Défense en France - Un centenaire : la création des régions militaires - Ouverture de la dixième session du Chear (Centre des hautes études de l'Armement) - L'Onera (Office national d'études et de recherches aérospatiales) - Le Président de la République aux Armées - Réunion des Hauts fonctionnaires de défense
Un centenaire : la création des régions militaires
En dépit des modifications qu’elle a subies depuis un siècle, l’organisation territoriale militaire de la France actuelle remonte à la réforme instaurée par la loi du 24 juillet 1873, inspirée par un souci de décentralisation au profil des Régions militaires.
Il existait bien, avant le funeste conflit de 1870, vingt-deux divisions militaires. Mais la très forte centralisation de certaines armes, comme l’artillerie et le génie, et des services demeurait et faisait que le Haut Commandement éprouvait de graves difficultés à passer de l’organisation territoriale du temps de paix à l’organisation opérationnelle du temps de guerre. Encore ce passage s’accompagnait-il de crises de subordination génératrices de délais compromettant la rapidité des opérations de mobilisation et de constitution de grandes unités.
C’est pour remédier à cette situation néfaste soulignée par la défaite que la loi de 1873 crée alors dix-huit régions militaires et fait correspondre à chacune un corps d’armée à composition fixe et interarmes. Infanterie, cavalerie, artillerie, génie et services sont ainsi dès le temps de paix articulés au sein d’une grande unité sous les ordres du Commandant de Région militaire appelé à en assumer la responsabilité opérationnelle. Ce corps d’armée est chargé de l’instruction, de l’administration et de la mobilisation des réserves. Cette organisation fera la preuve de son efficacité en 1914 en permettant la mise sur pied de guerre de près de quatre millions d’hommes dans des conditions remarquables.
Après la guerre, en raison de la réduction des effectifs et de la réorganisation de la mobilisation qui s’alourdit et se complique en fonction de l’évolution des armements, la division se substitue au corps d’armée en tant que grande unité territoriale mais le Commandant de Région conserve ses attributions de commandement, d’administration et de mobilisation sur toutes les forces, services et réserves de son ressort géographique.
Recréées à la Libération, les Régions militaires voient leur nombre passer à dix en 1946 puis, après l’ordonnance sur la Défense de 1959, à sept en 1966. Leur tracé géographique correspond à celui des sept zones de défense : elles sont découpées en divisions militaires dont les limites coïncident avec celles des circonscriptions d’action régionale (régions économiques). Certes, les unités des forces de manœuvre échappent à l’autorité opérationnelle du Commandant de Région, mais celui-ci dispose de ses propres services et, avec ses forces du territoire, il est appelé à assumer la responsabilité de la défense opérationnelle du territoire.
Ouverture de la 10e session du Centre des hautes études de l’armement (CHEAr)
La séance d’ouverture de la 10e session du CHEAr a eu lieu le 3 octobre sous la présidence de M. Robert Galley, ministre des Armées, en présence des plus hautes autorités militaires et de personnalités civiles représentant les grandes administrations de l’État et les secteurs les plus significatifs de l’économie française. Pierre Loygue, vice-Président directeur général des Chantiers de l’Atlantique, a donné à cette occasion une conférence sur le thème : « De la stratégie des entreprises considérée comme un des Beaux-Arts ».
Avant de présenter le conférencier, M. Blancard, Délégué ministériel pour l’Armement (DMA), a rappelé la mission du CHEAr qui est de préparer chaque année une quarantaine d’auditeurs à assumer des fonctions de haute responsabilité dans le domaine de la préparation, de la réalisation et du contrôle de notre politique d’armement. Ces auditeurs sont des ingénieurs militaires, des officiers des trois armées, des fonctionnaires civils ainsi que des cadres supérieurs de l’industrie et de la banque, secteurs auxquels le Délégué envisage d’offrir un nombre de places plus grand, si les crédits alloués le permettent.
M. Loygue a exposé les difficultés que rencontrent les entreprises du fait de l’énorme essor industriel des dernières années. L’apparition de nouveaux produits, de technologies nouvelles, de structures multinationales, le raccourcissement des délais d’investissements, les problèmes de change amplifiés par le développement des exportations, les changements de mentalité eux-mêmes, tout concourt à rendre de plus en plus difficile la prévision économique. Aussi convient-il que la stratégie des entreprises fasse de plus en plus appel à l’imagination créatrice et à la continuité de la volonté. C’est à ce titre qu’elle devient un art.
M. Robert Galley, après avoir remercié le conférencier pour sa brillante conférence et la pertinence de ses réflexions, a fait observer à cette occasion que les immenses progrès accomplis par la France devraient être de nature à rendre confiance à notre jeunesse inquiète de l’avenir.
La 10e session du CHEAr se déroulera sur le thème directeur : « Rationalité économique, stratégie des entreprises et politique d’armement ».
L’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onéra)
Le 16 octobre 1973, M. Blancard, DMA, a effectué une visite technique au siège de l’Onéra au cours de laquelle il s’est fait présenter le point des différents programmes de recherches.
