Géographie des armements
D’emblée, Jacques Soppelsa nous indique son dessein : décrire « une géographie de guerre esquissant les grands traits de la géostratégie mondiale et de son contenu logistique, souligne une militarisation frénétique du monde contemporain ». Il était donc bien utile que soit dressé un tableau de cette militarisation du monde et que celle-ci ne se résumât pas à l’évocation de chiffres. Une politique militaire ne se résume pas à l’état des stocks d’armes. Elle s’exprime par une volonté et s’inscrit dans un territoire.
Le premier chapitre « Géographie et stratégie » fait apparaître le fil directeur de l’ouvrage qui s’ouvre sur une citation d’Yves Lacoste : « La géographie ça sert d’abord à faire la guerre ». Reprenant l’enseignement de MacKinder, l’auteur expose judicieusement les rapports entre puissance maritime et puissance terrestre et soumet d’utiles réflexions sur l’évolution du cadre espace-temps des conflits et la transformation radicale de ce cadre due à l’entrée dans l’ère atomique.
À la suite des généraux Ailleret et Gallois, il décrit la mutation subie par les fondements de la géostratégie. Pour illustrer les rapports entre stratégie et tactique, Jacques Soppelsa prend l’exemple de l’échec de Che Guevara en Bolivie, « révolutionnaire exceptionnel mais piètre géographe ». Les deux chapitres sur le club nucléaire et les forces conventionnelles s’appuient sur une vaste documentation tirée des annuaires du SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) et de l’IISS (International Institute for Strategic Studies). Sa tentative d’effectuer à partir d’une série de chiffres une esquisse de géographie humaine apparaît féconde. Son étude des bases américaines avec leurs répercussions sur l’économie des États apparaît très pertinente. Le chapitre « Économie et Défense » est complété par une description fort claire du « complexe militaro-industriel américain », de son évolution, de ses caractéristiques géographiques et de son rôle sur le développement des industries de pointe.
Le commerce des armes est guidé à la fois par des considérations politiques et des motifs commerciaux. Jacques Soppelsa décrit avec minutie bien des évolutions chiffrées.
L’ouvrage se termine par quelques perspectives d’avenir. Plusieurs évolutions apparaissent inéluctables : croissance quantitative et qualitative des armements, risque accru de prolifération nucléaire, essor du terrorisme international et perfectionnement de ses méthodes d’action, accélération des déséquilibres démographiques et économiques, accentuation des disparités économiques entre les principales entités de la planète.
Le monde multipolaire qu’il esquisse où, face à un bloc soviétique non exempt de faiblesse, émergerait un regroupement sino-japonais, une Europe communautaire et un ensemble islamique, réunira-t-il les conditions d’une plus grande stabilité ?
Livre bien utile, doté de nombreux schémas, cartes ou tableaux chiffrés, réunissant une vaste documentation. ♦