Aéronautique - Perspectives 1973 pour l'industrie aérospatiale américaine - La fabrication des prototypes B-1 prend du retard - Les avions à réaction d'entraînement en Europe - La version air-sol de l'Exocet - L'avenir du Bourget
Perspectives 1973 pour l’industrie aérospatiale américaine
En 1972, les livraisons de la totalité de l’industrie aérospatiale se sont élevées à environ 20 milliards de dollars. Pour 1973, le chiffre devrait descendre à 19,2 Md, soit une diminution de 25 % par rapport à l’année record de 1968.
Le total des exportations de l’industrie aérospatiale en 1972 a été légèrement en dessous de 4 Md, soit 6,6 % de moins que l’année précédente, ce qui représente la première baisse depuis 1964 des exportations dans ce domaine. Ce déclin est principalement dû à une chute d’environ 20 % des ventes militaires à l’exportation. Pour 1973, les efforts de l’industrie aérospatiale devraient se traduire par une augmentation de 4,1 Md $, dont 35 % de ce total proviendront des livraisons d’avions de transport de passagers à grande capacité.
Pour le premier semestre de 1972, les bénéfices après taxe de l’industrie aérospatiale ont augmenté et représentent 2,5 % des ventes et 7,8 % de la valeur nette, chiffres relativement faibles comparés aux 4,3 % et 10,4 % respectivement enregistrés pour toute l’industrie de fabrication américaine.
Pour ce qui est des États-Unis, l’industrie aérospatiale y constitue un facteur important pour le progrès technologique ainsi que pour la balance des paiements américaine. Cette importance ne se traduit pas seulement en termes d’exportation pour cette industrie, mais joue également un rôle de stimulant vis-à-vis de nombreuses autres industries de haute technologie : produits électroniques, ordinateurs, instruments scientifiques et alliages de métaux sophistiqués, qui contribuent ainsi d’une manière significative à la croissance des exportations.
Un changement progressif des priorités nationales et la réduction des dépenses pour la défense qui en a résulté ont sérieusement affecté le commerce et l’industrie aérospatiale des États-Unis qui dépend pour 70 % du Gouvernement fédéral.
À cette évolution s’ajoute l’incidence des coûts exorbitants nécessités par les développements technologiques toujours plus complexes des équipements aéronautiques (estimés à un minimum de 1 Md $), la force d’impulsion du développement de l’aéronautique aux États-Unis risque de s’en ressentir, avec pour conséquence la diminution de la supériorité technologique en ce domaine.
Actuellement, le marché international est en train de se modifier rapidement. Les fabricants européens mettent au point une gamme complète d’appareils destinés aux marchés des dernières années 1970 et des premières années 1980. La position dominante des compagnies aériennes risque d’être sérieusement menacée ces dix prochaines années. La part des avions fabriqués aux États-Unis dans les flottes aériennes du monde libre s’est réduite de 83 % en 1958 à 76 % en 1971 et, selon les prévisions de certains experts, ce chiffre tombera à moins de 65 % en 1980.
La fabrication des prototypes Rockwell B-1 Lancer B-1 prend du retard
L’US Air Force vient d’allonger le délai imparti à la mise en production des trois prototypes de présérie du bombardier-stratégique avancé Rockwell International B-1. Cette mesure vient d’être prise afin de lui éviter une demande de crédits supplémentaire pour l’année fiscale 1974 : elle a pour première conséquence de retarder approximativement d’une dizaine de mois la décision finale de mise en fabrication de cet appareil.
La révision du calendrier va entraîner :
– le décalage du premier vol du prototype B-1 d’avril 1974 vers le milieu de l’été 1974 ;
– des délais dans la mise en chantier des 2e et 3e prototypes. Le vol du prototype n° 2 étant décalé d’avril 1975 à janvier 1976 et celui du n° 3 de janvier 1976 à août 1976 ;
– un recul jusqu’au mois de mai 1976 de la décision de mise en production des appareils de série, nécessité par l’allongement du calendrier des essais en vol.
L’étalement de ce programme va se traduire par une augmentation de 80 millions $ du coût du développement de l’avion. Pour le moment, il n’y a pas de changement dans l’estimation du prix unitaire de construction qui reste fixé à 54,1 M$ sur une base d’achat de 241 avions. L’USAF a cependant désigné un groupe pour conduire une étude détaillée sur le coût de production de l’avion. Ce groupe devra rendre compte des résultats avant la fin de cette année.
Les avions à réaction d’entraînement en Europe
Les années prochaines seront marquées par le renouvellement du parc des avions à réaction d’entraînement utilisés par les nations européennes.