Créé en 1946, l’Onéra est en effet placé sous l’autorité du ministre des Armées et plus particulièrement, depuis sa création en 1961, sous la tutelle de la DMA. C’est en effet le délégué qui arrête, après approbation du conseil d’administration, les projets de programmes de recherches et les projets d’investissements que lui soumet le directeur général. Établissement public scientifique et technique à caractère industriel et commercial, l’Onéra a pour vocation le développement et l’orientation des recherches ainsi que leur coordination en liaison avec les organismes chargés de la recherche scientifique et technique, en particulier le Centre national d’études spatiales (Cnes). Ces liaisons, en milieu militaire, sont particulièrement étroites avec la Direction des recherches et moyens d’essais (DRME) pour ce qui concerne l’élaboration des programmes et des budgets, et, pour les études plus proches de l’application, avec la Direction technique des constructions aéronautiques (DTCA) et la Direction technique des engins (DTEn). Par ailleurs l’Onéra entretient des contacts fréquents avec les industriels aérospatiaux français ainsi qu’avec l’organisme consultatif compétent de l’Otan et divers organismes étrangers ou multinationaux avec lesquels il est appelé à entreprendre des études en coopération.
L’Onéra emploi un peu moins de 2 000 personnes dans ses différentes installations réparties sur tout le territoire. En région parisienne, à Chatillon-sous-Bagneux, sont implantés le siège et les laboratoires principaux, des souffleries à Chalais-Meudon et Fontenay-aux-Roses et diverses activités à Palaiseau, Le Bouchet et Satory : en province, les grandes souffleries industrielles de Modane, la soufflerie subsonique de Cannes et le Centre d’études et de recherches de Toulouse qui fonctionne auprès de l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’Espace (ENSAE). C’est dans cette région également que seront créées une soufflerie subsonique et des installations de recherche aérodynamique.
Doté de l’autonomie budgétaire, l’office assure la gestion de son budget. La partie fonctionnement de celui-ci est alimentée en partie par une participation de l’État, consacrée de façon générale aux recherches non destinées à application immédiate, en partie grâce aux ressources fournies par la passation de contrats, normalement liés à des réalisations, et par des revenus directs, en particulier redevances de brevets. Si cette dernière rubrique reste modeste, les prévisions pour 1973 laissent à penser que les rentrées provenant des contrats devraient pour la première fois être supérieures à la participation de l’État. Les dépenses d’équipement de l’office sont, pour l’essentiel, financées par une subvention inscrite au Titre V du budget des Armées qui a été chiffrée à 46,6 MF pour 1974.
Pour l’exercice de ses activités, l’Onéra est organisé en cinq divisions techniques respectivement chargées de l’aérodynamique, de la résistance des structures, de l’énergétique, des matériaux et des travaux de physique générale. De plus une direction des grandes souffleries industrielles coiffe les installations de Modane ; la direction des études de synthèse est chargée, en plus de la liaison avec les organismes français et européens de recherche, de la maîtrise d’œuvre d’études complexes faisant appel à des disciplines scientifiques diverses. La complexité en effet des recherches aérospatiales tient au fait que, d’une part, la solution des problèmes posés passe par le recours à des disciplines ou des techniques qui débordent parfois le cadre aérospatial et qu’inversement les résultats des recherches sont susceptibles d’applications dans d’autres domaines.
Équipé et organisé pour faire face à ces missions complexes, l’Onéra est un élément essentiel du réseau de recherche scientifique et technique français.
Le président de la République aux Armées
En venant inspecter, le 25 octobre 1973, une unité des forces de manœuvre, la 10e Brigade mécanisée, alors en manœuvres au camp de Mailly, le président de la République a tenu à marquer que la défense est l’un de ses soucis permanents et l’une des responsabilités essentielles qu’il assume en tant que chef de l’État.
À sa descente d’hélicoptère, M. Georges Pompidou était accueilli par M. Robert Galley, ministre des Armées. Le 1er groupe de Chasseurs mécanisés rendait les honneurs. Le chef de l’État gagna alors la tribune-observation où l’attendaient de nombreuses personnalités militaires : les généraux François Maurin, Chef d’état-major des armées (Céma), de Boissieu, Chef d’état-major de l’Armée de terre (Cémat), Thenoz, Chef de l’état-major particulier du président de la République (CEMP), Lefort, commandant le 1er Corps d’armée, Langlois, gouverneur militaire de Metz, commandant la VIe Région militaire, de Parcevaux, adjoint au général commandant le 1er CA, Henry, commandant la 4e Division, Arnoux, commandant la 63e Division militaire…
Le général Brasart présenta alors sa Brigade. Créée en 1962, celle-ci comprend le 503e Régiment de chars de combat (503e RCC, Mourmelon), le 18e Régiment de Dragons (18e RD, Mourmelon), le 1er Groupe de chasseurs mécanisés (1er GCM, Reims), le 40e Régiment d’artillerie (40e RA, Châlons-sur-Marne), le 410e Bataillon de commandement et de soutien (Reims). Forte de 226 officiers, 670 sous-officiers, 3 300 hommes du rang, elle est dotée de 270 engins blindés, dont plus de cent chars AMX-30.
