Cinéma - Le festival international du film militaire 1977
Fondé en 1964 et devenu biennal en 1965, le Festival international du film militaire vient de se dérouler pour la huitième fois à Versailles, du 7 au 12 juillet. Cette manifestation pacifique connaît un succès toujours vivace et le nombre de pays qui y participent avec films ou photographies ne cesse de croître. La séance de clôture au cours de laquelle fut proclamé le palmarès des deux jurys a été marquée par une affluence de délégués étrangers et d’invités français particulièrement brillante, qui furent salués par le nouveau maire de Versailles. M. André Damien.
Cette année, vingt-sept nations ont présenté des films à l’appréciation du jury : Allemagne démocratique, Allemagne fédérale, Australie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Canada, Côte d’Ivoire, Danemark, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Grande-Bretagne, Hongrie, Inde, Italie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie, URSS et Yougoslavie. La Tunisie, absente de la compétition cinématographique, a participé à la Biennale de la Photographie. Plusieurs pays qui, pour une raison ou une autre, ne pouvaient présenter de films ni de photos ont tenu à être représentés à Versailles par des observateurs : Algérie, Arabie saoudite, Cameroun, Chine populaire, Corée du Sud, Égypte, Iran, Israël, Libye, Pérou, Philippines, Sénégal, Syrie, Zaïre. Pour la première fois, on déplorait l’absence du Portugal, jusque-là fidèle au rendez-vous.
Le comité d’agrément, chargé de veiller au respect du règlement, présidé avec autorité et doigté par M. Jean L. Jeauffre, contrôleur d’État en retraite, avait demandé la suppression de deux filins et d’une phrase de commentaire qui se trouvaient en désaccord avec les principes du festival. Les pays intéressés (Pologne et URSS) se sont loyalement inclinés. Finalement, le jury s’est trouvé devant 91 films (58 d’information et 33 d’instruction) et il a établi son palmarès de la manière suivante :
Soleil d’Or dans la catégorie « instruction » : Les Incendiaires (Grande-Bretagne) ; Soleil d’Argent : Le Chauffeur et la Route (URSS).
Soleil d’Or dans la catégorie « information » : Supercanard (Suisse) ; Soleil d’Argent : Quand viendra le jour… (France).
Un Soleil d’Or a en outre été attribué à la Yougoslavie pour la meilleure sélection nationale et un Soleil d’Argent à l’Australie. Le prix spécial destiné à un film dans lequel le rôle de l’homme est le mieux mis en valeur a été attribué au film Service de secours en montagne (Allemagne fédérale). Enfin, le jury, a décerné des diplômes avec médailles aux productions suivantes : Pour assurer la sécurité (Finlande), Dans l’esprit des traditions révolutionnaires (Tchécoslovaquie), La Tragédie du Frioul (Italie), Une chanson sur les lèvres (Allemagne démocratique), Alarme en temps de paix (Hongrie), Rendez-vous avec le Feu (Grande-Bretagne). Le président du jury, l’amiral Storelli, a tenu à justifier ce palmarès peut-être un peu trop abondant et trop « diplomatique ». Quoi qu’il en soit, le public de la séance de clôture a chaleureusement applaudi la projection des films ayant obtenu des « soleils ». Le jury était composé des personnalités suivantes : Hans Borgelt (Allemagne fédérale), colonel Kenneth McGregor (Grande-Bretagne), Sébastien Kamba (Congo), Jacques Robert (France), Gabor Takacs (Hongrie), Roger Weil-Lorac (France). Le jury de la photographie était présidé par Raymond Beaumont-Craggs.
À la suite de l’expérience des années précédentes, une innovation heureuse avait été introduite dans le règlement du festival 1977 : la catégorie des films « de télévision » a été supprimée, cette dénomination étant purement artificielle en ce qui concerne les films d’inspiration militaire. Elle a été compensée par la création de deux prix pour les meilleures sélections nationales, ce qui doit inciter les nations participantes à éviter l’envoi d’œuvres médiocres. Les effets de cette nouvelle disposition du règlement se sont fait sentir, plusieurs pays ayant manifestement brigué un « soleil » pour leur sélection. Si, dans l’ensemble, le niveau de la compétition était peut-être moins élevé qu’en 1975, il n’en reste pas moins que les pointes extrêmes se situaient très haut. En ce qui concerne la moyenne, on ne peut que rappeler les aléas de la création cinématographique. Pour les films comme pour les vins, il y a de bonnes années et de moins bonnes… Au fil des projections, il a été possible de retenir de nombreux films qui, soit par leurs qualités militaires, soit par leur caractère artistique, méritent des éloges.
