Outre-mer - Les élections à l'Assemblée sud-africaine - Le coup d'État de Niamey (Niger)
Les élections à l’assemblée sud-africaine
Le pouvoir législatif de la République d’Afrique du Sud appartient au Parlement qui est composé du Sénat, de l’Assemblée et du président de la République élu par ces deux instances. Les sénateurs sont en partie nommés par le Gouvernement, en partie désignés par les Conseils provinciaux. Les députés sont élus au suffrage universel par les citoyens de race blanche, âgés de plus de 18 ans, suivant un découpage en circonscriptions qui tient compte, par province, de la densité de la population blanche, de la diversité des intérêts, des moyens de communication. Une commission ad hoc révise périodiquement ces divisions : c’est ainsi que le nombre des députés a été augmenté de 5 depuis le début de la dernière législature, passant de 166 à 171. Le président de la République, sur recommandation du Premier ministre, peut dissoudre l’Assemblée, formée en principe pour cinq ans, et provoquer ainsi des élections générales anticipées.
Mr John Vorster a profité de ce privilège pour avancer d’un an la fin de la législature de l’Assemblée élue en 1970. Il avait pour cela de bonnes raisons : une situation économique très favorable et la nécessité de renforcer l’autorité du Gouvernement afin d’aborder, dans les meilleures conditions, une période qui s’annonce délicate sur les plans intérieur et extérieur.
Depuis 1973, la montée continuelle des cours de l’or, due en partie aux difficultés du système monétaire international, a accru considérablement les ressources de Pretoria ; la vente de ce métal représente actuellement plus de vingt milliards de francs. En outre, la crise du pétrole, en provoquant la hausse du prix de toutes les matières premières, permet de tripler les bénéfices réalisés sur les exportations de minerais, de laine, de viande, de sucre et de céréales. Les sanctions exercées, à rencontre des régimes « ségrégationnistes », par les pays arabes n’ont que peu d’effets sur l’économie sud-africaine dont les besoins énergétiques sont couverts aux quatre-cinquièmes par d’autres produits que le pétrole ; en revanche, la hausse des prix de l’or noir valorise les réserves considérables de houille dont la transformation en huiles minérales devient une entreprise rentable. Paradoxalement, le régime « ségrégationniste » de Pretoria est un des principaux bénéficiaires de la politique menée par les pays non-alignés qui, pourtant, s’efforcent de le combattre. Celle-ci lui donne, en tout cas, les moyens financiers de mettre en œuvre des projets de développement qui, jusqu’à présent, dépassaient ses possibilités : accroissement des extractions minières et de la production d’acier qui devrait être portée de 4 à 15 millions de tonnes, extension des lignes ferroviaires, qui seront électrifiées, et des usines intéressant la défense nationale, dans le domaine de l’aviation notamment, création de nouveaux centres industriels, enrichissement de l’uranium et installation de centrales nucléaires.
Le gouvernement nationaliste estime que ces projets profiteront à l’ensemble de la population. Il n’ignore pas, cependant, qu’il est isolé sur la scène internationale en raison de sa politique intérieure. Il sait aussi que l’évolution des territoires qui entourent l’Afrique du Sud, du Mozambique à l’Angola en passant par la Rhodésie, le contraindra sans doute, dans les toutes prochaines années, à prendre des décisions importantes. Ces deux hypothèques l’obligent d’une part à vouloir accélérer l’évolution des bantoustans pour rendre plus crédible, à l’étranger, sa politique de développement séparé, d’autre part à envisager comme possible une intervention plus directe dans la politique de ses voisins. Dans le premier cas, le pouvoir devra s’en prendre à l’opposition des blancs et, dans le second, il lui faudra résister aux pressions internationales. Dans les deux cas, il lui paraît préférable d’éviter que la conduite de ces affaires ne soit influencée par la proximité d’une échéance électorale.
En considérant la situation interne de chaque parti, Mr John Vorster pouvait envisager avec optimisme les résultats du scrutin qu’il provoquait.
