Maritime - France : bilan de l'industrie navale en 1972 - Espagne : entrée en service de deux sous-marins - Grande-Bretagne : lancement du Birmingham et constructions neuves
France : bilan de l’industrie navale en 1972
Dans son dernier rapport annuel, la Chambre syndicale des constructeurs de navires et de machines marines donne, pour l’année 1972, de très intéressantes précisions sur la situation de l’industrie navale mondiale en général et celle de notre pays en particulier.
L’année 1972, précise le rapport, apparaîtra dans les annales de l’économie maritime comme une année de reprise vigoureuse nonobstant des débuts incertains marqués par les séquelles de la récession économique constatée en 1971. Elle fournit un exemple de ces fluctuations de grande amplitude, souvent imprévisibles, qui se sont produites si souvent dans le passé sur le marché des frets et des navires et dont les constructeurs qui cherchent à assurer à leur industrie une croissance équilibrée et à leur main-d’œuvre un emploi constant, redoutent les conséquences.
La croissance annuelle des échanges par mer qui avait été ramenée de 12 % en 1970 à 4 % en 1971, s’est élevée, selon les premières estimations, à environ 7 à 8 % en 1972, c’est-à-dire qu’elle a retrouvé le taux moyen de la dernière décennie. Ces échanges ont porté, en 1972, sur un tonnage que l’on peut évaluer à 2,9 milliards de tonnes métriques et la progression apparaît encore plus forte en trafics exprimés en tonnes/milles marins ; celle-ci serait de 11 %, c’est-à-dire environ le double de celle du PNB des principaux pays industrialisés, et ceci malgré un nouvel accroissement des distances moyennes parcourues. On peut donc dire qu’en dépit des fluctuations de l’économie mondiale, l’expansion des échanges ne s’est donc pas démentie depuis une bonne quinzaine d’années.
Cette reprise de la demande sur le marché des transports maritimes a certainement provoqué une meilleure utilisation de la flotte marchande et a entraîné une réduction en 1972 du nombre des navires désarmés. Par ailleurs, l’armement international a mis en service un tonnage de navires neufs qui s’est élevé cette année à 26,7 millions de tonneaux de jauge brute (1), soit un chiffre supérieur de 7,5 % à celui de 1971.
Ainsi, compte tenu des démolitions et des radiations de navires, la jauge brute de la flotte marchande mondiale est passée, selon les statistiques du Lloyd’s Register, de 247,2 à 268,3 M tjb entre le 1er juillet 1971 et le 1er juillet 1972, soit une progression de 8,6 %, identique à celle des 12 mois précédents et supérieure de moitié à la moyenne annuelle enregistrée durant la dernière décennie. Ce taux, s’il se maintenait, correspondrait à un doublement de la flotte mondiale tous les huit ans environ. La flotte mondiale qui, soit dit en passant, est jeune, puisque 62 % de son tonnage ont été mis en service depuis moins de 10 ans, se répartissait comme suit le 1er juillet 1972 (tonnage exprimé en millions de tjb).
|
Tonnage au |
% moyen annuel de croissance 1960-1970 |
% d’accroissement 1971-1972 |
|||
1.7.60 |
1.7.70 |
1.7.71 |
1.7.72 |
|||
1. Pétroliers |
41,465 |
86,140 |
96,141 |
105,129 |
7,56 |
9,3 |
2. Autres navires dont : |
88,365 |
141,35 |
151,062 |
163,211 |
4,8 |
8 |
transporteurs de vrac et navires combinés |
- |
46,652 |
53,797 |
63,488 |
20 |
18 |
cargos et divers |
- |
94,698 |
97,265 |
99,723 |
1,8 |
2,5 |
Total 1 + 2 : |
129,83 |
227,49 |
247,203 |
268,34 |
5,77 |
8,6 |
Pour en revenir aux constructions navales, 2 800 navires nouveaux ont été livrés représentant 26,7 M tjb, soit une augmentation, comme il a été dit plus haut, de 7,5 % par rapport à l’année précédente, pourcentage néanmoins en dessous du taux moyen annuel de croissance de la période 1960-1970, qui a été de 10 %, La part des pétroliers s’est élevée à près de 40 % de ce total ; celle de l’ensemble des transporteurs de vrac et des navires combinés (vrac, marchandises diverses et conteneurs) a été du même ordre (37 %) dont un peu moins de la moitié pour cette dernière catégorie. Évalués en port en lourd (2), ces pourcentages seraient encore plus importants, car il s’agit principalement d’unités de fort tonnage.