Les Fouga CM-170 Magister, BAC Jet Provost, Lockheed T-33 Silver Star, Folland Gnat, Dassault MD-454 Mystère IV et Hawker Hunter auront en effet bientôt « fait leur temps » et on ne devrait plus trouver dans la panoplie des avions d’entraînement de la fin de la décennie que deux appareils actuellement en service, le Macchi MB-326 Italien et le SAAB Scania 105 suédois, et deux avions qui seront mis en service respectivement en 1976 et 1977, le Dassault-Dornier Alphajet franco-allemand et le Hawker Siddeley HS-1182 Hawk britannique. Ces appareils équiperont évidemment en priorité les forces aériennes des pays qui les construisent, mais seront concurrents auprès des autres forces aériennes européennes et même mondiales où ils auront à affronter le Cessna T-37 Tweet américain.
Il est donc intéressant de les comparer quant à leurs caractéristiques, performances et emplois prévus (bien que tous les renseignements sur un appareil comme le HS-1182 ne soient pas encore certains ni complets).
Seuls les Suédois ont opté pour la formule biplace côte à côte, les autres préférant la configuration en tandem. Notons cependant que les Italiens ont également retenu une version monoplace du Macchi, dont il ne sera pas fait état dans cette chronique.
Les dimensions sont sensiblement les mêmes et varient entre 11 et 12 m pour l’envergure, et 9 et 10 m pour la longueur.
Les poids au décollage s’étalent de 4,5 tonnes à 7 t selon la mission, le Macchi étant sensiblement plus léger (3,9 à 5,2).
Les Anglais et les Italiens ont opté pour la formule monomoteur tandis que l’Alphajet et le Saab sont biréacteurs. Aucun réacteur ne possède la postcombustion et les poussées qui vont de 2 700 kg pour l’Alphajet à environ 2 400 kg pour le HS-1182, donnent un rapport poussée/poids de 0,55 à 0,6. sauf pour le Macchi à peine supérieur à 0,4 pour une poussée de 1 550 kg.
Pour les performances essentielles les distances de décollage tournent autour de 400 m, celles d’atterrissage allant de 500 m (Alphajet) à plus de 600 m (Macchi). Les vitesses d’approche sont d’environ 100 nœuds. À basse altitude les constructeurs annoncent des vitesses maximums dépassant 500 nœuds (430 pour le Macchi) et des Mach 0,85 en altitude. Les temps de montée sont de l’ordre de 10 minutes pour 12 000 m. Le carburant normalement emporté permet d’effectuer des missions d’instruction en altitude d’au moins 1 h 30 sans réservoirs supplémentaires.
Tous ces appareils cherchent à répondre aux exigences actuelles qui veulent que la formation des pilotes tout en devenant plus complexe soit aussi rapide et économique que possible.
Leur emploi est donc prévu pour permettre la formation complète sur avion à réaction d’élèves préalablement « dégrossis » sur avion léger à hélice (Cap 10, Beagle Bulldog, SAAB MA17, Marchetti 260 etc.) et l’entraînement avancé dans les disciplines opérationnelles (tir air-sol en particulier). Ils remplacent ainsi les avions à réaction de pilotage de début, de spécialisation et de transformation opérationnelle. Enfin, ils sont tous capables, de par leur conception initiale, d’effectuer des missions d’appui feu léger, ce qui présente un intérêt opérationnel certain.
En définitive, on peut estimer que sous des formules légèrement différentes, les quatre types d’avions d’entraînement qui viennent d’être décrits sommairement présentent globalement les mêmes possibilités d’emploi. Leurs différences réelles doivent être recherchées dans la qualité de leur adaptation pédagogique à toutes les missions prévues, que seule une évaluation fine permettrait de faire ressortir. Il faut cependant faire la constatation essentielle de l’écart considérable entre les dates de mise en service (1967 pour les Macchi et SAAB, 1976-1977 pour les Alphajet et HS-1182) qui risquent de rendre les premiers démodés (ne serait-ce que technologiquement parlant) lors de la mise en service des derniers.
La version air-sol de l’Exocet
Les premiers essais de mise à feu de la version air-sol de l’Exocet utilisant l’hélicoptère comme plate-forme de lancement ont été menés avec succès à partir d’un Sud-Aviation SA321 Super-Frelon au Centre d’essais de la Méditerranée (CEM). Le programme a débuté en 1972 par la mise au point du pylône support et l’étude des contraintes imposées par les modifications de l’arme.
Trois charges inertes ont été larguées à des vitesses de 80, 100 et 120 nœuds au printemps 1973, suivies de deux largages actifs autopropulsés mais non guidés. Le premier lancement eut lieu le 21 juin 1973 à la vitesse de 100 nœuds et le second quatre jours plus tard à 120 nœuds et 500 m d’altitude. Après le piqué initial, la trajectoire resta très stable et bien horizontale malgré l’effet de souffle du rotor. En effet, l’allumage du propulseur s’opère après une seconde et demie de chute à quelque dix mètres sous l’hélicoptère.
