Défense dans le monde - République fédérale d'Allemagne : le budget de défense 1973 - Belgique : réorganisation de la défense intérieure - États-Unis : une nouvelle politique pour les réserves - Le bombardier stratégique B-1
République fédérale d’Allemagne (RFA) : le budget de défense 1973
Présenté le 3 avril 1973 au Bundestag, le projet de budget fédéral a été voté définitivement le 20 juin 1973 dernier. Le 18 juin 1973 les crédits proposés pour la Défense avaient été adoptés en troisième lecture avec le soutien de l’opposition chrétienne démocrate.
Avec un total de 120 390 millions de DM (1 DM = 1,76 F) contre 108 978 M en 1972, le budget fédéral pour l’exercice 1973 est en progression d’environ 10,5 % d’une année sur l’autre. La défense se voit attribuer 26 553 M, soit 8,4 % de plus qu’en 1972, où les crédits alloués s’élevaient à 24 498 M. Malgré cet accroissement inférieur à celui du budget fédéral, la défense est, cette année encore, le département le mieux doté avec une part de 22,1 % contre 22,8 % précédemment.
Toutefois, cette augmentation globale des crédits de défense est due essentiellement au gonflement des dépenses de fonctionnement qui doivent s’accroître de 11,6 % pour atteindre la somme de 19 433 M, soit 73,2 % du total, alors que les crédits à caractère d’investissement n’augmentent que de 0,4 %, soit 26,8 % du budget militaire. On constate donc une nouvelle dégradation du rapport investissement-fonctionnement. La part de ces deux types de dépense qui n’était encore, en 1971, que de 33,7 % pour les investissements et de 66,3 % pour le fonctionnement, était déjà passée en effet en 1972, respectivement à 28,9 % et 71,1 %. La persistance de cette tendance ne manque pas de préoccuper les autorités militaires fédérales qui y voient la justification essentielle des projets de réorganisation des forces ouest-allemandes, dont la nouvelle version devrait être présentée à l’automne prochain.
Les crédits destinés à l’acquisition de matériels nouveaux sont quasiment en stagnation avec 3 948 M de DM. L’accroissement est particulièrement faible par rapport au budget précédent (+ 0,5 %), ce qui compte tenu de l’inflation qui sévit en République fédérale d'Allemagne (RFA) (1), correspond en fait à une régression en termes réels.
Dans cette perspective, l’armée de terre (1 839 M) devra freiner l’acquisition de nouveaux types de matériels, notamment de véhicules à roues. Les sommes disponibles ne permettront sans doute que l’achat du char DCA (défense contre avions) de 35 mm et la poursuite des programmes déjà engagés (Leopard I et II, chars poseurs de ponts, etc.).
En ce qui concerne les matériels aériens (968 M contre 1 170 en 1972 (2)), des crédits sont prévus notamment pour la poursuite des programmes McDonnell Douglas F-4 Phantom II (175 appareils doivent être livrés d’ici à 1975), pour l’acquisition d’hélicoptères Sikorsky SH-3D Sea King. Il faut noter cependant qu’un supplément de 898 M DM destinés aux programmes Phantom II et à l’achat d’hélicoptères Sikorsky CH-53G Sea Stallion figure, non pas dans le budget de la Défense, mais dans le plan budgétaire n° 60 (Finances générales).
Les crédits relatifs au projet MRCA (3) se retrouvent parmi les sommes allouées à la recherche et au développement (R&D). L’importance des sommes prévues (330 M DM) semble démentir les rumeurs persistantes qui tendent à remettre en cause la poursuite de ce programme particulièrement coûteux (il a déjà absorbé 1 725 M DM, depuis 1965). Il est certain que des décisions définitives à son sujet doivent être prises incessamment puisque, selon les termes du président de la Commission de la défense au Bundestag, le point de non-retour est atteint, obligeant ainsi le ministre à annoncer définitivement ses intentions. En outre, l’abandon de ce programme auquel collabore le quart de l’industrie aéronautique allemande porterait un coup fatal à celle-ci. Il n’en demeure pas moins que l’importance des sommes qui y sont consacrées pèse sur le reste des crédits de R&D, les sommes consacrées aux autres programmes marquant une nette régression.
Les sommes allouées à l’équipement naval (503 M) seront essentiellement consacrées à la poursuite des programmes en cours. Ceux-ci concernent 8 vedettes rapides de type 143 de classe Albatros et 148 de classe Tigre et 4 sous-marins de 450 tonnes.
En définitive, il apparaît que l’effort financier de la RFA pour sa défense reste important. Selon les prévisions économiques, le budget 1973 devrait représenter environ 3,2 % du PNB au coût des facteurs, mais si on lui ajoute l’ensemble des dépenses à caractère de défense selon les critères Otan, et qui se trouvent réparties sous d’autres rubriques (4), l’effort de défense allemand peut être estimé, comme l’année précédente, à environ 4,7 % du PNB.