Son propre parti, quelque peu perturbé depuis les dernières élections par des luttes sournoises entre extrémistes de droite et libéraux, a refait son unité au Congrès du Transvaal (septembre 1973) autour des tendances les plus traditionnelles. Cette évolution, provoquée par les difficultés que rencontre le courant nationaliste boer à l’intérieur comme à l’extérieur, fait de lui le chef incontesté du mouvement qui, depuis 1948 jusqu’en 1970, n’a cessé d’accroître le nombre de ses sièges à l’Assemblée : 70 en 1948, 94 en 1953, 105 en 1961, 126 en 1966. Les dernières élections seules ne lui ont pas été favorables puisqu’il y a perdu 8 sièges, sans pour autant cesser de détenir la majorité des deux tiers.
L’opposition parlementaire comprend deux formations : le Parti Uni et le Parti Progressiste dont la caractéristique commune est de représenter la population « britisher ». Le premier, qui détenait le pouvoir en Union Sud-Africaine avant l’indépendance, a régressé régulièrement sous la pression du courant nationaliste boer : 65 sièges en 1948, 57 en 1953, 53 en 1958, 49 en 1961 et 39 en 1966. Il est remonté en 1970 à 47 sièges et reste le plus important parti d’opposition. Cependant, depuis août 1973, l’affrontement de ses tendances libérale et conservatrice est devenu publique, ce qui a provoqué la démission de M. Marais Steyer, tête de file des conservateurs, et son adhésion au parti nationaliste. Le débat tourne autour de la conception de cette fédération d’États blancs ou noirs que le parti de Sir de Villiers Graaf entend opposer au principe d’un Commonwealth d’États indépendants, aboutissement, logique mais lointain, de la politique de développement séparé menée par les nationalistes. Pour les conservateurs, il ne saurait être question que le pouvoir fédéral échappe au contrôle des blancs. Leur position rappelle celle du gouvernement de la Rhodésie du Sud dans la Fédération d’Afrique centrale. Les libéraux leur reprochent de se montrer plus racistes que les nationalistes puisque les liens unissant les États d’un Commonwealth sont moins pesants que ceux d’une fédération, et, par conséquent, d’enlever à leur thèse la plus grande partie de sa force. Les conservateurs rétorquent que si l’on veut gagner des voix sur l’électoral nationaliste et même rassurer la majorité des Britishers, il faut éviter de contester la suprématie blanche. M. Vorster peut donc constater avec plaisir que le parti Uni est impuissant à constituer une opposition de « centre gauche » capable de rallier à ses thèses l’aile libérale de la population afrikaaner.
Quant au parti progressiste qui compte un seul député, Mme Hélène Suzman, son audience est limitée aux milieux intellectuels et mondains. Sa thèse est loin d’être extrémiste d’ailleurs : une fédération d’États devrait être constituée à partir du découpage actuel en provinces et homelands africains ; les pouvoirs législatif et exécutif de chaque État seraient désignés par des élections à un suffrage « censitaire », fondé, quelle que soit la race, sur le mérite, l’instruction ou la fortune.
D’autres partis existent sans être représentés au Parlement : à l’extrême droite afrikaaner, celui du Docteur Albert Hertzog s’oppose à la politique d’indépendance des bantoustans ; à la gauche du Parti nationaliste, le « Parti démocratique » du Docteur Gerdener, en voie de création, cherche à attirer la fraction libérale des Boers. Ces mouvements ne peuvent espérer avoir une grande audience populaire que lorsque la politique gouvernementale abordera les questions essentielles.
Le résultat des élections répondit aux espérances du Dr Vorster. Les deux millions deux cent mille blancs appelés aux urnes le 25 avril confirmèrent la prédominance du Parti nationaliste qui obtint 122 sièges sur 171. Le parti uni ne garda que 41 sièges. La surprise vint du parti progressiste qui fit une percée dans la circonscription de Johannesbourg et à Cape Town, et dont le nombre des députés passa de 1 à 6.
Reconduit pour cinq ans et conforté par son succès, le gouvernement nationaliste du Dr Vorster, sera en mesure d’affronter les problèmes délicats. Ceux-ci peuvent se classer en deux catégories : ceux qui touchent à la politique africaine de l’État, ceux qui concernent la sécurité nationale.
