Marine - La 7e exposition de matériels pour les forces navales
La 7e exposition de matériels pour les forces navales
Ouverte le 27 octobre et inaugurée le 28 par M. Joël Le Theule, ministre de la Défense, l’exposition du Bourget s’est terminé le vendredi 31 octobre.
Elle a été suivie, pour les délégations étrangères, le 3 novembre à Brest, par une présentation de bâtiments et d’aéronefs en service dans la Marine nationale, puis de visites dans des établissements publics et privés.
Comme celle qui l’a précédée en 1978, la 7e exposition de matériels pour les forces navales était organisée par la Délégation générale pour l’armement (direction des affaires internationales et direction technique des constructions navales). L’intérêt qui lui a été porté est illustré par le nombre des exposants (82) et celui des délégations étrangères qui l’ont visitée (62). Pendant 5 jours, elle a été la vitrine de la maîtrise des industries françaises, tant étatiques que privées, dans tous les domaines qui se retrouvent dans l’armement naval.
1980 a été une année record pour la signature de contrats d’exportation. Le plus spectaculaire est celui qui a été signé avec l’Arabie saoudite. Il porte sur la fourniture de navires, d’équipements, de systèmes d’armes ainsi que sur un soutien, tant technique que de formation des personnels, pour un montant avoisinant les 15 milliards de francs.
L’exportation de matériels navals a bien entendu des retombées économiques, mais elle a aussi un caractère politique très particulier. La guerre sur mer est, en effet, à la fois très spécifique et très diversifiée. Bien que les conflits se résolvent à terre, la puissance maritime a toujours, dans l’histoire, pesé d’un poids très lourd sur l’issue des affrontements. Sa bonne ou sa mauvaise utilisation se traduit généralement par la victoire ou la défaite, sans d’ailleurs que, dans l’instant, la portée stratégique de l’événement maritime soit toujours perçue à sa juste signification. S’exerçant hors du territoire national des belligérants, dans l’immense champ clos représenté par les 7/10e de la surface du globe, la guerre sur mer revêt toutes les formes possibles de la violence la plus extrême – le véritable combat naval ne se termine que par l’élimination physique de l’adversaire – à la subtilité politique la plus souple représentée par la seule présence d’unités à la mer, au bon endroit et au bon moment.
Les techniques de combat mises en œuvre sont infiniment diversifiées, car elles peuvent aller de l’abordage simple et brutal au brouillage fin de l’un quelconque des systèmes de détection, de transmission ou de conduite de tir de l’adversaire.
Exporter une unité de combat « clé en main » entraîne par ailleurs, et nécessairement, des liens privilégiés entre le vendeur et l’acheteur. Plus que dans tout autre domaine, sans soutien et sans personnel spécifiquement formé à l’emploi des équipements embarqués, un bâtiment de combat ne peut être efficace longtemps. Les liens établis ne peuvent être rompus, sous peine de voir réduit à pratiquement néant l’investissement important consenti par l’acheteur. L’actualité internationale récente en offre d’ailleurs quelques exemples…
Aussi est-ce entre États souverains que ces liens s’établissent plutôt qu’entre fournisseurs privés et acheteurs. La présence côte à côte, au Bourget, d’organismes d’État et de constructeurs privés n’est pas en fait un mariage de raison, mais bien l’expression du caractère politique qui s’attache à l’exportation des matériels de ce type : la dimension en est tout autre que celle d’un classique trafic d’armes !…
Si la qualité des matériels présentés est le gage du dynamisme des industries d’armement naval et joue un rôle prépondérant dans la motivation de l’acheteur, le label Marine nationale qui peut être accolé à ces fournitures n’est pas non plus indifférent et exprime en tout cas le caractère étatique des relations qui peuvent s’établir.
Pour la première fois, un stand de la Marine était donc présent au Bourget. Son but n’était pas de montrer quelques uniformes, mais bien de faire apparaître, dans une manifestation qui n’est pas à proprement parler sienne, que la Marine nationale est un peu la puissance tutélaire de cette industrie et le bras séculier de l’État dans ce domaine particulier des exportations d’armes et d’équipements navals.
Parallèlement, la présentation exemplaire à Brest de bâtiments et aéronefs en service, ainsi que celle du Commando Jaubert, répond à ce souci de « label » Marine nationale, très recherché par les acheteurs potentiels. Cette présentation contribue également à fixer l’image de la puissance navale française et de la qualité des unités et des équipages aux yeux des marines étrangères qui ont été représentées à Brest.
