Défense à travers la presse
• La campagne électorale pour les présidentielles a empli tout le mois d’avril 1981 et, s’il y fut souvent question de politique étrangère, les problèmes de défense n’eurent jamais la vedette. Au nom du PSU (Parti socialiste unifié), Mme Huguette Bouchardeau a bien proposé un désarmement nucléaire unilatéral, mais les principaux candidats se sont, grosso modo, tous retrouvés d’accord pour ne pas mettre en cause notre force de dissuasion. Un tel consensus (qui n’existait pas en 1974) a donc contraint les candidats à ne pas insister sur ce sujet : ce qui va de soi ne constitue pas un bon argument électoral.
Certes nul ne fit l’impasse et on vit même M. Charles Hernu, du parti socialiste, exprimer le souhait que deux nouveaux SNLE (Sous-marin nucléaire lanceur d’engins) soient mis en chantier au cours du septennat à venir. Et c’est, du reste, sur ce chapitre du niveau de nos forces nucléaires qu’eut lieu la controverse, M. Jacques Chirac manifestant sa conviction qu’une quinzaine de SNLE étaient indispensables à la sécurité de la France. La parade, les comités de soutien au président sortant la sollicitèrent de personnalités RPR (Rassemblement pour la République) aussi différentes que M. Jacques Cressard, M. Yvon Bourges ou Jean-Paul Mourot. Chacun s’est efforcé de recentrer le débat en faisant valoir que l’exigence maximaliste de M. Jacques Chirac avait un effet d’entraînement sur les effectifs des forces navales de surface mais en posant aussi la question : tant de SNLE pour combien d’objectifs ? Une telle surabondance est-elle nécessaire ? Il a également été question de nos forces d’action extérieure et du service national, mais les arguments avancés étaient moins affinés : manifestement, tout le monde s’en est tenu à ce qui fait le cœur de notre sécurité, la force de dissuasion. Le reproche ayant été émis que des retards en la matière sont à porter au débit du septennat finissant, M. Yvon Bourges a tenu à mettre les choses au point dans Le Monde du 25 avril 1981 :
« En 1974, la capacité totale de destruction de notre arsenal nucléaire était de 20 mégatonnes ; aujourd’hui elle est de 77 mégatonnes, soit l’équivalent de 4 000 bombes d’Hiroshima. Il n’est pas exact que rien de nouveau n’ait été entrepris depuis sept ans qui n’ait été décidé avant 1974. Nous n’aurions aujourd’hui que trois SNLE disposant des armes M20, alors que nous en avons quatre en aptitude opérationnelle. Surtout a été décidée, fin 1974, la réalisation d’un nouveau missile à têtes nucléaires multiples qui entrera en service en 1985, délai le plus court possible. C’est là une étape nouvelle et décisive qui nous permet d’atteindre le niveau technique des armes nucléaires des États-Unis et de l’URSS. Si des études avaient bien été entreprises avant 1974, aucune décision, ni pour les armes ni pour les vecteurs ni pour les submersibles, n’était préparée. C’est pourtant ce programme, qui va d’ailleurs occuper toute la présente décennie, qui fait franchir à la dissuasion française le seuil de sa totale crédibilité. »
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