Défense dans le monde - Déploiement habituel outre-mer de la Marine soviétique
Au cours des derniers mois les déplacements des grands bâtiments soviétiques ont attiré l’attention de l’opinion publique. À l’occasion de la mise en service du porte-aéronefs Minsk qui a rejoint la flotte du Pacifique, des transits de son jumeau le Kiev entre mer Noire et mer Blanche, de l’arrivée à Socotra du premier LSD (Transport d’engins de débarquement) construit par l’URSS, le monde a pris conscience de l’ampleur de la présence maritime soviétique sur tous les océans. Or cette présence et ce déploiement outre-mer remontent à de nombreuses années et augmentent progressivement.
Actuellement entre 120 et 150 bâtiments, de tous types, se trouvent en permanence sur les océans hors des eaux nationales soviétiques ; ce chiffre ne représente que le dixième de l’ordre de bataille des forces navales ; pour être complet il faudrait y ajouter les bâtiments de commerce, les flottilles de pêche et les navires scientifiques, car toutes ces flottes participent à l’effort militaire, ne serait-ce que par la recherche permanente du renseignement et la surveillance des unités navales alliées.
Le chiffre total se répartit habituellement de la façon suivante :
– 25 à 30 sous-marins dont une dizaine de SNLE (Sous-marin nucléaire lanceur d’engin) et quelques bâtiments armés de missiles aérodynamiques, le reste étant constitué de sous-marins à propulsion classique armés de torpilles ;
– 25 à 35 bâtiments de combat, les uns de bonne valeur militaire, les autres constituant des moyens de présence ;
– 50 à 60 bâtiments auxiliaires et de soutien : le manque de bases soviétiques outre-mer, la durée du déploiement des forces (4 à 6 mois dans des conditions de vie très dures : climats pénibles, absence quasi totale d’escales) expliquent le volume apparemment important de ce train d’escadre ; le ravitaillement comme la maintenance des bâtiments sont assurés exclusivement par des moyens soviétiques venant d’URSS ;
– 20 à 35 bâtiments scientifiques (la flotte scientifique soviétique est la première du monde avec 142 navires) et/ou bâtiments de renseignements.
Si la répartition par catégorie de forces reste sensiblement constante, à l’opposé la distribution par théâtre traduit l’intérêt porté par l’URSS à tel théâtre dans le contexte international du moment. Ainsi la Méditerranée constitue toujours la zone où la présence navale soviétique est la plus importante en nombre comme en qualité ; mais après les sommets atteints lors des conflits israélo-arabes le niveau a diminué alors que depuis 1972 l’océan Indien voit un accroissement notable, accentué depuis la crise américano-iranienne.
Curieusement, le Pacifique et l’Atlantique sont relativement peu fréquentés par les Soviétiques sauf bien entendu par les SNLE en patrouille permanente. Dans le Pacifique on trouve quelques scientifiques et des bâtiments de renseignements, complétés périodiquement par des vols de reconnaissance à partir de l’URSS ou depuis peu à partir du Vietnam. Lors du conflit sino-vietnamien un déploiement temporaire en mer de Chine a prouvé le soutien soviétique à son allié du sud.
L’Atlantique voit une importante présence scientifique (bâtiments océanographes et hydrographes), renforcée par des navires spécialisés lors des activités spatiales, en particulier les vols habités. Par contre les bâtiments de combat permanents se limitent à des moyens de présence. Périodiquement une petite escadre (3 à 5 bâtiments, 1 sous-marin) séjourne de 15 jours à 3 mois dans la partie nord et ouest rendant visite à l’allié cubain. De la même façon des avions de patrouille maritime sont mis en place pour 15 jours à 1 mois à La Havane, Luanda et jusqu’en 1977 à Conakry.
L’océan Indien a vu la présence soviétique croître d’une dizaine à une vingtaine de bâtiments, tous types confondus, entre 1972 et 1979. Mais depuis peu il y a 35 bâtiments dans ce théâtre dont une quinzaine de bâtiments de combat, tous concentrés dans la « Corne » et la mer d’Arabie ; Aden sert de base à plusieurs avions de patrouille maritime ; l’arrivée récente d’un grand bâtiment amphibie, le LSD Ivan Rogov, a rappelé que l’URSS est en train de se doter des moyens nécessaires à une intervention outre-mer.
La Méditerranée reste le théâtre le plus fréquenté par les Soviétiques ; une cinquantaine de bâtiments y stationnent en permanence malgré une diminution de 10 % intervenue depuis 1976 ; parmi ce total on compte une dizaine de sous-marins et un nombre équivalent de bâtiments de combat, souvent les plus modernes de la flotte. Faisant pièce à la VIe Flotte américaine, la présence soviétique équilibre et neutralise la capacité d’intervention des États-Unis.
Présents désormais à des niveaux variables sur toutes les mers, par leurs flottes de commerce autant que par leur marine de guerre, les Soviétiques démontrent quotidiennement qu’ils sont devenus une puissance maritime de premier plan. Le dispositif déployé en permanence constitue une menace très sérieuse pour la liberté des mers en cas de crise et une capacité de frappe très importante en cas de conflit ouvert. ♦