Cinématographique - Le festival international du film militaire
Pour la 6e fois, le Festival international du film militaire s’est déroulé à Versailles, du 9 au 13 juillet 1973. Ce léger recul de calendrier – jusque-là le festival avait lieu en juin – est dû à des considérations techniques, le comité d’organisation ayant estimé que l’on devait rapprocher la manifestation versaillaise des fêtes du 14 juillet. Le jury, présidé par le général Jacques Vouzellaud et composé de personnalités du cinéma international, Juan Julio Baena Alvarez (Espagne), Jean Dréville (France), Bagalama Ka Yangé (Zaïre), Guéorgui Stoyanov-Bigor (Bulgarie), Pierre Tchernia (France), Gösta Werner (Suède), a vu et apprécié plus de 80 films appartenant à la production des 24 pays suivants : Algérie, Allemagne fédérale (RFA), Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Israël, Italie, Liban, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie, URSS, Yougoslavie. La qualité générale des films a été jugée très satisfaisante, aussi bien par le jury que par les spectateurs avertis. La France a été particulièrement à l’honneur puisque sa sélection a bénéficié d’une motion particulière au palmarès : « En ce qui concerne la France, étant donné la qualité et la diversité des films présentés par le Cinéma des Armées et la télévision française, le jury a décidé que la production de la France ferait l’objet d’un prix spécial. Le jury demande en outre que le film ÉMIR (Élément médical d’intervention rapide) soit présenté au public. Ce film met en valeur l’intervention de l’homme face aux grandes catastrophes naturelles et obtient donc le prix spécial réservé au film dans lequel le rôle de l’homme est le mieux mis en valeur ».
Le palmarès proprement dit a été établi de la façon suivante :
Films d’instruction :
Soleil d’Or pour Conduite des Chars (Roumanie), Soleil d’Argent pour Lui-même (Espagne), des médailles d’honneur pour Le Rythme du corps des blindés (Israël) et Habitudes d’hygiène du soldat (Yougoslavie).
Films d’information :
Soleil d’Or pour Frégate (Grande-Bretagne), Soleil d’Argent pour Le rôle national (Canada), médailles d’honneur pour Une piste vers la lumière (Norvège), Sur le polygone (Pologne), Quatre dans un Leopard (Allemagne) et L’armée de l’air dans la défense totale (Suède).
Films de télévision :
Soleil d’Or pour Entraînement psychologique (URSS), Soleil d’Argent pour La Traversée (Hongrie).
Le verdict du jury a été accueilli très favorablement avec une seule petite réserve toutefois. En effet, nombreux furent les spectateurs du festival qui estimaient que le film soviétique Entraînement psychologique est d’une très grande « agressivité » patriotique. Film à montrer obligatoirement à nos contestataires et à nos « gauchistes », disait-on dans la salle… Le palmarès appelle encore un autre commentaire, d’ordre technique. La distinction entre films de cinéma et films de télévision est assez subtile à établir, les uns passant sur les antennes de la télévision, les autres faisant parfois partie d’un programme de cinéma. Mais, à partir du moment où le règlement du festival admet les films réalisés par les organismes de télévision, il faut bien en prendre son parti.
Ces considérations d’opportunité technique mises à part, c’est avec plaisir que l’on a pu constater la haute tenue du festival qui, cette année, a été un des meilleurs en ce qui concerne la qualité artistique des films présentés. Pour donner un aperçu des principales œuvres, nous suivrons l’ordre chronologique de projection des films, ordre tiré au sort par le Comité d’agrément, chargé par ailleurs d’éliminer de la compétition pacifique des films à caractère politique ou comprenant des scènes de guerre vécues. Le film espagnol Lui-même (Soleil d’Argent) a pour but de faire connaître d’une manière instructive l’importance des moyens modernes actuels de l’infanterie de marine. Deux autres films de l’Espagne méritent d’être cités : Par les routes du Ciel, mettant en relief les connaissances acquises par un appelé de l’armée de l’air pendant son service militaire et qui lui serviront après sa libération, et Les Guérilleros (leur formation et l’entraînement intensif). Le film hongrois La Traversée (médaille) présente habilement un exercice de collaboration entre des unités techniques composées de soldats de différentes nationalités. On a, d’autre part, apprécié également le film d’instruction hongrois L’arme individuelle, compagne fidèle dont l’auteur décortique de façon lumineuse le maniement et l’entretien d’une arme à main.
La Grande-Bretagne a fort justement récolté un Soleil d’Or pour Frégate, reportage sur huit jours en mer, à bord d’une frégate de la Royal Navy. Ce film est destiné à encourager le recrutement d’officiers de marine de tous grades. La distinction accordée par le jury ne doit pas nous faire passer sous silence deux contributions britanniques extrêmement originales puisqu’il s’agit de bandes de propagande ne dépassant pas chacune deux minutes et demie de projection : Bon pour le saut, qui doit attirer l’attention du public sur les activités de l’armée, et En chute libre, reportage-éclair sur les « diables rouges », parachutistes de l’armée de terre. Le Soleil d’Or accordé à la Roumanie est non seulement mérité mais vient en quelque sorte réparer une injustice du sort. Depuis la création du festival en 1964, la Roumanie a toujours présenté des films intéressants sans pour autant figurer au palmarès. Aujourd’hui c’est chose faite grâce à Conduite des chars qui présente de façon instructive et en même temps spectaculaire la technique de la conduite des chars de combat en hiver sur un terrain accidenté. Dans la catégorie « instruction », les Roumains ont aussi présenté un film extrêmement efficace et en même temps spirituel, Grande est la petite pelle, cours éducatif mettant en évidence l’importance de la pelle portative pendant les combats.
