Afrique - Libye-Soudan : conflit inévitable ? - L'Afrique de l'Est veut s'organiser économiquement
L’assassinat du président Anouar el-Sadate (le 6 octobre 1981) ne semble pas seulement causé par les résistances que rencontrait sa politique de paix avec Israël ni par les difficultés économiques que traverse l’Égypte malgré son rapprochement avec l’Occident ; il est aussi la plus fâcheuse conséquence de la renaissance d’un intégrisme religieux qui parcourt l’ensemble du monde musulman, déçu par les styles de vie que lui offrent les pensées occidentales ou l’idéologie soviétique. Des peuples dont les niveaux vont en décroissant tandis que le reste du monde progresse, du moins à leurs yeux, ne peuvent retrouver que dans un retour à des traditions séculaires la force de lutter contre la malédiction dont ils croient être l’objet. Le paradoxe veut pourtant que, selon les secteurs où il tend à s’exprimer, l’intégrisme musulman trouve des soutiens dits objectifs, soit dans les pays occidentaux, soit dans les forces occultes du communisme. Ici, c’est l’Afghanistan, où les partisans de la République islamique luttent avec l’aide américaine contre un gouvernement « socialiste » maintenu au pouvoir par l’armée soviétique. Là, c’est l’Égypte, le Soudan et nombre des pays du Maghreb, où le courant religieux se veut opposé à l’influence déliquescente de la culture occidentale, avec les encouragements plus ou moins concrets d’un visionnaire qui ne craint pas de s’associer à ce qu’il nomme le diable pour incarner son rêve. En Iran, seulement, l’intégrisme religieux lutte sur les deux fronts ; afin de protéger son intégralité, il se fait créateur d’une idéologie d’exportation dont il espère un affaiblissement des positions des puissances qui soutiennent respectivement les différentes oppositions intérieures et entretiennent leur désunion.
Pour ne s’en tenir qu’à l’Afrique musulmane, en exceptant les rives de l’océan Indien, où le problème religieux paraît pour l’instant moins aigu en raison de la stabilité relative des États laïques qui le bordent, l’islamisme, sous sa forme intégriste, s’est développé du Tchad à la Gambie jusqu’à la Méditerranée, occasionnant partout des troubles difficiles à caractériser et à classer, mais qui inquiètent les pouvoirs en place.
On sait ce qu’il en est de la Sénégambie et du rôle que semblèrent y jouer les agitateurs religieux réfugiés en Libye. On connaît les événements du Tchad, la lutte que se livrent deux courants ethnico-religieux, soutenus l’un par la Libye, l’autre par le Soudan, devant la passivité de la majorité animo-chrétienne du Sud. On n’a pas oublié non plus l’influence exercée par le colonel Kadhafi sur la fraction la plus religieuse du Polisario. On connaît moins les troubles qui, depuis plus de deux ans, agitent sporadiquement certaines régions d’Algérie : Sidi Bel Abbès, Oran, Alger même, où des intégristes s’efforcent de chasser de certaines mosquées les imams nommés par le ministère des Affaires religieuses. Les incidents les plus graves se sont déroulés dans l’Algérie saharienne, à El Oued, en janvier 1980 et, plus récemment, en octobre 1981, à Laghouat, berceau de la Tidjaniya (une confrérie soufie fondée en 1782 en Algérie) dont l’influence s’est exercée dans toute l’Afrique subsaharienne. En Tunisie également, le président Bourguiba (président tunisien de 1957 à 1987) s’est vu contraint de se protéger contre un intégrisme qui se double souvent de sympathies pro-libyennes et qui constitue le « Mouvement de la tendance islamique » (MTI) : 107 partisans de cette organisation ont été sévèrement condamnés le 4 septembre 1981 sous les accusations de « violence, d’incitation à la rébellion, d’atteinte aux libertés individuelles et à la liberté de pratique religieuse ».
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