Défense dans le monde - Exercice Bright Star 82 - Cambodge : les difficultés d'une alternative
Exercice Bright Star 82
On n’imaginait pas, il y a seulement quelques années, que des soldats américains viendraient en Égypte participer à un exercice de grande envergure aux côtés des forces égyptiennes. Pourtant, un tel exercice a eu lieu du 9 novembre au 16 décembre, essentiellement en Égypte, mais aussi dans trois autres pays du Moyen-Orient : Soudan, Somalie et Sultanat d’Oman.
Répétition à une plus grande échelle de l’exercice Bright Star 81, joué à l’automne 1980, il avait, comme lui, pour but de prouver que les Américains ont les moyens et la volonté d’intervenir pour protéger leurs alliés et défendre les puits de pétrole. La plus importante activité intéressait l’Égypte, où le général Kingston, commandant la force de déploiement rapide (RDF) avait établi son PC. 4000 Américains y ont été amenés par voie aérienne et ont retrouvé à Alexandrie leurs matériels lourds, transportés par voie maritime. Ils ont participé à une série d’exercices d’entraînement puis de synthèse et de démonstration aux côtés des Égyptiens.
Outre le largage de 850 hommes, en partie venus directement des États-Unis (14 heures de vol), le clou a été l’attaque et la saisie d’un aérodrome ; elles ont été l’occasion d’une suite de véritables démonstrations :
– 6 B-52, venus directement de leurs bases situées dans le Dakota du Nord, ont bombardé à basse altitude leurs objectifs puis sont retournés sans escale aux États-Unis, montrant ainsi que, grâce au ravitaillement en vol, l’US Air Force (USAF) était capable d’appuyer par des feux classiques des éléments terrestres déployés à plus de 10 000 km de ses bases continentales ;
– des appareils d’appui tactique et des hélicoptères ont bombardé, mitraillé et détruit leurs cibles à coups de roquettes, de bombes ou de missiles. C’était tour à tour des Fairchild A-10 (avions d’appui aérien rapproché américains) et des Tu-16 (bombardiers soviétiques), des Dassault Mirage 5 (avions multirôles français) et des MIG-17 (chasseurs soviétiques), des F-16 (avions multirôles) et des MIG-21 (avions de chasse soviétiques), enfin des Gazelle HOT (hélicoptères polyvalents français armés de missiles antichars HOT) ou des Cobra (hélicoptères d’attaque américains) ;
– des hélicoptères de transport Mi-8 et Black Hawk ont héliporté personnels et matériels sur les objectifs.
L’ensemble du ballet était coordonné par l’intermédiaire d’un appareil AWACS (Système de détection et de commandement aéroporté) qui survolait la zone en permanence.
D’autres activités se déroulaient simultanément dans les trois autres pays :
– au Soudan, 350 « bérets verts » américains effectuaient avec les Soudanais une infiltration en terrain difficile et survivaient trois jours dans le désert ;
– en Somalie, 300 hommes ont participé à un exercice logistique qui consistait à remettre en état l’aérodrome de l’ancienne base aéronavale soviétique de Berbera ;
– À Oman, quelque 1 000 Marines ont débarqué sur les plages désertes de la partie Sud de l’île de Masirah.
Bright Star 82, beaucoup plus ambitieux que Bright Star 81, a manifesté la volonté et l’aptitude des Américains à s’engager au Moyen-Orient.
Nul doute que les responsables civils et militaires ne manqueront pas de tirer enseignement de cet exercice et que le prochain Bright Star, prévu au cours de l’été 1982, sera la manifestation d’une force encore plus crédible.