Les démonstrations proprement dites commencèrent par un tir au canon de 105, exécuté par les équipages de chars du 18e RD, sur des cibles à éclipse situées entre 1 000 et 2 200 mètres. Les tireurs étaient de jeunes appelés du contingent à différents stades de leur instruction.
Les tirs terminés, les AMX-30 du 503e RCC participèrent à un exercice d’attaque blindée menée avec l’appui d’une batterie de 155 « automouvants » du 40e RA et le soutien d’hélicoptères armés. À l’issue de cette manœuvre, qui avait pour thème le débordement et la réduction d’une résistance ennemie, les 52 chars AMX-30 du régiment vinrent se regrouper rapidement dans un alignement impressionnant de puissance. À bord d’un command car, le président de la République les passa en revue avant de regagner son hélicoptère.
À l’issue de cette inspection, un déjeuner au mess du camp de Mailly permit au chef de l’État de s’entretenir avec les officiers de la 10e Brigade mécanisée.
Pour les forces armées et en particulier pour les personnels de l’Armée de terre, cette visite de M. Georges Pompidou témoigne de la sollicitude qu’il leur porte et elle est pour eux un puissant encouragement à poursuivre leur tâche avec le même sérieux et la même abnégation, en dépit des campagnes de dénigrement qui ont récemment cherché à les atteindre.
Réunion des hauts fonctionnaires de défense
C’est le 25 octobre 1973 que vient de se dérouler la dernière en date des réunions périodiques des hauts fonctionnaires de défense. Présidée par le nouveau Secrétaire général de la défense nationale (SGDN), le général d’armée Jean Simon, elle s’est tenue à l’École militaire à Paris, dans les locaux du CHEAr, en présence des représentants du président de la République et du Premier ministre.
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que l’institution des hauts fonctionnaires de défense trouve son fondement juridique dans l’article 15 de l’ordonnance du 7 janvier 1959 sur l’organisation générale de la défense. Ce texte précise en effet que chaque ministre, responsable de la préparation et de l’exécution des mesures de défense incombant au département dont il a la charge, est assisté (sauf celui des Armées) par un haut fonctionnaire désigné à cet effet.
Chargé de veiller en permanence à la connaissance des besoins de défense par les directions, services et organismes consultatifs existant au sein du département ministériel auquel il appartient, le haut fonctionnaire de défense est responsable de l’élaboration des mesures à mettre en œuvre en matière de défense ainsi que de la réalisation des collaborations interministérielles réclamées par ces dispositions. Il a d’autre part la charge de l’établissement et de la tenue à jour du mémento particulier répertoriant les mesures de défense applicables au ministère considéré ainsi que de l’application des dispositions propres à garantir la sécurité de défense dans son secteur d’activité. Largement informé des problèmes généraux de défense par le SGDN, il lui apporte en retour la connaissance des besoins et des possibilités de son département ministériel. Dans le cadre de la mission qui lui est dévolue, il a autorité pour les questions de défense sur l’ensemble de l’administration ressortissant à son ministère. À ce titre, il participe aux travaux qui sont confiés à divers comités et commissions.
Prenant la parole au début de la séance, le général d’armée Simon a dressé un bilan des travaux accomplis et des résultats obtenus depuis la précédente réunion qui avait eu lieu en juin 1972. Il a d’autre part indiqué les questions en cours de traitement et celles qu’il convenait de faire aboutir en priorité. Lui succédant, les différents directeurs de division du SGDN sont intervenus à leur tour pour exposer les problèmes qui les préoccupaient, en particulier ceux touchant aux crédits civils de défense et aux structures administratives de la défense économique. Les représentants du Céma ont évoqué pour leur part des questions concernant l’application concertée de la politique de défense, la protection des relations en matière de télécommunications et des problèmes de fond relatifs à la Défense opérationnelle du territoire (DOT), domaine réglementé depuis peu par un nouveau décret en date du 1er mars 1973.
Les hauts fonctionnaires de l’Intérieur et de l’Agriculture comme ceux du Développement industriel et scientifique ou des Anciens combattants ont à leur tour traité des sujets qui répondaient aux préoccupations de leur département respectif en matière de défense (protection des populations, ravitaillement général, formation civique et information du public, etc.).
À cette occasion, les questions débattues ont fait l’objet d’un large échange de vues qui doit permettre – dans le cadre d’une concertation indispensable – de parvenir à une meilleure connaissance réciproque des problèmes soulevés et par suite à l’obtention de solutions aussi satisfaisantes que possible.
Michel Dives
NDLR : La présente chronique était en cours d’impression au moment de la présentation du budget de la Défense Nationale devant le Parlement : nous lui consacrerons un article dans notre prochain numéro.