Ces essais partiels donneront lieu par la suite à deux essais complets incluant le guidage et auront pour objet de vérifier que le missile suit la trajectoire correcte de descente jusqu’à sa hauteur de croisière au ras des vagues ; ils seront exécutés sur cibles flottantes.
Les principales modifications nécessaires pour adapter l’hélicoptère à l’Exocet portent essentiellement sur la mise en place de deux pylônes de lancement situés de part et d’autre de la partie la plus basse du fuselage et sur l’installation d’une console de tir dans le cockpit comprenant entre autres équipements un radar de recherche et de poursuite, une sonde radar et un calculateur.
L’Aérospatiale qui a financé le développement de cette version nouvelle de l’Exocet fait valoir que le programme revient à moins de 3 M de francs. Cet armement dont les premières livraisons sont attendues pour l’été 1974 est destiné aux hélicoptères opérant soit à partir de bases navales, soit de bâtiments de plus de 5 000 t. Pour l’instant il n’y a pas encore de commandes fermes enregistrées, mais les pays utilisateurs du Super-Frelon – Afrique du Sud, Libye et Israël – ont déclaré être intéressés.
Emportant l’Exocet et 5 000 litres de carburant, le Super-Frelon peut attaquer une cible à 350 nautiques ou patrouiller près de sa base pendant dix heures. D’autre part, le radar est capable de l’acquisition d’une cible de 100 m2 de surface équivalente à une distance de 45 km sur une mer de force 4 ou 5.
Le système d’arme offre une triple possibilité opérationnelle : la défense des côtes escarpées et des bases navales nucléaires et les patrouilles au large à 200 na.
L’Aérospatiale travaille aussi à la mise en point de la version AM39 de l’Exocet qui utilisera comme plateforme le Dassault Super-Étendard et le Breguet Br 1150 Atlantic. Ce modèle sera plus léger que la version mer-mer, (moins de 650 kg contre 720) et pourra être lancé à grande vitesse et à des altitudes allant jusqu’à 10 000 m. Une phase de propulsion passant de 110 à 130 ou 150 secondes donnera à l’engin une portée accrue de 55 à 60 km pour une altitude de lancement comprise entre 300 et 5 000 m.
L’avenir du Bourget
Malgré l’émotion compréhensible soulevée par l’accident du Tupolev Tu-144 lors du dernier Salon international de l’aéronautique, il est pratiquement assuré que l’aéroport du Bourget continuera à servir de plateforme d’accueil aux salons de l’aéronautique jusqu’en 1977 et probablement 1979, tous les deux ans, en alternance les années paires avec les salons internationaux de Farnborough et Hanovre.
C’est du moins ce qu’annonce l’Union syndicale des industries aéronautiques et spatiales (USIAS), responsable de l’organisation du salon, les autorités politiques appuyant il est vrai cette affirmation. Mais au cours des prochaines années, la présentation en vol subira de profondes modifications qui ne seront pas dues uniquement à des mesures de sécurité nouvelles.
En effet, la première piste d’atterrissage du terrain de Roissy entrera en service au mois de mars prochain et à cette date, la piste 21/03 qui, au Bourget, servait habituellement aux exhibitions aériennes sera retirée du service afin d’éviter toute interférence avec le trafic de Roissy.
Cette raison qui s’ajoute aux impératifs de sécurité conduira, peut-être dès 1975, au transfert des présentations aériennes sur la piste principale 25/07 dont l’orientation n’est pas génératrice de situation conflictuelle avec Roissy dans le domaine de la circulation aérienne.
Progressivement, le trafic quotidien passera du Bourget à Roissy où, au cours de l’année 1977, la deuxième piste Est-Ouest sera mise en service pour permettre d’assurer l’écoulement du volume du trafic attendu. Ainsi vers 1978, le Bourget sera prêt à assurer sa double vocation de terrain réservé à l’aviation d’affaires à performances Short Take-off and Landing aircraft (STOL) et aux exhibitions de matériels aéronautiques.
À cette fin, deux nouvelles pistes d’atterrissage seront construites parallèlement à celles de Roissy. L’une de 1 000 m de longueur sera réservée aux avions STOL, l’autre de 2 200 m à l’aviation générale. Selon l’USIAS, cette piste pourrait, par la suite, être allongée pour permettre l’évolution d’avions à hautes performances et conduirait ipso facto à la disparition de la piste actuelle 25/07.
Dans les années 1980, l’autoroute F2 traversera vraisemblablement dans le sens Est-Ouest l’actuel terrain du Bourget mais un accès entre les pistes et la zone des expositions statiques située au sud sera aménagé spécialement pour faciliter les va-et-vient.
Simultanément, la zone des expositions qui comprend actuellement près de 50 000 m2 de surface couverte sera considérablement agrandie. Il s’agit en effet, de conserver au Salon du Bourget son aspect à la fois promotionnel et compétitif qui incarne les réalisations de deux années de travail de tous ceux qui servent la cause de l’aéronautique. ♦