De la sélection roumaine, par exemple, il convient de détacher le film d’instruction L’Embuscade, réalisé par le colonel Traian Saiciuc, qui présente d’une manière efficace les principes de l’organisation et du déploiement d’une embuscade. Nous suivons dans le détail la progression de la manœuvre à laquelle participent un peloton d’infanterie sur véhicules blindés amphibies, un groupe de lanceurs de grenades et des gardes de la milice patriotique. Le film espagnol L’Histoire d’un patrouilleur garde-côtes d’Adriano del Valle, qui n’a pas retenu l’attention du jury, est pourtant bien sympathique. Avec nostalgie et amour, le commandant du garde-côte V-17, maintenant désarmé, évoque les aspects de la vie à bord et les différentes missions accomplies en marge de la garde proprement dite d’un secteur de la côte espagnole : secours aux pêcheurs en détresse ou aux naufragés, prévention de la contrebande. Dans un genre différent, le film finlandais Pour assurer la sécurité, produit par le service d’information des armées à Helsinki, apporte un excellent exemple de vulgarisation des tâches essentielles de la défense à travers l’expérience d’un jeune soldat qui, à la fin de son service militaire, a acquis la conviction que la défense de la patrie est une tâche noble et indispensable. La Suisse a présenté un excellent documentaire, Supercanard, illustrant les prouesses acrobatiques de la patrouille suisse, escadrille de voltige aérienne, dont la démonstration de vol à basse altitude au-dessus des Alpes constitue un spectacle à la fois plaisant et réconfortant. Le Soleil d’Or attribué à Supercanard est d’autant plus mérité que le film a été réalisé en format substandard (16 mm).
Bien que placé dans la catégorie « instruction », le film soviétique Le Chauffeur et la Route stupéfie le spectateur non initié par l’ampleur des moyens matériels mis à la disposition du réalisateur. Cette démonstration est particulièrement destinée aux conducteurs militaires afin de leur enseigner le code de la route et les règles de la sécurité routière. En même temps le film leur apprend à éviter les accidents souvent meurtriers. Le nombre de véhicules militaires qui ont été sacrifiés pendant le tournage de ce court-métrage (20 minutes) est impressionnant. Mais la leçon porte. Non moins intéressant est le film canadien La Liaison Canadienne de l’Air du cinéaste Michaël Brun, reportage de grande qualité sur la façon dont les Boeing 707, convertis en avions-citernes, ravitaillent en plein vol les avions-chasseurs des forces armées canadiennes. Il est assez surprenant que le jury ait dédaigné le petit film belge Sécurité au volant, réalisation du commandant de gendarmerie Vandecan, dont les qualités pédagogiques paraissent évidentes. L’enseignement que l’on prodigue ici aux chauffeurs de la gendarmerie peut être en même temps très utile aux automobilistes civils. Le film australien La Machine Verte de Terry Obison se recommande par son originalité de conception et sa réalisation artistique. L’histoire de l’armée de terre australienne nous est contée en images qui se superposent de la façon la plus parfaite à la musique. La célèbre ouverture guerrière de Tchaïkovski « 1812 » est ainsi illustrée par les vues les plus variées de l’activité moderne de l’armée australienne. Le montage sonore et visuel est d’une perfection totale.
Comme à chaque festival, la musique est évidemment représentée selon des critères divers. La Hongrie avait déjà obtenu un diplôme au festival du film militaire de Leningrad (réservé aux pays du Pacte de Varsovie) pour le film Variations sur un orchestre militaire présenté à Versailles en quelque sorte hors compétition, le réalisateur Gabor Takacs faisant partie du jury. Il s’agit d’une agréable présentation des différentes activités de l’orchestre central de l’armée populaire hongroise. Sur un thème voisin, la Bulgarie nous a offert un film intitulé Au bord de la Seine, reportage vivant sur le festival international des orchestres militaires d’instruments à vent qui s’est déroulé à Paris en 1976. Le réalisateur a très habilement fait alterner des vues caractéristiques de Paris avec les prestations des différents orchestres et principalement de l’orchestre central de l’armée nationale bulgare. Les préoccupations de l’armée royale britannique semblent bien différentes. En effet, deux des films anglais présentés en compétition cette année avaient pour thème l’incendie et ses conséquences tragiques. Les Incendiaires (titulaire du Soleil d’Or) décrit, par l’intermédiaire d’un jeune matelot, une série d’incidents qui ont provoqué des incendies sur les navires de la Royal Navy. Le film indique nettement que les négligences et les étourderies constituent la cause principale de ces incendies. Le même thème est développé dans Rendez-vous avec le Jeu (également au palmarès) qui présente, sous une forme dramatique et réaliste, les conséquences horribles et souvent mortelles des incendies accidentels.
Reste la France. Nous avons eu l’occasion ici même (1) de dire tout le bien qu’il faut penser de Marins du froid de Pierre Dubrulle. Le jury de Versailles ne semble pas avoir eu la même optique. Il a récompensé Quand viendra le jour… par l’effort de quelques-uns de Rinaldo Bassi. Ce film, qui s’intitulait plus simplement au départ L’Effort, constitue une remarquable démonstration technique de cinéma à grand spectacle. Malheureusement, son propos reste quelque peu obscur pour le spectateur non averti : un régiment est bloqué dans sa progression par des inondations catastrophiques et par un ennemi solidement embusqué. Il faut en finir. Un petit groupe de volontaires va tenter l’impossible et… réussir grâce à la ténacité et aux efforts de chaque membre du commando. Nombreux étaient les spectateurs versaillais qui, à propos de cette réalisation éminemment spectaculaire et impressionnante, disaient : « ça, c’est du cinéma ! ».
La fête est finie et chacun est rentré chez soi après avoir passé à Versailles des moments enrichissants et agréables. Un souhait reste à formuler : qu’un des buts principaux de cette confrontation trouve enfin sa réalisation concrète, à savoir l’instauration d’échanges permanents entre les différents services cinématographiques des armées. Jusqu’ici les tentatives ont été extrêmement timides et c’est bien dommage. ♦
(1) Défense nationale, octobre 1976.