Armée de terre - À propos du projet de budget 1984 de la défense des États-Unis
Rarement une campagne, en faveur des ressources budgétaires à attribuer à la Défense, fut aussi intense que celle menée à propos du budget 1983 et des prévisions pour l’année fiscale 1984, cette dernière débutant d’ailleurs le 1er octobre 1983.
Pour les observateurs, la vigueur de cette campagne n’a rien d’étonnant car elle fut explicitement annoncée, dès juillet 1982 quand l’administration Reagan rendit partiellement public le « Document de décision sur la Sécurité nationale n° 32 (NSDD-32) présentant les nouvelles orientations stratégiques des États-Unis ». Ce document fait une analyse de la situation des États-Unis au plan mondial et propose une nouvelle stratégie.
Au plan mondial, l’analyse montre que les interdépendances deviennent de plus en plus importantes, qu’il s’agisse – en particulier – du pétrole ou des matières premières stratégiques. Cette analyse insiste également sur les nouvelles vulnérabilités dans le domaine militaire.
Les États-Unis n’ont plus la suprématie nucléaire stratégique et l’URSS renforce sa position dans d’autres domaines. Thomas C. Reed, conseiller spécial du président pour la sécurité nationale, a précisé : « quel que soit le critère retenu, ou presque – nombre de missiles, nombre d’ogives, capacité des charges ou puissance des vecteurs –, les États-Unis sont à la traîne de l’Union soviétique. L’URSS est en train de construire un bombardier de type Rockwell B-1 Lancer plus gros que nos Boeing B-52 Stratofortress et leur sous-marin lance-missiles de la classe Typhon est plus gros que le porte-avions HMS Hermes, le navire amiral britannique de la guerre des Falkland ». De plus, « il y a aujourd’hui, outre les forces soviétiques engagées en Afghanistan, de l’ordre de 80 000 techniciens et conseillers militaires du bloc soviétique dans le monde. Leur assistance militaire au Tiers-Monde s’est élevée à environ 10 milliards de dollars par an, en moyenne, au cours des cinq dernières années ». Un tel tableau amène le conseiller à conclure : « Nous n’avons plus le choix : la puissance militaire croissante des Soviétiques est en train de nous interdire la possibilité de faire cavalier seul ». Conclusion qui donne tout naturellement naissance au premier des quatre principes énoncés dans le NSDD-32 : la définition d’une stratégie politico-diplomatique globale des États-Unis incitant les pays amis et alliés à accroître leur participation en matière de sécurité, et cela surtout au profit des zones du globe à haut intérêt stratégique. Par exemple, commente M. Reed, « le Japon doit accepter son rôle moderne en apportant sa contribution dans le domaine où il est le meilleur : il lui faudra installer des systèmes de surveillance dans le Nord-Ouest du Pacifique, notamment spatiaux, en utilisant ses capacités de miniaturisation des circuits électroniques » et « les États-Unis aimeraient que le Japon, qui a déjà accepté de défendre une zone de 1 000 milles au large de ses côtes, se charge, en outre, de la surveillance de la totalité de la route menant au golfe Persique ». Manière de rappeler ainsi que 70 % de l’approvisionnement japonais en pétrole provient de la région du Golfe. L’importance stratégique de l’Asie du Sud-Ouest est également soulignée. Façon d’inciter les alliés à faciliter l’accès des forces américaines déployées dans cette région à des infrastructures d’étape et, éventuellement, à fournir l’appui de contingents militaires. Quant à eux, les États-Unis envisagent de développer dans ces régions – Moyen-Orient et Asie du Sud-Ouest – leur assistance militaire.
Le second principe du NSDD-32 est d’ordre économique. Les États-Unis entendent, tout à la fois, faciliter le fonctionnement des échanges internationaux, réduire les différends et les tensions entre les systèmes libéraux et faire pression sur l’URSS dont la progression des dépenses militaires ne cesse d’être alarmante. Si le rythme actuel est maintenu, elles pourraient s’élever à 20 % du PNB (produit national brut) à l’horizon des années 1990. La pression pourrait être obtenue par le refus des Occidentaux à consentir aux Soviétiques des arrangements commerciaux et des facilités de crédit sauf à obtenir d’eux, en contrepartie, des engagements en faveur de la paix mondiale.
Le troisième principe concerne l’information. La politique américaine et les buts qu’elle s’assigne doivent être expliqués aux citoyens eux-mêmes et à l’opinion internationale. « Nous avons foi en ce que nous faisons et nous devons dire pourquoi aux peuples du monde ». Participant à cet objectif, le Pentagone a publié le 9 mars 1983, une brochure présentant la « puissance militaire soviétique » à propos de laquelle le président américain Ronald Reagan a déclaré : « les Soviétiques sont en train d’élargir de manière spectaculaire leurs forces aériennes et navales, d’entraîner et d’équiper leurs forces terrestres pour une attaque préventive. Ils utilisent leur puissance militaire pour étendre leur influence et imposer leur volonté dans chaque endroit du globe ».
Ces trois principes énoncés, le NSDD-32 débouche sur l’aspect purement militaire de la nouvelle orientation stratégique des États-Unis. Priorité a été donnée à la modernisation des forces nucléaires stratégiques, notamment à « un système d’information et de commandement capable de survivre à une attaque ennemie et en mesure de traiter un îlot continu d’informations… ». Cette modernisation implique également la mise en service du bombardier B-1B, l’accélération du programme de construction de sous-marins stratégiques type Ohio qui seront dotés du missile Trident-2 (D5). S’agissant des forces classiques, « la priorité a été donnée à l’amélioration des capacités de déploiement des forces de l’avant, celles qui peuvent être appelées à combattre demain, puis à celles destinées à l’intervention rapide, ainsi qu’à la modernisation des moyens de transport attachés à cet objectif ». Les autres programmes prioritaires concernent :
– les systèmes de transmissions tactiques, de guerre électronique et de renseignement.
– le niveau des stocks pour permettre la conduite d’un conflit prolongé,
– la mobilité stratégique et tactique des forces.
Pour ce qui concerne l’Armée de terre des États-Unis, le projet de budget 1984 s’inscrit dans le droit fil de la stratégie définie par le NSDD-32, au niveau des missions imparties :
et de l’affectation des ressources, lesquelles, en progression sensible, privilégient la mobilité, l’aéromobilité et l’aptitude à durer, ceci en particulier par l’accroissement des stocks de toutes natures, notamment les lots de ravitaillement prépositionnés outre-mer. ♦