Afrique - Afrique du Sud : ouvertures et répressions - La sécheresse, la famine… et encore ?
Afrique du Sud : ouvertures et répression
Ces deux mots utilisés pour définir la politique actuelle du gouvernement sud-africain paraissent former une antilogie. Il n’en est rien cependant. Depuis que le président, M. Botha, a annoncé son programme, il est conduit à entreprendre des réformes politiques visant à prolonger, de manière institutionnelle, l’abandon souvent trop lent du « petty apartheid » (ségrégation à caractère souvent légal mais non institutionnel et visible dans la vie quotidienne) dans les mœurs, à chercher à se concilier ses voisins afin de promouvoir une sorte de « marché commun » de l’Afrique australe et à vouloir profiter de ces nouvelles dispositions pour resserrer ses liens avec le monde occidental. Il s’est donc trouvé confronté à des forces contradictoires : l’une l’obligeant à pousser toujours plus avant les réformes pour les rendre crédibles aux yeux des Occidentaux, l’autre le contraignant à accentuer la pression des Forces de sécurité afin de tempérer les espoirs que son libéralisme apparent donnait à la population noire. Il s’agit bien entendu d’imprimer à l’évolution du pays un rythme qui n’effrayât pas les plus conservateurs de la communauté blanche, ceux qui constituent la majorité de son électorat. Une volonté d’ouverture caractérise donc effectivement les politiques intérieure et extérieure du gouvernement : elle s’accompagne d’une application sans restriction de mesures répressives destinées à contenir l’agitation des Noirs installés en « zone blanche », officiellement ou clandestinement. Il convient néanmoins de faire remarquer que l’agitation de la population africaine n’est pas seulement causée par les perspectives d’émancipation que l’on peut déceler dans la politique de M. Botha : elle est aussi la conséquence occasionnelle de la crise économique qui la touche davantage, à niveau de vie égal, que la communauté blanche. Cette crise, le gouvernement parvient difficilement à en limiter les effets.
On ne craint pas à Pretoria que les pays occidentaux, en appliquant des sanctions, suppriment ou limitent leurs relations commerciales avec l’Afrique du Sud : comme le montre l’étude récente du professeur Arnt Spandau, publiée par l’Institut d’études économiques européennes (résumée par Robert Carmona dans Défense Nationale de janvier 1985, p. 152-156), le ralentissement des échanges et des investissements étrangers serait autant dommageable aux économies occidentales que sud-africaine. Cependant, on aimerait – semble-t-il – améliorer les rapports existants sur le plan politique dans l’espoir d’atteindre un triple objectif : régler le problème namibien au mieux des intérêts sud-africains, par l’installation d’un régime qui ne fût pas d’emblée hostile à Pretoria ; accroître l’emprise de l’économie d’Afrique du Sud sur les États voisins, notamment sur ceux de la « ligne de front » ; enfin, profiter de la détresse de plusieurs pays africains et de leur impuissance à surmonter les querelles de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) pour nouer, avec eux, des relations non officielles de complicité, en marge de la diplomatie traditionnelle. Si M. Botha veut obtenir des résultats dans ces 3 directions, il lui faudra s’assurer de l’aide des États-Unis, doublée au moins de la neutralité bienveillante de ceux des pays européens qui jouent encore un certain rôle dans le jeu diplomatique africain. Or, cet appui international. – il le sait parfaitement – ne sera obtenu qu’à condition que le gouvernement donne l’impression qu’il n’est plus le représentant des seuls intérêts de la communauté blanche, c’est-à-dire l’autorité qui ne cherchait qu’à maintenir les privilèges des pauvres plus que des riches de cette communauté contre la poussée des riches plus que des pauvres des autres groupes ethniques. L’administration actuelle des États-Unis, elle-même, tout en montrant une certaine compréhension pour la cause sud-africaine, paraît avoir voulu prouver sa désapprobation à l’égard de l’immobilisme, en donnant une incontestable publicité à l’audience accordée à Mgr Desmond Tutu par le président Reagan. Il est vrai également qu’en Afrique du Sud même, les églises catholique et anglicane s’engagent de plus en plus nettement dans la voie d’un réformisme qui peut paraître plus proche des thèses de l’ANC (African National Congress, parti africain interdit) que de celles des partis « blancs » d’opposition, quoique le parti progressiste ait décidé, en novembre 1984, de devenir multiracial, malgré la loi de 1968 qui interdit à des personnes de races différentes d’appartenir à une même formation politique. Une pression analogue est exercée par les dirigeants des grandes entreprises, dont certaines ne sont que nationales, parce qu’ils se trouvent confrontés à un double impératif s’ils veulent développer la fabrication de produits jusqu’ici importés : nécessité de faire appel à une main-d’œuvre noire de plus en plus nombreuse et qualifiée ; besoin d’étendre le marché intérieur à d’autres pays pour rentabiliser la création d’entreprises nouvelles. Dès son accession au poste de Premier ministre, M. Botha avait compris qu’il trouverait sans doute, parmi ces novateurs, les appuis qui pourraient lui manquer à l’intérieur de son parti lorsqu’il commencerait à incarner ses idées.
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