Cambodge : les difficultés d’une alternative
Trois ans après leur intervention au Cambodge (commencée le 25 décembre 1978, soit un an jour pour jour avant l’intervention soviétique en Afghanistan), les Vietnamiens continuent d’occuper militairement ce pays, sans avoir réussi à liquider totalement les forces du Kampuchea démocratique (KD), dites Khmères rouges, reléguées dans les zones montagneuses ou isolées et les régions frontalières avec la Thaïlande. Non sans difficultés, ils essaient de consolider la République populaire du Kampuchea qu’ils ont installée à Phnom Penh. Après avoir adopté une constitution en juin 1981, celle-ci s’est dotée d’institutions calquées sur celles de ses protecteurs et animées par le Parti populaire révolutionnaire du Kampuchea (Parti communiste cambodgien pro-vietnamien, empruntant cette dénomination pour se distinguer du Parti communiste du Kampuchea prochinois, c’est-à-dire des Khmers rouges). Les quelque 20 000 hommes de ses forces armées sont en fait mal équipés et mal entraînés, Hanoï préférant sans doute les limiter à un rôle de milice d’autodéfense.
Avec leurs 30 000 ou 40 000 hommes armés, les Khmers rouges prétendent contrôler, sans doute par la terreur pour une bonne partie d’entre elle, une population de plus d’un million de personnes ; il est en réalité plus vraisemblable que ce chiffre ne doit pas dépasser 200 000 personnes. De leurs « sanctuaires », ils sont capables d’actions ponctuelles sur les grands axes de communication ou les points sensibles isolés de l’Ouest du Mékong. Ils restent encore la seule force susceptible de gêner les Vietnamiens.
En effet si, dès la fin de 1975 – et à l’origine contre les Khmers rouges – s’est progressivement développée une résistance nationaliste anticommuniste, puis anti-vietnamienne, depuis 1979, elle ne représente pour le moment que 6 000 ou 7 000 hommes armés. Travaillée par des luttes d’intérêts ou de factions, elle peut néanmoins se classer en deux groupes :
– le Front national de libération du peuple khmer (FNLPK) de M. Son Sann, installé de part et d’autre de la frontière siamoise, qui dispose de 5 000 à 6 000 hommes en armes ;
– le Mouvement pour la libération nationale du Kampuchéa (Moulinaka), et son millier de combattants, qui a fait pratiquement allégeance au Prince Sihanouk (ancien roi du Cambodge qui a mis sur pied en mars 1981 le Front d’union nationale pour un Cambodge indépendant, pacifique et coopératif (FUNCIPEC).
L’évaluation de la solution vietnamienne, dont la formule actuelle a été condamnée par l’ONU (acquise par 91 voix sur 141 en 1979) peut s’envisager selon deux perspectives :
– le retour des Khmers rouges, qui ont conservé leur siège à l’ONU (conservé d’une voix par 71 voix contre 70 en 1979), bénéficient du soutien inconditionnel de la Chine mais sont rejetés par la population cambodgienne et soumis à l’opprobre de la Communauté internationale en raison des massacres répétés durant leurs 45 mois de pouvoir ;
– la création d’un Front uni de la résistance anti-vietnamienne regroupant Khmers rouges, FNLPK et les mouvements sihanoukistes, idée acceptée, depuis le début de 1981, par les Chinois qui l’avaient jusqu’ici repoussée.
Cette dernière éventualité suppose un rééquilibrage des forces. En raison de leur poids militaire, les Khmers rouges réclament une prééminence que leurs éventuels partenaires refusent de leur reconnaître, en justifiant leur position par l’état d’esprit d’une population ne voulant retomber à aucun prix au pouvoir de ceux qui l’ont martyrisée.
Mais s’ils sont très actifs sur le plan politique pour arriver au compromis permettant le retour d’un Cambodge à la situation d’un État-tampon, neutre et indépendant, les pays de l’ANSEA (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est) restent divisés sur l’aide militaire à accorder à la résistance, aussi longtemps sans doute qu’une puissance extérieure à la région ne prendra pas cette affaire à son compte.
Selon toute apparence, le temps travaille pour les Vietnamiens, bien décidés à maintenir sous leur coupe aussi bien le Cambodge que le Laos. ♦