La production des chantiers japonais en 1972, évaluée par la moyenne des mises sur cale et des livraisons, vient largement en tête puisqu’elle se monte à 49,74 %. Viennent ensuite : la Suède avec 7,4 %, l’Allemagne fédérale (RFA) avec 4,7 %, le Royaume-Uni avec 4,6 % et notre pays avec 4,1 %.
Durant 1972, on a constaté une reprise de la croissance de la taille des navires les plus grands ; mais compte tenu des infrastructures portuaires et de la nature des trafics, les unités de moyen tonnage sont encore appelées à jouer un rôle important. Une certaine évolution dans ce sens s’est produite en 1972, au niveau de la demande de tonnage neuf et pourrait se confirmer en 1973.
Pour ce qui concerne les pétroliers, un regain d’intérêt s’est manifesté en 1972 pour les navires de 80 000 à 100 000 tpl. C’est qu’ils s’avèrent indispensables pour les trafics d’éclatement et pour l’approvisionnement direct des raffineries desservies par des ports en eaux peu profondes. Dans le secteur des grands tonnages, les commandes des armateurs en 1972 ont surtout porté sur des unités du type ULCC (Ultra Large Crude Carriers) de plus de 300 000 t et dont le tirant d’eau est fixé à 72 pieds (21,60 m) en fonction des travaux attendus d’approfondissement du chenal d’accès de l’Europort à Rotterdam. Le plus grand pétrolier en service est le Globtik Tokyo construit au Japon. Les plus grandes unités en carnet concernent deux pétroliers de 541 000 tpl, dont la construction a été confiée aux chantiers de l’Atlantique par la Shell. Ainsi, la croissance du tonnage unitaire maximal des navires a franchi un nouveau seuil et il semble que la prochaine étape verra la naissance de navires de 700 000 tpl.
La taille des transporteurs de vrac tend aussi à croître mais moins rapidement que celle des pétroliers. Un chantier suédois a lancé dernièrement un navire de 280 000 tpl et la quille d’un autre de 270 000 tpl a été posée au Japon.
Les porte-conteneurs ont pris aussi une grande expansion et la tendance est d’accroître leur vitesse. C’est ainsi qu’en 1972 ont été mis en service aux États-Unis des porte-conteneurs de 120 000 CV et 30 nœuds de vitesse commerciale. Ce système de transport, dit le rapport de la Chambre syndicale, a imposé des investissements très lourds ; il semble donc que l’on doive entrer maintenant dans une phase de consolidation qui va s’accompagner d’une pause dans la passation de nouvelles commandes. Mais il n’est pas impossible que l’application de l’énergie nucléaire à la propulsion des porte-conteneurs, dont la vitesse constitue un facteur commercial déterminant, provoque à terme une nouvelle relance de la demande.
On notera à cet égard que le chantier allemand Brumer Vulkan, en coopération avec trois firmes japonaises, met au point les plans d’un porte-conteneurs à propulsion nucléaire de grande puissance dont la mise en service pourrait avoir lieu dans 4 ou 5 ans.
Les cargos et cargos mixtes de tonnages divers ainsi que les méthaniers occupent aussi une part importante dans l’activité des chantiers navals. Il n’est plus construit par contre de navires de passagers, à l’exception des ferry-boats, et l’on peut dire que les navires anciennement construits, tels que le France ou le RMS Queen Elisabeth II, sont surtout rentables s’ils sont utilisés pour les croisières d’agrément.
Si l’on examine maintenant notre industrie navale qui, rien que dans ses chantiers, fait vivre 27 000 personnes, on constate que celle-ci travaille, pour près de 50 %, pour le compte d’armateurs d’étrangers (3). Entre 1967 et 1971, son activité a été caractérisée par une forte expansion puisqu’au cours de ces années la production est passée de 499 000 à 1 133 000 tjb Cette évolution n’a pas été seulement la conséquence du haut niveau auquel s’est maintenue, pendant cette période, la demande du tonnage neuf sur le marché mondial ; elle s’explique également par les réorganisations de la profession et la modernisation des chantiers navals, conformément aux orientations prises par les constructeurs dans le cadre de la politique concertée avec les pouvoirs publics.
