Institutions internationales - Paris-Londres : quelle Europe ? - La mort de l'eurocommunisme - Nouvelles difficultés de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) - L'Union de l'Europe occidentale (UEO) et le neutralisme
Le décès de Léonid Brejnev, le 10 novembre 1982, ne fut pas une surprise, et sa succession était l’objet de tous les pronostics depuis que, le 24 mai 1982, Youri Andropov avait quitté la direction du KGB (Comité pour la sécurité de l’État) pour prendre place dans la plus haute instance de l’État. Certains s’attendaient à ce que, comme à la mort de Staline en 1953, un pouvoir collégial succède, pendant au moins un certain temps, à un pouvoir personnel. Rien ne permet d’affirmer que le règne de Youri Andropov ne sera pas marqué par des luttes d’individus ou de clans. Dans l’immédiat, il est le « numéro un ». Continuité ou rupture ?
Le « style Andropov » ne sera pas le « style Brejnev », mais le système soviétique est tel que sa logique interne compte plus que les hommes qui l’incarnent. Il serait surprenant que l’URSS ne reste pas une idéocratie, que la volonté de puissance ne reste pas le moteur essentiel de sa politique. Elle ne peut pas ne pas bouger, mais ses évolutions ont l’inquiétante et majestueuse lenteur d’un glacier. Toutes les hypothèses sur les directions et l’ampleur d’un éventuel changement sont prématurées. Mais si cette disparition de Léonid Brejnev et cette promotion de Youri Andropov n’ont pas provoqué une crise de succession, elles n’en ont pas moins dominé la vie internationale dans la seconde quinzaine de novembre 1982, reléguant au second plan des événements qui, dans un autre contexte, auraient davantage retenu l’attention, qu’il s’agisse des divergences de vues entre Mme Thatcher et M. Mitterrand sur la nature même de l’Europe, des nouvelles manœuvres du colonel Kadhafi, de la libération de Lech Walesa en Pologne, du succès électoral de Felipe Gonzales en Espagne, du triomphe du général Kenan Evren en Turquie, des efforts menés par les États-Unis et l’Europe pour essayer de définir une position commune à l’égard du commerce avec l’URSS, de la réunion du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade), etc.
Paris-Londres : quelle Europe ?
La décision de la France de s’abstenir à I’ONU sur la motion latino-américaine à propos des Malouines avait levé l’hypothèque qui pesait sur le Sommet franco-britannique des 4-5 novembre 1982. Mais le problème fondamental de la contribution britannique au budget communautaire, qui divisait Paris et Londres, restait entier. Le seul résultat concret de ce sommet, fut l’institution de rencontres mensuelles « entre des délégués des deux gouvernements » chargés d’examiner « les contentieux existants ». On peut aussi inscrire à son actif la levée d’un embargo sanitaire britannique contre certaines volailles françaises. Mais les grandes divergences n’ont pas été surmontées. Mme Thatcher était d’autant plus satisfaite de l’abstention française à I’ONU qu’elle n’avait pas été soutenue par les États-Unis. Mais, sur le fond, M. Mitterrand a souhaité l’ouverture de négociations qui mettent en cause la souveraineté de l’archipel des Malouines, alors que pour Mme Thatcher celle-ci ne saurait être mise en question. À propos du gazoduc euro-sibérien et de l’embargo américain. M. Mitterrand acceptait une « concertation » avec les États-Unis sur le commerce Est-Ouest mais refusait toute contrepartie politique à la levée de l’embargo, alors que la Grande-Bretagne était prête à des concessions. Mais la difficulté majeure était la réduction de la contribution britannique au budget communautaire, exigée par Mme Thatcher, qui a assuré que la question était « virtuellement réglée » pour 1982. Le règlement à long terme n’a pas progressé, et M. Mitterrand a pu dire que Paris et Londres ne sont pas d’accord sur « l’idée que l’on se fait » du problème. Pour Paris, « il s’agit d’un problème de circonstance » auquel il faut trouver une « solution dégressive » alors que pour Londres il s’agit d’une situation permanente qui exige une « correction illimitée ». M. Mitterrand a posé le problème en ces termes : « On est arrivé vaille que vaille à différents accords, mais on ne s’est pas mis d’accord sur les principes ». Selon lui, le désaccord subsiste sur « le volume et la durée » des versements en cause et sur « l’idée qu’on s’en fait »… « S’agit-il d’une nouvelle institution, d’une règle nouvelle, à quoi la France se refuse ? S’agit-il d’une circonstance qu’il convient de traverser ? ». Pour Mme Thatcher, une solution à long terme doit être trouvée parce que la situation actuelle est « totalement inéquitable pour la Grande-Bretagne », les ressources communautaires étant insuffisantes et devant l’être plus encore après l’adhésion de l’Espagne et du Portugal.
Il reste 68 % de l'article à lire
Plan de l'article