En ce qui concerne la sélection italienne, on comprend fort bien que le jury ne lui ait pas accordé cette année une attention particulière ; en revanche, le public a vivement apprécié Le Carrousel équestre, éblouissante démonstration des carabiniers à cheval du 4e Régiment. Il en va de même du film norvégien Avec rythme et précision, reportage sur un programme compliqué de mouvements dans le style britannique, rythmés par des musiques appropriées. En revanche, une autre production norvégienne, Une piste vers la lumière, a retenu l’attention du jury en raison de ses résonances humaines. Il s’agit, en effet, d’un centre militaire de rééducation physique pour les handicapés. Les deux autres pays scandinaves ont présenté cette fois des films d’une parfaite correction technique sans toutefois s’élever au-dessus d’une bonne moyenne. Le jury a néanmoins tenu à souligner par l’attribution d’une médaille d’honneur les qualités du film suédois L’Armée de l’air dans la défense totale qui montre les différentes fonctions de la surveillance et de la détection aérienne.
Contrairement à ce qui s’est passé au cours des festivals précédents, la RFA n’a présenté cette fois qu’une seule production : Quatre dans un Leopard. Ses qualités ont été sanctionnées par l’attribution d’une médaille (récompense à notre avis trop modeste). Le film présente avec beaucoup de doigté l’équipement, l’instruction, les missions de combat, la collaboration et la camaraderie entre les soldats des blindés de l’actuelle Bundeswehr. De leur côté, les Pays-Bas ont apporté une contribution originale en présentant un film de dépaysement géographique : Les fusiliers-marins et le ski. On y voit les fusiliers-marins hollandais soumis à un entraînement « au froid » pour apprendre à se tirer d’affaire en pays montagneux et dans les régions arctiques ! Excès de précaution, ont pensé certains observateurs…
Récompense également trop modeste, à notre humble avis, que cette médaille accordée au film polonais Sur le polygone qui se distingue du reste de la sélection nationale de ce pays par une photographie en noir et blanc d’une suprême beauté et par un montage rigoureusement condensé. Artistiquement parlant, ce film de vulgarisation est une des plus belles œuvres présentées cette année au festival. Il est sans doute dommage que la Belgique ait été oubliée au cours de la distribution des prix. La sélection comportait deux films dont les qualités paraissent certaines : Brigitte, qui étudie les réactions des sentinelles face aux différentes situations dans lesquelles le mot de passe est indispensable, et Un métier dans le vent, reportage sur les divers aspects, techniques, physiques et moraux, de la carrière de sous-officier.
Au tour de la France, maintenant. Outre L’ÉMIR, dont l’aspect humain a été mis en relief par le commentaire du jury, la sélection, jugée la meilleure dans son ensemble, comportait Pompier à Paris qui souligne l’efficacité du corps des sapeurs-pompiers de la capitale face à l’insuffisance de prévention dans une ville moderne, Ravitaillement en vol, exposé des différentes phases du ravitaillement en vol des appareils de la Force aérienne stratégique (FAS), Les Gardiens de l’Apocalypse, présentation par la télévision d’un équipage de tir de missiles atomiques au poste de commandement souterrain du Plateau d’Albion, et enfin deux productions de l’ECPA, Le CRAID et Sept jours en mer que nous avons analysées ici même en juin 1973 et sur lesquelles, par conséquent, nous ne reviendrons pas.
Avouons que nous avons été personnellement sensible – à tort peut-être ! – au film d’instruction autrichien Embuscade qui nous paraît illustrer très efficacement une attaque par surprise d’un transport de carburant et de munitions ennemi. De même, le film soviétique La vaillance et sa formation, sur la préparation sportive et psychologique des parachutistes, nous a semblé, malgré quelques naïvetés, plus digne d’intérêt que le film-lauréat, L’entraînement psychologique (du personnel des unités motorisées et blindées) qui, en dépit de la vigilance du Comité d’agrément, a introduit un élément de propagande politique dans une compétition où, plus qu’ailleurs, la politique devrait briller par son absence. Par son sujet, le film canadien primé (Soleil d’Argent) et intitulé Le rôle national se rapproche de L’ÉMIR puisqu’il montre le rôle joué par les forces armées canadiennes au service de la nation en cas de fléaux naturels. Ajoutons que les autres films de la sélection nationale du Canada étaient également de très bonne qualité.
En suivant toujours la chronologie des projections, nous trouvons un dernier film à figurer au palmarès avec une médaille bien méritée : Les habitudes d’hygiène du soldat (Yougoslavie). On y traite de l’importance pour chaque homme, et en particulier pour le jeune soldat, d’acquérir des habitudes d’hygiène élémentaire. Cette production a été réalisée selon une tradition que nous avons pu observer depuis plusieurs années dans la sélection yougoslave. L’humour est toujours étroitement mêlé aux considérations d’ordre pratique, ce qui augmente encore l’efficacité. Ceci nous permet de terminer cet aperçu panoramique sur le 6e Festival international du Film militaire en exprimant le souhait de voir l’humour fleurir un peu plus souvent dans un genre de création cinématographique qui risque, parfois, d’être trop austère et de manquer par conséquent les buts qu’elle se propose. Le cinéma militaire yougoslave est, à cet égard, fortement encourageant. ♦