La véritable « explosion » des coûts de fonctionnement devient cependant très préoccupante et commence à mettre en cause sérieusement les possibilités d’équipement de la Bundeswehr. Il ne fait donc aucun doute que le projet de restructuration des forces armées risque de réapparaître d’ici peu. Le 22 juillet 1973, M. Georg Leber, ministre de la Défense, a déclaré vouloir le soumettre au gouvernement fédéral à l’automne prochain.
Belgique : réorganisation de la défense intérieure
Le 8 mai 1973 dernier, M. Vanden Boyenants, ministre de la Défense belge, a rappelé devant la Commission de la défense nationale de la Chambre, puis au cours d’une conférence de presse, les grandes lignes de son plan de restructuration des forces armées. Il en a également précisé certains aspects.
Le but du projet de restructuration des forces armées belges présenté une première fois par M. Vanden Boyenants dans les dernières heures du gouvernement Eyskens en novembre 1972 et repris par le gouvernement Leburton, dans lequel il a conservé son poste, était en priorité de concilier les obligations de la Belgique vis-à-vis de l’Otan et le désir d’économie des équipes politiques en place. Le ministre n’a pu y parvenir qu’en proposant de « tailler » là où la Belgique restait entièrement maîtresse de ses décisions, c’est-à-dire essentiellement dans le domaine de la défense intérieure. Celle-ci devrait être considérablement modifiée, si le Parlement avalise le projet qui lui sera présenté.
Selon les termes de la déclaration ministérielle « la Défense intérieure du territoire vise à la survie de la Nation en cas de conflit, ce qui suppose l’emploi coordonné de tous les moyens militaires et non militaires ». Il s’agit d’une défense globale, donc « d’une responsabilité nationale à exercer par le gouvernement qui s’appuiera dès le temps de paix sur des organismes intégrés à constituer aux niveaux national et provincial et relevant des autorités civiles ».
Dans cet esprit, le projet prévoit la constitution d’un Comité interministériel regroupant les responsables de la Défense nationale, des Affaires économiques, de l’Intérieur, de la Justice, des Travaux publics, des Communications, de la Santé publique. Ce comité disposera à l’échelon national, pour la conduite de la défense, d’un organisme intégré composé de hauts fonctionnaires civils des départements intéressés et de représentants des forces armées, actionnant des organismes provinciaux de même composition.
Remplaçant, à partir de 1975, les États-majors et Unités d’action de la Défense intérieure qui doivent être dissous, on trouvera un état-major national et des noyaux d’états-majors provinciaux capables de reconstituer la chaîne territoriale militaire à la mobilisation. Les forces prévues pour la défense du territoire seront uniquement des unités de réserve disponibles après mobilisation. Une réorganisation de la réserve affectée à la défense intérieure a été prévue : la durée du temps de service qui y sera consacrée sera évidemment modifiée en fonction de la réduction des obligations militaires prévue de quinze à cinq ans ; l’encadrement des unités sera assuré par des officiers de réserve volontaires, les moyens seront entreposés localement.
La couverture de la mobilisation, la protection des moyens et lignes de communications et l’action contre des actions ennemies isolées seront, jusqu’à la mise sur pied des unités de réserve, confiées à la Gendarmerie, sans pour autant que les moyens de cette dernière soient substantiellement augmentés.
Le projet du ministre suscite de vives critiques notamment de la part des militaires craignant que la mobilisation ne soit rendue difficile sinon impossible et que la défense intérieure du territoire et les missions Otan de protection des lignes de communications ne puissent être assurées. Il est de fait qu’en cas de crise sans préavis, la Belgique se trouverait privée, aux premières heures d’un conflit, d’unités opérationnelles susceptibles d’opérer sur son territoire, ce qui pourrait compromettre l’acheminement vers le 1er Corps belge en Allemagne des brigades d’active que le ministre veut réimplanter en Belgique et des deux brigades de réserve qui lui sont destinées.
États-Unis : une nouvelle politique pour les réserves
Le 11 juin 1973, une demande de réduction de 66 044 hommes sur les 976 559 prévus pour l’effectif total des Réserves et de la Garde nationale a été déposée au Congrès par le lieutenant-général américain Robert Clinton Taber (5). Intervenant au moment où un rôle accru est dévolu à cette catégorie de forces du fait de l’abolition de la conscription et de la diminution des effectifs d’active, cette demande incite à examiner la politique américaine des réserves et ses résultats.
La politique actuelle des États-Unis à l’égard des Réserves remonte à 1969 ; les perspectives de désengagement du Vietnam et du passage à l’armée de métier ont progressivement accru l’intérêt accordé à ces forces qui, depuis quatre ans, auront vu leurs crédits doublés et auront bénéficié de mesures importantes tant pour le recrutement et l’instruction de leurs personnels que pour la modernisation de leurs matériels.
