Afrique - Vingt-cinquième degré de latitude nord ou sud - La Corne orientale de l'Afrique, zone sensible de l'océan Indien
Le comportement des pays africains à l’égard des problèmes sahraoui et namibien est différent malgré les évidentes analogies qui caractérisent ces affaires. Placés symétriquement dans chaque hémisphère, Sahara et Namibie présentent, en bordure de l’Atlantique, les mêmes aspects climatique et géographique. En second lieu, trois pays africains se déchirent à propos du Sahara : Maroc, Algérie, Mauritanie, avec une action moins visible de la Libye dont le jeu n’est pourtant pas négligeable. En ce qui concerne la Namibie, trois pays africains sont également en cause : Afrique du Sud, Angola, Zambie, avec, en arrière-plan, un groupe d’États moins impliqués dont le plus actif est la Tanzanie. Dans chacun des cas, l’ONU (Organisation des Nations unies) est directement concernée mais de manière différente : la Namibie est un territoire que l’Organisation internationale a confié à la tutelle de Pretoria, à charge de le conduire à l’indépendance, échéance que ce gouvernement a toujours différée ; le Sahara n’a pas obtenu sa libération suivant le processus fixé par l’Organisation puisque sa situation actuelle est le fruit d’un accord conclu par l’ancienne puissance coloniale et deux sur trois des États qui l’entourent, les plus directement intéressés, il est vrai. Autre analogie : le Sahara, par ses ressources en phosphates, complémentaires des gisements marocains, permettrait à Rabat « de jouer un rôle déterminant dans la fixation des prix de cette matière première » ; le maintien dans l’orbite sud-africaine de la Namibie, dont les richesses minières ont été soigneusement recensées, maintiendrait l’Afrique du Sud pour longtemps au premier rang des fournisseurs de produits essentiels au développement énergétique et industriel du monde occidental.
La différence fondamentale vient du fait que le Maroc est admis en tant qu’État par la communauté africaine, tandis que l’Afrique du Sud, dont le gouvernement ne représente pas l’ensemble de la population, est toujours considérée comme un territoire à décoloniser. Sur le problème sahraoui, les sympathies se déterminent exclusivement en fonction des affinités interafricaines : dans l’affaire namibienne, en revanche, la neutralité hésitante de certains États n’est acquise que grâce à l’influence des pays occidentaux qui entretiennent l’espoir que leur action diplomatique débouchera sur une solution acceptable par toute l’Afrique. Dans les deux cas, l’État bénéficiaire de la situation met en avant l’existence, à l’intérieur du territoire qu’il occupe, d’une tendance démocratique modérée qui entend participer à l’élaboration d’une éventuelle évolution du statut national (AOSARIO pour le Sahara ; les différents partis appartenant à l’assemblée élue pour la Namibie) ; mais leurs adversaires ne considèrent comme représentatifs des populations concernées qu’un parti unique, celui qui s’est battu les armes à la main et dont les bases militaires se trouvent à l’étranger (pour le Sahara : Polisario basé en Algérie ; pour la Namibie : SWAPO basée en Angola). Dans l’un et l’autre cas, la situation sur le terrain n’est déterminante pour aucune des parties en cause mais, sur le plan diplomatique, les difficultés rencontrées par Rabat sont paradoxalement bénéfiques à Pretoria, dont le contentieux avec l’Afrique n’occupe plus la première place des débats d’une organisation plus préoccupée d’assurer sa survie que de parachever la décolonisation. Les relations interraciales en Afrique du Sud, qui se sont détériorées depuis quelques mois, justifieraient pourtant de la part de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) la définition d’une action plus déterminée.
L’année 1980 n’a pas connu une amélioration de la situation militaire au Sahara. L’armée marocaine y rencontre de grandes difficultés mais le POLISARIO (Front populaire de libération de la Saguia el Hamra et du Rio del Oro) ne remporte aucune victoire décisive. Il fait porter son effort sur la partie méridionale de l’Oued Draa, sans négliger la côte atlantique, notamment la région de Boudjour située à 200 kilomètres au sud d’El Aïoun. Il isole Zak, base stratégique qui se dresse non loin de la ville algérienne de Tindouf et dont le ravitaillement devient problématique. En mars 1980, au cours de plusieurs combats dans l’Ouakriz, l’Armée royale aurait subi de lourdes pertes. Zak encerclé paraît rester le seul obstacle à la prise de contrôle par le POLISARIO de tout le territoire marocain situé au sud de l’Oued Draa ; bien que le mouvement sahraoui n’ait aucune revendication à présenter sur cette partie du Maroc, pour les opérations futures et en cas de négociation, cette occupation représenterait un avantage certain. Des captures de bateaux de pêche marocains, sud-coréens, espagnols et portugais au large des côtes du Seguiet el Hamra ont certainement eu pour objectif de démontrer que le Maroc est incapable d’assurer la sécurité des côtes. Ces opérations ont amené une démonstration de la marine de guerre espagnole et une prise de position subtile de Lisbonne : reconnaissance du Polisario en tant qu’interlocuteur, sans pour autant admettre la légitimité du gouvernement constitué par ce front. L’ancien Rio del Oro, devenu la province marocaine de l’Oued Eddabah, n’est pas le théâtre d’opérations militaires pour l’instant. D’après l’Accord d’août 1979, la Mauritanie devait remettre cette région à la République arabe du Sahara occidental (RASO) avant le 5 mars 1980. On sait qu’elle avait dû l’abandonner devant l’avance des troupes marocaines, à l’exception de la presqu’île bordant la baie du Lévrier et du port de la Guera, voisin de Nouadhibou ; néanmoins, le POLISARIO, pour une raison indéterminée, sans doute par manque d’effectifs, est resté fidèle à l’engagement qu’il avait pris de n’entreprendre aucune opération militaire dans cette partie du Sahara.
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