Marine - Présence du ministre de la Défense au lancement du sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Saphir et sur le porte-avions Clemenceau - Les essais à la mer du SNA Rubis
Présence du ministre de la Défense au lancement du Saphir et sur le Clemenceau
Après la visite du président de la République à l’Île Longue, la présence du ministre de la Défense au lancement du Saphir, puis son séjour à bord du Clemenceau survenant quelques jours avant la participation de ce bâtiment à un important exercice de l’Alliance atlantique (Otan), ont été largement commentés par la presse tant régionale que nationale. En l’espace d’un mois, l’opinion publique a été informée en détail sur trois des principales composantes de la Marine nationale, tant au point de vue technique qu’opérationnel.
Les circonstances ont ainsi favorisé la connaissance d’un aspect très important de la composition de la Marine : les liens qui existent entre les forces stratégiques et les forces classiques. Comme le rappelait M. Hernu, la politique de défense de la Nation repose sur la dissuasion dont la force océanique est « la pointe de diamant » (M. Mitterrand). Pour le citoyen, les Sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) sont entourés d’un certain prestige, mais aussi d’un certain mystère, et les missions qui sont confiées à la Marine sont traditionnellement la protection de nos frontières maritimes, le maintien des voies de communication, vitales pour nos approvisionnements, et depuis quelques années le service public dans un sens d’ailleurs très large. Entre ces missions et la dissuasion nucléaire, le lien est rarement établi, et pourtant il est fondamental.
Il est fondamental parce qu’il ne saurait être question de créer une Marine de SNLE et une Marine classique indépendantes l’une de l’autre. Le SNLE a un besoin vital d’être informé, soutenu et même protégé. Il a besoin, pour être armé, de personnels formés à la vie de marin, dans des écoles et sur des unités autres que lui-même, car son temps et sa mission sont trop précieux pour qu’il soit distrait de sa fonction principale qui est d’être en permanence disponible pour la dissuasion.
Il est fondamental aussi, parce que la dissuasion n’est pas seulement un ensemble de missiles menaçant quiconque aurait dépassé le seuil de l’acceptable. C’est aussi la crédibilité de leur pouvoir de réaction, et c’est encore la détermination du pays à les utiliser si l’adversaire n’a pas tenu compte des avertissements successifs qui lui ont été adressés. Parmi ces derniers, se trouve l’armement nucléaire tactique.
Chacun de ces impératifs nécessite la mise à disposition de la force stratégique de moyens conventionnels qui, à l’exception des moyens amphibies, sont issus de toutes les composantes de la marine. Et parmi eux, à des titrés différents, les Sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et les porte-avions ont un rôle prédominant.
Les SNA renseignent la force stratégique. Grâce à leur mobilité, leur endurance et leur discrétion, ils sont à même de patrouiller dans des zones choisies et d’en faire en quelque sorte l’inventaire. Ils protègent les SNLE, soit en leur garantissant, au moment de leur départ en patrouille, qu’un autre sous-marin indésirable n’entreprend pas un pistage inacceptable, soit en pistant lui-même toute force adverse qui pourrait représenter un danger potentiel. À l’extrême, il est en mesure de prêter main-forte, de près ou de loin, à un SNLE menacé. Les SNA participent ainsi à l’invulnérabilité des SNLE, tout en étant par ailleurs l’instrument privilégié de la rétorsion.
Les porte-avions sont liés à la dissuasion sous une forme totalement différente des SNA. Par la puissance de feu de leurs groupes aériens et de leur escorte, mais surtout par leur capacité à mettre en œuvre l’arme nucléaire tactique, ils sont en mesure de répondre à un chantage nucléaire à la mer, et aussi de participer à une frappe nucléaire tactique dont le point d’application terrestre serait à leur portée. La présence des porte-avions à la mer, contrairement à celle des SNA, n’est pas discrète mais ostensible et elle a, entre autres buts, celui de faire réfléchir quiconque aurait la tentation de tourner par la mer le dispositif de la dissuasion.
À Cherbourg, M. Hernu a déclaré que « nos SNA garantissent notre sécurité » et sur le Clemenceau que nos « porte-avions sont l’illustration puissante qu’a notre pays d’assurer sa défense ». Depuis qu’il y a maintenant une vingtaine d’années le concept de la dissuasion est la base de la politique de défense, la Marine a entrepris un effort important et continu de mutation pour se doter des moyens de cette politique. Le lancement du Saphir, deuxième unité d’un programme de 10 sous-marins nucléaires d’attaque, et la capacité, acquise récemment, des porte-avions à emporter l’arme nucléaire tactique, concrétisent cet effort. Il est particulièrement heureux que l’opinion publique ait eu l’occasion d’en prendre conscience au cours de l’été 1981.
