Défense dans le monde - Grande-Bretagne : le Livre blanc britannique sur la défense 1972-1973 - Finlande : les relations finno-soviétiques - Roumanie : relations avec les pays du bloc soviétique
Grande-Bretagne : le Livre blanc britannique sur la défense 1972-1973
Le Gouvernement britannique a publié le 16 février 1972 le Livre blanc sur la Défense pour l’exercice 1972-1973 (1). D’une présentation identique à celle des années précédentes, le document comporte d’abord une évaluation de la menace, suivie d’une définition du concept de défense soulignant tout particulièrement la nécessité d’une coopération étroite des Européens. Il dresse ensuite le tableau des Forces armées britanniques et de leurs activités au cours de l’exercice 1971-1972, présente la situation du recrutement des personnels militaires et expose enfin les projets d’équipement à l’étude, en mentionnant notamment ceux qui sont étudiés en collaboration avec les alliés européens (République fédérale d’Allemagne – RFA –, Italie, France et Belgique). Les annexes donnent les caractéristiques principales du budget de défense 1972-1973 et des éléments de comparaison avec le budget précédent et les plans financiers à long terme du Gouvernement (2).
C’est à partir de son appréciation de la menace soviétique que le Gouvernement britannique définit sa politique de défense dans le cadre de l’Alliance occidentale. Le Livre blanc insiste sur l’effort budgétaire de l’URSS et des pays du Pacte de Varsovie, les améliorations qualitatives et quantitatives de leurs forces et de leurs équipements et note, avec un peu moins d’insistance cependant que l’année passée, que la présence soviétique se manifeste maintenant dans le monde entier.
Le Gouvernement britannique définit alors comment il voit la « réponse de l’Alliance » : négociations, mais en tenant soigneusement compte de l’infériorité du potentiel occidental ; amélioration des moyens militaires de l’Otan ; coopération plus accentuée entre les pays européens, mais au sein de l’Alliance occidentale. Somme toute, un programme qui rejoint, point pour point, celui du Gouvernement des États-Unis tel que l’a présenté M. Laird, secrétaire à la Défense, il y a quelques mois.
L’exposé de la situation des Forces armées rappelle les changements intervenus dans leur déploiement et donne des indications sur l’état des effectifs.
Les retraits de Singapour et du golfe Persique se sont terminés dans le dernier trimestre 1971. L’évacuation de Malte est en cours mais il est précisé que les conversations se poursuivent pour maintenir dans l’île une présence britannique.
Par ailleurs, peu de modifications ont été apportées à l’appareil militaire britannique. Les effectifs (3) se sont accrus de 2 900 hommes, mais devraient diminuer de 3 400 d’ici le 1er avril. La répartition de ces effectifs entre les trois armées n’a pas subi de modifications notables. La majeure partie des forces britanniques de mer, de terre et de l’air est affectée ou prévue pour affectation à l’Otan. Le Livre blanc souligne ce point à plusieurs reprises afin de bien mettre en valeur la participation de la Grande-Bretagne à la défense occidentale.
Le recrutement, qui s’est sensiblement amélioré pendant l’année 1971, n’en reste pas moins le souci majeur des armées britanniques. Tout en se félicitant de cette amélioration, le Gouvernement prévoit qu’elle ne sera que passagère en raison, particulièrement, de l’allongement de la scolarité obligatoire qui prendra effet à partir de 1973. 20 % des personnels sont en effet recrutés entre 15 et 16 ans.
Les projets de coopération en matière d’équipements sont mentionnés dans le même ordre de priorité que l’année précédente. Ils portent sur l’étude ou le développement des matériels suivants :
– MRCA (Multiple Role Combat Aircraft), mis au point en collaboration avec la RFA et l’Italie,
– Jaguar, hélicoptères Lynx, Gazelle et Puma et missile air-surface Martel, construits en collaboration avec la France,
– pièces d’artillerie (155 tracté et 155 automoteur) étudiées en liaison avec la RFA et l’Italie,
– véhicule de reconnaissance Scorpion, construit en coopération avec la Belgique.