Pour atteindre le niveau d’effectifs primitivement prévu, le Pentagone n’a pas ménagé ses efforts au cours des derniers mois : propagande active, revalorisation substantielle des primes et indemnités, augmentation des bourses offertes par le ROTC (Reserve Officer Training Corps)… Cependant ces mesures n’apparaissent pas suffisantes pour enrayer la baisse du recrutement ; alors que les Réserves étaient, jusqu’à l’année dernière, convenablement alimentées par un volontariat très souvent motivé par la possibilité d’éviter le service actif et par voie de conséquence l’envoi au Vietnam, la suppression de la conscription et la fin du conflit vietnamien ont créé un problème d’effectifs préoccupant.
L’effort de modernisation des équipements se traduit par le transfert croissant de matériels modernes des forces d’active aux formations de réserve : chars M60 Patton, canons automoteurs, avions Republic F-105 Thunderchief, McDonnell Douglas F-4 Phantom II et Lockheed C-130 Hercules.
L’entraînement des unités est également amélioré par la participation aux manœuvres organisées par le Readiness Command, par le jumelage avec des unités d’active et par l’utilisation plus fréquente du matériel de mobilisation.
L’examen des diverses composantes des Réserves permet de faire le point sur les résultats déjà obtenus.
Army National Guard et Army Reserve. Devant atteindre respectivement 392 000 et 290 000 hommes en juillet 1974, les deux composantes terrestres des réserves mettent en ligne 8 divisions, 18 brigades et 4 régiments de cavalerie blindée pour la Garde, 13 divisions d’instruction, un PC d’armée et 14 brigades spécialisées pour la Réserve.
Un effort particulier est consenti en faveur de 10 brigades prévues pour un déploiement rapide (les délais sont toutefois estimés à quatre mois). Ces brigades disposent de 80 % de leur dotation normale en matériels. Un certain nombre de bataillons rejoindraient en cas de besoin les 2 divisions d’active destinées au renforcement du théâtre européen.
Air National Guard et Air Force Reserve. Fortes de 92 000 et 55 000 h (juillet 1973), ces deux composantes aériennes effectuent quotidiennement, aux côtés des forces d’active, des missions de défense aérienne, d’appui lactique, de transport et de ravitaillement en vol. Elles opèrent, soit indépendamment – cas de la Garde nationale – soit en unités « associées » – formule couramment utilisée par la Réserve – dont les équipages de Lockheed C-5A Galaxy et Lockheed C-141 Starlifter renforcent les unités d’active du Military Airlift Command.
La participation de l’Air National Guard à la défense représente 92 escadrons dont 21 (6) sont partie intégrante de l’Aerospace Defense Command, 38 forment l’élément tactique (F-105, North American F-100 Super Sabre, F-4) et onze (C-130) effectuent des opérations de transport.
L’Air Force Reserve est plus particulièrement adaptée à la fonction transport. Constituée de 55 escadrons, elle met principalement en œuvre 20 escadrons indépendants (7) et 15 escadrons « associés » C-141 et C-5A.
Naval Reserve et Marine Corps Reserve. Les forces à la mer de la Naval Reserve (122 000 h) arment 37 destroyers en bon état et une quinzaine de dragueurs de mines, dont 6 océaniques. La réserve du Marine Corps (40 000 h), quant à elle, se compose de la 4e Division de Marines et de la 4e Escadre aérienne des Marines (9 escadrons).
Les forces aériennes de la Naval Reserve comprennent 10 escadrons de chasseurs-bombardiers, renforcés par des appareils F-4 et 12 escadrons de lutte anti-sous-marine (ASM) en cours de conversion sur appareils Lockheed P-3A Orion.
Relativement négligées pendant la durée de l’engagement américain au Vietnam alors qu’elles n’éprouvaient aucune difficulté de recrutement, les Réserves américaines sont actuellement en proie à une crise d’effectifs prévisible, au moment où l’Administration multiplie les efforts pour leur confier un rôle plus important. Bien que des résultats appréciables aient déjà été obtenus ou soient en passe de l’être en ce qui concerne l’équipement et l’entraînement de ces forces, il semble que la crise d’effectifs dont souffre également l’active ne puisse être surmontée aisément en raison de la tendance générale au désintérêt pour les forces armées qui se manifeste actuellement.
Le bombardier stratégique Rockwell B-1 Lancer
Alors que les Conversations sur la limitation des armements stratégiques (SALT) se poursuivent à Vienne et que quelques-uns préconisent aux États-Unis l’abandon de certains programmes stratégiques, les Américains comme les Soviétiques poursuivent la mise au point d’un bombardier stratégique supersonique. Le secrétaire américain à l’Air vient d’annoncer qu’il reportait de dix mois, soit à mai 1976, la décision finale de produire cet appareil, mais il apparaît que cette mesure a été motivée par des raisons d’ordre strictement budgétaire.