Pour mener la politique intérieure qu’il souhaite, en pragmatiste plus qu’en idéologue, le Premier ministre sera amené à remanier légèrement le cabinet ; il est peu vraisemblable que les postes clés de la Défense, des Affaires étrangères, de l’Intérieur et des Finances, tenus respectivement par MM. P.W. Botha, Muller, considéré comme son dauphin, Mulder et Diederichs, changeront de titulaire. Il est possible que des personnalités plus libérales soient appelées à cautionner une politique africaine, qui, sans sortir des principes de l’apartheid, puisse montrer que le développement séparé aboutit à une autodétermination des bantoustans, loyalement accordée. Le Transkei, agrandi en particulier par l’acquisition de Port St John, pourrait rapidement obtenir son indépendance ; la réunion des chefs des bantoustans autour du Premier ministre – la première a été tenue en mars 1974 – pourrait être institutionnalisée, amorçant ainsi la constitution d’un « Commonwealth d’États » ; il se peut même qu’une telle conférence soit habilitée à connaître des problèmes frontaliers, des pouvoirs à accorder aux bantoustans, de l’aide financière octroyée par Pretoria, voire de la législation du travail des noirs dans les provinces blanches. Dans ce dernier domaine, Mr Vorster serait décidé, ne serait-ce que pour favoriser le développement économique, à revoir la législation du travail afin de permettre aux non-blancs d’accéder à certains emplois. Il allégerait également le « petty apartheid », notamment dans les zones urbaines, et irait peut-être jusqu’à permettre aux noirs, sous certaines conditions, d’accéder à la propriété dans la zone blanche.
Une telle politique peut être menée si l’Afrique du Sud demeure protégée de l’influence des États indépendants par un glacis de pays contrôlés par les blancs. Devant la montée des périls extérieurs, le gouvernement s’efforcera d’accroître son potentiel de défense et de rendre les forces armées et la police plus adaptées à l’action anti-subversive. Il cherchera surtout à développer son industrie afin que l’armement, dont il a besoin, dépende moins des fournitures extérieures que par le passé, et à obtenir ainsi une plus grande liberté de décision en politique étrangère. Il suivra attentivement l’évolution du Mozambique et de la Rhodésie pour être en mesure d’intervenir s’il estimait que sa propre sécurité est en cause.
Sur ce dernier point, Pretoria pourrait avoir à adopter rapidement une politique active, dans le cas où la décolonisation des provinces portugaises d’Afrique, promise par le général Spinola [NDLR 2024 : président de la Junte au pouvoir après la Révolution des Œillets], tendrait à installer à Lourenço-Marqués un régime qui ne lui conviendrait pas.
Le coup d’État de Niamey
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1974, un coup d’État militaire, dirigé par le lieutenant-colonel Kountche, Chef d’état-major général des forces armées, met fin au pouvoir du président Hamani Diori au Niger et suspend la Constitution du 8 novembre 1960. Un Conseil militaire suprême est institué ; il forme un gouvernement provisoire de 12 membres ; officiers supérieurs et subalternes se partagent par moitié les portefeuilles. Les ministères les plus importants sont tenus par le commandant Sani Souna Sido, Chef d’état-major adjoint (Intérieur et Mines), l’intendant Moussa Tondi (Finances), le capitaine Moumouni Adamou (Affaires étrangères et Coopération), le capitaine Ali Saibou (Économie rurale), le capitaine Boulama Manga (Affaires économiques). Mme Diori et deux militaires sont comptés parmi la vingtaine de victimes du putsch.
Après quelques heures d’incertitude, la population de la capitale reprend ses activités normales ; les fonctionnaires sont maintenus en place ; seuls, M. Hamani Diori, M. Boubou Hama, président de l’Assemblée et du parti gouvernemental, et les membres de l’équipe ministérielle précédente restent détenus. Leur sort définitif est lié au résultat des travaux d’une Commission de contrôle et d’enquête qui statuera sur leurs malversations éventuelles après avoir examiné la gestion des finances publiques et l’utilisation de certains crédits.