Fondée en particulier sur l’exécution d’un important programme d’investissements pour permettre à nos chantiers navals d’accroître leur productivité et de répondre à la demande de navires toujours plus gros et plus complexes, l’industrie navale française a pu se maintenir au 5e rang du classement mondial en ce qui concerne la production et parfois même se situer au troisième pour ce qui est du carnet de commandes. Celles-ci malheureusement n’ont pas été en 1972 très importantes – à peine 50 000 tjb – ce qui fait que le carnet s’est sensiblement réduit passant de 5,44 M tjb le 1er janvier 1972 à 4,3 M tjb le 1er janvier 1973. Ces chiffres, globalement encore satisfaisants, compte tenu du niveau de production auquel se situe notre industrie, marquent en réalité des situations très différentes suivant les chantiers ; la situation des constructeurs de moyen tonnage est inquiétante, le plan de charge de certains d’entre eux ne dépassant guère un an. On a noté toutefois au cours du premier trimestre 1973 une reprise des commandes et plusieurs contrats sont en cours de négociation, ce qui fait que le carnet de commandes de nos chantiers pourrait s’améliorer et, parallèlement, le plan de charge de certains chantiers.
La production durant 1972, toujours calculée selon la moyenne des mises sur cale et des livraisons, s’est élevée à 1,16 M tjb, soit une augmentation d’à peine 3 % sur 1971. Elle est inférieure de près des 3/4 au taux moyen d’expansion de la construction mondiale cette même année. La production de la construction navale française a donc marqué en 1972 un net fléchissement. Les tonnages mis sur cale en 1972 et les premières statistiques de production pour 1973 ne laissent malheureusement entrevoir aucune amélioration, et il est très possible que notre industrie navale soit cette année dépassée par celle de l’Espagne, ce qui la fera reculer au 6e rang.
En 1972, les livraisons les plus remarquables ont porté sur :
– 1 pétrolier de 276 700 tpl aux Chantiers de l’Atlantique, premier d’une série de six destinés au groupe Shell ;
– le méthanier Gadima de 73 000 m3, premier d’une série de quatre commandés par le groupe Shell aux Chantiers de l’Atlantique également ;
– 2 pétroliers de 240 000 tpl aux Chantiers navals de La Ciotat ;
– 2 navires combinés de 160 000/170 000 tpl et 1 porte-conteneurs roulier, premier d’une série de quatre aux Chantiers de France à Dunkerque ;
– 3 porte-conteneurs de 27 700 tpl aux Constructions navales et industrielles de la Méditerranée (CNIM) ;
– 2 ferry-boats aux Chantiers Dubigeon Normandie.
Dans le domaine de la pêche, les livraisons ont porté en 1972 sur 17 unités, dont deux pour un armement britannique et 3 pour des pays africains. Les livraisons de navires pour la Marine nationale ont été très réduites, celle-ci faisant presque uniquement appel à ses arsenaux. Par contre, l’industrie privée a construit en 1972 des vedettes rapides et patrouilleurs lance-missiles pour la RFA, la Grèce et la Malaisie.
Espagne : entrée en service de 2 sous-marins
Le Tonina, second des 4 sous-marins type Daphné construits par l’Empresa Nacional Bazan à Carthagène avec le concours de notre Direction technique des constructions navales (DTCN), a été admis au service actif le 10 juillet 1973 dernier. Le premier, le Delfin, était entré en service le 26 avril 1973.
Rappelons qu’en plus de ces sous-marins, la marine espagnole a en construction 5 escorteurs de 4 100 t dérivés des destroyers d’escorte américains de la classe Knox. Le Baléares, prototype de la série, est en essais et le dernier, le F-75 Extremadura, ralliera la flotte en 1976. Ces escorteurs présentent les caractéristiques ci-après :
– déplacement : 4 177 tpc ;
– longueur : 133,60 m ;
– largeur : 14,25 m ;
– propulsion : 2 chaudières à combustion sous pression – 2 groupes de turbines développant 35 000 CV au total – 1 hélice ;
– vitesse : 27/28 nœuds ;
– armement : 1 système surface-air « Standard Tartar » à moyenne portée ; 1 tourelle simple de 127 AA automatique (40 coups/minute) ; 1 ASROC (Anti Submarine Rocket) et 6 tubes lance-torpilles pour la lutte anti-sous-marine (ASM). L’installation ultérieure d’un ou deux hélicoptères ASM est prévue.
