The Problems of Chemical and Biological Warfare. Vol. II : CB Weapons Today
Les études que le Stockholm Peace Research Institute (SIPRI) a publiées depuis sa fondation, en 1966, sur les armements et le désarmement, notamment l’ouvrage qu’il édite chaque année sous le titre World Armaments and disarmament SIPRI Yearbook, lui ont acquis une notoriété mondiale et font autorité en raison de leur sérieux et de leur objectivité.
S’il est un domaine où ces qualités étaient plus que jamais nécessaires, c’est bien celui de la guerre chimique et biologique auquel le SIPRI s’est attaqué dès sa création en entreprenant de publier une véritable « Somme » de la question, comprenant six volumes dont quatre, avec celui-ci, sont déjà parus. Rappelons que le premier, The Rise of CB Weapons, était un historique du développement de ces armes et de l’emploi qui a pu en être fait entre 1914 et 1945. Le troisième volume, CBW and the Law of War, à paraître prochainement, sera consacré aux limitations légales de l’emploi des armes biologiques et chimiques, à l’étude du champ d’application du Protocole de Genève et à l’inventaire de tous les travaux juridiques se rapportant à ce problème. Quant aux volumes déjà parus, le volume IV : CBW Disarmament Negociation, 1920-1970, le volume V : The Prevention of CBW et le volume VI : Technical Aspects of Early Warning and Verification (en préparation), ils tournent autour du thème des négociations internationales en vue de la prévention de cette sorte de guerre et des mesures de contrôle qui ont pu être ou pourraient être envisagées pour l’assurer.
Le rédacteur du présent volume est le Professeur Julian Perry Robinson, assisté de MM. Carl-Göran Hedén et Hans von Schreeb. Le travail qu’ils ont accompli pour produire ces 420 pages abondamment fournies en tableaux, notes, références de toutes sortes (la table qu’ils en donnent in fine ne comporte pas moins de 1 617 documents) est proprement prodigieux.
Les auteurs nous disent qu’ils ont eu scrupule à livrer à la connaissance publique cette masse de données techniques utilisables à des fins de guerre. Ils ont cependant estimé que la prise de conscience par un large public de la gravité des problèmes moraux que posent les armes chimiques et biologiques compensait largement ce risque.
Une première partie décrit les caractéristiques des agents BC modernes, leurs effets, les vecteurs de leur dissémination, les systèmes d’armes terrestres et aériennes afférentes et les moyens de défense et de traitement plus ou moins appropriés. De nombreux tableaux illustrent cette partie qui donne une vue effarante de l’arsenal des substances chimiques, des toxines, virus et bactéries que l’homme s’est ingénié à inventer ou à cultiver pour agir contre la vie de ses semblables ou contre celle des animaux et des plantes. Cette partie donne également des indications précieuses concernant la méthodologie relative à la nocivité de ces substances. Le lecteur y trouvera l’explication de notions-clefs non moins effrayantes encore que familières aux techniciens de ces armes, par exemple celle de dose CT (produit du temps d’exposition par la concentration de l’agent considéré), celle de ECT 50 ou de LCT 50 (dose CT entraînant soit un effet donné, soit la mort avec une probabilité de 50 %), etc.
À notre connaissance, il n’existe à ce jour aucun autre ouvrage donnant une vue aussi exhaustive et aussi détaillée des agents BC.
Mais c’est sans doute la deuxième partie, intitulée « L’utilité des armes chimiques et biologiques », qui suscitera de la part des politiques et des militaires une lecture passionnée. Les auteurs insistent sur le fait qu’ils considèrent ici les armes BC et non pas la guerre BC en elle-même. Autrement dit, ils montrent l’intérêt que peuvent présenter ces armes et les possibilités qu’elles offrent pour le traitement de certains objectifs ou l’accomplissement de certaines missions. Cette partie se conclut sur une dizaine de pages évaluant l’intérêt des armes chimiques et biologiques pour un belligérant qui envisagerait de prendre l’initiative de leur emploi (first-use) et inversement la valeur qu’un État peut attribuer à leur possession pour dissuader un adversaire d’avoir recours à elles le premier.
Les deux autres parties de l’ouvrage passent en revue les politiques en ce domaine et les programmes des différentes puissances militaires à l’Est comme à l’Ouest, en Amérique latine, en Afrique comme en Asie et en Australie, et ils montrent les perspectives ouvertes telles qu’elles ressortent des tendances connues en matière de recherche et de développement d’armes et de moyens de protection BC.
Si en déployant sous nos yeux dans tous ses détails la réalité horrible de l’arsenal des armes biologiques et chimiques – dont certaines, il n’y a pas si longtemps, étaient employées au Vietnam – les spécialistes du SIPRI visaient à nous faire réfléchir sur les risques de renaissance d’une telle forme de guerre et sur la légèreté qu’il y aurait à s’en désintéresser, ils y ont parfaitement réussi. Un livre qu’aucun chef militaire ou politique ou diplomate concerné par ces problèmes ne devrait ignorer. On regrettera qu’il n’existe pas une version française de cet ouvrage. ♦