Les essais à la mer du Rubis
Deuxième unité d’une première série de 5 sous-marins nucléaires d’attaque dont les mises en service s’échelonneront jusqu’en 1988, le Saphir, lancé le 1er septembre à Cherbourg, est identique au Rubis qui poursuit ses essais à la mer depuis le mois de juillet 1981. La première phase des essais du Rubis concernait la sécurité-plongée, la propulsion et le pilotage du sous-marin. Elle est maintenant achevée, et la deuxième phase, qui doit se prolonger jusque vers la fin novembre 1981, est destinée à valider les armes et les équipements.
Si, comme tout semble l’indiquer aujourd’hui, les essais sont satisfaisants, le Rubis entrera en service à la mi-1982 et rejoindra alors le port de Toulon, siège de la future escadrille des SNA, où se déroulent actuellement d’importants travaux d’infrastructure destinés à accueillir et à entretenir les SNA. Toulon deviendra ainsi, après Brest, le deuxième arsenal à capacité de soutien nucléaire.
Les essais de sécurité-plongée sont en quelque sorte le préliminaire à toute autre vérification. On pourrait dire d’une manière un peu abrupte qu’ils consistent à vérifier qu’un bâtiment peut porter le nom de sous-marin, c’est-à-dire qu’il est capable de se mouvoir dans les trois dimensions en toute sécurité et avec des performances correspondant à celles que l’on attend de lui.
Sur le Rubis, les essais propulsion prennent une dimension particulièrement importante car la chaufferie nucléaire est d’un type nouveau. Dérivée d’une « chaufferie avancée prototype » (CAP) qui fonctionne en vraie grandeur depuis 1974, elle diffère des chaufferies à eau pressurisée classiques (type SNLE par exemple) par la superposition sans boucles primaires de la cuve du réacteur et du générateur de vapeur. Cette conception nouvelle permet une circulation naturelle autorisant la suppression des pompes primaires et des inconvénients qu’elles entraînent (encombrement, bruit, alimentations électriques délicates). La vapeur produite par la chaufferie nucléaire entraîne des turboalternateurs produisant l’énergie électrique nécessaire au moteur de propulsion. Les essais propulsion permettent d’ores et déjà de considérer comme très satisfaisant le fonctionnement de l’ensemble et de constater une très grande souplesse d’emploi.
Capables d’une vitesse élevée (de l’ordre de 25 nœuds) dans des tranches d’immersion variables et parfois fortes, les essais de pilotage du Rubis permettent de vérifier son aptitude à évoluer en sécurité dans toutes les configurations possibles, mais aussi de préparer les consignes de pilotage qui seront utilisées au cours de la vie opérationnelle du bâtiment. Chaque sous-marin est en effet différent, tant par ses formes que par les contraintes qui lui sont imposées, et les calculs qui ont permis de concevoir son système de pilotage ont besoin de l’épreuve de l’expérience pour être traduits en règles de manœuvre sûres et capables de fournir toutes les parades aux situations délicates.
Comme le soulignait le ministre de la Défense lors du lancement du Saphir, les sous-marins de ce type « sont le témoignage de la maîtrise française en matière de recherche scientifique et de production industrielle de pointe ». Les techniques parfois très complexes utilisées pour les équipements du Rubis rehaussent l’importance que prend pour le premier sous-marin de la série le bon déroulement des essais et l’exploitation des enseignements qui en découlent tant pour valider l’ensemble des matériels que pour préparer la vie opérationnelle du bâtiment.
Caractéristiques sommaires du SNA type Rubis
2 235 t en surface, 2 670 t en plongée.
Longueur : 72,10 m. Diamètre : 7,60 m.
Propulsion électrique : 1 ligne d’arbre. Chaufferie nucléaire P = 48 MW thermique.
Vitesse maximum = 25 n environ.
Armement : torpilles, missile à changement de milieu SM-39 lancés par 4 tubes de 533 mm pouvant également délivrer des mines.
Équipage : 66 hommes dont 8 officiers.
Autonomie normale : au moins 45 jours. ♦