Dans un discours-programme prononcé à Radio-Niamey, le lieutenant-colonel Kountche, en tant que président du Conseil militaire suprême et chef de l’État nigérien, s’efforce de gagner à sa cause les syndicats et les étudiants ainsi qu’à rassurer les investisseurs et les gouvernements étrangers. Le Niger sera fidèle à ses amitiés ; il continuera à soutenir les thèses arabes et les mouvements de libération africains. Le Conseil militaire reprendra en mains l’organisation des secours aux populations victimes de la sécheresse. Le Code des investissements restera en vigueur ; les ressources du sous-sol demeureront des biens nationaux mais certaines sociétés d’économie mixte devront être remodelées, voire liquidées, en raison de leur mauvaise rentabilité.
Les syndicats et les étudiants paraissent fonder quelque espoir sur le nouveau régime. Tout en regrettant l’éviction de M. Hamani Diori dont la popularité reste grande, la population accepte sans déplaisir le renouvellement de l’équipe dirigeante. En revanche, l’opinion internationale se montre, de manière générale, plus circonspecte. En dehors du général Amine et de M. Sékou Touré qui envoient immédiatement leurs encouragements, les autres États font preuve de prudence : le commandant Jalloul, Premier ministre libyen, se rend lui-même sur place pour examiner la situation ; le président Boumediène délègue à Niamey le colonel Ahmed Draia, membre du Conseil de la révolution algérienne. Le Nigeria et les voisins francophones ne se manifestent pas ouvertement. Le Maroc et le Liberia vont même jusqu’à condamner cette nouvelle intrusion des militaires dans les affaires publiques d’un État africain.
Les auteurs du putsch paraissent avoir pour unique objectif l’assainissement de la gestion des affaires publiques. S’il pouvait seulement en être ainsi, l’événement serait banal ; il représenterait simplement le 24e coup d’État militaire survenu en Afrique noire depuis 1963. Mais cet événement prend toute son importance en raison de la place occupée par le Président Hamani Diori sur la scène internationale.
Comme tous les pays de l’hinterland sahélien, le Niger est à la recherche de sa personnalité. Il ne la trouve pas dans sa composition ethnique : ses 4 200 000 habitants (taux d’accroissement 2,6 % par an) se regroupent en trois foyers économiques qui n’occupent ensemble que le tiers de la superficie du pays (1 267 000 km2). Aucune des tribus n’est prédominante : les Djerma et Songhai, dans le Sud-Ouest enclavé dans le Mali, la Haute-Volta, le Dahomey et le Nigeria, cultivent le riz et le coton de la vallée du Niger ; les Haussas dans le Sud, le long de la zone frontière Niger-Nigeria, récoltent des arachides et du mil et font un peu de coton dans les dépressions humides ; dans l’Air, situé au centre-nord, les Touaregs ont leurs élevages et transhument saisonnièrement vers le sud ; des nomades peuls circulent à travers toutes les régions où leurs bovins peuvent s’alimenter. L’Islam, à la rigueur, pourrait favoriser l’unité nationale, puisque 85 % de la population se réclame de cette religion ; mais, outre que le Niger se trouve entouré de peuples qui sont eux-mêmes islamisés, ses propres musulmans se divisent en groupes tidjanistes, hamallistes, sénoussistes, plus ou moins opposés.
Depuis l’indépendance, l’administration, appuyée sur le Parti progressiste nigérien du Président Hamani Diori, disposant des aides extérieures et contrôlant les sociétés d’économie mixte, est le seul véritable instrument de l’unité. Le PPN n’a pas obtenu d’emblée cette suprématie, malgré l’interdiction, en 1959, de son principal rival, le Sawaba dont le chef, M. Djibo Bakary, s’exila en Guinée. En décembre 1963 et en 1964, l’opposition chercha à s’emparer du pouvoir par la force et, en 1965, une tentative d’assassinat de M. Diori fut suivie d’une sévère répression. Depuis lors, le calme règne dans le pays. Cependant, la jeunesse estudiantine y entretient une contestation qui, jusqu’ici, n’a jamais mis en péril le régime politique.
