsi que les écoles relevaient également d’autres autorités.
(2) Les Commissions d’études pratiques, l’Amiral chargé de l’entraînement (Alent) relèvent directement du département tandis que les sous-marins de Toulon dépendent de l’Amiral sous-marins (Alsoumar).
C’est avec une grande tristesse que nous avons appris la disparition de l’un de nos plus anciens et fidèles auteurs, M. André Réussner, décédé le 22 août dernier à l’âge de 80 ans.
Il avait collaboré à notre Revue depuis 1945 et il en avait tenu la chronique maritime de 1953 à 1969.