Le gouvernement espagnol a d’autre part édicté une loi (21 juillet 1971) qui prévoit un programme de rénovation de la flotte à réaliser d’ici 1980. Basé sur une évaluation prospective des ressources financières qui pourront lui être consacrées, ce plan prévoit en principe la construction de :
– 1 croiseur léger ;
– 3 destroyers lance-missiles ;
– 10 escorteurs d’environ 1 300 t ;
– 2 sous-marins ;
– 6 patrouilleurs de 400 t dont le prototype sera construit en Allemagne et les suivants à Carthagène ;
– 1 bâtiment base de sous-marins ;
– 1 navire de soutien logistique ;
– 1 transport léger ;
– des engins de débarquement ;
– la rénovation des équipements de l’infanterie de Marine.
Ce plan a récemment reçu un commencement d’exécution avec la commande du premier des patrouilleurs de 400 t aux chantiers Lurssen de Brême-Vegesack. En attendant la réalisation du plan, les sous-marins type Daphné, les escorteurs classe Baléares et les navires cédés à titre de prêt par l’US Navy permettront d’effectuer la soudure entre la flotte actuelle vieillissante et la nouvelle issue du plan.
Grande-Bretagne : lancement du Birmingham et constructions neuves
L’HMS Birmingham, deuxième des 6 destroyers classe Sheffield (type 42) actuellement en construction, a été lancé le 30 juillet dernier à Birkenhead ; le Sheffield avait été mis à l’eau le 10 juin 1972. Les principales caractéristiques de ces bâtiments sont :
– déplacement : 3 600 t ;
– longueur ; 125 m ;
– largeur : 14,30 m ;
– propulsion : 2 turbines à gaz Rolls Royce Olympus pour la marche à grande vitesse ; 2 turbines à gaz Tyne pour la navigation économique : 2 hélices ;
– vitesse maximale : 29 nœuds (sur les Olympus) ;
– distance franchissable : 4 000 nautiques à 18 nœuds (sur les Tyne).
Leur armement comprend des missiles surface-air à moyenne portée Sea Dart (portée 25 nautiques, volume d’interception 100 à 65 000 pieds), un canon automatique de 114 antiaérien et un hélicoptère ASM du type WG13 Lynx franco-britannique.
Outre ces destroyers, la Royal Navy a actuellement en construction :
– 1 croiseur de commandement de 20 000 t, l’HMS Invincible, pouvant mettre en œuvre quelques hélicoptères ASM du type Sikorsky SH-3 Sea King et un petit nombre d’avions Hawker Siddeley Harrier du type Adac/Adav (Avion à décollage et atterrissage courts/Avion à décollage et atterrissage verticaux) ;
– 4 Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de 4 000 t : HMS S108 Sovereign, S109 Superb, S110 Sceptre et S111, celui-ci au titre de l’année fiscale 1972-1973 ; le S108 est en essais ;
– 8 frégates de 2 500 t type 21 : HMS Amazon, Ambuscade, Antelope, Active, Arrow, Alacrity, Ardent et Avenger ; la première est en essais.
Le tout se monte à environ 77 600 t. Le dernier Livre blanc sur la Défense a annoncé que le prototype d’une nouvelle classe d’escorteurs, le type 22, classe qui comprendrait au moins 14 bâtiments, serait commandé durant l’exercice budgétaire 1973-1974. Le type 22 déplacera 3 950 t et sera – comme tous les bâtiments britanniques récents – propulsé par turbines à gaz. Son armement comprendra deux systèmes surface-air à courte portée du type Sea Wolf, 8 MM38 Exocet et un hélicoptère ASM Lynx. ♦
(1) La jauge brute d’un navire marchand correspond au volume sous son pont principal, plus celui des entreponts et superstructures, à l’exclusion de tout espace couvert. Elle s’exprime en tonneaux, dits de jauge brute, dont la valeur est de 100 pieds-cubes, soit 2,83 m3.
(2) Le port en lourd (tpl), évalué en tonnes métriques, est égal au poids des marchandises embarquées, des approvisionnements, de l’équipage et des passagers, quand il y en a, le navire étant supposé dans sa ligne de flottaison normale
(3) La Grande-Bretagne et les pavillons de complaisance du Liberia et de Panama sont les trois plus importants clients de nos chantiers.