Le budget de défense 1972-1973 s’élève à 2 854 millions de livres, soit 37 milliards de francs (4) et représente environ 5,5 % du PNB. En livres 1972, il est en augmentation d’environ 2 % sur les prévisions budgétaires de l’exercice 1971-1972 mais la plus grande partie de cet excédent apparent résulte non de dépenses nouvelles mais de la réorganisation des structures financières britanniques. Cette comparaison est assez trompeuse, car le budget définitif de l’exercice 1971-1972 s’élève à 2 974 M£ (5). Le Gouvernement britannique présente donc des prévisions budgétaires inférieures de 120 M£ aux dépenses réelles de l’année précédente, alors que son appareil militaire n’a pas subi de modifications assez importantes pour justifier une telle diminution de dépenses. Tout se passe comme si, pour la deuxième année consécutive, les Conservateurs présentaient un budget de défense sous-estimé, destiné à être complété en cours d’année par des collectifs budgétaires. Il apparaît ainsi que la politique de défense conservatrice n’est pas plus onéreuse que celle des Travaillistes, le Gouvernement pouvant escompter présenter comme un effort supplémentaire les dépenses annoncées en cours d’exercice.
Une analyse rapide du projet budgétaire fait ressortir la part prépondérante des crédits de fonctionnement par rapport aux crédits d’équipement. La part des premiers est en effet de 66,2 % (en diminution de 1,8 % sur l’année précédente), celle des seconds de 33,8 % (en augmentation de 1,8 %). La nouvelle présentation des annexes budgétaires ne permet plus de distinguer les dépenses consacrées à la recherche de celles destinées à l’acquisition des matériels.
Le Livre blanc pour l’année 1972-1973 apporte donc au total peu d’éléments nouveaux, et ne dénote – on pouvait s’y attendre – aucune modification substantielle à la politique britannique.
Cependant l’accent mis sur la nécessité d’une collaboration européenne en matière de défense, l’insistance sur l’apport des Britanniques à la sécurité occidentale, viennent confirmer qu’au moment où elle va entrer dans le Marché commun et s’amarrer à l’Europe, la Grande-Bretagne entend bien ne pas jouer un rôle secondaire dans le domaine militaire.
Finlande : les relations finno-soviétiques
La neutralité de la Finlande a toujours été une position difficile compte tenu des contraintes qu’impose la proximité d’un voisin puissant sur la politique de ce petit pays. Le communiqué commun publié à l’issue des entretiens que M. Kekkonen, Président de la République finlandaise, a eus à Moscou le 27 février 1972 avec les dirigeants soviétiques, ainsi que les nouveaux et importants accords signés à la fin de 1971 avec l’URSS, montrent que cette dernière est bien décidée à maintenir l’influence prédominante qu’elle exerce sur le gouvernement finlandais.
Sur le plan politique, le communiqué souligne les bonnes relations existant entre les deux pays et exprime la résolution des deux parties de les resserrer encore dans le cadre du Traité de Coopération et d’Assistance finno-soviétique signé en 1945, et renouvelé pour vingt ans en 1971. Ce traité, joint au Traité de Paix signé avec les Alliés en 1947, incite la Finlande à une très grande prudence en matière de défense et réduit pratiquement à peu de chose sa liberté d’action. C’est ainsi que le gouvernement d’Helsinki s’est heurté en 1965 au veto soviétique quand il manifesta l’intention de participer à un projet de pacte militaire des pays nordiques. La Finlande essaie pourtant de maintenir un certain équilibre en achetant des matériels militaires à la fois à l’Est et à l’Ouest, ses principaux fournisseurs étant l’URSS et la Grande-Bretagne, toutes deux puissances garantes du Traité de Paix de 1947. Enfin le communiqué fino-russe réaffirme expressément la vocation de la Finlande à la préparation de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE). Le Gouvernement finlandais, en effet, a lancé en 1970 l’idée de « conversations préalables bilatérales multiples » en vue d’une telle conférence et proposé qu’elle siège à Helsinki. Par ailleurs, le texte finno-soviétique fait allusion au rôle de M. Kekkonen [NDLR 2021 : le président finlandais] « qui contribue à l’évolution pacifique dans les pays nordiques et le monde entier ».