Dans le domaine économique, la cohésion nationale est également peu concrète. La balance commerciale, nettement déficitaire, s’est améliorée en 1970 avec l’exploitation du gisement d’uranium d’Arlit qui produit environ 900 tonnes/métal et dont la production peut être encore accrue. La région dAgadès fournit aussi quelques dizaines de tonnes d’étain. D’autres ressources minières, en particulier le gisement de fer de Say (teneur 40 %) et les phosphates de Tahoua, pourraient être développées si elles trouvaient leur utilisation sur le marché local, car leur exportation serait grevée par le prix du transport. L’industrie est embryonnaire : une huilerie, une usine d’égrenage du coton, une filature, une cimenterie, une minoterie, une rizerie, une savonnerie, une brasserie, une fabrique de produits en plastique, des abattoirs, une tannerie, une imprimerie, une briqueterie et une usine de montage de postes radio emploient au total un peu plus de mille salariés. Les plans de développement, qui sont absorbés à 60 % par les travaux d’infrastructure, sont financés presque exclusivement par l’aide extérieure. Le budget ne peut être équilibré sans une assistance étrangère. De plus, complètement enclavé, le Niger doit choisir, pour l’évacuation de ses productions vers la mer, entre la voie la plus directe qui traverse le Nigeria, dont il est déjà tributaire sur les plans commercial, énergétique et religieux, et une route plus onéreuse via Parakou et Cotonou.
Ces diverses dépendances ont conditionné la politique étrangère du gouvernement. Pour compenser l’influence nigériane, le président Diori a resserré ses liens avec les pays francophones du Conseil de l’Entente, et, comme leur caution ne lui paraissait pas suffisante, il s’est rapproché des pays arabes du Nord ; ses rapports avec l’Algérie ont été tempérés par un contentieux frontalier qui demeure pendant ; avec la Libye, par contre, ses relations sont devenues peu à peu plus confiantes et ont abouti à la rupture des relations diplomatiques de Niamey avec Tel Aviv en 1972, puis à la signature, en mars 1974, d’un accord d’assistance, lequel paraît, d’ailleurs, contenir des clauses de défense. Pour accroître le rayonnement de son pays, M. Diori a réussi à jouer, dans l’OCAM, dans les organismes culturels et techniques de la francophonie, dans la politique d’association des États africains avec la Communauté économique européenne, un rôle essentiel dont l’importance dépasse largement les potentiels économique et humain du Niger. Pour n’être pas soumis à la seule assistance de la France, M. Diori a cherché à diversifier les aides étrangères en s’adressant au Canada, où, grâce aux associations de la francophonie, il comptait de nombreux amis, à l’Allemagne fédérale et au Japon. Sa politique extérieure, cependant, est restée marquée par les luttes qu’il avait dû mener contre le Sawaba, parti révolutionnaire de M. Djibo Bakary : le Niger compte toujours parmi les huit pays africains qui n’ont pas reconnu le gouvernement de Pékin ; mais, fermement convaincu de la nécessité d’achever la décolonisation du continent, il n’avait pas accepté totalement les idées de M. Houphouët-Boigny sur le dialogue avec l’Afrique du Sud. La finesse de son jugement, ses qualités de négociateur et de médiateur faisaient du Président Diori la personnalité la plus sollicitée de l’OCAM ; son rayonnement dépassait largement les limites du continent africain. Il s’était employé à faire de la réunion de Paris, décidée sur son initiative, l’amorce d’un « Commonwealth à la française » et s’efforçait de donner une âme à cette « Communauté économique de l’Afrique de l’Ouest » que le Nigeria cherche, pour ainsi dire, à dévitaliser.
L’éviction de M. Diori est peut-être nécessaire à la remise en ordre du Niger : l’inefficacité de certaines personnalités politiques, protégées par le Président, et leur train de vie choquaient dans ce pays qui était certainement le plus éprouvé par la sécheresse de la zone sahélienne. Son départ provoque toutefois, parmi les États francophones, un vide qui, dans les circonstances actuelles, sera difficile à combler. Il pourra donc avoir de graves conséquences sur les regroupements, qui s’amorcent en Afrique de l’Ouest, et les liens qui se tissent entre l’Europe et le continent africain.
Certes, les qualités du nouveau chef de l’État sont grandes et lui permettront sans doute d’assainir l’administration de son pays, mais le lieutenant-colonel Kountche, qui n’a pas encore l’expérience ni l’entregent de son prédécesseur, aura du mal à maintenir le Niger dans le peloton des États qui jouent un rôle dans l’évolution de l’Afrique. ♦