Le B-1 développé par « Rockwell International » est un quadrimoteur à géométrie variable devant remplacer les Boeing B-52G et H Stratofortress du Strategic Air Command (SAC). Si la décision de le produire était prise en avril 1975, il entrerait en service en mai 1978, le premier vol du prototype devant avoir lieu fin avril 1974 et celui de l’avion de série en mai 1977. La construction de 240 avions est prévue. Le coût total – recherche, essais, production – est estimé à 11 112 M de dollars dont 2 618 M uniquement pour la recherche et le développement (R&D), ce qui mettrait l’avion nu à 30 M et l’avion « fly away » (8) à 45 M $. En fait, ce calendrier et ces coûts devront être révisés : une estimation effectuée en mai 1973 a donné en effet un prix de 44 M pour le B-1 et a déjà entraîné le retard de dix mois, cité plus haut, quant à la prise de décision finale pour la production en série de l’appareil.
Extérieurement le B-1 est de la taille du Boeing 707 ou du Boeing KC-135 Stratotanker donc nettement plus petit que le B-52, pourtant ses possibilités d’emport sont pratiquement le double de celles de ce dernier. Avec un poids au décollage de 360 000 livres (162 tonnes), il peut emporter en charge interne 75 000 livres et en charge externe 40 000 livres. Équipé de 4 réacteurs General Electric F101-GE-100 à double flux d’au moins 30 000 livres de poussée, le B-1 aurait à haute altitude une vitesse de Mach 2,2 et à basse altitude une vitesse de pénétration très voisine de Mach 1. Il serait capable de franchir une distance de 1 000 km sans ravitaillement en vol.
Dans le domaine de l’emploi, le nouveau bombardier s’insère dans le système TRIAD. Il présente sur les missiles les avantages suivants :
– D’abord, sa mise en œuvre représente un argument visible et qui risque donc d’être plus convaincant dans la dialectique dissuasive en dépit du fait que l’appareil peut être rappelé.
– Ensuite, cette possibilité de rappel lui confère une grande souplesse d’emploi ; ce point est souvent cité comme l’un des grands avantages des vecteurs pilotés sur des systèmes d’armes très avancés et automatisés dans lesquels l’intervention humaine, donc raisonnable, devient de plus en plus difficile eu égard au raccourcissement constant des délais de réflexion et de décision.
– Enfin, le vecteur piloté contribue largement à assurer la capacité de deuxième frappe recherchée par les États-Unis ; en effet, le Pentagone estime possible de le mettre à l’abri d’une première frappe adverse et donc de sauvegarder la capacité de riposte amie grâce à une dispersion adéquate réalisée par le programme dit « Satellite Basing Program », grâce aussi à un système d’alerte élaboré et à un temps de réaction très court.
Par ailleurs, dans un conflit non-nucléaire, le B-1 pourrait jouer le rôle qu’ont tenu les B-52 au Vietnam. Ses capacités d’emport sont en effet multiples : 45 à 55 t de bombes classiques ou 4 bombes thermonucléaires et de 8 à 32 Boeing AGM-69 SRAM (9) (24 en soute et 8 sous les plans).
Le développement du B-1 aux États-Unis et du Tupolev Tu-22M Backfire en URSS montre, chez les uns et les autres, à la fois le souci de diversifier les frappes et l’intérêt que continue de susciter un système d’armes dont l’homme pourrait jusqu’à l’extrême limite garder le contrôle. ♦
(1) En 1972, la hausse des prix a atteint le taux record de 6,5 %.
(2) La baisse est due essentiellement à l’achèvement des programmes C-160 Transall et MGM-31 Pershing.
(3) Multi-Role Combat Aircraft, construit en collaboration avec la Grande-Bretagne et l’Italie.
(4) Outre les sommes déjà évoquées dans le cadre de l’équipement aérien, on y trouve notamment diverses pensions militaires ainsi que les crédits alloués à la police de protection frontalière (Bundesgrenzschütz) dont le caractère paramilitaire est connu.
(5) « Principal Deputy Assistant Secretary of Defense for Manpower and Reserve Affairs ».
(6) 11 de Convair F-102 Delta Dagger, 6 de McDonnell F-101 Voodoo, 4 de Convair F-106 Delta Dart.
(7) 15 de Lockheed C-130 Hercules, 3 de Fairchild C-123 Provider, 2 de C-7.
(8) Il s’agit de l’appareil livré avec son environnement technique (moteur de rechange, système de vérification des organes vitaux, etc.).
(9) Short Range Attack Missile : le SRAM est à capacité classique et nucléaire.