Outre-mer - En Côte d'Ivoire, le président Giscard d'Estaing définit la politique eurafricaine de la France - La crise tunisienne
Face à la diplomatie armée de l’Union soviétique et de Cuba, l’Afrique payera-t-elle le prix de l’imprévoyance des pays occidentaux ? Les visées du Kremlin sur le continent noir ne datent pas d’aujourd’hui. En 1955 déjà Michael Souslov avait été chargé par Khrouchtchev d’établir une stratégie d’infiltration. Jamais délaissée, cette politique devait viser tout à la fois à ruiner les liens traditionnels des anciennes puissances coloniales avec leurs possessions de jadis et à contrer toute pénétration de la Chine populaire. Combien de roubles ont-ils été consacrés à cette aventure ? Leur somme est certainement considérable mais il n’y a pas que cela : l’université Lumumba de Moscou, les écoles de Toula et de Stara Boleslav (cette dernière en Tchécoslovaquie) forment des propagandistes, voire des agitateurs. Par la suite Fidel Castro vint épauler cette politique de la façon que l’on sait. Il est vrai que par ses richesses et les positions stratégiques qu’il offre, le continent africain est un enjeu de taille.
Lorsqu’il arrive à l’Occident de contrecarrer les visées soviétiques ou tout simplement de venir en aide à des pays menacés ayant recours à des accords bien précis, le Kremlin crie au scandale. À chaque fois l’agence Tass dénonce ce qu’elle appelle une « tentative de forger en Afrique un bloc de pays attachés à l’Otan ». Ce fut encore le cas précisément lorsque le président Giscard d’Estaing suggéra un pacte de solidarité entre l’Europe et l’Afrique. De la même manière, l’Iran et l’Arabie saoudite sont considérés à Moscou comme les émissaires de l’Occident dans la corne orientale alors que, bien au contraire, ces pays pressent les capitales occidentales d’assumer leurs responsabilités en Afrique. Il y a un an à peine, lors de l’affaire du Shaba, le Premier ministre sénégalais, Abdou Diouf, n’affirmait-il pas : « l’immobilisme constitue une attitude dangereuse pour l’Occident : il est nécessaire d’en finir avec l’attentisme sous peine de voir toute l’Afrique courir le risque de devenir communiste ». C’était l’époque aussi où le Président Bongo invitait les Cubains à retourner chez eux couper leurs cannes à sucre, l’époque où certains États africains modérés envisageaient de constituer une force armée commune… Bref, tous considéraient qu’il était temps de ne plus laisser le champ libre ni à la pénétration soviétique, ni à la subversion organisée.
Dans ces conditions, le voyage officiel que devait effectuer à la mi-janvier le chef de l’État français en Côte d’Ivoire prenait une signification particulière. Il était évident que les conversations ne se limiteraient pas au seul dossier des relations bilatérales. Le président Houphouët-Boigny ne manquait, du reste, jamais de lancer des mises en garde contre la menace communiste. Or quelques jours auparavant, recevant à l’Élysée les vœux du corps diplomatique, le président Giscard d’Estaing définissait clairement l’attitude de la France : « Nous nous refusons à ce que nos amis africains, en particulier les plus faibles d’entre eux, soient soumis à des menaces de déstabilisation. Nous souhaitons ardemment que tous les conflits qui ont éclaté ici et là trouvent entre Africains une solution pacifique, mais on doit savoir aussi que nos amis peuvent compter sur la solidarité de la France. La France n’abandonnera pas les faibles dans l’exercice de leurs droits légitimes à l’indépendance et à la sécurité. Bien entendu, la France ne menace personne mais a-t-on jamais vu la France prendre le parti des forts contre les faibles… ? Soyez persuadés qu’en affirmant ce primat de la coopération, la France ne cherche aucunement à imposer ses vues aux peuples et aux dirigeants africains. Mon pays ne poursuit aucune des visées égoïstes que certains qualifient d’impérialistes ou de néo-colonialistes. Son seul souci est d’œuvrer au resserrement de liens d’amitié consacrés par l’histoire ».
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