Aéronautique - Salon du Bourget 1981 - L'avion électrique Solar Challenger
Salon du Bourget 1981
Le 34e Salon international de l’aéronautique et de l’Espace ouvrira ses portes sur l’aéroport de Paris Le Bourget le 4 juin 1981 et, cette fois encore, il est possible d’affirmer que cette manifestation sera la plus importante de cette nature qui se soit jamais tenue.
En effet, les organisateurs annoncent que l’ensemble des 170 000 m² de surfaces aménagées sont déjà loués par 700 exposants environ, provenant de 25 pays différents. Pour faire face à la demande, 10 000 m² de hall d’exposition et 33 chalets de plus qu’en 1979 ont dû être prévus.
L’exposition statique, en augmentation appréciable, s’étendra vers le nord de l’aérodrome et englobera le parking de l’ancienne aérogare. Pour faciliter la circulation du public à travers cette vaste exposition, trois petits trains style Far West circuleront entre les parkings automobiles et l’exposition statique, à l’intérieur de cette dernière ainsi que dans la zone des chalets.
Les pavillons nationaux seront, pour certains, développés. Cette formule offre de nombreux avantages, notamment celui de permettre un contact plus direct et plus rapide entre les visiteurs et les exposants. Le désir permanent de favoriser les échanges montre bien que le salon de l’aéronautique et de l’espace, tout en présentant un attrait indéniable pour le grand public, est avant tout destiné aux professionnels qui trouvent là l’endroit idéal pour amorcer, voire pour conclure, des marchés importants. C’est ainsi qu’en 1979, 100 000 visiteurs professionnels, dont 20 000 de 107 pays différents, sont venus au Bourget, et tout indique que la fréquentation professionnelle sera cette année encore au moins de même niveau.
Dans les stands, des spectacles audiovisuels seront organisés pour faciliter la compréhension du plus grand nombre. Pour leur part, les trois armées expliqueront au grand public, dans le pavillon dont disposera la délégation générale pour l’armement, ce que représente notre Défense nationale.
Les visiteurs pourront également assister aux diverses présentations en vol, toujours aussi attendues. La beauté du spectacle ne doit cependant pas faire oublier l’importance qu’attachent les constructeurs à ces présentations en vol et le souci de la sécurité qui domine toute l’organisation de celles-ci.
Le système mis en place les années précédentes, composé d’une commission interministérielle de contrôle et d’un comité spécialisé, donne toute satisfaction et sera reconduit. En particulier, le directeur des vols du salon, pilote d’essais du Centre d’essais en vol [NDLR : aujourd’hui, DGA Essai en vol], veillera directement au bon déroulement des programmes et au respect des règles très strictes de sécurité ; il aura la possibilité d’interrompre à tout moment les présentations en cas d’infraction.
Enfin, rappelons que si le salon est résolument tourné vers l’avenir, il côtoie près de cent ans d’histoire exposés au musée de l’air tout proche. La visite de ce dernier sera sans aucun doute de nature à rappeler à ceux qui sont enclins au scepticisme devant les projets les plus futuristes que les facultés de conception de l’homme ne semblent pas encore être sur le point d’atteindre leurs limites.
L’avion électrique Solar Challenger
S’il était nécessaire d’illustrer notre dernière assertion, l’exemple de l’esprit pionnier qui habite nos contemporains tout autant que Icare, Léonard de Vinci ou Clément Ader, pourrait être fourni par celui qui anime le concepteur du Solar Challenger, MacCready. Cet homme ne cesse en effet de nous étonner par la suite de défis qu’il relève. Ainsi, tout le monde se souvient encore de « l’avion à pédales » qui a traversé la Manche voilà deux ans : le vol musculaire, qui constituait jusqu’à présent une gageure, recevait là sa consécration avec le Gossamer Albatross mû, non par des bras selon le principe cher à nos ancêtres, mais par les solides jambes de Bryan Allen.
Il fallait y penser, et surtout concevoir une machine répondant à cette idée. Le mérite de MacCready fut de réaliser une telle machine et surtout, après avoir démontré qu’une faible puissance, de l’ordre de deux chevaux, suffisait à la mouvoir, de substituer à la force musculaire humaine une autre source d’énergie, en l’occurrence l’énergie solaire.
Le Solar Challenger n’est pas la première machine à propulsion solaire à avoir pris l’air, et l’on peut citer notamment les vols, dès 1979, du Mauro Solar Riser américain et du Nevada Solar One britannique. Mais, alors que ces aéronefs étaient extrapolés plus ou moins directement de cellules ayant fait leurs preuves, l’avion électrique de MacCready est de conception entièrement nouvelle et bénéficie d’une technologie très élaborée.
À regarder de loin, le Solar Challenger semble plus proche de l’Antoinette que du Sud-Aviation–BAC Concorde, et ceci s’explique aisément par le fait que le problème fondamental à résoudre a été, comme pour les premiers avions de l’histoire, de faire voler quelque chose d’utilisable, avec une puissance très réduite. La recherche de la légèreté conjuguée à celle d’une aérodynamique optimisée pour les faibles vitesses envisagées est donc à la base de la construction. Mais là s’arrête probablement l’analogie.
En effet, alors que les réalisations précédentes de MacCready pouvaient être qualifiées d’extrêmement fragiles (le Gossamer Albatross ne pouvait pas sortir de son hangar dès que le vent dépassait la vitesse d’un mètre par seconde), le Solar Challenger est plutôt robuste : il peut supporter + 6 g et – 4 g et peut affronter sans danger des turbulences sévères. Ce résultat n’a pu être obtenu qu’en faisant appel à des matériaux composites très modernes fournis par Dupont, sponsor du projet : le longeron unique est fabriqué en kevlar et en nomex, l’hélice et la poutre supportant le moteur en kevlar, les revêtements en mylar, la roue principale en nomex. L’emploi de ces matériaux modernes a permis d’éliminer toutes les traînées parasites, en particulier celles dues aux haubans qui ont pu être supprimés.
Ainsi, le Solar Challenger est en fait un avion très sophistiqué qui se présente comme un monoplan monoplace à voilure rectangulaire. Les surfaces d’extrados des ailes sont recouvertes d’environ 30 000 cellules photovoltaïques produisant dans les meilleures conditions d’ensoleillement une puissance de 2,3 kilowatts. Cette puissance est transmise à un moteur électrique qui entraîne l’hélice de près de trois mètres de diamètre par l’intermédiaire d’un réducteur, source d’une perte de rendement sensible.
Les quelques chiffres ci-dessous donnent à eux seuls une idée de la prouesse que représente la construction du Solar Challenger. En effet, pour une envergure de 13,72 mètres et une longueur hors bout de 8,59 m, la cellule ne pèse que 56 kg dont 21 kg pour les panneaux solaires ; la masse maximum atteint 107 kg et la charge alaire ne dépasse pas 4,70 kg par mètre carré. On voit que le poids du pilote représente à lui seul environ la moitié du poids total, ce qui explique l’importance de ce facteur dans les critères retenus pour sa sélection. La vitesse de croisière reste modeste, 56 km/h, mais l’avion est capable de décoller sans peine puisqu’il dispose d’une vitesse ascensionnelle de 0,9 m/s.
Quel avenir une telle machine peut-elle avoir ? Dans l’état actuel de nos connaissances, nous sommes tentés de répondre : assez limité. Restons modestes cependant et laissons les esprits rêver car, n’est-ce pas la réponse qui était faite déjà à propos de la pile de Volta ? ♦