Dans le domaine économique, de nouveaux liens ont été établis entre les deux États. D’une part, un protocole règle les échanges commerciaux pour l’année 1972. Il prévoit notamment des livraisons soviétiques portant sur des produits pétroliers et sidérurgiques ainsi que sur des combustibles solides. Selon cet accord, les échanges commerciaux atteindront en 1972, 600 M de roubles (6) soit une augmentation de 10 % par rapport à 1971. D’autre part un contrat s’étendant sur une période de vingt ans portera la livraison de gaz naturel soviétique à la Finlande à 1600 M de marks finlandais (7). Par ailleurs une commission mixte vient d’élaborer un programme à long terme pour le développement de la coopération économique et commerciale. En premier lieu, l’URSS va livrer deux centrales nucléaires à la Finlande. Elles seront installées à Loviisa, où les travaux de la première ont déjà commencé. Ensuite, les travaux concernant la mine de fer de Kostamus et le complexe de Svetogorsk, tous deux en territoire soviétique, seront exécutés par de la main-d’œuvre finlandaise. Ainsi l’URSS prendra une part importante dans des secteurs majeurs de l’économie du pays voisin avec tous les moyens de pression que cette participation peut comporter. Au total, il semble bien que l’influence soviétique sur Helsinki s’accentue, notamment par le biais de liens économiques. C’est sans doute pour contrebalancer cette influence que la Finlande, qui est entrée au Conseil nordique en 1955 et a adhéré à l’Association européenne de libre-échange (AELE) en 1961, souhaite maintenant consolider ses liens commerciaux avec l’Occident et obtenir des accords particuliers avec la CEE élargie.
Roumanie : relations avec les pays du bloc soviétique
Même si, comme le notent les observateurs étrangers, la Roumanie s’attache depuis quelques mois à rechercher une formule d’équilibre dans ses rapports avec les pays du camp socialiste, et en premier lieu avec l’Union soviétique, il n’apparaît pas qu’elle ait renoncé pour autant à sa politique d’indépendance nationale.
Bucarest s’associe à ses partenaires du Pacte de Varsovie sur des points particuliers, tels que la campagne pour la conférence de sécurité européenne ou la condamnation du projet d’installation d’une base navale américaine en Grèce, mais refuse toujours de participer à la polémique idéologique contre la Chine et n’a pas encore reconnu le Bengladesh. Alors que la presse soviétique, de concert avec celle des autres pays socialistes, critiquait de façon acerbe la visite du Président américain, M. Nixon à Pékin, la presse roumaine en soulignait l’aspect positif pour le renforcement de la paix dans le monde et Bucarest signait le 2 mars 1972 un accord de coopération pour la presse et la télévision avec la Chine.
De même, sur le plan économique, si les Roumains développent leurs échanges avec les pays du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM) dit COMECON, ils veillent jalousement à préserver leur autonomie dans le domaine énergétique, qu’il s’agisse du pétrole ou de l’uranium dont ils possèdent des gisements relativement importants. Ils admettent une coopération technique, de préférence dans un cadre bilatéral, mais ils refusent de participer aux organismes spécialisés tels que le Comité informatique ou le Comité atomique du CAEM où ils devraient se plier aux décisions de la majorité. Leur coopération avec les pays socialistes ne saurait d’ailleurs être exclusive comme en témoigne la demande qui vient d’être adressée par le ministre du Commerce extérieur roumain au président de la Communauté économique européenne pour bénéficier du tarif douanier préférentiel accordé aux pays en voie de développement.
Enfin, sur le plan militaire, si les Roumains proclament volontiers dans les manifestations officielles leur solidarité avec les armées des pays frères et leur attachement au Pacte de Varsovie, ils prennent bien soin de limiter leur participation aux exercices et manœuvres au strict minimum compatible avec leurs engagements. Si elles sont sans doute améliorées en apparence, les relations de la Roumanie avec l’Union soviétique et avec les autres États socialistes restent ambiguës et marquées par la politique indépendante de M. Ceaucescu. ♦
(1) L’année budgétaire britannique s’étend du 1er avril au 31 mars.
(2) D’autres éléments de comparaison doivent être recherchés dans les Supply Estimates 1972-1973 publiés en même temps que le Livre blanc.
(3) Armée de mer : 83 000 h – armée de terre : 177 700 – armée de l’air : 111 500. Les Forces armées britanniques recrutent en outre 9 900 militaires hors du Royaume-Uni. De plus, une part importante des 322 000 civils employés par le ministère de la Défense tiennent des emplois remplis dans d’autres armées par des personnels militaires.
(4) Le budget français de Défense 1972 s’élève à 31 milliards de francs (3,15 % du PNB).
(5) Pour des prévisions budgétaires de 2 799 M£.
(6) 1 Rouble = 6,20 francs.
(7) 1 Mark finlandais = 1,35 F.