Celles-ci ont pu visiter plusieurs bâtiments parmi les plus modernes – frégate Dugay-Trouin, aviso 69 Détroyat, chasseur de mines Calliope et Mytho, plusieurs types de vedettes et le pétrolier-ravitailleur Meuse – et assister à des présentations en vol et au sol du matériel de l’aéronautique navale – Westland WG 13 Lynx, Sud-Aviation Super-Frelon, Breguet Atlantic, Dassault Super-Étandard – ainsi qu’à des démonstrations de certains équipements.
Décrire ou simplement énumérer l’ensemble des matériels présentés au Bourget serait fastidieux… Les catalogues spécialisés, gracieusement donnés aux visiteurs, sont certainement plus explicites et plus complets.
Qu’il suffise de dire que les 82 exposants de ce salon ont étalé quasiment toute la palette des matériels, équipements et armes d’une marine moderne, depuis le simple appareil de plongée autonome du plongeur-démineur jusqu’aux composants des auto-directeurs de missiles les plus sophistiqués.
À noter cependant la forte participation de l’industrie aéronautique à ce salon pourtant naval, concrétisée par la présentation d’aéronefs réels ou de maquettes grandeur nature – de l’Atlantic nouvelle génération au Super-Étandard, en passant par le SA Dauphin et le Dassault Guardian – et celle de nombreux composants, équipements, moteurs et armements aéronautiques. Tant il est vrai qu’une marine moderne ne peut plus songer à s’aventurer sur mer sans des moyens aériens qui lui assureront surveillance et protection et lui donneront l’allonge nécessaire pour projeter la puissance de ses armes à des distances significatives !
L’optronique a acquis droit de cité, et les conduites de tir combinées, utilisant la meilleure des trois informations – radar, optique ou infrarouge – ont sans doute partagé la vedette de ce salon avec quelques missiles mer-mer ou mer-air cachant leur pouvoir meurtrier sous une apparence débonnaire. On ne peut cependant oublier l’omniprésence du stand Thompson-CSF, qui déployait une panoplie complète de radars de veille, radars de tir, télépointeurs et calculateurs associés pour la conduite des armes, systèmes de traitement et de visualisation des informations tactiques, consoles de présentation de ces mêmes informations, etc. et le missile mer-air Crotale-Naval.
Il importe enfin de souligner la rigueur et le soin apportés à la présentation de ce salon, et surtout le témoignage qu’il offre de la capacité d’étude, de recherche, d’innovation et de réalisation des industries françaises d’armement. C’est peut-être ce témoignage qui demeurera le souvenir le plus marquant des nombreuses délégations étrangères et des visiteurs qui auront eu la chance de le parcourir.
Dans son allocution d’ouverture officielle du Salon, le ministre de la Défense, après avoir salué les délégations étrangères, a d’abord souligné le rôle grandissant que jouent et joueront les espaces océaniques dans les relations internationales. Il a particulièrement évoqué la croissance du transport maritime, dont on peut prévoir au moins un doublement en volume dans les 20 ans à venir, pour développer ensuite les problèmes posés par l’exploitation des richesses des profondeurs, halieutiques ou minérales, source possible de tensions, voire de conflits dans les années à venir.
L’étendue du domaine couvert par les études et les recherches des industries d’armement françaises fut soulignée en même temps que la place éminente tenue par celles-ci sur la scène internationale. L’organisation particulière de cette industrie, qui voit évoluer et vivre en parallèle des sociétés privées et des organismes d’État, fut rappelée par le ministre, pour souligner le caractère original de cette coexistence.
S’adressant plus spécialement aux délégations étrangères, le ministre a longuement évoqué les bienfaits que peut apporter la coopération internationale, à la fois sur le simple plan du coût des matériels, mais aussi sur le plan de l’intérêt mutuel des parties intéressées. Liens d’amitié, apports significatifs de connaissances et échanges fructueux dans tous les domaines constituent l’un des aspects les plus positifs d’une telle coopération.
Se doter d’armements perfectionnés, voire sophistiqués, ne signifie pas pour autant que l’on ait des visées hégémoniques ou offensives. Comme le rappelait le président de la République lors des conférences sur le désarmement, il existe pour chaque nation un « juste droit à la sécurité ». Les relations internationales ne se résolvent pas systématiquement en termes de conflit, et tout ce qui peut concourir à une meilleure connaissance réciproque peut également développer des liens d’amitié et de respect mutuel. La coopération internationale, même en matière d’armement, peut, paradoxalement peut-être, agir dans ce même sens. ♦